Berardini c. Bashaw |
2015 QCCS 2374 |
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JG1876 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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N° : |
700-17-009812-131 |
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DATE : |
29 mai 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MARIE GAUDREAU, J.C.S. |
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GIANPIERO BERARDINI et ÉLISA ROMANO |
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Demandeurs |
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c. |
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ROGER BASHAW et NATHALIE THOMAS |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Les demandeurs, acheteurs d’une résidence familiale, ignoraient-ils au moment de leur transaction que cet immeuble avait fait l’objet d’une perquisition pour culture de cannabis?
[2] Ont-ils droit à une réduction de prix suite à la perte subie consécutive à la revente de leur immeuble pendant l’instance?
A. Contexte
[3] Le Tribunal est saisi de la requête introductive amendée en réduction du prix de vente des demandeurs datée du 3 avril 2015 dans laquelle ils réclament 81 782,06 $ à titre de dommages pécuniers représentant la perte subie suite à la vente de leur résidence familiale et 35 000,00 $ à titre de dommages non pécuniers pour troubles et inconvénients.
[4] La requête initiale des demandeurs en annulation de vente a été signifiée le 3 avril 2013 au montant de 150 000,00 $ dans laquelle ils allèguent que les défendeurs n’ont jamais mentionné qu’il y avait eu une culture de cannabis dans cet immeuble.
[5] Les demandeurs allèguent que cette information a surgi lorsqu’ils ont tenté de vendre leur résidence à Monsieur Crépeau (Crépeau), tel que l’atteste cette mention à l’AV 4.3 :
De plus, avis de la SCHL que aux registres des maisons ayant eu du cannebis. (sic)[1]
III. CIRCONSTANCES DE L’ACHAT PAR LES DÉFENDEURS EN 2007
[6] La résidence est située dans un secteur de choix à Rosemère. C’est une maison de plein pied avec piscine creusée, deux (2) stationnements, deux (2) garages, etc.
[7] Les défendeurs ont acheté cette propriété en litige en juin 2007 au montant de 202 000,00 $ (D-1) et ont fait précéder leur achat d’une inspection. Ils avaient fait une première offre d’achat le 10 mai 2007 (D-2).
[8] Les défendeurs avaient été informés de la perquisition survenue quelques mois auparavant, soit le 8 mars 2007 (D-4) et ils ont obtenu d’ailleurs une réduction du prix de vente de 220 000,00 $ à 202 000,00 $ pour cette raison :
M2.3 Other amendments : Les acheteurs sont au courant que la maison était utiliser pour une endroit pour agrandir des ¨cannabis¨, aussi que deux rapports de police ont été mis à leur possession. (sic) (D-2)
[9] Or, cette perquisition a été autorisée suite à un mandat exécuté en vertu de l’article 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances [2]:
Production
7. (1) Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la production de toute substance inscrite aux annexes I, II, III ou IV est interdite.
Peine
(2) Quiconque contrevient au paragraphe (1) commet :
(…)
b) dans le cas du cannabis (marihuana), un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la durée de l’emprisonnement ne pouvant être inférieure :
(i) à six mois, si l’infraction est commise à des fins de trafic et que le nombre de plantes en cause est inférieur à 201 et supérieur à cinq,
(ii) à neuf mois, si l’infraction est commise à des fins de trafic dans l’une ou l’autre des circonstances prévues au paragraphe (3) et que le nombre de plantes en cause est inférieur à 201 et supérieur à cinq,
(iii) à un an, si le nombre de plantes en cause est supérieur à 200 mais inférieur à 501,
(iv) à dix-huit mois, si le nombre de plantes en cause est supérieur à 200 mais inférieur à 501 et que l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances prévues au paragraphe (3),
(v) à deux ans, si le nombre de plantes en cause est supérieur à 500,
(vi) à trois ans, si le nombre de plantes en cause est supérieur à 500 et que l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances prévues au paragraphe (3);
(Soulignement ajouté)
[10] De juin 2007 à mars 2008, les défendeurs ont procédé à des rénovations majeures.
