Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

LANAUDIÈRE

MONTRÉAL, le 11 janvier 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

108757-63-9901

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Alain Suicco

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Gilles Veillette

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Jacqueline Dath

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR :

Albert Charbonneau, médecin

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

114549025-1

AUDIENCE TENUE LE :

6, 7 et 8 décembre 1999

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MADAME SYLVIE CHAMPIGNY

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

JOURNAL DE MONTRÉAL

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]   Le 7 janvier 1999 madame Sylvie Champigny (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles, une requête à l'encontre d'une décision rendue le 4 décembre 1998 par la Direction de la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).  La décision est à l'effet que le 27 janvier 1998, la travailleuse n'a pas cessé de travailler en raison d'une maladie professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001, la loi).

OBJET DE LA CONTESTATION

[2]   La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le 27 janvier 1998, elle a cessé de travailler en raison d'une maladie professionnelle au sens de la loi.

LES FAITS

[3]   La travailleuse âgée de 44 ans, a travaillé à compter de 1975 à titre de téléphoniste-vendeuse pour le Journal de Montréal (l'employeur).

[4]   Durant les 18 dernières années, la travailleuse a exercé sa fonction dans l'immeuble située sur la rue Frontenac à Montréal.  À l'audience la travailleuse indique que son environnement de travail est constitué d'une pièce fermée; trente personnes y travaillent et ce, par module de quatre téléphonistes. 

[5]   Contre-interrogée concernant les lieux de travail, la travailleuse indique que «son local est au rez-de-chaussée depuis le début, que le bureau des photographes a toujours été à côté et qu'il n'y a pas d'ouverture entre les deux locaux»; les lieux physiques sont donc demeurés inchangés depuis 18 ans.

[6]               La travailleuse déclare qu'au mois de juin 1997, elle a été victime d'une extinction de voix, après avoir «un peu trop encouragé son fils à l'occasion d'une partie de soccer».  Elle aurait cessé de travailler «durant quelques jours et ce, sans parler».  Lorsqu'elle est retournée au travail, «elle perdait la voix».

[7]               Le dossier comporte une première expertise médicale, soit celle du docteur F. Chagnon, otolaryngologiste, datée du 25 novembre 1997.  Le docteur Chagnon y indique:


«(…)

 

Madame Champigny a présenté une dysphonie aiguë (trouble de la voix) en juin 1997.  Elle aurait criée lors d'un match de soccer auquel son fils participait.  Suite à cet événement, elle aurait perdue la voix pendant 24 à 48 heures.  Depuis, elle a remarquée que sa voix n'est plus «la même» et qu'elle tends à perdre la voix beaucoup plus facilement qu'autrefois.  Durant le passé, elle présentait des troubles de la voix, dits «extinction de voix», au plus annuellement, en association avec une infection des voies respiratoires, et dans le temps des Fêtes.  Ces «extinctions de voix» persistaient pour une semaine.  Elle aurait reçue des antibiotiques à quelques reprises dans les derniers 10 ans, pour des «laryngites et pharyngites».

 

Depuis le début d'octobre 1997, ses troubles de voix se sont aggravés.  Elle a ressentie une fatigue vocale et une détérioration dans la qualité vocale après deux heures de travail.  Après une demi journée de travail elle ne se sentait plus capable de parler à son travail.

 

Elle reçoit un congé médical de son travail le 15 octobre 1997.  Elle retourne au travail le 19 octobre 1997 mais ses symptômes vocaux se présentent encore après une demi journée au travail.  Elle reçoit un congé médicale jusqu'au 20 novembre 1997.  Madame est de retour au travail avec instructions de ne pas utiliser sa voix.  Elle dit passer ses journées de travail à lire des magazines.  Elle ne présente aucun troubles de la voix en dehors de son endroit de travail.

 

(…)  Elle n'a jamais fumé.  Depuis quelques années elle ressent une irritation dans la gorge en présence de fumée de cigarette.  Il n'y a pas de fumée de cigarette à son domicile.

 

Antécédents personaux

 

Madame Champigny occupe un emploi de téléphoniste au Journal de Montréal depuis 22 ans.  Elle estime répondre à 200 appels par jours.  Elle converse avec le public et les clients sur des informations générales.  La durée de l'intervention de quelques minutes à 15 à 20 minutes.  Elle occupe un cubicule dans un aire ouverte, où se retrouvent les autres téléphonistes.  Il est permis de fumer dans cette aire ouverte et les fumeurs ne sont pas regroupés physiquement.  Madame estime qu'environ la moitié des employés dans cette aire ouverte fument, dont certaines fument presque continuellement.

 

(…)

 

Constatations

 

L'examen laryngostroboscopique révèle une légère enflure aux deux cordes vocales compatible avec une infection des voies respiratoires d'origine virale.  Le pharynx est érythèmateux.  Les oreilles et le nez sont normaux.  La voix est perceptuellement normale.

