Décision

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Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine c. A.P.

2022 QCCS 4033

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No :

500-17-122162-228

 

DATE :

1er novembre 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BERNARD JOLIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE SAINTE-JUSTINE

Demandeur

c.

A… P…

et

P… A…

Défendeurs

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                La loi investit les tribunaux de vastes pouvoirs. La présente affaire rappelle que ces pouvoirs s’accompagnent aussi de lourdes responsabilités.

[2]                Plongé dans un profond coma à la suite d’un arrêt cardiovasculaire prolongé, X, l’enfant des défendeurs, âgé de 5 ans, respire avec l’aide d’un tube endotrachéal. Par sa demande introductive d’instance pour administrer des soins (la Demande), le Centre Hospitalier Universitaire Sainte-Justine (Sainte-Justine) sollicite l’autorisation de retirer ce tube et de lui prodiguer un niveau de soin minimal à la suite de l’extubation. La manœuvre est risquée puisque susceptible d’entraîner sa mort. Les parents s’y opposent.

[3]                Le Tribunal doit trancher.

  1. LE CONTEXTE

[4]                La preuve administrée révèle la trame factuelle suivante.

[5]                Le 12 juin 2022, un drame survient. X est retrouvé au fond de la piscine familiale. Immergé depuis environ 15 à 20 minutes, il est en arrêt cardiorespiratoire. Appelés sur les lieux, les ambulanciers pratiquent des manœuvres de réanimation pendant une trentaine de minutes. À son arrivée à l’Urgence du centre hospitalier Le Gardeur, les manœuvres se poursuivent et, une trentaine de minutes plus tard, son rythme cardiaque reprend.

[6]                En soirée, il est transporté à l’Unité des Soins intensifs pédiatriques (SIP) de Sainte-Justine où sa prise en charge comprend le maintien du tube endotrachéal inséré par le corps médical du centre hospitalier Le Gardeur.

[7]                Dès lors, le pronostic de X est sombre et dévastateur. Ventilo-assisté au moyen de ce tube, il est initialement hydraté par intraveineuse puis, une fois stabilisé, nourri par gavage. Au plan neurologique, il demeure dans un profond coma avec atteinte sévère des réflexes du tronc cérébral. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) réalisée le 15 juin confirme l’atteinte sévère au niveau cérébral[1].

[8]                Dans les jours qui suivent son admission à Sainte-Justine, X est confronté à de nombreux problèmes, tels qu’un syndrome de détresse respiratoire aigüe, de la dysfonction cardiaque, des épisodes de convulsions, un syndrome de production inappropriée de l’hormone antidiurétique ainsi que des difficultés de contrôle thermique.

[9]                Le 16 juin, l’équipe médicale de Sainte-Justine évoque pour la première fois avec les parents la possibilité de retirer le tube endotrachéal. À cette occasion, et à plusieurs reprises par la suite, elle leur fait valoir que cette ventilation mécanique est contreindiquée pour son état. Inutile pour améliorer sa condition neurologique, elle est susceptible de causer des dommages sérieux, voire fatals.

[10]           De plus, puisque X démontre des signes permettant de croire qu’il peut respirer de manière autonome, l’équipe traitante estime que les risques associés à l’intubation sont supérieurs aux bénéfices escomptés.

[11]           Les parents s’opposent alors à l’extubation. S’ils comprennent les conséquences d’un statu quo pour X, ils craignent par-dessus tout que la manœuvre entraîne sa mort.

[12]           La réaction de la mère est particulièrement vive. Sa foi en Dieu l’amène à espérer que son enfant émergera du coma dans lequel il est plongé. De plus, les parents estiment que le plan de traitement proposé repose d’abord et avant tout sur des considérations financières dans une perspective d’épargner des coûts et un fardeau pour la société.

[13]           À partir du 17 juin, X présente des signes de dysautonomie qui se manifeste par une rigidité accrue, de la tachycardie, de l’hypertension artérielle, de la diaphorèse et une augmentation de la température corporelle. Le 22 juin, il contracte une première pneumonie.

[14]           Le 27 juin, Sainte-Justine informe les parents que la condition de X est optimale pour une extubation et que l’équipe médicale procédera le lendemain. Le même jour, les parents, par leurs procureurs, mettent Sainte-Justine en demeure de surseoir à la démarche[2].

[15]           Le 1er juillet, les parents et leur procureur rencontrent Drs Paola Diadori et Baruch Toledano, accompagnés du procureur de Sainte-Justine. Ces derniers font alors le point sur l’état neurologique de X. Le pronostic à long terme est sombre : état de conscience végétatif, quadriparésie spastique avec ou sans dystonie ou chorée, gavage à long terme pour son hydratation et sa nutrition, fonctions cognitives limitées avec incapacité de parler et d’interpréter visuellement son environnement.

[16]           Selon l’équipe médicale, l’extubation demeure le plan à suivre afin d'évaluer s’il est en mesure de respirer par lui-même, ce qui permettrait aux parents de le ramener un jour à la maison comme ils le souhaitent. Retarder l’extubation limiterait considérablement les chances de succès de ce plan.

[17]           De plus, selon l’équipe médicale, il n’est pas dans l’intérêt de X de maintenir le tube endotrachéal en place considérant les conséquences néfastes que cette procédure invasive à long terme est susceptible de provoquer, notamment, des pneumonies et de l’atrophie musculaire.

[18]           Aussi, dans le but de rallier les parents, l’équipe médicale propose de tenter l’extubation suivie, au besoin, d’une réintubation. Cette réintubation serait pour une courte durée et uniquement dans le but de lui permettre de retrouver son plein potentiel respiratoire pour tenter une seconde et ultime extubation. Après réflexion, les parents refusent.

[19]           Le 5 juillet, à la demande des parents, Sainte-Justine procède à une seconde IRM afin d’alimenter leur réflexion. Les résultats confirment la gravité de l’atteinte cérébrale et de l’évolution attendue du tableau ischémique révélées par la première IRM avec des changements de type atrophiques et des indicateurs de séquelles permanentes.[3]

[20]           Le 10 juillet, X contracte une seconde pneumonie.

[21]           À partir du 14 juillet, les épisodes de dysautonomie se manifestent à nouveau. Dans les jours qui suivent, leur fréquence et leur intensité augmentent, alors même que les parents et l’équipe médicale peinent à s’entendre sur la médication à lui administrer. À telle enseigne que Sainte-Justine envisage même de solliciter une ordonnance du Tribunal l’autorisant à administrer la médication requise.

[22]           Le 11 juillet, en marge de ce qui précède, Sainte-Justine évoque avec les parents la possibilité de requérir un second avis d’un spécialiste. C’est ainsi que le 1er août, à la demande des parents, Dr Sam Shemie, pédiatre intensiviste à l’Hôpital de Montréal pour Enfants, procède à un examen physique de X, incluant un examen neurologique complet, et révise son dossier médical.