[11] Lorsque les défendeurs mettent leur maison en vente en 2010 par l’entremise d’un courtier, ils répondent négativement à la question contenue au formulaire de déclaration du vendeur sur l’immeuble (P-3) le 5 novembre 2010 :
D14.7 À votre connaissance, y a-t-il déjà eu une culture de cannabis ou la production de toute autre drogue, produit chimique ou dangereux à l’intérieur du bâtiment? Non
[12] Les défendeurs se séparent en février 2010 et mettent leur maison en vente par la suite au prix demandé de 599 000,00 $ (D-3), qu’ils réduisent à 575 000,00 $ en juin 2010.
[13] La résidence est achetée par les demandeurs le 1er décembre 2010 au montant de 520 000,00 $ (P-1).
[14] Suite à leur promesse d’achat (P-2), les demandeurs font inspecter l’immeuble (P-4).
[15] En septembre 2012, les demandeurs décident de mettre en vente leur propriété avec Du Proprio.
[16] Le 9 octobre 2012, les acheteurs, Marc-André Crépeau et Valérie Genest, se retirent après avoir accepté de payer 567 500,00 $ (P-5).
[17] Crépeau témoigne qu’il aurait acheté effectivement au prix de 567 500,00 $ n’eut été du refus de la SCHL de financer cette transaction.[3]
[18] Le Tribunal note qu’il n’y aura aucune autre offre sur cette résidence pendant deux ans et demi (2 ans ½) sauf celle de Crépeau du 9 octobre 2012.
[19] La requête introductive est intentée par les demandeurs le 3 avril 2013 après qu’une mise en demeure ait été signifiée aux défendeurs le 7 novembre 2012 (P-7) suivie d’une deuxième mise en demeure le 6 mars 2013 (P-8).
[20] Le présent procès est fixé le 14 mai 2014.
[21] Le 1er mars 2015, les demandeurs vendent la propriété en litige pour 487 500,00 $ (P-15).
[22] Puis, ils amendent leur poursuite afin de réclamer la différence 80 000,00 $ (567 500,00 $ - 487 500,00 $) + 804,83 $ (P-12), soit le coût du test d’air effectué + 977,23 $ (P-16), soit la facture Du Proprio en relation avec la première offre qu’ils ont reçue, ainsi que 35 000,00 $ en dommages non pécuniers.
[23] Le consentement des demandeurs à l’achat de la propriété a-t-il été vicié par le dol des défendeurs?
[24] Le cas échéant, y a-t-il lieu d’accorder aux demandeurs une réduction du prix de vente et des dommages moraux?
[25] Ils sont formels. Les défendeurs connaissaient l’existence d’une culture de cannabis car leur vendeur l’avait dénoncé (D-2).
[26] Ils n’auraient jamais acheté s’ils avaient su ce fait déterminant.
VI. PRÉTENTIONS DES DÉFENDEURS
[27] Ils plaident que les demandeurs ne peuvent imputer aux défendeurs la mention apparaissant dans les dossiers de la SCHL.
[28] Ils reconnaissent avoir eu écho lorsqu’ils ont acheté d’une perquisition pour une histoire de drogue.
[29] Ils soulignent qu’aucun vice grave n’a été constaté.
[30] Ils réaffirment qu’ils ont fait effectuer un test d’air et lors de l’achat tout était conforme.
[31] Le défendeur précise qu’il a personnellement vérifié les panneaux électriques qui n’avaient pas été trafiqués, selon ce qu’il a pu constater, étant lui-même un électricien.
VII. CIRCONSTANCES DE L’ACHAT PAR LES DEMANDEURS (2010)
[32] En novembre 2010, les demandeurs se promènent en auto dans le Vieux-Rosemère et passent devant la résidence en litige.
[33] Ils voient la pancarte de l’agent d’immeuble.
[34] Le défendeur approche à leur rencontre.
[35] Le demandeur baisse la vitre du côté du passager où son épouse est assise et une conversation s’engage.