 

Diagnostic

 

·         infection des voies respiratoires supérieurs d'allure virale, sans complications

·         dysphonie fonctionnelle recurrente secondaire à traumatismes phonatoires

·         deux co-facteurs organiques contribuent à l'évolution de la dysphonie, une dysfonction hormonale et exposition à la fumée de cigarette causant une laryngite irritative.

 

(…)

 

Prognostic

 

Les troubles de la voix présentés par Madame sont d'origines multifactionnelles.  Le facteur prédominant serait d'origine fonctionnelle et relié à une mauvaise technique dans l'usage de sa voix professionnelle.  L'orthophonie verra à adresser cette composante.

 

Le deuxième facteur significatif serait l'exposition à la fumée de cigarette dans l'aire immédiate de travail.  Ce facteur s'accompagne d'une composante psychogénique.

 

Le succès dans la réhabilitation vocale dépend de l'expertise de l'orthophoniste et de la collaboration du patient à poursuivre les exercices vocaux suggérés et maintenir une bonne hygiène vocale.

 

Madame exprime le désir de continuer à travailler durant sa réhabilitation vocale et de retourner à son poste régulier.

 

Le prognostic de retour à ses tâches régulières en tant que téléphoniste est bon.  Néammoins, les rechutes de dysphonie fonctionnelle sont communes.  De plus, l'impact phychologique secondaire à l'exposition à la fumée de cigarette et les relations interpersonnelles difficiles avec les collègues fumeurs, pourrait se manifester par des troubles de la voix recurrents ou persistants.»  (sic)

 

 

[8]               La travailleuse déclare qu'elle est retournée au travail au mois de janvier 1998.  Elle précise que sa voix a alors «changé et elle a commencé à tousser»; «à chaque jour, ça commençait plus tôt …».  Elle dit avoir cessé de travailler le 27 janvier 1998.  La même journée, le docteur Chagnon émet un rapport médical indiquant que la travailleuse présente une hypersensibilité à la fumée de cigarettes dans l'air ambiant, qui se manifeste par une toux et une dysphonie ponctuelle.  Le docteur Chagnon recommande donc un retour au travail sans restriction quant à l'usage de la voix, mais dans un environnement sans fumée.

[9]               Le 10 mars suivant, le docteur S. Lecours émet une attestation médicale où il indique un diagnostic de «pharyngite, laryngite au travail, exposition au tabac (hypersensibilité + dysfonction vocale)».  De plus les notes médicales du docteur L. Paradis, spécialiste en allergie, datées du 12 mars indiquent que depuis le mois de juin 1997, la travailleuse présente une toux chronique avec quinte.  Le docteur Paradis indique que cette toux augmente au travail depuis le mois de novembre 1997; il conclut à une rhinite personnelle irritative ou allergique.

[10]           À la demande de l'employeur, la travailleuse a rencontré le docteur P. Renzi, interniste et pneumologue.  Dans une expertise datée du 13 avril 1998, le docteur Renzi indique:

«(…)

 

Dans les antécédents, je note que cette patiente a fait une otite avec pharyngite en 1982, une laryngite en 1988 et une trachéo-bronchite en 1989. (…)

 

(…)

 

Historique

 

Madame Champigny est âgée de 42 ans, elle habite à Mascouche depuis 3 ans.  Elle a un chat à domicile, du tapis mur à mur et le chauffage est au calorifère électrique.

 

Elle n'a pas d'allergie médicamenteuse, mais les tests faits par docteur Paradis étaient positifs à la poussière, au gazon, au tapis, aux pollens, aux chats, aux chiens et aux moisissures.   Elle est non fumeuse et n'a jamais fumé.  Elle consomme des boissons alcooliques occasionnellement et ne prend pas de drogue.

 

(…)

Maladie actuelle

 

En juin 1997, cette personne a eu une extinction de la voix le lendemain d'une partie de soccer de son garçon où elle avait crié ses encouragements.  Cela lui arrive d'avoir des extinctions de voix lorsqu'elle a des infections des voies respiratoires supérieures, surtout l'hiver, pas toujours avec toux et souvent au niveau des fêtes.  (…)  Actuellement, elle ne tousse pas quand elle est chez elle, elle a rarement des sillements, elle a une dyspnée qui augmente de plus en plus surtout avec les efforts ou le froid depuis un an.  (…)  Sa toux peut être déclenchée n'importe où, si elle sent l'odeur de cigarettes.  Sa toux peut apparaître au froid mais est moins sévère. (…)

 

La revue des systèmes montre une hypothyroïdie contrôlée avec du syntroïd, une rhinite atopique pour laquelle du Flonase lui a été prescrit et qu'elle ne prend que de façon paroxystique, un écoulement post-nasal postérieur de longue date avec rarement des éternuements.

 

Examen physique

 

(…)  L'examen du thorax ne signale rien de particulier.  La percussion est normale.  Le murmure vésiculaire est normal, sans bruit adventice.  Cependant, à l'expiration forcée, je note des sibilances et une toux est déclenchée.  (…)

 

Impression

1.       Allergies multiples avec rhinite atopique.

2.       Écoulement post-nasal postérieur

3.       Extinction de voix, condition personnelle secondaire à un effort important (partie de soccer de son fils), avec guérison lente à cause d'un effort constant au travail qui l'oblige à parler.  Il est tout à fait possible que tout agent irritant dont la fumée de cigarette, puisse aggraver son extinction de voix.

