Phoenix et Service de réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort |
2014 QCCLP 5731 |
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[1] Le 25 février 2013, madame Constance Phoenix (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 janvier 2013, à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu'elle a initialement rendue le 10 décembre 2012 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement pour remplacer ou réparer ses lunettes, le tout en relation avec une lésion professionnelle survenue le 3 novembre 2012.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 14 octobre 2014, à Saint-Jean-sur-Richelieu, à laquelle seuls la travailleuse et son représentant sont présents. Le dossier est mis en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais engagés pour remplacer ses lunettes brisées à l’occasion d’une lésion professionnelle.
LES FAITS
[5] La travailleuse, qui est assistante en réadaptation chez Service de réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort (l’employeur), subit une lésion professionnelle par le fait d’un accident du travail le 3 novembre 2012 alors qu’elle fait une chute dans un escalier à la sortie de son travail.
[6] Elle subit une commotion cérébrale légère, une cervicodorsalgie et une entorse ischio-jambier externe du genou droit.
[7] Le 6 décembre 2012, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse à titre d’accident survenu à l’occasion de son travail.
[8] La travailleuse présente également une demande afin qu’on lui rembourse le remplacement de ses lunettes brisées à l’occasion de cette chute.
[9] La CSST, tel que mentionné précédemment dans la présente décision, refuse un tel remboursement puisque le bris des lunettes, selon sa décision, ne survient pas par le fait du travail, mais à l’occasion du travail.
[10] Lors de l’audience, la travailleuse a témoigné. Elle explique qu’au moment de l’événement, elle terminait son quart de travail qui se déroule entre 16 h et 23 h. Elle précise que le 3 novembre 2012 était un samedi. Elle mentionne que pour son quart de travail, elle est seule entre 22 h et 22 h 45 et qu’elle est remplacée à ce moment. Après avoir fait le rapport de sa journée à sa remplaçante, elle se prépare à quitter son emploi. Cependant, elle précise que dans ses tâches de travail, elle doit ramasser tous les déchets dans un sac et aller porter ce sac dans un bac à déchets à l’extérieur, ce qu’elle fait en quittant son travail.
[11] Lors de la soirée de l’événement accidentel, elle descend les escaliers avec le sac de vidanges et son sac à main dans les mains. Avant qu’elle ait terminé de descendre l’escalier, la personne qui l’a remplacée ferme par erreur la lumière de l’escalier, ce qui a pour effet qu’elle ne voit plus rien et qu’elle tombe. Lors de cette chute, elle se blesse et brise ses lunettes.
[12] Elle précise que toutes les fois qu’elle termine son quart de travail le soir, elle a comme tâche de ramasser les déchets et de les apporter dans le bac extérieur.
L’AVIS DES MEMBRES
[13] Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le juge administratif soussigné a demandé aux membres qui ont siégé auprès de lui leur avis sur la question faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.
[14] La membre issue des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis, selon la preuve obtenue lors de l’audience, que les lunettes de la travailleuse ont été brisées lors d’un événement imprévu et soudain qui est survenu par le fait de son travail. En conséquence, ils sont d’avis qu’elle a droit au remboursement de ses lunettes selon les dispositions de la loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[15] Le tribunal doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement de ses lunettes à la suite de sa lésion professionnelle survenue le 3 novembre 2012.
[16] Les articles 113, 188 et 198.1 de loi sont pertinents au présent litige et s’énoncent comme suit :
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L - 0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.
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1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
198.1. La Commission acquitte le coût de l'achat, de l'ajustement, de la réparation et du remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse visée au paragraphe 4° de l'article 189 selon ce qu'elle détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
Dans le cas où une orthèse ou une prothèse possède des caractéristiques identiques à celles d'une orthèse ou d'une prothèse apparaissant à un programme administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec en vertu de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29) ou la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec (chapitre R-5), le montant payable par la Commission est celui qui est déterminé dans ce programme.
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1992, c. 11, a. 11; 1999, c. 89, a. 53.
[17] L’article 113 de la loi prévoit précisément dans quel cas un travailleur peut recevoir un remboursement lorsque ses lunettes sont brisées à l’occasion d’une lésion professionnelle. Cet article précise cependant qu’il faut que les lunettes soient brisées lors d’un événement imprévu et soudain qui survient par le fait de son travail et non pas à l’occasion de son travail.
[18] Il faut donc que le bris de telles lunettes survienne alors qu’un travailleur est à exercer ses fonctions.
[19] Dans la présente affaire, bien que la travailleuse était sur son départ en descendant l’escalier, il a été mis en preuve qu’elle devait transporter un sac à ordures pour l’apporter dans un bac à l’extérieur et que cela faisait partie de ses tâches à effectuer à la fin de son quart de travail.
[20] Le tribunal, selon la preuve qui lui a été présentée lors de l’audience, en vient à la conclusion que différents facteurs sont intervenus causant la chute de la travailleuse; d’abord, le fait que la lumière ait été fermée par sa collègue de travail, la laissant dans le noir, de même que le fait qu’elle ait dans les mains un sac à ordures, ce qui l’a gênée dans ses mouvements.
[21] En conséquence, le tribunal détermine que l’événement imprévu et soudain survenu à la travailleuse le 3 novembre 2012 est la chute survenue dans l’escalier. De même, ses lunettes ont été brisées par un événement survenant par le fait de son travail, à savoir qu’elle avait dans les mains un sac à ordures qu’elle devait transporter vers un bac à déchets à l’extérieur, ce qui lui a nui dans son équilibre, au moment où elle se retrouve dans le noir à la suite d’une erreur de sa collègue de travail qui a fermé la lumière.
[22] Dans les circonstances, le tribunal détermine que la travailleuse a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement de son orthèse, tel que le prévoit l’article 113 de la loi, dans la mesure prévue par l’article 198.1 de la loi, à savoir selon les dispositions du règlement adopté par la CSST en vertu de cet article.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Constance Phoenix, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 28 janvier 2013, à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement de ses lunettes selon les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Denis Rivard |
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M. Jonathan Bérubé |
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C.S.N. (MONTÉRÉGIE) |
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Représentant de la partie requérante |