[36] Tout de suite, le demandeur dit au défendeur qu’il ne veut pas faire affaires avec un courtier.
[37] Cela ne pose aucun problème pour le défendeur puisqu’une visite est fixée dès le lendemain après le lunch, soit le dimanche après-midi, sans l’agent d’immeuble.
[38] Une offre est faite verbalement par les demandeurs à 510 000,00 $ sans qu’il y ait de commission à payer.
[39] Les défendeurs acceptent 520 000,00 $ et la vente est conclue à ce montant le 1er décembre 2010 (P-1).
[40] Une promesse d’achat est rédigée par la défenderesse et le demandeur (P-2) le 1er novembre 2010, avec les conditions usuelles d’inspection et d’obtention du financement.
[41] Les demandeurs acceptent de fournir un dépôt de 20 000,00 $.
[42] Ceux-ci sont formels : il n’y a jamais eu de discussions au sujet d’une culture de cannabis.
[43] D’ailleurs, la clause D14.7 (P-3)[4] est silencieuse de même que le rapport d’inspection que le demandeur obtient (P-4) du 5 novembre 2010, lequel ne révèle que des problèmes mineurs qui seront corrigés par les défendeurs.
VIII. DÉCISION DE VENDRE PAR LES DEMANDEURS EN 2012
[44] À cette époque, les demandeurs ont deux (2) enfants dont un qui étudie à Ottawa et la demanderesse travaille à Hawkesbury.
[45] Ils décident de mettre en vente pour pouvoir s’approcher de la région d’Ottawa pour ces raisons.
[46] Ils contactent Du Proprio, firme sans courtier, en septembre 2012.
[47] Dès le premier mois, ils ont une dizaine de visites dont celle de Crépeau. Le marché est actif dit-il.
[48] Crépeau et les demandeurs s’entendent pour une vente à 567 500,00 $ (P-5).
[49] L’inspection ne révèle rien de spécial.
[50] Cependant, lorsque Crépeau fait la démarche pour obtenir le financement requis, celui-ci lui est refusé par la SCHL.[5]
[51] Devant ce refus, le demandeur fait plusieurs démarches car c’est la première fois dit-il qu’il entend parler d’un problème de cannabis.
[52] Il est pro-actif :
v Il consulte un notaire;
v Il se rend au poste de police;
v Il fait effectuer pour la première fois des tests d’air (P-12) qui se révèlent négatifs;
v Il contacte un avocat;
v Il engage un agent d’immeuble, Monsieur Philippe Béchard de la firme Vendirect inc., et fait lister sa propriété à 595 000,00 $ en janvier 2013.
[53] À la section ¨Déclaration du vendeur¨ du contrat de courtage avec Vendirect inc., il est déclaré ce qui suit par les demandeurs :
Facteurs se rapportant à l’immeuble, Déjà eu plantation de cannabis avant l’acquisition par proprio. Problème corrigé. Rénos effectuées[6]
[54] L’agence pour laquelle ce courtier des demandeurs travaille accepte, qu’en cours de mandat, les vendeurs puissent trouver eux-mêmes leur client.
[55] Un autre agent d’immeuble, Monsieur Éric Landry[7], l’appelle pour avoir la permission de visiter l’immeuble avec des personnes qui l’ont déjà vu alors qu’elle était en vente sans courtier.
[56] Ces personnes se présentent avec un contracteur.
[57] L’agent Landry leur dit alors qu’il y a eu une culture de cannabis. La femme devient livide selon le demandeur et ces acheteurs potentiels se retirent.
[58] À la fin d’avril 2013, le demandeur constate qu’il y a plusieurs visites référées par Du Proprio mais avec son agent, on n’en voyait moins.[8]
[59] Ils décident alors de baisser le prix affiché de 599 000,00 $ à 575 000,00 $ et de baisser la commission de 3% à 2%.
[60] Le demandeur est honnête : la moitié des gens n’aiment pas ma maison mais ceux qui apprennent la culture de cannabis déclinent, telle le 7 novembre 2014, Madame Marie-Soleil Houde qui informe les défendeurs qu’elle n’est plus intéressée (P-14).