4.       Hyper-réactivité bronchique probable.

 

(…)

 

Recommandation

 

(…)

 

En ce qui a trait à la déclaration du docteur Lecours à la CSST, celle-ci devrait être contestée, je ne vois pas de maladie professionnelle en une pharyngite ou une laryngite.  Il n'y a pas d'hypersensibilité environnementale.  Cette patiente a une condition personnelle avec extinction de voix possiblement aggravée par tout agent irritant.  Le traitement est d'éviter une exposition aux agents irritants.»

 

 

[11]           Le 20 avril, la travailleuse a tenté un retour au travail.  Elle y est demeurée de 8 h à 14 h.; après avoir dîné à la salle à manger, elle a quitté parce qu'elle toussait trop dans la pièce où elle travaillait.

[12]           À la demande du docteur Lecours, la travailleuse a rencontré le docteur J. Bourbeau, de l'Institut thoracique de Montréal.  Dans un rapport daté du 21 avril 1998, le docteur Bourbeau indique que «des tests cutanés d'allergies démontrent la présence d'allergies significatives aux acariens et à l'herbe à poux».  Le docteur Bourbeau conclut à une rhinite allergique en relation avec les acariens et aucune évidence de maladie pulmonaire obstructive ou d'asthme.  Enfin le docteur Bourbeau indique que des mesures de débits de pointe sont faites.  À cet effet, les résultats de ces mesures effectuées entre le 19 mars et le 10 juin 1998 indiquent que la travailleuse présente chez elle une toux occasionnelle à tous les jours (pièce E-3).  Durant cette période, elle a effectué une autre tentative de retour au travail les 19, 21 et 22 mai.  Dans un rapport daté du 19 août, le docteur Bourbeau y précise:

«(…)

 

La patiente est retournée à son travail le 19, 21 et 22 mai en avant-midi.  Elle rapporte qu'après seulement 5 à 10 minutes, elle a commencé à présenter une toux sèche sans arrêt avec difficulté respiratoire et suivie d'un mal de gorge.  Elle a aussi rapporté des symptômes de rhinorrhée mais aucun symptôme oculaire.  Elle ne rapporte aucun symptôme cutané.  Ses symptômes seraient arrivés alors qu'elle travaillait au département des annonces classées.  La première et la deuxième journée, elle dit s'être sentie mieux 30 à 60 minutes après être sortie de son milieu de travail; la troisième journée, elle dit s'être sentie mieux deux heures après être sortie de son travail. (…)

 

(…)

 

(…) La patiente a quand même présenté et présente des symptômes de rhinite qui pourraient être compatibles avec une rhinite allergique. (…)»

 

 

[13]           À la demande du docteur Lecours, la travailleuse rencontre les docteurs A. Cartier et N. Labrecque, pneumologues.  À la suite de rencontres et d'investigations de la travailleuse les 20 novembre 1998, 26 janvier et 23 février 1999, les deux pneumologues concluent que «l'investigation de madame Champigny permet d'éliminer le diagnostic d'asthme et d'asthme professionnel».  Ils ajoutent que la travailleuse «présente cependant une toux incoercible lorsqu'elle retourne dans l'édifice du Journal de Montréal…»; «il s'agit fort possiblement d'un phénomène de sensibilisation ou d'irritation».

[14]           Encore à la suggestion du docteur Lecours, médecin traitant, la travailleuse rencontre le docteur Martin Desrosiers, oto-rhino-laryngologiste.  Le docteur Desrosiers a procédé à des tests de provocation nasale et les résultats (pièce T-5) ont été mesurés à l'aide d'un appareil installé au nez de la travailleuse; il s'agit d'un rhinomètre acoustique.  Dans une expertise datée du 4 juin 1999, le docteur Desrosiers indique:

«(…)

 

PROTOCOLE

 

La patiente a été évaluée avec un protocole d'exposition réaliste au travail consistant en une journée d'évaluation de contrôle, réalisée à l'extérieur du milieu de travail et à notre laboratoire de physiologie nasale, et une exposition dans la pièce où elle exécute son travail, habituellement dans le département des annonces classées.  Afin de s'assurer qu'il ne s'agissait pas uniquement d'un phénomène d'irritation occasionné par la cigarette dans son milieu de travail, elle a été évaluée dans une pièce à part où il n'y a pas eu de tabac dans les vingt-quatre heures précédant la provocation.

 

JOUR 1

 

Résultat:

 

Le 11 mai 1999, journée contrôle:  Lors de l'évaluation sur une période de quatre heures à notre laboratoire de physiologie nasale, il y a eu variation spontanée du volume, s'étendant uniquement de -6.3% à +10.2% ce qui est habituel.

JOUR 2

 

Exposition en milieu de travail (département des annonces classées):

 

Le 18 mai 1999, après l'installation de l'appareillage, la patiente a été accompagnée à son milieu de travail et les premières mesures de base ont été prises.  Par la suite, elle s'est assise et a simulé sa tâche.