[23]           Dans son rapport daté du même jour[4] et dont il partage la teneur avec les parents, il conclut de la façon suivante :

“Severity of anoxic brain injury; 2) that he will never recover to any degree compatible with quality of live; 4) he will remain unconsciousness meaning no thinking, no hearing, no vision, no purposeful movements, dependency for all aspects of daily, never walk/talk/feed himself; 5) complications will include aspiration pneumonia, seizures, spasticity, susceptibility to viruses.

At this stage, he is clearly ready for a trial extubation + parents understand that reintubation may be required but the HSJ team + family should agree on next step.

My recommendation from a medical perspective is a one-way extubation + end-of-life comfort care should he not succeed. However as clearly expressed by parents, it is god, not doctors who decides. My role as above, was to provide a second external opinion.(nos soulignements)

[24]           Lors d’une rencontre tenue le 17 août, Dr Toledano discute avec les parents du contenu du rapport de Dr Shemie. Ils expriment alors leur désaccord quant à la méthodologie suivie par ce dernier et, partant, s’opposent à sa recommandation d’extuber X sans possibilité de le réintuber.

[25]           Par ailleurs, au début du mois de juillet, alors que l’impasse se cristallise, l’Unité d’éthique clinique et organisationnelle de Sainte-Justine (l’UECO) se saisit du dossier. Au cours des semaines qui suivent, les membres de l’UECO rencontrent les parents et les membres de l’équipe médicale à de nombreuses reprises.

[26]           Le 25 août, l’UECO produit un rapport dans lequel elle formule notamment les recommandations suivantes :

 « 1. L’extubation de X devrait être tentée étant donné l’absence d’indication médicale de le garder intubé, les risques et les complications associées(sic), et l’inconfort qui y est relié.

 

     2. Advenant un échec d’extubation, il serait éthiquement acceptable de ne pas réintuber X étant donné les atteintes graves et irréversibles dont il souffre, les épisodes d’inconfort qu’il subit, et les impacts sur les différentes sphères de sa qualité de vie. »[5]

 

[27]           Dans les jours qui suivent, l’équipe médicale et les parents discutent à nouveau du traitement à prodiguer à X. Ils évoquent ensemble la possibilité de procéder à une première extubation suivie d’une réintubation en cas d’échec, afin de lui permettre de reprendre des forces en vue d’une ultime extubation. Cependant, ils ne parviennent pas à s’entendre.

[28]           Le 31 août, Dr Inge Meijer, neurologue à Sainte-Justine, fait le point sur son état de santé. Dans un rapport daté du 1er septembre[6], elle mentionne que, depuis son admission, son état s’est détérioré et que la présence d’un tube endotrachéal lui est plus néfaste que bénéfique.

[29]           Le 2 septembre, devant l’impasse persistante, Sainte-Justine introduit la Demande par laquelle elle sollicite du Tribunal l’autorisation d’administrer à X le plan de traitement (le Plan), dont l’extubation sans possibilité de réintubation, constitue la pièce maitresse.

  1. PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES

[30]           La Charte canadienne des droits et libertés[7] prévoit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. La Charte des droits et libertés de la personne[8] offre une protection similaire.

[31]           Avec ces protections pour toile de fond, les articles 10 à 25 du Code civil du Québec (C.c.Q.) élaborent le cadre juridique qui guide le Tribunal appelé à décider d’une demande d’autorisation de prodiguer des soins. L’art. 10 C.c.Q. établit le principe que toute personne est inviolable et a droit à son intégrité. Aussi, sauf dans les cas prévus par la loi, nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé.

[32]           Plus particulièrement, l’art. 11 C.c.Q. mentionne que nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention.

[33]           Comme le souligne la Cour d’appel[9], les commentaires du ministre de la Justice relativement à l’art. 11 C.c.Q. cernent les contours de la notion de soins :

Le premier alinéa utilise le mot soins dans un sens générique pour couvrir toutes espèces d’examens, de prélèvements, de traitements ou d’interventions, de nature médicale, psychologique ou sociale, requis ou non par l’état de santé, physique ou mentale. Il couvre également, comme acte préalable, l’hébergement en établissement de santé lorsque la situation l’exige.[10]

[34]           Somme toute, les interventions médicales forcées constituent probablement l’une des violations les plus intolérables de l’intégrité physique et psychologique d’une personne contre sa volonté[11]. Elles ne seront possibles que si la loi le permet, ce que le Tribunal ne peut déterminer qu’après un examen structuré et rigoureux de la situation, selon les prescriptions de la loi et dans le plus grand respect des droits de cette personne[12].

[35]           Ces généralités exposées, il convient maintenant de s’attarder au régime propre au consentement aux soins prodigués à un enfant âgé de moins de 14 ans.

  • Le consentement

[36]           Le consentement aux soins requis par l‘état de santé du mineur âgé de moins de 14 ans est donné par le titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur[13]. Lorsqu’il consent à des soins ou qu’il les refuse, ce dernier doit agir dans le seul intérêt de l’enfant en respectant, dans la mesure du possible, les volontés qu’il a pu manifester[14].

[37]           S’il exprime un consentement, il doit s’assurer que :

a)     les soins seront bénéfiques malgré la gravité et la permanence de certains de leurs effets;

 

b)     les soins sont opportuns dans les circonstances;

 

c)     les risques présentés ne sont pas hors de proportion avec le bienfait qu’on en espère[15].

[38]           À la différence du pouvoir absolu que détient le majeur apte à refuser des soins pour lui-même, le pouvoir de refuser des soins que détient le représentant légal est relatif. En effet, le parent ne peut exprimer un refus qui serait injustifié, compte tenu de l’état de santé de l’enfant[16].

[39]           Ainsi, l’intérêt de l’enfant constitue la pierre angulaire de toutes décisions prises à son égard[17]. Outre ses besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques, elles doivent prendre en considération son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation[18].

  • Le refus injustifié

[40]           L’art. 16 al. 1 C.c.Q. prévoit la possibilité de s’adresser au Tribunal en cas de refus injustifié du détenteur du consentement substitué, en l’occurrence le titulaire de l’autorité parentale, de consentir aux soins. Il s’agira alors pour le Tribunal d’évaluer d’abord l’intérêt de l’enfant à la lumière de l’ensemble des circonstances puis, sur la base de cet intérêt, le caractère du refus des parents.