[61] Les demandeurs acceptent finalement la seule offre à 487 500,00 $ survenue en deux ans et demi (à l’exception de celle de Crépeau) suite à une négociation pendant laquelle ils se font offrir 480 000,00 $ le 23 février 2015, formulent une contre-offre à 505 000,00 $ puis acceptent 487 500,00 $ offert par l’acheteur (P-15 en liasse).
[62] Les demandeurs témoignent avec beaucoup d’émotions sur leurs raisons de vendre :
C’est devenu un cauchemar, c’était très douloureux. Notre vie de couple s’en est ressentie, beaucoup de stress, les enfants étaient inquiets et j’avais encore une hypothèque de 330 000,00 $.
[63] La version des défendeurs quant aux circonstances de l’achat par les demandeurs est diamétralement opposée :
[64] Le défendeur témoigne qu’avec sa conjointe, il raclait le terrain.
[65] Il voit une auto passer et le défendeur se dirige vers le demandeur.
[66] Il affirme que le demandeur est seul dans l’auto ce qui est contredit par l’épouse du demandeur.
[67] De son côté, la défenderesse n’entend pas ce qui se passe parce qu’elle est trop loin.
[68] Le défendeur affirme devant le Tribunal que : Tout de suite, le demandeur m’a interpellé en me disant : y a déjà une histoire de police ici? Et le défendeur lui aurait répondu : oui.
[69] La rencontre est fixée le lendemain car le demandeur veut être présent avec sa femme selon la version du défendeur.
[70] Le lendemain, la rencontre a lieu à la résidence pendant une heure en présence des demandeurs et des défendeurs.
[71] Le surlendemain, le demandeur l’appelle et lui formule une proposition en ces termes : Étant donné l’histoire de la maison, je te fais une offre à 500 000,00 $.
[72] Le défendeur dit 555 000,00 $, le demandeur offre 510 000,00 $.
[73] Le jour suivant, le défendeur baisse à 535 000,00 $, le demandeur monte à 515 000,00 $ : la conclusion de ces négociations est à 520 000,00 $.
[74] Le défendeur affirme que c’est le demandeur qui refuse qu’on écrit quoi que ce soit concernant l’historique de la maison. Sinon, je me retire, je ne veux pas être entaché.
[75] Le défendeur témoigne d’incidents par la suite survenus dans un magasin grande surface à Ste-Thérèse qui donneront lieu à un échange entre les parties, à une plainte à la police par les défendeurs contre le demandeur en plus d’une mise en demeure.
IX. ANALYSE
A) Dispositions législatives applicables
[76] Selon l’article 1726 du Code civil du Québec, les défendeurs ont une obligation de renseignement envers les demandeurs:
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
(Soulignement ajouté)
[77] Sur le devoir d’informations des défendeurs, l’auteur Karim Vincent expose que :
A. Le dol en matière de contrat de vente
1049. Le vendeur est tenu à une obligation de renseignement envers son acheteur. Il doit ainsi mettre à la disposition de ce dernier toute information pertinente lui permettant de prendre une décision éclairée de conclure ou non le contrat de vente. En tant que personne raisonnable, prudente et en toute bonne foi, il doit divulguer tous les renseignements qui sont à sa disposition relativement au bien faisant l’objet des négociations. Il n’a pas à évaluer la pertinence de telle ou telle information, ni de son impact sur la décision de son interlocuteur d’aller de l’avant dans la conclusion du contrat ou de négocier son contenu. En d’autres mots, il n’a qu’à agir dans les discussions portant sur la vente avec transparence, honnêteté et objectivité sans avoir à évaluer si le renseignement peut être utile et pertinent pour l’acheteur. Pour se conformer à son obligation, il doit divulguer toute information relative à son titre de propriété, à la qualité du bien, à ses caractéristiques et aux moyens de l’entretenir. Les informations à communiquer dépendent évidemment de la nature et de l’état du bien à vendre, ainsi que des objectifs que le futur acheteur cherche à atteindre par son acquisition[9].