 

Résultat:

 

Après trois minutes d'observation, elle a présenté une vive réaction de toux qui a persisté durant toute la provocation, avec larmoiement et rhinorrhée.  Après une mesure prise à quinze minutes, la provocation s'est terminée en raison de la toux.  Par la suite, elle a été dirigée au laboratoire de physiologie nasale à l'Hôtel-Dieu de Montréal pour monitoring et surveillance continue.  Il y a une chute de volume immédiate, suite à la période d'exposition, cette baisse se situant aux environs de 50%.  Celle-ci a persisté et fluctué entre 29 et 45% pour l'ensemble continu de la période d'observation, s'étendant sur quatre heures.  Le phénomène de toux: 1 heure 15 minutes.

 

JOUR 3

 

Exposition en milieu de travail (pièce à part):

 

Le 1er juin 1999, afin d'éliminer un facteur tel que la cigarette, la patiente a été évaluée au Journal de Montréal, dans une pièce à part, où il n'y a pas eu de cigarette dans les vingt-quatre heures, en utilisant le même protocole que la journée d'exposition au travail.

 

Encore une fois, après une période de trois minutes, la patiente a présenté une toux vive encore plus vigoureuse que lors de la première exposition.  La provocation s'est étendue sur une même période de quinze minutes.  Par la suite, elle a été transférée à l'Hôtel-Dieu de Montréal pour observation et supervision continues pour une période de quatre heures.

 

Résultat:

 

Après cinq minutes d'exposition, il y avait une baisse du volume nasal de 27%, lequel a augmenté à 49% après dix minutes d'observation.  Après quinze minutes, la baisse du volume nasal était de 31% de réduction.  Il est à noter que la toux extrême de la patiente lors de ces mesures a rendu la variabilité de celui-ci plus importante.  La réduction de volume a persisté encore une fois durant les quatre heures d'observation subséquentes, avec une toux qui s'est estompée au bout d'une heure trente.

 

INTERPRÉTATION:

 

Il y a absence de modification significative du volume nasal lors de la journée contrôle.  Cependant, lors des journées d'exposition en milieu de travail et dans le local séparé, il y a une baisse considérable de la résistance nasale, témoignant d'une réaction positive.

 

CONCLUSION:

 

Notre évaluation démontre que madame Champigny présente des phénomènes de rhinite importants en relation avec son travail, sans toutefois mettre en évidence de produit en cause.  Le fait que cette réaction soit induite de façon indépendante du site de provocation prouve que ces phénomènes ne peuvent être attribués à la présence de cigarettes dans le local où madame Champigny travaille, mais plutôt à une substance présente dans l'ensemble de l'édifice.

 

L'investigation de madame Champigny confirme le diagnostic de rhinite professionnelle.  La toux présentée est vraisemblablement secondaire à la rhinite, laquelle semble secondaire à un phénomène de sensibilisation ou d'irritation.  Je crois qu'il est impossible effectivement que madame Champigny puisse retourner travailleur dans cette usine car elle est trop symptomatique lorsqu'elle est exposée.»

 

 

[15]           Le docteur Desrosiers a témoigné à l'audience.  Il déclare être spécialisé dans les sinus et plus particulièrement dans la rhinite industrielle depuis les cinq dernières années.  Le docteur Desrosiers indique que son système d'évaluation soit la «rhinométrie acoustique», se compare un peu à une échographie nasale; l'appareil soit le rhinomètre, évalue le volume nasal d'une personne avant, pendant et après une exposition à un produit ou à une substance.  Compte tenu des résultats obtenus lors des tests de provocation chez la travailleuse (pièce T-5a), le docteur Desrosiers déclare que «la travailleuse souffre d'une sensibilité importante à son milieu de travail par le nez et ce, pas seulement à la fumée de cigarettes».  La congestion chez la travailleuse provoque des sécrétions muqueuses nasales «qui tombent dans le pharynx et qui provoquent la toux».  Concernant les allergies, le docteur Desrosiers indiquent que «1/4 ou 1/5 de la population est allergique, mais que les personnes qui sont atopiques telle que la travailleuse, sont encore plus susceptibles d'être allergiques».

[16]           Contre-interrogé concernant la fiabilité du test de rhinométrie, le docteur Desrosiers indique que «c'est comme un électromyogramme, un test sanguin…».  Il précise que «la travailleuse présente beaucoup de congestion nasale pour avoir une telle toux».  Il ajoute qu'il «est difficile d'identifier si la travailleuse présente une réaction allergique ou irritative, parce qu'il ne connaît pas la ou les substances auxquelles la travailleuse réagit».  Il admet que «sa méthode n'est pas reconnue… qu'il l'utilise pour fins de recherche».  Il conclut cependant que «ses données sont plus fiables qu'un examen clinique».