[41]           Dans l’arrêt Couture-Jacquet[19], la Cour d’appel détermine l’étendue du pouvoir d’intervention du Tribunal en pareille situation. Dans cette affaire, le texte législatif en cause permettait au Tribunal d’autoriser les soins lorsque le refus du titulaire de l’autorité parentale n’est pas justifié par le meilleur intérêt de l’enfant. Sous la plume du juge Chevalier, la Cour s’exprime comme suit :

« La phraséologie utilisée par le législateur indique à l’évidence que, dans le cas d’un enfant de moins de quatorze ans, le titulaire de l’autorité parentale est, en premier lieu et à l’exclusion de tout autre, celui qui a le pouvoir de décider au lieu et place de cet enfant. Il doit agir dans son meilleur intérêt, mais ce n’est que si, compte tenu de tous les facteurs en cause, sa décision s’avère déraisonnable et contraire aux intérêts de l’enfant qu’une cour de justice peut intervenir. Il ne s’agit pas alors pour la cour de se substituer au titulaire de l’autorité parentale et de décider à sa place, mais de corriger une décision manifestement erronée.

Ce pouvoir d’intervention doit s’exercer avec circonspection. »

[42]           Bien que cette approche ait été élaborée il y a plus de 35 ans, elle demeure néanmoins d’actualité dans le cadre de l’analyse du refus et de sa caractérisation[20].

[43]           Aussi, il appartient à celui qui allègue un refus injustifié den faire la démonstration au regard du meilleur intérêt de l’enfant[21].

[44]           Enfin, il n’est pas nécessaire que la vie de l’enfant soit en danger pour que le Tribunal intervienne. Il lui suffit de déterminer que le refus est injustifié par rapport au meilleur intérêt de l’enfant[22].

[45]           À cet égard, les tribunaux ont rappelé à de nombreuses reprises que les convictions morales ou religieuses des titulaires de l’autorité parentale ne sauraient, per se, faire obstacle à l’intervention du Tribunal si l’intérêt de l’enfant exige que des soins lui soient prodigués.[23]

  1. ANALYSE

[46]           Nul ne contestera l’indicible tristesse de cette affaire qui remuerait même les plus insensibles.

[47]           Cela dit, soulagé de son contenu émotionnel et des questions d’ordre philosophique et moral, le pouvoir d’intervention du Tribunal demeure la question fondamentale qui se pose à son examen[24].

[48]           Comme nous l’avons vu, ce sont les articles 12 et 16 C.c.Q. qui balisent ce pouvoir d’intervention. Aussi, comme le proposent les parties, le Tribunal doit répondre aux deux questions suivantes :

  1. Le refus des parents de consentir au plan de traitement proposé par SainteJustine est-il raisonnable et justifié au regard de l'intérêt de l'enfant?
  2. Dans la négative, le plan de traitement proposé par Sainte-Justine est-il requis par l’état de santé de l’enfant et correspond-il à son meilleur intérêt?

[49]           Avant de répondre à ces questions, il convient d’aborder deux sujets. D’abord, le Tribunal doit décider de l’objection formulée par les parents, et prise sous réserve, à l’égard de la qualification d’expert de Dr Toledano. Ensuite, le Tribunal croit utile de dresser un portrait de l’état de santé de X.

3.1 La qualification d’expert de Dr Toledano

[50]           À l’instruction, Sainte-Justine a demandé au Tribunal de permettre le témoignage de Dr Toledano à titre d’expert en pédiatrie intensiviste et de qualifier son rapport médical[25] en conséquence. Les parents s’y opposent.

[51]           Essentiellement, ils font valoir qu’à titre de médecin traitant et auteur du Plan, Dr Toledano n’a pas l’indépendance requise pour accomplir sa mission, soit celle d’éclairer le Tribunal avec objectivité, impartialité et rigueur.

[52]           De plus, ils plaident que le Code de déontologie des médecins[26] ainsi que le Guide d’exercice de la médecine d’expertise[27] interdisent au médecin traitant d’agir comme médecin expert pour le compte d’un tiers dans un litige à l’encontre de son patient.

[53]           Bref, si les parents reconnaissent l’expérience et l’expertise académique et pratique de Dr Toledano, son rôle dans la présente affaire le disqualifie.

[54]           Le Tribunal ne peut se rallier à cette proposition.

[55]           La décision de permettre ou non à un expert de témoigner malgré son intérêt dans un litige ou son rapport avec celui-ci dépend de leur importance et des faits. La notion d’apparence de parti pris n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer si le témoin expert pourra ou voudra s’acquitter de sa principale obligation envers le Tribunal.

[56]           Lorsque l’on se penche sur l’intérêt d’un expert ou sur ses rapports avec une partie, il ne s’agit pas de se demander si un observateur raisonnable penserait que l’expert est indépendant ou non; il s’agit plutôt de déterminer si la relation de l’expert avec une partie ou son intérêt fait en sorte qu’il ne peut ou ne veut s’acquitter de sa principale obligation envers le Tribunal, en l’occurrence lui apporter une aide juste, objective et impartiale.[28]

[57]           Par ailleurs, contrairement à ce que plaident les parents, le Code de déontologie des médecins et le Guide d’exercice de la médecine d’expertise ne constituent pas des obstacles dirimants au témoignage du médecin traitant dans des circonstances comme celles prévalant en l’espèce[29].

[58]           Enfin, comme le souligne la Cour d’appel, les obligations déontologiques qui s’imposent au médecin traitant à l’égard de ses patients renforcent son indépendance et son impartialité[30].

[59]           Cela dit, la preuve révèle que le SIP se compose de 14 médecins spécialistes, incluant Dr Toledano. Aussi, chacun d’eux a rencontré X et a parlé aux parents. De plus, toutes les décisions le concernant sont le fruit de discussions entre les membres de l’équipe.

[60]           Par ailleurs, Dr Toledano rédige son rapport conjointement avec sa collègue Dr Catherine Farrell. Ils y incorporent les notes et observations de plusieurs membres de l’équipe médicale. Selon la preuve, ils soumettent la version finale à tous les membres du SIP, qui l’appuient sans réserve[31].

[61]           Dr Toledano n’est donc pas son médecin traitant, comme le prétendent les parents.

[62]           De plus, Dr Toledano signe la déclaration relative à l’exécution de sa mission d’expert, comme l’exige l’article 235 C.p.c. Il a longuement témoigné et le Tribunal conclut qu’il a accompli sa mission avec objectivité, impartialité et rigueur.

[63]           Ultimement, lors des plaidoiries, le procureur des parents avance que SainteJustine ne peut se prévaloir de plus d’une expertise à moins que le Tribunal l’autorise, tel que le prévoit le second alinéa de l’art. 232 C.p.c. Or, comme Sainte-Justine produit déjà les rapports des Drs Shemie et Meijer, ajouter celui de Dr Toledano contreviendrait à cette disposition.

[64]           Le moins que l’on puisse dire c’est que l’argument est tardif, ce qui suffit pour en disposer.

[65]           Mais il y a plus. L’autorisation eût-elle été requise suivant la règle de l’expertise unique, le Tribunal aurait permis la production du rapport du Dr Toledano. D’abord, son contenu participe à la fois de l’expertise et de la preuve factuelle, ce que reconnaissent d’emblée les parents[32].

