Décision

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Chevrier c. Air Spécialiste inc.

2018 QCCQ 3429

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-700916-176

 

DATE :

26 avril 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE EMMANUELLE SAUCIER, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

JEAN-PHILIPPE CHEVRIER

Demandeur

c.

AIR SPÉCIALISTE INC.

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Jean-Philippe Chevrier (Propriétaire) réclame à Air Spécialiste Inc. (Air) 6 871,40 $ représentant les dommages qu’il subit en raison de mauvais conseils qu’elle lui donne lors du bris de sa thermopompe et de son remplacement par un nouvel appareil non conforme et inadéquat.

[2]           De plus, le Propriétaire demande l’annulation de la vente de la thermopompe.

[3]           Ses dommages se détaillent comme suit :

-       4 369,05 $ représentant le coût d’achat de la thermopompe ;

-       2 101,10 $ de factures de réparations de sa fournaise et de frais d’expertise.

[4]           En défense, Air soutient que la thermopompe vendue fonctionne, que les problèmes qui surviennent après son installation ne sont pas causés par la thermopompe, mais par les pièces défectueuses de sa fournaise.

Questions en litige

[5]         a)         Air conseille-t-elle erronément le Propriétaire de ne pas changer sa                                                        fournaise ?

b)         La thermopompe installée chez le Propriétaire est-elle non-conforme et est-elle la cause des problèmes de la fournaise ?

c)         Si oui, le Propriétaire a-t-il droit au remboursement des factures de réparations de la fournaise et à l’annulation de la vente de la thermopompe ?

Analyse et discussion

[6]           En matière civile, la charge de la preuve repose sur les épaules de la partie demanderesse en vertu du principe prévu à l’article 2803 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui établit que « celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention […] ».

[7]           Le Tribunal décide selon la balance des probabilités que prévoit l’article 2804 C.c.Q. et qui veut que « la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante […] ».

[8]           Le Tribunal retient les faits pertinents suivants.

[9]           En mars 2015, le Propriétaire acquiert sans garantie légale une maison dotée d’une fournaise installée lors de la construction de la maison vers 1987 et d’une thermopompe située à l’extérieur.

[10]        Au printemps 2015, le Propriétaire se rend compte que le système d’air climatisé de sa maison ne fonctionne pas et il demande à la compagnie qui fait l’entretien de la fournaise de venir vérifier les appareils pour diagnostiquer la source du problème[1].

[11]        Le 4 mai 2015, le technicien de cette compagnie constate le mauvais fonctionnement du compresseur et suggère son remplacement ou l’installation d’une nouvelle thermopompe.

[12]        Le Propriétaire contacte plusieurs entreprises dans le but d’obtenir une soumission pour le compresseur ou le remplacement de la thermopompe.

[13]        Dans le cadre de ses démarches, le Propriétaire contacte Air par courriel le 7 mai 2015[2]. Il écrit :

« objet :            Remplacement d’une thermopompe

Bonjour,

Je possède une système de climatisation/chauffage muni d’une thermopompe Lennox HP26-024-7P (2000) et d’une fournaise Lennox EC10 (1986) et je dois procéder au remplacement du compresseur de ma thermopompe. J’aimerais obtenir une soumission pour le remplacement du compresseur ou de l’unité complète.

Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec moi au […] ».

(Le Tribunal cite un extrait de la pièce telle qu’elle est rédigée)

[14]        Le représentant d’Air, monsieur Côté (Représentant) le contacte pour en discuter et lui propose de remplacer la thermopompe plutôt que de changer le compresseur. De plus, il lui explique qu’il vend des systèmes compatibles avec sa fournaise.

[15]        La preuve est contradictoire quant au contenu de leur conversation.

[16]        Pour le Propriétaire, le Représentant lui conseille :

-       de ne pas remplacer son système au complet ;

-       de ne pas réparer le compresseur ; et

-       d’installer une nouvelle thermopompe.

[17]        Le Propriétaire lui reproche de ne pas lui avoir recommandé de changer l’ensemble des composantes vu leur âge.

[18]        Le Propriétaire reconnaît que lors de leur conversation, le Représentant lui propose d’envoyer un technicien pour vérifier si le compresseur est défectueux, n’ayant pas eu l’occasion de voir son système, ce que le Propriétaire refuse, car il a déjà en main le diagnostic de l’autre compagnie qu’il entend suivre[3].