[17]           Le dossier comporte enfin un rapport du docteur S. Lecours, daté du 5 juin 1999.  Après avoir procédé à un résumé des différentes expertises médicales, le docteur Lecours conclut que la travailleuse «présente une rhino-pharyngo-laryngite en milieu de travail».  Le docteur Lecours a également témoigné à l'audience.  Il précise d'abord qu'il est diplômé en toxicologie et que depuis quinze ans, il exerce sa profession au service de toxicologie de l'Université de Montréal.  Référant à une étude de la qualité de l'air effectuée à la demande de l'employeur au mois de février 1998 (T-13), le docteur Lecours souligne qu'elle n'est pas conforme aux normes de confort, particulièrement concernant le formaldéhyde.  La Commission des lésions professionnelles a pris connaissance de l'étude et en rapporte les conclusions et les recommandations qui indiquent:

«(…)

 

CONCLUSIONS

 

Qualité de l'air

 

Les résultats montrent que tous les contaminants chimiques mesurés respectent les normes réglementaires de santé de la Commission de la santé et de la Sécurité au Travail du Québec.  Par contre, les mesures de formaldéhyde, de composés organiques volatils totaux et de poussières totales ne sont pas conformes aux recommandations proposées par les organismes scientifiques pour le confort.  Nous jugeons que les formaldéhyde et composés organiques volatils mesurés proviennent de la fumée de cigarette.

 

RECOMMANDATIONS

 

Nous observons que l'anhydride carbonique s'approche de la limite de confort de 1000 ppm de ASHRAE.  Ceci nous indique que la ventilation d'air neuf ne serait pas suffisante pour assurer le confort des occupants, surtout en présence des fumées de cigarettes.  Un débit de 30 litres d'air neuf par seconde par fumeur est recommandé par le standard ASHRAE.  Ce débit d'air neuf permettra aussi de réduire les concentrations de formaldéhyde, des composés organiques volatils et de poussières totales dûs à la fumée de cigarette.»

 

 

[18]           Contre-interrogé concernant ses notes médicales datées du 10 mars 1998 et qui indiquent que le nez de la travailleuse présente des sécrétions et de l'œdème, le docteur Lecours déclare que «c'est parce que le nez des personnes allergiques est plus sensible».  De même concernant ses notes du 17 avril 1998 qui indiquent que la toux de la travailleuse a diminué et qu'il y a lieu de procéder à une tentative de retour au travail, le docteur Lecours a répondu que «tout cela est résumé dans son rapport du 5 juin 1999».  Le docteur Lecours termine son témoignage en indiquant «qu'il croyait que la travailleuse réagissait à un sensibilisant plutôt qu'à un irritant».

[19]           L'employeur a fait témoigner le docteur François Lavigne, oto-rhino-laryngologiste.  Le docteur Lavigne est spécialisé dans le mécanisme de l'inflammation dans la sinusite chronique.  Dans le présent cas, le docteur Lavigne a pris connaissance du dossier et a assisté au témoignage de la travailleuse à l'audience.  Pour les personnes qui sont allergiques à plusieurs choses, qu'il y ait exposition ou pas, on constate chez elles une irritation du nez et du pharynx.  La personne est alors victime de rhinite et d'écoulement dans la gorge en raison des allergies; cela provoque alors la toux.

[20]           Référant aux résultats des débits expiratoires de pointe effectués entre avril et juin 1998 (pièce E-3), le docteur Lavigne souligne que les symptômes de toux sont à peu près toujours présents et ce, même quand la travailleuse n'est pas au travail.  Le docteur Lavigne rappelle également que les notes du docteur Lecours de mars et avril 1998, indiquent que la travailleuse présente des sécrétions et de l'œdème au nez, et que le tout a diminué; pourtant la travailleuse n'était pas au travail depuis le mois de janvier.  Le docteur Lavigne est ainsi d'avis que la travailleuse souffre de rhinite probablement d'origine allergique; il précise cependant «qu'il est rare que des patients réagissent de façon aiguë à un allergène».  De plus le docteur Lavigne constate que madame Champigny travaille au même endroit depuis quinze ans, et que c'est seulement depuis l'automne 1997 qu'elle présente ce type de toux; il s'interroge ainsi quant au rôle de l'environnement de travail dans la pathologie de la travailleuse.

[21]           Référant aux tests de provocation que lui-même fait passer à ses patients, soit des tests à des dosages beaucoup plus élevés que ceux de l'environnement habituel, le docteur Lavigne déclare que «les conséquences ne durent pas plus de 48 heures».  De plus le docteur Lavigne indique que même chez des patients asthmatiques, il n'a jamais vu de réaction aussi intense que celle de la travailleuse.  À cet effet, il ajoute «qu'une personne qui tousse volontairement durant une période de cinq minutes, entretiendra le réflexe de la toux»; «c'est un cercle vicieux».  Commentant les résultats obtenus par le docteur Desrosiers (pièce T-5a), le docteur Lavigne est d'avis que les changements de volume des narines pour les trois journées et ce, durant les périodes de une à quatre heures après le début du contrôle, ne sont pas significatifs; «s'il y avait congestion à l'intérieur des voies respiratoires de la travailleuse, il devrait y avoir un véritable changement de volume».  Le docteur Lavigne termine son témoignage en indiquant que «depuis qu'il est oto-rhino-laryngologiste soit depuis 1986, il n'a jamais vu une explosion de toux aussi intense et aiguë que celle de la travailleuse».