[66]           Ensuite, son contenu, tout comme le témoignage de Dr Toledano lui-même, contribue de manière significative à éclairer le Tribunal sur des questions complexes.

[67]           Enfin, la production de ce rapport ne contrevient pas à la règle de la proportionnalité que vise à protéger cette disposition d’autant plus que, après son dépôt, et à la demande des parents, le Tribunal a nommé Dr Claude Cyr à titre d'expert pour opiner sur les mêmes questions.

[68]           En conséquence, le Tribunal rejette l’objection des parents.

3.2 L’état de santé de X

[69]           À cet égard, Sainte-Justine produit les rapports des Drs Toledano[33], Meijer[34] et Shemie[35], celui-ci étant rattaché au Montréal Children Hospital. De plus, Dr Cyr du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke a également produit un rapport[36].

[70]           Les quatre experts sont unanimes sur le diagnostic et sur le pronostic de l’état de santé de X. Ils sont terriblement sombres.

[71]           Son immersion pendant de longues minutes a provoqué une encéphalopathie anoxo-ischémique qui la plongé dans un profond coma et a causé des séquelles majeures et permanentes au cerveau en raison du manque prolongé d’oxygène. Les deux IRM réalisées en juin et juillet confirment l’étendue et la permanence des dommages.[37]

[72]           Aujourd’hui, X a quelques réflexes du tronc cérébral qui lui permettent de respirer et de bouger les paupières. Son pointage à l’échelle de Glasgow Recovery oscille entre 0 et 2, soit la note la plus basse, et reflète son état végétatif.

[73]           Il ne voit pas. Si ses pupilles perçoivent la lumière, son cerveau n’intègre aucune image. Il n’entend pas. S’il réagit au bruit, c’est que l’ouïe fonctionne mais le son ne se rend pas au cerveau. Il ouvre et ferme les yeux mais n’a aucune conscience de son environnement ni de sa propre existence.

[74]           Ses seuls mouvements résultent de raideurs musculaires si sévères qu’on peine à le déplacer pour lui prodiguer des soins.

[75]           Dans les jours précédant l’instruction, Drs Toledano, Meijer et Shemie ont revu X et sa condition demeure telle que décrit précédemment. Ce constat leur permet de se prononcer avec plus de certitude sur la pérennité de son état et sur une expectative de vie significativement réduite.

3.3 Les questions en litige

3.3.1       Le refus des parents de consentir au plan de traitement proposé par SainteJustine est-il raisonnable et justifié au regard de l'intérêt de l'enfant?

3.3.1.1            Positions des parties

3.3.1.1.1     Les parents

[76]           Les parents avancent qu’ils sont parfaitement justifiés de refuser le Plan car il ne prévoit pas de réintubation en cas d’échec de l’extubation. Selon eux, leur approche se veut plus prudente et plus conservatrice que celle de l’équipe médicale, maximisant ainsi les chances de survie de X.

[77]           De plus, en raison de propos tenus par certains membres de l’équipe médicale, ils pensent que leurs recommandations ou leurs décisions sont dictées par des considérations financières et morales en marge de l’intérêt de X. En un mot, pour l’équipe, son état neurovégétatif ne justifie pas de déployer tous les moyens pour le maintenir en vie.

[78]           Enfin, ils considèrent sans fondement la position de Sainte-Justine qui, selon eux, associe leur refus à leur croyance religieuse. Au contraire, ils disent comprendre les informations médicales qu’on leur soumet. Fervents croyants, ils estiment tout de même que leur formation scolaire et leurs connaissances scientifiques se conjuguent à leur foi.[38]

3.3.1.1.2     Sainte-Justine

[79]           Pour Sainte-Justine, le refus des parents d’accepter une extubation sans retour est totalement injustifié et contraire aux intérêts de X. Cette position est d’autant plus inacceptable que le Plan reçoit l’appui unanime de l’équipe médicale et des experts au dossier. Aussi, l’exigence de le réintuber en cas d’échec de l’extubation ne fera que prolonger son intubation, diminuant ainsi ses chances de réhabilitation dans les limites de sa condition médicale.

[80]           De plus, Sainte-Justine avance que les parents préfèrent maintenir le statu quo en priant pour une intervention divine qui se manifesterait par un miracle. Cette attitude, combinée à la méfiance qu’ils entretiennent à l’égard de l’équipe médicale, les empêche de considérer de manière objective les bienfaits du Plan.

3.3.1.2 Discussion

[81]           Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la preuve démontre de manière prépondérante que le refus des parents de consentir au Plan n’est ni raisonnable, ni justifié.

[82]           De fait, la preuve révèle que les parents n’envisagent le meilleur intérêt de X que sous le seul angle de son maintien en vie, quelle que soit sa condition. Cette position est renforcée par leur foi en Dieu à qui ils sen remettent pour veiller sur lui et le ramener dans l’état où il se trouvait avant l’accident.

[83]           À l’arrivée de X à Sainte-Justine, Dr Tucci, l’intensiviste de garde, partage avec les parents ses craintes qu’il ne survive pas au-delà de quelques heures. Elle suggère qu’aucune manœuvre de réanimation ne soit tentée en cas d’arrêt cardiorespiratoire. Les parents refusent.[39]

[84]           Mais X survit et, dans les jours qui suivent, son état, bien que grave, se stabilise, ce qui nourrit les espoirs des parents.

[85]           C’est pourquoi ils sont sous le choc lorsque, au cours de la rencontre du 16 juin, l’équipe médicale évoque avec eux la possibilité d’une extubation dans les prochains jours lorsque les conditions idéales seront réunies. Puisque cette démarche peut entraîner la mort de leur enfant, les parents s’y opposent.

[86]           Cette rencontre érode sérieusement la confiance des parents envers l’équipe traitante. Ils perçoivent qu’aux yeux de l’équipe, la vie de leur enfant n’en vaut pas la peine et que ces recommandations reposent sur des considérations financières. L’attitude qu’ils prêtent à l’équipe traitante s’inscrit également en porte-à-faux avec leurs croyances religieuses. Ils souhaitent un miracle. Le père affirme alors « qu’il ressent fortement que X sera le premier cas à vivre un rétablissement complet et qu’il pourra retourner à son état de base »[40].

[87]           À partir de ce moment, la méfiance des parents, combinée à leur foi inébranlable qu’un miracle se produira chacune se nourrissant de l’autre les rendra réfractaires au Plan.

[88]           Ainsi, ils s’opposent à tout plan de traitement qui comprend, ultimement, une extubation sans possibilité de réintubation. Ce sera notamment le cas le 27 juin avec Dr Toledano et le 5 juillet avec Dr Crevier. Le 1er août, lorsque Dr Shemie, dont ils avaient eux-mêmes sollicité l’opinion, recommande « a one-way extubation+ end-of life comfort care », les parents remettent en cause sa méthodologie et ses qualifications et rejettent sa recommandation. À la fin août, alors que Dr Toledano revient à la charge, ils s’opposent à nouveau à l’extubation de X sans réintubation en cas d’échec.