[19]        De plus, le Représentant ne se rappelle pas spécifiquement s’ils ont discuté du remplacement de l’ensemble du système.

[20]        Il se rappelle, par contre, que la décision du Propriétaire est déjà prise de ne pas remplacer son système au complet, mais qu’il hésite entre le changement du compresseur ou l’installation d’une nouvelle thermopompe, comme en témoigne son courriel du 7 mai 2015[4].

[21]        Le Représentant explique qu’il envoie normalement un technicien pour évaluer le système au complet, mais qu’il comprend du refus du Propriétaire, qu’il ne veut pas dépenser pour un nouveau système et que sa décision à cet égard est déjà prise.

[22]        Le Propriétaire témoigne que le Représentant lui dit qu’il n’est pas nécessaire de changer le tout et lui propose d’installer une nouvelle thermopompe en se fondant sur le fait que le système en place aurait une durée de vie de 40 à 50 ans et qu’il s’agit d’une solution moins coûteuse.

[23]        Le Représentant nie lui avoir donné un tel conseil n’ayant pas vu les appareils en question. Il admet avoir probablement évoqué que la marque Lennox de son système en est une de qualité.

[24]        Le Tribunal conclut que les souvenirs des parties sont moins fiables que l’écrit contemporain aux faits et qui indique clairement que ce que recherche le Propriétaire est le prix d’installation d’une nouvelle thermopompe ou le coût de remplacement du compresseur.

[25]        La preuve prépondérante est que le Propriétaire ne consulte pas Air pour un changement de fournaise.

[26]        Air prépare une soumission pour une thermopompe (garantie 5 ans) dont le coût s’élève à 3 800 $ plus les taxes et qui est acceptée par le Propriétaire.

[27]        Lors de son installation le 22 mai 2015, les installateurs ne mentionnent rien de particulier quant à des conditions inattendues reliées aux équipements en place et le système fonctionne au moment de leur départ.

[28]        Le jour même dans l’après-midi, le Propriétaire constate que le ventilateur ne s’arrête pas.

[29]        Le technicien d’Air revient et constate qu’un relais du système existant avait été modifié, probablement par l’ancien propriétaire, ce qui fait en sorte que le ventilateur ne s’arrête pas.

[30]        Il procède donc à son remplacement au coût de 401,25 $. Il mentionne dans sa facture que tous les autres relais sont susceptibles de briser[5]. Le Propriétaire décide de ne pas changer les autres relais.

[31]        Le Tribunal conclut que la preuve prépondérante démontre que le problème de relais n’a pas de lien avec l’installation de la thermopompe puisqu’il existait auparavant.

[32]        Le 20 août 2015, le Propriétaire constate un problème de démarrage du ventilateur. Il remarque qu’il doit frapper dessus pour le faire fonctionner.

[33]        Le jour même, le technicien d’Air se rend chez le Propriétaire et conclut que le problème provient du condensateur du ventilateur et le change au coût de 326,50 $[6]. Au moment de son départ, le système fonctionne.

[34]        La preuve prépondérante démontre que ce bris ne découle pas de l’installation de la nouvelle thermopompe, mais d’un problème du système de chauffage.

[35]        Le 1er septembre 2015, le ventilateur ne fonctionne plus du tout.

[36]        Le technicien d’Air se rend chez le Propriétaire et constate maintenant que le moteur du ventilateur a atteint sa fin de vie et que les roulements du ventilateur doivent être changés, ce qu’il fait au coût de 1 183,06 $[7].

[37]        La preuve prépondérante démontre également que ce bris ne découle pas de l’installation de la nouvelle thermopompe, mais d’un problème du système de chauffage.

[38]        À la suite de cette réparation, le Propriétaire n’est pas content de devoir dépenser autant d’argent pour sa fournaise.

[39]        Son malaise s’accroît encore davantage lorsque le Propriétaire constate le 9 janvier 2016 que la thermopompe est complètement givrée. Il met l’appareil hors tension et contacte Air qui lui dit que le verglas ou un écoulement d’eau peut causer un tel givre.

[40]        Le Propriétaire attend donc que la thermopompe se dégivre et la remet sous tension.