[22]           L'employeur a également fait témoigner le docteur Paolo Renzi, interniste et pneumologue.  Depuis 1987, le docteur Renzi est directeur de la Clinique d'asthme de l'Université de Montréal.  D'emblée, le docteur Renzi déclare «qu'un cas tel que décrit aujourd'hui soit celui de la travailleuse, il n'a jamais vu cela».  Référant à son expertise d'avril 1998, le docteur Renzi indique qu'il n'a pas la même opinion aujourd'hui.  D'autant que les résultats des débits expiratoires (pièce E-3) de même que les notes médicales du docteur Lecours d'avril 1998, indiquent que la travailleuse présente également une toux en dehors de son milieu de travail; «le tableau a donc changé maintenant».  Le docteur Renzi est d'avis que la travailleuse présente une toux secondaire à une rhinite allergique.  Concernant la toux explosive et persistante de la travailleuse, le docteur Renzi réitère «qu'il n'a jamais vu pareille toux à la suite d'une rhinite même postérieure»; «d'autant que la travailleuse ne souffre pas d'asthme et que les sécrétions dans la gorge ne font pas tousser comme cela».  Non seulement le docteur Renzi n'a-t-il jamais vu un cas pareil en clinique, mais il ne trouve aucune explication physio-pathologique pour une telle toux.  Commentant les résultats des tests de rhinométrie pratiqués par le docteur Desrosiers (pièce T-5,a), le docteur Renzi s'interroge quant à l'effet d'une telle toux sur les mesures au niveau du nez.  De plus il s'interroge sur le taux de base, soit le temps de stabilisation en changeant d'endroit.  Le docteur Renzi s'interroge enfin quant à la fiabilité de l'unité de mesure, compte tenu qu'il n'y a pas d'explication clinique à la condition de la travailleuse.

[23]           Le docteur Renzi signale qu'il a récemment visité les locaux de l'employeur et plus particulièrement celui concernant le poste de travail de madame Champigny.  Il indique que «les pièces sont séparées et que la moitié de l'air vient de l'extérieur», bien qu'il admet qu'un ingénieur serait mieux placé pour analyser les lieux.  Enfin quant à l'hypothèse que la pathologie de la travailleuse soit d'origine psychogénique, le docteur Renzi déclare qu'il peut être établi par exclusion; à savoir qu'il n'a pas de base organique et qu'elle ne s'explique pas par une autre maladie.  Il conclut donc que la travailleuse est victime d'une rhinite atopique, mais d'une toux psychogénique.

[24]           À l'audience la travailleuse a terminé son témoignage en déclarant que «même si les tests indiquent qu'elle est allergique au chat et au tapis, elle en possède chez elle et elle n'y présente aucun symptôme».  De même lorsqu'une personne fume une cigarette chez elle, elle n'a pas de réaction.  Elle précise cependant que «dans les entrées d'aréna où son fils joue au hockey et où les gens fument, elle toussait»; il en est de même de certains lieux publics, «tels des dépanneurs, où des produits toxiques sont présents».  Maintenant, soit depuis le printemps 1998, elle ne tousse plus.

ARGUMENTATION DES PARTIES

[25]           La travailleuse rappelle d'abord que sa voix constitue son outil de travail.  Elle soumet également que le diagnostic de rhinite pharyngo-laryngite non seulement lie toutes les parties, mais est retenu par tous les médecins au dossier.  De plus la preuve prépondérante au sens de la balance des probabilités, est à l'effet que cette pathologie est en relation avec son milieu de travail.  La travailleuse soumet à cet effet qu'elle n'a pas à faire la preuve d'aucune substance en particulier, mais bien seulement une preuve de sens commun de la relation entre sa pathologie et le travail chez l'employeur.

[26]           La travailleuse est d'avis que l'article 30 de la loi s'applique à son cas, à savoir que sa maladie est reliée aux risques particuliers de son travail et ce, même s'ils ne sont pas identifiés.  Subsidiairement la travailleuse soumet que la définition de maladie professionnelle définit à l'article 2 de la loi, doit trouver application.  Il en est de même de la notion de lésion professionnelle qui réfère à celle d'accident du travail; à savoir que la lésion peut être attribuable à toute cause et qu'elle survient au travail.

[27]           L'employeur soumet d'abord que la travailleuse n'a pas présenté de preuve concernant un quelconque problème de circulation d'air sur les lieux de son travail.  À cet effet aucune tentative d'identifier un quelconque produit ni aucun test de provocation spécifique n'a été effectué.