[89]           Leur méfiance à l’égard de l’équipe médicale et leur crainte que l’extubation de leur fils entraîne son décès expliquent leur position. Mais, surtout, leur objectif consiste à le maintenir intubé aussi longtemps que possible pour permettre l’accomplissement d’un miracle.

[90]           Leur foi en Dieu, omniprésente dans leurs échanges avec l’équipe médicale, les amène à rejeter toute forme d’intervention susceptible de causer la mort de X et à évacuer l’avis unanime des experts.

[91]           Marie-Claude Levasseur, conseillère-cadre éthique clinique et organisationnelle au sein de l’UECO, a rencontré la mère, entre autres, le 6 juillet. Elle rapporte ainsi ses propos, propos que cette dernière confirmera par la suite :

 « … Lors de notre échange, Madame explique que la foi est centrale dans sa vie et dans celle de ses enfants. Plusieurs fois dans sa vie, elle a eu l’expérience de la présence de Dieu et de son impact sur le cours des choses. Dans ces situations, à chaque fois, la science faisait des prédictions et décrivait certains scénarios souvent sombres mais, le cours des choses en décidait alors autrement, contre toute attente.

 Le temps semble être un allié dans sa conception des choses car cela pourrait lui permettre de se rétablir, avec le temps, l’amour et l’aide de Dieu. Elle souhaite d’ailleurs s’occuper de son fils, peu importe sa condition et se dédier pleinement à ses soins »[41]

[92]           Cette conception, au demeurant fort louable, s’écarte d’une juste perspective de la réalité. Ainsi, comme elle en témoigne à l’instruction, la mère voit des « progrès » dans l’état de santé de son enfant qui est, aujourd’hui, « un autre X ». Depuis l’accident, il a ouvert les pupilles et bouge les yeux. Elle dit qu’il réagit à la musique et à la voix de son frère et de sa sœur, ce qui démontre « qu’il est très conscient de son environnement ». Enfin, selon elle, les médicaments sauront apaiser sa douleur physique, si tant est qu’il souffre.

[93]           D’aucuns seront sensibles à l’amour inconditionnel des parents à l’égard de leur enfant et de leur combat sans merci pour le garder en vie. Malgré toute l’empathie qu’il peut éprouver, le Tribunal conclut que le refus des parents de consentir au Plan n’est pas justifié et est contraire au meilleur intérêt de X.

3.3.2       Dans la négative, le plan de traitement proposé par Sainte-Justine est-il requis par l’état de santé de l’enfant et correspond-il à son meilleur intérêt?

3.3.2.1            Position des parties

3.3.2.1.1     Les parents

[94]           Les parents partagent l’avis de l’équipe médicale : l’extubation est nécessaire. Cependant, une telle manœuvre sans possibilité de réintubation en cas de complication ne maximise pas les chances de réussite d’une extubation définitive.

[95]           Lorsque l’on soupèse les risques par rapport aux bénéfices espérés, le Plan ne passe pas la rampe. Il est susceptible d’entraîner la mort de X et rien ne peut faire contrepoids à une telle conséquence.

[96]           Au contraire, une extubation, suivie d’une réintubation en cas d’échec, réduit ce risque. De plus, elle permet d’obtenir de précieuses informations et d’adapter la stratégie en prévision de la prochaine extubation et ainsi de suite jusqu’à l’extubation finale.

3.3.2.1.2     Sainte-Justine

[97]           Pour Sainte-Justine, le Plan est tout indiqué pour X considérant sa condition. La ventilation mécanique par tube endotrachéal n’est plus requise car il peut respirer spontanément. De plus, il s’agit d’un soin invasif et tout à fait inutile car il n’améliorera en rien le pronostic neurologique.

[98]           Par ailleurs, le maintien du tube en place comporte nombre de risques et d‘inconvénients : pneumonie, trachéite, complications infectieuses et déconditionnement musculaire pour ne nommer que ceux-là. La présence du tube rend également l’aspiration des sécrétions très pénible.

[99]           Enfin, les bénéfices de l’extubation sont nombreux. Elle permettrait à X de passer à une étape moins aigüe de sa prise en charge et, ultimement, de retourner à la maison. Elle permettrait également de mieux le mobiliser pour faciliter ses soins d’hygiène, d’entamer la physiothérapie et, à terme, de limiter les soins médicaux prodigués.

[100]       Un retour à l’intubation en cas d’échec de l’extubation ne ferait qu’intensifier les inconvénients qui en résultent.

3.3.2.2            Discussion

[101]       Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la preuve prépondérante démontre que le Plan est requis par l’état de santé de X et qu’il correspond à son meilleur intérêt dans les circonstances.

[102]       Le Plan s’articule autour de l’extubation de X sans possibilité de le réintuber en cas d’échec. Il prévoit la mise à jeun et l’administration de médicaments dans les heures précédant l’extubation. Une fois l’opération complétée, il anticipe divers traitements et prises de médicaments selon sa réaction à l’extubation. Dans le pire des scénarios, elle entraîne le décès. Dans le meilleur, il quitte l’hôpital au bout d’une période indéterminée pour un centre de réadaptation ou pour le domicile familial.

[103]       Les experts sont unanimes : le Plan est adéquat, conforme aux bonnes pratiques et dans le meilleur intérêt de X. Aussi, selon eux, qu’il soit extubé ou intubé ne change absolument rien aux pronostics neurologiques décrits plus tôt ni à sa capacité de gérer ses sécrétions. Cependant, l’intubation ou la réintubation présente de nombreux désavantages.

[104]       D’abord, selon la preuve prépondérante, X souffre.

[105]       Depuis l’accident, il est sujet à des épisodes de dysautonomie qui se traduisent par une hyperactivité du système sympathique et par l’absence d’inhibition pour la réduire. En conséquence, son corps se raidit, souvent dans des positions incongrues. Selon Dr Meijer, ces épisodes se sont révélés particulièrement aigus chez X.

[106]       Selon tous les experts entendus, toute forme de stimulation, comme la présence du tube endotrachéal, augmente la fréquence et l’intensité des épisodes. Si la médication parvient à les espacer ou à réduire leur intensité, elle ne peut toutefois les éliminer.

[107]       De l’avis des experts, ces épisodes sont douloureux pour lui. Selon Dr Meijer, son état l’amène à adopter des postures anormales car il ne peut gérer son tonus musculaire, ce qui mène à l’inconfort, synonyme de douleur.

[108]       Dr Shemie va plus loin. À son avis, puisque le tronc cérébral a encore quelques fonctions, il est possible qu’il ressente la douleur. Cependant, chose certaine, son corps souffre en raison de la destruction de ses cellules musculaires causée par la rigidité de ses muscles (spasticité).