(Soulignement ajouté)
B) Discussion
[78] Le Tribunal note qu’un allégué substantiel des défendeurs a été retranché par eux quelques jours avant le procès, soit le 23 avril 2015, par la signification d’une défense amendée.
[79] En effet, dans la défense initiale (paragraphe 29), les défendeurs admettaient avoir eu des échos de certains voisins à l’effet que la maison aurait peut-être servie à la culture de drogues et qu’une descente de police aurait eu lieu alors qu’au paragraphe 38 de la défense amendée, les échos qu’ils auraient eu des voisins étaient simplement à l’effet que la maison aurait fait l’objet d’une perquisition pour une histoire de drogue.
[80] Les défendeurs ne peuvent jouer sur les mots : ils savaient que la maison avait été utilisée ¨pour agrandir des cannabis (D-2)¨ ce qui veut dire faire pousser, grandir, cultiver du cannabis et non pas simplement avoir eu connaissance d’une perquisition par la transmission de deux (2) rapports de police (D-4).
[81] Par ailleurs, la version fournie par les demandeurs du calcul effectué entre les parties au moment où elles discutent du prix d’achat est plus plausible : les défendeurs avaient déjà réduit à 575 000,00 $. Ils auraient fort probablement descendu à 565 000,00 $ moins la commission de 7%.
[82] Il n’y a aucune preuve d’ailleurs que les défendeurs ont payé une pénalité de 6 000,00 $ à leur agent pour qu’il se retire de la transaction.
[83] Le défendeur est très vindicatif : il n’hésite pas à faire une plainte à la police pour un échange survenu et une mise en demeure pendant l’instance.
[84] Il témoigne d’ailleurs sur la défensive allant constamment au-devant des questions devant le Tribunal.
[85] Il est clair que le demandeur aurait fait effectuer un test d’air et en plus de demander de voir celui que le défendeur, lui, a eu la chance de faire avant d’acheter l’immeuble en cause.
[86] Le défendeur le sait par son vendeur en 2007 que cette maison a fait l’objet de culture de cannabis et il ne fait pas, lorsqu’il la revend, la même déclaration que celle dont il a pu bénéficier en achetant en 2007.
[87] Le défendeur reçoit le demandeur sans son agent dès le lendemain alors que le mandat n’est pas expiré.
[88] En effet, le défendeur veut faire vite : il n’a reçu aucune offre depuis que le prix de vente a baissé à 575 000,00 $ en juillet; à ce moment, les deux (2) défendeurs ont déjà racheté des résidences séparées.
[89] Il n’est pas contredit que des acheteurs potentiels rencontrés par les demandeurs se sont désistés lorsqu’ils ont appris la culture de cannabis.
[90] Cette information corroborée par l’agent des demandeurs, Monsieur Philippe Béchard, est de nature à influencer une transaction immobilière.
[91] Ce fût également le cas dans une affaire similaire récente :
Ils déclarent que jamais ils n’auraient signé cette promesse d’achat s’ils avaient connu la présence de culture de cannabis ou enfin d’aménagement pour ce faire[10].
[92] L’étude de jurisprudence applicable en l’espèce fait ressortir l’impact de la présence de culture de cannabis autant sur l’obligation d’information des défendeurs que dans le processus de décision de l’acheteur ainsi que sur la responsabilité de l’agent immobilier:
[3] Considérant que le Comité de discipline mis en cause a conclu, relativement au premier chef de la plainte, après six jours d’audience lors desquels 25 personnes ont témoigné et où une preuve documentaire abondante a été produite, que l’intimé n’a pas agi de façon professionnelle par rapport à ce qu’aurait raisonnablement fait un agent immobilier, placé dans les mêmes circonstances, ce qui lui aurait permis de découvrir que les résidences avaient servi à la culture de cannabis et ainsi divulguer cette information pertinente aux acheteurs.