[28]           L'employeur rappelle de plus que madame Champigny travaille dans le même environnement depuis 17 ans et qu'aucune autre travailleuse ne présente de symptômes semblables aux siens.  L'employeur rappelle de plus que les antécédents médicaux de la travailleuse sont de la même nature; depuis 1982, la travailleuse a été victime de pharyngite, de laryngite et de trachéo-bronchite.  De même en juin 1997, la travailleuse a été victime d'une extinction de voix lors d'une partie de soccer de son fils.  De plus les notes médicales du docteur Paradis du mois de mars 1998, indiquent que depuis le mois de juin 1997, la travailleuse présente une toux chronique avec quinte.  L'employeur se dit également étonné du fait que le docteur Lecours a émis une attestation médicale pour la CSST seulement en mars 1998, alors qu'il traitait la travailleuse bien avant.  L'employeur soumet enfin que la preuve ne supporte pas le témoignage de la travailleuse à l'effet qu'elle ne présente ses symptômes que chez l'employeur.  Ce dernier soumet enfin que concernant les tests effectués par le docteur Desrosiers, la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de rendre une décision à partir d'un appareil non standardisé, dont tous les résultats dépendent du temps zéro alors que cette mesure n'est pas fiable.  Quant au diagnostic psychique, il peut être retenu «par exclusion».

AVIS DES MEMBRES

[29]           Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la contestation doit être rejetée.  Il conclut ainsi en raison des antécédents médicaux de même nature, de même que le fait qu'aucune preuve technique de son environnement de travail n'a été présentée par la travailleuse.  Enfin aucun médecin n'a établi clairement la relation entre la pathologie et un agent spécifique de l'environnement de travail de madame Champigny.

[30]           Le membre issu des associations syndicales est d'avis que la contestation doit être accueillie.  La preuve prépondérante tant factuelle que médicale est à l'effet que la travailleuse présente une toux particulière, lorsqu'elle se présente sur les lieux de son travail; elle doit donc bénéficier de la balance des probabilités.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[31]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a cessé de travailler le 27 janvier 1998 en raison d'une lésion professionnelle.

[32]           La notion de lésion professionnelle est définie à l'article 2 de la loi:

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

 

 

[33]           Le même article définit également la notion de maladie professionnelle:

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail ;

 

 

[34]           Pour démontrer qu'elle est victime  d'une maladie professionnelle, une personne peut se prévaloir de la présomption prévue à l'article 29 de la loi lorsqu'il y a lieu, ou du principe général du fardeau de preuve prévu à l'article 30 de la loi.

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

________

1985, c. 6, a. 29.

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[35]           La pathologie dont est victime la travailleuse n'est pas une maladie prévue à l'annexe I de la loi.  La travailleuse ne peut donc pas bénéficier de l'application de la présomption prévue à l'article 29 de la loi; telle n'est d'ailleurs pas la prétention de celle-ci.  La travailleuse soumet et se doit de prouver par une preuve prépondérante, que sa pathologie est reliée aux risques particuliers de son travail.  Ainsi une maladie est de nature professionnelle, dans la mesure où les symptômes de celle-ci ou son apparition sont reliés directement aux risques particuliers du travail qu'une personne exerce.

[36]           Dans le présent cas, la preuve telle que présentée par la travailleuse, tend à démontrer que sa toux se manifeste seulement lorsqu'elle est au travail chez l'employeur.  Telle est d'ailleurs la prémisse utilisée par les médecins qui ont témoigné pour la travailleuse et/ou qui ont présenté des expertises médicales pour elle.  Pourtant le témoignage même de la travailleuse à l'audience de même que certains extraits de notes médicales, ne sont pas à cet effet.  La travailleuse admet elle-même que dans certaines circonstances tels les entrées d'aréna et certains lieux publics, elle a présenté les mêmes symptômes, mais à un degré moindre.  De même les notes du docteur Paradis du mois de mars 1998, font état d'une toux chronique avec quinte et ce, depuis le mois de juin 1997; de même celles du docteur Lecours du 17 avril 1998, font état d'une diminution de la toux et ce, à une période où la travailleuse n'était plus au travail.  Enfin les résultats de débit expiratoire de pointe (pièce E-3) complétés par la travailleuse elle-même, font état d'une toux quotidienne durant la période du mois de mars au mois de juin 1998; encore ici la travailleuse, à l'exception de trois journées d'essais au mois de mai, n'était pas au travail.  La Commission des lésions professionnelles demeure ainsi sceptique quant au fait que la travailleuse «tousse» seulement lorsqu'elle est au travail chez l'employeur.  Le tribunal souligne aussi qu'il est pour le moins surprenant que lors de sa tentative de retour au travail au mois d'avril 1998, la travailleuse a pris le temps de dîner à la cafétéria avant de quitter, alors que lors de l'expertise du docteur Desrosiers le 1er juin dans la même cafétéria, elle a présenté une toux encore plus vigoureuse que dans son local de travail.  La preuve établit également que la travailleuse est atopique et qu'elle est allergique à beaucoup de choses.