[41]        Le 20 février 2016, l’appareil est à nouveau givré et le Propriétaire transmet à Air une photographie. Air lui envoie un technicien sans frais appliquant la garantie de la thermopompe.

[42]        Le technicien constate que la fonction dégivrage fonctionne bien, mais qu’il faut ajouter du réfrigérant, car le niveau a baissé depuis l’installation et demande au Propriétaire de surveiller son niveau.

[43]        Le Propriétaire s’étonne de la fuite de réfrigérant du système et il comprend qu’il faut en identifier la source pour pouvoir établir le coût de réparation.

[44]        Le technicien suspecte que le problème vient du serpentin et fournit plusieurs options au Propriétaire :

1.       Air recherche la fuite dans le serpentin au coût de 650 $ ;

2.       Air détecte la fuite et en fait la réparation au coût de 1 330 $. Toutefois, vu l’âge du serpentin, Air ne peut garantir ce travail ;

3.       Le remplacement du serpentin pour régler le problème et avoir une garantie du travail au coût d’environ 2 000 $.

[45]        Ces options n’intéressent pas le Propriétaire, puisqu’il n’a plus confiance en Air en raison de l’ensemble des dépenses non anticipées auxquelles il fait face et il commence à penser que l’installation de la thermopompe est non-conforme et la tient responsable de tous ces bris.

[46]        Le Propriétaire ne fait pas témoigner d’experts ni de compétiteurs d’Air et ne produit pas de rapport d’expert.

[47]        Le Propriétaire souligne que selon lui, toutes les composantes du système ont atteint la fin de leur vie utile en se fondant sur un texte produit sous la pièce P-18, mais sans produire de rapport d’expert.

[48]        Au surplus, le Propriétaire juxtapose un ensemble d’informations qu’il trouve sur des changements législatifs interdisant l’usage du réfrigérant R-22 après 2020[8].

[49]        Le Propriétaire en conclut qu’il n’aurait pas dû changer uniquement la thermopompe vu les dépenses effectuées au système de chauffage. Il en déduit que la vie utile est atteinte et que cela ne vaut pas la peine d’examiner davantage la source de la fuite.

[50]        Le Propriétaire blâme soudainement Air pour la vente d’une thermopompe plutôt que celle d’un nouveau système.

[51]        Le Tribunal conclut que le Propriétaire ne rencontre pas son fardeau de prouver que le système a atteint sa fin de vie utile en mai 2015 et le Tribunal soulève séance tenante la lacune dans sa preuve étant donné qu’il n’a pas produit de rapport d’expert. Le Propriétaire explique qu’il n’entend pas produire un tel rapport.

[52]        Le Tribunal ne peut conclure sur la base de documentations trouvées par le Propriétaire et d’explications incomplètes qui sont vigoureusement contredites par le Représentant voulant que la thermopompe soit non conforme qu’elle cause les problèmes au reste du système de chauffage et qu’elle est mal installée.

[53]        Le test effectué après le changement de son système pour vérifier la fuite dans le serpentin est loin d’être convaincant ayant été fait sur un système démonté et déplacé.

[54]        Le Tribunal conclut que la preuve prépondérante est que le Propriétaire voulait changer uniquement sa thermopompe et qu’il regrette deux ans plus tard son choix lorsqu’il constate que sa fournaise nécessite plus de réparations que prévu.

[55]        Air ne peut être tenue responsable de la décision du Propriétaire de changer son système au complet alors que la thermopompe fonctionne et que la preuve prépondérante démontre qu’une réparation de l’ordre de 2 000 $ aurait corrigé le problème.

[56]        Le Tribunal conclut donc que le Propriétaire ne rencontre pas son fardeau de démontrer son droit à l’annulation de la vente et au remboursement de ses dépenses.

[57]        Le Propriétaire n’a pas droit aux dommages qu’il lui réclame.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la demande introductive d’instance avec frais de justice.

 

 

__________________________________

Emmanuelle Saucier, J.C.Q.

 

 

 

Dates d’audience :

3 et 4 avril 2018

 



[1]     Pièce P-7.

[2]     Pièce D-4.

[3]     Pièce P-7.

[4]     Pièce D-4.

[5]     Pièce P-9.

[6]     Pièce P-10.

[7]     Pièce P-11.

[8]     Pièces P-17 et P-19.

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