[109]       Pour sa part, Dr Toledano est d’avis que, s’il n’est pas certain que X perçoive de la douleur sur le plan cognitif, il ressent certainement une très grande douleur corporelle, point de vue que partage Dr Cyr.

[110]       Enfin, la mère témoigne qu’à son avis, son enfant souffre lorsqu’il traverse des épisodes de dysautonomie.

[111]       Bref, quelle que soit la nature ou l’intensité de la douleur, X souffre et tous les experts s’entendent qu’il y a lieu d’appliquer le principe de précaution : s’il y a le moindre doute que le patient souffre, tout doit être mis en œuvre pour éliminer ou atténuer la douleur.

[112]       L’intubation ou la réintubation entraîne également de nombreuses autres conséquences négatives pour X :

a)                elle augmente le risque de contracter une pneumonie causant des douleurs et susceptible d’entraîner la mort. Une pneumonie diminue également l’efficacité des poumons et augmente les possibilités d’atteinte cardiaque.

b)                il y a un risque de choc septique provoqué par la présence de microorganismes dans le sang.

c)                 il y a également un risque d’inflammation de la trachée.

d)                il s'expose à contracter des plaies de lit.

e)                la présence du tube endotrachéal empêche de le mobiliser et, par conséquent, le prive d’exercice de physiothérapie alors même qu’il est en contraction musculaire permanente.

f)                   intubé, X doit demeurer au SIP, un environnement actif, propice aux stimuli déclencheurs de dysautonomie.

[113]       En plaidoirie, les parents font valoir deux lacunes fondamentales du Plan. D’abord, selon eux, on ne sait pas comment X réagira à l’extubation. C’est pourquoi ils préconisent un plan prévoyant la réintubation en cas d’échec de manière, disent-ils, à apporter les ajustements requis en prévision de l’extubation suivante.

[114]       À cet égard, ils s’appuient sur le rapport de Dr Cyr qui évoque un tel scénario. Toutefois, à l’instruction, ce dernier précise qu’une réintubation est envisageable si la cause de l’échec est transitoire. Il identifie cinq causes de cette nature : pneumonie, affaissement du poumon, convulsions, chirurgie et lésion de la paroi de la trachée.

[115]       Il reconnaît par ailleurs que les trois premières causes sont attribuables à l’état neurologique de X et non à la présence du tube. Quant à la nécessité de procéder à une chirurgie, Sainte-Justine a modifié le Plan afin de prendre en compte cette éventualité. Enfin, SainteJustine s’est engagée à procéder, au besoin, à une bronchoscopie pour s’assurer de la bonne condition de la trachée au moment de l’extubation.

[116]       Somme toute, Dr Cyr est d’accord avec le Plan et mentionne que la possibilité de réintubation en cas d’échec vise davantage la mobilisation et l’adhésion de la famille que de réelles vertus thérapeutiques.

[117]       En réalité, le scénario préconisé par les parents s’inscrit plutôt dans la foulée de leur approche qui vise à gagner du temps dans l’espoir qu’un miracle se produise.

[118]       La seconde lacune fondamentale du Plan évoquée par les parents est qu’il ne comporte aucune durée précise. Partant, il impose un niveau de soins indéfini alors que, pendant ce temps, les parents se voient privés de l’exercice de l’autorité parentale.

[119]       Le Tribunal ne peut souscrire à une telle proposition.

[120]       Il est exact que le Plan ne comprend pas une durée d’application précise comme c’est généralement le cas pour les plans de traitement soumis à l’autorisation de la Cour. Cependant, la preuve révèle qu’il sera possible de connaître la réaction de X dans les heures qui suivront son extubation.

[121]       De là, le Plan prévoit l’administration de différents traitements et médicaments selon sa réaction. Si tout se déroule comme souhaité, il sera transféré du SIP à l’étage puis à un centre de réadaptation ou au domicile familial. Le Tribunal n’y voit pas un niveau de soins indéfini comme le suggèrent les parents.

[122]       Le Plan ne dépouille pas non plus les parents de leur autorité parentale au profit de Sainte-Justine; il n’a aucun effet tant qu’il n’est pas autorisé par le Tribunal. S’il l’autorise, le Tribunal ne se substitue pas aux parents, titulaires de l’autorité parentale, pour décider à leur place mais il corrige plutôt leur décision manifestement erronée[42].

[123]       Dans leur plan d’argumentation, les parents avancent également que le Plan n’est pas dans le meilleur intérêt de leur enfant. En écartant la possibilité de « faire un essai » soit de le réintuber en cas d’échec de l’extubation, Sainte-Justine se prive d’information permettant d’ajuster le tir et de maximiser les chances de succès d’une extubation subséquente.

[124]       Bien que séduisante à première vue, cette approche est contraire à l’avis unanime des experts, sauf Dr Cyr qui évoque la possibilité d'une réintubation dans des cas bien précis dont nous avons déjà traité.

[125]       En fait, elle rejoint le souhait des parents d’éviter à tout prix « l’ultime désintubation » :

 « 28… ils ont toujours été en accord avec une tentative d’extubation de leur fils sans condition rattachée, de façon à ce qu’il puisse être réintubé en cas d’échec, sans obligation de procéder rapidement à une seconde et ultime extubation par la suite, le plan de traitement proposé n’étant  pas dans le meilleur intérêt de leur enfant. »[43]

[126]       Aussi, pour les mêmes raisons il faut rejeter l’argument des parents selon lequel le Tribunal doit refuser le Plan en raison de son caractère permanent[44].

[127]       Enfin, les parents font valoir que le Plan n’est pas opportun en ce qu’il met en péril la vie de leur enfant, une fois de plus en raison du fait qu’il écarte la possibilité de le réintuber en cas d’échec de l’extubation. Là encore, le Tribunal est d’avis que l’argument vise essentiellement à reporter indéfiniment une ultime désintubation. Cet objectif s’exprime d’ailleurs par la mise en garde formulée à leur plan d’argumentation :

 « 45. La Cour d’appel rappelle également, dans l’arrêt F.D., qu’elle n’a pas compétence pour intervenir à titre préventif. En l’espèce, ceci signifie que la Cour ne peut statuer sur quelle serait la conduite à tenir advenant l’échec d’une seconde ou d’une troisième tentative de réintubation, un tel scénario demeurant, à ce stade, totalement hypothétique »[45].

[128]       Il est exact que l’extubation comporte le risque d’entraîner la mort de X mais, à la lumière de la preuve, ce risque découle beaucoup plus de sa condition que de l’extubation elle-même. Aussi, là encore, les experts sont unanimes : des manœuvres d’extubation et d’intubation à répétition sont contre-indiquées pour les raisons dont nous avons déjà discuté.