[37]           Quant à la preuve médicale présentée par la travailleuse, soit les avis des docteurs Cartier, Bourbeau, Lecours et Desrosiers, elle ne constitue qu'une simple affirmation quant à la relation entre la pathologie et le milieu de travail; ceux-ci ne font que déclarer que ce milieu constitue la cause de la toux de la travailleuse, soit en l'ayant constaté ou en retenant les affirmations de la travailleuse.  Cependant aucun d'entre eux ne peut motiver cette relation qu'ils établissent, d'autant qu'ils présument que la travailleuse ne tousse que dans son milieu de travail.  Bien qu'il ne soit pas toujours nécessaire d'identifier l'agent irritant ou sensibilisant d'un milieu de travail, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que dans un cas comme celui de la travailleuse où il n'est pas du tout certain que la pathologie ne se manifeste qu'au travail et que la personne présente beaucoup d'allergies, il aurait été opportun qu'une analyse de l'environnement de travail plus concluante que celle du mois de février 1998 (pièce T-13), soit effectuée.  En effet rien de particulièrement concluant ne ressort de cette analyse, sinon que sous certains aspects, les résultats ne sont pas conformes à certaines recommandations concernant le confort; ils respectent par contre les normes réglementaires de santé au Québec.  Seules les concentrations de formaldéhyde, de composés organiques volatils et de poussières totales dues à la fumée de cigarettes dans le local où travaille madame Champigny, ne sont pas conformes aux recommandations concernant le confort.  De plus, tant le témoignage de la travailleuse elle-même que les tests effectués par le docteur Desrosiers, indiquent que ce n'est pas à la fumée de cigarettes que la travailleuse réagit.

[38]           Ainsi dans un cas comme celui de la travailleuse où tous les médecins au dossier même ceux de la travailleuse indiquent qu'ils n'ont jamais eu à traiter de patient présentant une toux si spontanée et d'une telle intensité, d'autant que la travailleuse n'est pas asthmatique, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la preuve concernant la relation entre la pathologie et le travail aurait dû être plus probante.  Même dans la jurisprudence soumise par la travailleuse, il y a toujours au moins une preuve de l'existence d'un certains nombres de substances irritantes ou de solvant dans le milieu de travail; de plus ce sont en général des cas où les travailleurs oeuvrent dans des milieux qui sont favorables à l'existence de telles substances.  Dans le présent cas, la travailleuse occupe la fonction de téléphoniste-vendeuse et ce, dans un milieu qui n'a pas changé depuis dix-huit ans et dans lequel aucune autre personne ne présente de symptômes.  Pourquoi ce milieu présenterait-il soudainement en janvier 1998, des risques particuliers qui seraient à l'origine de la pathologie de la travailleuse?  La travailleuse demande au tribunal de présumer la relation entre sa pathologie et le travail et ce, sans fournir les éléments de preuve sur lesquels il peut s'appuyer pour conclure que l'environnement de travail est véritablement capable d'être à l'origine de sa maladie.

[39]           La Commission des lésions professionnelles est plutôt d'avis que les opinions des docteurs Lavigne et Renzi sont beaucoup plus probantes et plausibles avec l'ensemble des circonstances mises en preuve.  Il y a lieu d'abord de retenir que les antécédents médicaux que la travailleuse présente depuis 1982, sont tout à fait pertinents à la question au litige; ainsi la travailleuse a été victime de pharyngite, de laryngite et de trachéo-bronchite.  De plus la travailleuse qui est atopique, est allergique à plusieurs choses; comme le souligne le docteur Lavigne, on constate chez cette personne une irritation du nez et du pharynx, et celle-ci est victime de rhinite et d'écoulement dans la gorge qui provoquent la toux.  La travailleuse souffre donc d'une rhinite pharyngo-laryngite d'origine allergique.  Enfin comme le souligne le docteur Lavigne, une personne qui tousse volontairement durant une période de cinq minutes, «entretient le réflexe de la toux»; «c'est un cercle vicieux».  Compte tenu des nombreux éléments de preuve qui contredisent les prétentions de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles a tendance à retenir pareilles hypothèses.  C'est ainsi que malgré l'expertise bien «appliquée» du docteur Desrosiers, il n'y a malheureusement pas lieu de véritablement en discuter, les résultats pouvant être non significatifs en raison de l'attitude de la travailleuse.

[40]           La Commission des lésions professionnelles retient également le témoignage non contredit du docteur Renzi à l'effet qu'il n'y a aucune explication physio-pathologique pour une toux aussi explosive et persistante que celle présentée par la travailleuse.  Comme le docteur Lavigne, le docteur Renzi conclut à une toux secondaire à une rhinite allergique.  La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis que la maladie de la travailleuse constitue une condition personnelle, qui n'est pas reliée aux risques particuliers de son travail chez l'employeur.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

REJETTE la requête;

 

CONFIRME la décision rendue le 4 décembre 1999 par la Direction de la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

 

DÉCLARE que le 27 janvier 1998, la travailleuse, madame Sylvie Champigny, n'a pas cessé de travailler en raison d'une maladie professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

 

 

 

 

Me Alain Suicco

 

Commissaire

 

 

 

 

 

C.S.N.

(Me Robert Guimond)

1601, av De Lorimier

Montréal (Québec)  H2K 4M5

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

OGILVY, RENAULT

(Me Marc Tremblay)

1981, ave. Mc Gill College, bureau 1100

Montréal (Québec)  H3A 3C1

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

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