(…)
[8] Considérant que les agents immobilier, il est vrai, entre 2004 et 2006, n’étaient pas sensibilisés par leur ordre professionnel à la problématique des résidences servant à la culture du cannabis[11].
[93] Les demandeurs n’ont pas à prouver qu’il en a résulté un vice caché, contrairement à ce que les défendeurs soulèvent.
[94] Il n’est pas contredit non plus qu’une cliente amenée par l’agent Landry se désiste quand elle apprend qu’il y a eu culture de cannabis alors qu’elle avait déjà visité, sans agent, cet immeuble.
[95] Le défendeur s’estime habilité comme électricien à déceler si un panneau électrique a été ou non trafiqué dans le but de faire de la culture de cannabis.
[96] Il ne le déclare pas par écrit cependant.
[97] Ce n’est pas à lui à décider ce qui doit être déclaré ou pas à un acheteur éventuel. À cet égard, l’utilisation du formulaire ¨Déclarations du vendeur sur l’immeuble¨ D-14.7 est obligatoire.
[98] D’autant plus que, selon la preuve non-contredite provenant du courtier des demandeurs qui a plusieurs années d’expérience, la présence de culture de cannabis est pire qu’un suicide[12], spécialement lorsque des gens veulent acheter pour y loger des enfants.
C) Les dommages
[99] Par ailleurs, les dommages réclamés correspondent à la perte réellement subie par les demandeurs dans le contexte d’une négociation normale.
[100] Vu leur bonne foi, les demandeurs ont droit à la réparation intégrale du préjudice financier qu’ils ont subis, soit 81 782,06 $.
[101] De plus, le stress subit par les demandeurs et l’ensemble des circonstances de la présente affaire font en sorte que le Tribunal accorde aux demandeurs à titre de dommages non-pécuniers 25 000,00 $.
[102] Les conclusions de la requête introductive amendée ne contiennent aucune demande concernant les intérêts et l’indemnité additionnelle.
[103] Les intérêts au taux légal sont dus même s’ils n’ont pas été réclamés[13] et selon l’article 1618 C.c.q., les intérêts sont dus à compter de l’assignation.
[104] Cependant, vu qu’aucune indemnité additionnelle n’a été demandée, selon l’article 1619 du Code civil du Québec, le Tribunal n’a pas le pouvoir de l’ordonner.
XI. CONCLUSIONS
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[105] ACCUEILLE la requête introductive amendée;
[106] ORDONNE aux défendeurs conjointement et solidairement à payer aux demandeurs 106 782,06 $ portant intérêt au taux légal à compter de l’assignation;
[107] LE TOUT, avec dépens.
[1] P-6 Formulaire de suivi de réalisations des conditions par lequel la promesse d’achat de Crépeau est nulle et non avenue.
[2] Loi règlementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19, Art. 7(1) et (2)(b).
[3] P-6 Attention - Veuillez noter que votre demande a été refusée pour la raison suivante : BONJOUR, DEMANDE REFUSÉE//CONSIDERANT ANTECEDANTS POSSIBLE DE CANABIS//MERCI, LUCIE PELLETIER 477102 (Courriel du 4 octobre 2012) (sic).
[4] Voir paragraphe 11 des présentes.
[5] Voir paragraphe 5 des présentes.
[6] P-13.
[7] Témoin assigné par la partie défenderesse qui n’est pas venu témoigner.
[8] Voir Tableau des activités sur la propriété selon Vendirect inc. (P-17).
[9] Vincent KARIM, Les Obligations, 4e éd., vol. 1, Montréal, Wilson et Lafleur, 2015; Voir également Jean-Louis BAUDOIN, Les Obligations, 4e éd., Éditions Yvon Blais, p. 119, 121, 123 à127.
[10] Massé c. St-Onge, 2014 QCCS 103, par. 149.
[11] Morand c. Rodrigue, 2011 QCCA 580.
[12] Fortin c. Mercier, 2013 QCCS 5890 (CanLII)), par. 61 à 64.
[13] Métro Richelieu inc. c. Centre commercial Innovation J.E. 2011-472 (C.S.).
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