[129]       Le Tribunal autorisera donc Sainte-Justine à procéder au Plan avec les trois modifications suivantes :

  • D’abord, à la suite de la modification apportée au Plan à l’instruction, SainteJustine sera autorisée à ne pas réintuber X en cas d’échec de l’extubation sauf en cas de chirurgie planifiée qui nécessite une réintubation transitoire et temporaire.
  • Ensuite, faisant écho au témoignage de Dr Toledano, le Tribunal introduira au Plan la réalisation d’une bronchoscopie préalablement à l’extubation de manière à s’assurer de la condition des voies respiratoires;
  • Enfin, dans sa forme actuelle, le Plan prévoit qu’en quittant l’hôpital, X sera transféré dans un milieu approprié à sa condition, tel que déterminé par l’équipe médicale. Le Tribunal est d’avis qu’il est prématuré d’imposer une telle condition. D’abord, le milieu le plus approprié est fonction d’une foule de facteurs indéterminés pour le moment comme l’état dans lequel il se trouvera et les ressources qui seront disponibles. Aussi, ce choix appartient aux parents, titulaires de l’autorité parentale.
  1. Les frais de justice

[130]       La Demande ne recherche pas une condamnation au paiement des frais de justice. En conséquence, le Tribunal n’en accordera pas.

[131]       Toutefois demeurent les honoraires de Dr Cyr. Dans la décision qui le nomme, le Tribunal avait enjoint aux parties de les acquitter en parts égales jusqu’à ce qu'il dispose de la Demande. Le 13 octobre, Dr Cyr émet sa facture qui totalise 2 500 $.

[132]       Sainte-Justine fait valoir qu’elle ne saurait être tenue d’acquitter ce montant en tout ou en partie. D’une part, c’est à la demande des parents que le Tribunal a nommé Dr Cyr. D’autre part, ses conclusions n’ajoutent rien à celles des autres experts entendus.

[133]       Pour leur part, les parents plaident que l’expertise de Dr Cyr a contribué à nuancer la preuve médicale soumise par les autres experts. Quoiqu’il en soit, il serait disproportionné de porter ces honoraires à leur charge en raison de l’écart entre les moyens financiers des parties.

[134]       L’art. 234 C.p.c. qui confère au Tribunal le pouvoir de nommer un expert lui permet également de statuer sur les honoraires et leur paiement. À cet égard, il jouit d’un large pouvoir discrétionnaire comme celui qui lui permet d’écarter la règle de la succombance et d’ordonner à la partie qui a eu gain de cause de payer les frais de justice engagés par une autre partie.[46]

[135]       En l’espèce, le Tribunal est d’avis que le rapport de Dr Cyr et son témoignage ont fait œuvre utile en corroborant, en précisant ou en nuançant certains aspects de la preuve médicale administrée. Aussi, même en l’absence d’une preuve précise, il est manifeste qu’il existe un écart significatif entre les moyens financiers respectifs des parties.

[136]       Vu les circonstances particulières de l’affaire, le Tribunal ordonnera à SainteJustine d’acquitter les honoraires de Dr Cyr.

CONCLUSION

[137]       De toute évidence, les défendeurs sont de bons parents. Leur amour inconditionnel pour leur enfant, décuplé par leur foi, alimente leur détermination à le maintenir en vie et le Tribunal ne peut que souligner leur courage.

[138]       Cependant, si ces sentiments et ces convictions les honorent, ils ne parviennent pas à s’harmoniser avec le meilleur intérêt de X.

[139]       En conséquence, le Tribunal fera droit à la Demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[140]       ACCUEILLE la Demande;

[141]       AUTORISE le demandeur à communiquer des renseignements et des documents contenus au dossier médical de X pour les fins de la Demande;

[142]       AUTORISE les médecins traitants du Centre hospitalier universitaire SainteJustine, ou toute personne ou établissement de santé ayant pris en charge X à procéder auprès de ce dernier, malgré le refus injustifié des défendeurs, au plan de traitement suivant:

1) bronchoscopie pour s’assurer des conditions des voies respiratoires;

2) Administration de dexaméthasone (corticostéroïde) au moins 12h avant l'extubation pour réduire le risque d'inflammation et œdème (enflure) au niveau des cordes vocales pouvant nuire à la tolérance de l'extubation selon le dosage et la fréquence ajustés par l'équipe médicale.

3) Mise à jeun au moins 6 heures avant l'extubation pour s'assurer que l'estomac soit vide dans le cas où il vomit durant l'extubation.

4) Extubation en présence de l'équipe médicale, personnel infirmier et inhalothérapeute et les défendeurs, s'ils le désirent.

5) Administration d'oxygène selon le besoin de X, avec surveillance continue de la saturation en oxygène par oxymétrie pulsée (« saturomètre »). L'oxygène pourrait être administré par lunettes nasales ou masque selon la concentration nécessaire et déterminée par l'équipe médicale.

6) Poursuite des manœuvres pour mobiliser et gérer les secrétions: physiothérapie respiratoire, séances de ln/EX (appareil qui aide à dégager les sécrétions souvent utilisé chez des patients avec faiblesse musculaire) à intervalles réguliers chaque 6 heures et/ou RPPI (appareil qui aide à garder toutes les zones du poumon ouvertes, chez des patients ayant ou à risque d'avoir des zones de poumon non-gonflées à cause de sécrétions, liquide, positionnement, etc.) à intervalle déterminé par l'équipe médicale. Aspirations de secrétions en naso et oropharyngée.

7) Si présence de stridor, administration d'épinéphrine en vaporisation et ajout de doses supplémentaires de dexaméthasone avec surveillance étroite et selon le dosage et la fréquence ajustés par l'équipe médicale.

8) S'il y a des quantités excessives de secrétions, administration du glycopyrrolate pour en diminuer la production selon le dosage et la fréquence ajustés par l'équipe médicale avec surveillance étroite si les secrétions deviennent épaisses.

9) Si X maintient une détresse respiratoire avec inconfort, administration de bolus de morphine et/ou midazolam selon le dosage et la fréquence ajustés par l'équipe médicale dans le but de l'aider à maintenir son confort et lui permettre d'avoir une respiration plus efficace.

10) Si malgré toutes ces interventions, le travail respiratoire, la détresse respiratoire, la capacité à s'oxygéner ou à se ventiler semblent non satisfaisants selon l'équipe médicale, les soins de confort et le support respiratoire maximal, tel que décrit au point 8 seront maintenus selon le dosage et la fréquence ajustés par l’équipe médicale.

11) Si, avec ces interventions, X arrive à s’oxygéner et se ventiler adéquatement et que X démontre son indépendance du ventilateur après une période de stabilité de trois (3) jours, l’équipe médicale planifiera un transfert de X à l’étage si elle juge que son état le permet.

12) Lorsque l'équipe médicale juge que l'état de santé de X le permet, ce dernier sera transféré dans un milieu approprié à sa condition.

[143]       AUTORISE les médecins traitants du Centre hospitalier universitaire SainteJustine, ou toute personne ou établissement de santé ayant pris en charge X à débuter le plan de traitement lorsque l'équipe médicale déterminera que X est dans une condition clinique favorable;

[144]       AUTORISE les médecins traitants du Centre hospitalier universitaire SainteJustine, ou toute personne ou établissement de ·santé ayant pris en charge X à ne pas le réintuber en cas d'échec du plan de traitement sauf en cas de chirurgie planifiée qui nécessite une réintubation transitoire et temporaire;

[145]       AUTORISE les médecins traitants du Centre hospitalier universitaire SainteJustine, ou toute personne ou établissement de santé ayant pris en charge X, à ajuster ou modifier le plan de traitement selon la réponse clinique de X au plan de traitement;

[146]       ORDONNE aux défendeurs de s'abstenir d'interférer au plan de traitement prévu au jugement;

[147]       PREND ACTE de l'engagement du Centre hospitalier universitaire SainteJustine, incluant les membres de l'équipe médicale de X, à assurer la mise en place de soins et services dans le respect de la dignité de X;

[148]       PREND ACTE de l'engagement du Centre hospitalier universitaire SainteJustine, incluant les membres de l'équipe médicale d'offrir le soutien requis aux défendeurs s'ils le souhaitent ;

[149]       AUTORISE tout établissement tel que défini par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., c.S-4.2, y compris tout médecin traitant de cet établissement ayant pris en charge X à le traiter conformément au jugement comme si cet établissement y était désigné;

[150]       ORDONNE au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de payer les frais de l’expert Claude Cyr;

[151]       LE TOUT, sans autres frais de justice.

 

________________________________

HONORABLE bernard jolin, j.c.s.

Me Mona Kayal

Monette Barakett

Avocate du demandeur

 

Me Patrick Martin-Ménard

Me Maude Lépine

Ménard, Martin avocats

Avocats des défendeurs

 

Dates d’audience : 11 et 12 octobre 2022

 


[1]  Pièce P-2.

[2]  Pièce P-3.

[3]  Pièce P-2.

[4]  Pièce P-4.

[5]  Pièce P-5, p. 14.

[6]  Pièce P-6.

[7]  Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U), art. 7.

[8]  L.R.Q., c. C-12, art. 1.

[9]  M.B. c. Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur, [2004] R.J.Q. 792 (C.A.), par. 26.

[10]  MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC, Commentaires du ministre de la Justice. Le Code civil du Québec. Un mouvement de société, t. I, Québec, Publications du Québec, 1993, art. 11, p. 12.

[11]  A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l'enfant et à la famille), 2009 CSC 30, par. 167.

[12]  F.D. c. Centre universitaire de santé McGill (Hôpital Royal-Victoria), 2015 QCCA 1139, par. 1; voir également A.F. c. Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides, 2021 QCCA 928, par. 22 et suiv.; X.Y. c. Hôpital général du Lakeshore, 2017 QCCA 1465, par. 4.

[13]  Art. 14, al. 1 C.c.Q.

[14]  Art. 12, al. 1 C.c.Q.

[15]  Art. 12, al. 2 C.c.Q.

[16]  Michel T. Giroux, « À la croisée des chemins en pédiatrie », dans S.F.C.B.Q., vol. 439, La protection des personnes vulnérables (2018), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 125, à la p. 134.

[17]  C.(G.) c. V.-F.(T.), [1987] 2 R.C.S. 244, par. 42.

[18]  Art. 33 C.c.Q.

[19]  Couture-Jacquet c. Montreal Children's Hospital (C.A.), 1986-02-04, SOQUIJ AZ-86011107, J.E. 86398, [1986] R.J.Q. 1221, [1986] R.D.F. 175, motifs du Juge Chevalier, p. 3.

[20]   Institut universitaire en santé mentale Douglas c. S.M., 2018 QCCS 3968, par. 36-40; CHU de Québec c. M.G., 2014 QCCS 1404, par. 23 à 25.

[21]  Couture-Jacquet, préc. Note 19, motifs du juge Owen, p. 6 et 7; Institut universitaire en santé mentale Douglas préc. Note 20, par. 41.

[22]  Hôpital St-François-D'Assise c. Lacasse, [1993] R.D.F. 348 (C.S.); V.F. c. T.D., J.E. 2004-1452 (C.S.); CHU de Québec - Université Laval c. A.L., 2019 QCCS 3310.

[23]  B. (R.) c. Children's Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315; Centre hospitalier universitaire de Québec c. A, 2007 QCCS 2419; Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke — site Fleurimont c. P.B., 2012 QCCS 3679; CHU de Québec - Université Laval c. A.L., 2019 QCCS 3310;Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine c. M.C., 2013 QCCS 2583; Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine c. X, 2011 QCCS 3803, par. 2-12CHU de Québec - Université Laval c. R.C., 2022 QCCS 3116, par. 17-19.

[24]  Couture-Jacquet, préc. Note 19, motifs du juge Chevalier, p. 1.

[25]  Pièce P-1.

[26]  M-9, r.17, art.66 et 67.

[27]  Juin 2021, p. 13-14.

[28]  White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23, par. 50.

[29]  Tanguay c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d'assurance-vie, 2007 QCCS 2475, par. 55, 56; Pouteau c. Personnelle-vie, [2001] R.R.A. 98 (C.S.) (Appel accueilli, C.A. 2003-02-27, 500-09-010422-004 sans que la Cour d’appel ne traite de la question; Bolduc c. S.S.Q., société d'assurance-vie inc., [2000] R.R.A. 207 (rés.) (C.S.), par. 505-507; E.F. c. Bourdua, 2007 QCCS 6020, par. 88-94; Lacasse c. Lefrançois, [2004] R.R.A. 115 (C.S.) Appel rejeté, C.A. 2007-07-23, 200-09-004752-041; L'Heureux c. Lapalme, [2002] R.R.A. 1205 (C.S.), par. 53-64; Cadieux c. Boileau, 2020 QCCS 2388, par. 54-61.

[30]  M.G. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, 2021 QCCA 1326, par. 11.

[31]  Pièce P-1, p. 24.

[32]  Benhaim c. RBC Life Insurance Company, 2018 QCCS 4263.

[33]  Pièce P-1.

[34]  Pièce P-6.

[35]  Pièce P-4.

[36]  Pièce T-1.

[37]  Pièce P-2.

[38]  Défense, par. 59.

[39]  Pièce P-1, p.2.

[40]  Pièce D-1, p.23; voir également Pièce P-1 p.3; Défense, par. 68-73.

[41]  Pièce P-5, p 3-4.

[42]  Couture-Jacquet, préc. Note 19.

[43]  Plan d’argumentation des défendeurs, par. 28.

[44]  Plan d’argumentation des défendeurs, par. 36.

[45]  Plan d’argumentation des défendeurs, par. 45.

[46]  Art. 340 et 341 C.p.c.

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