Décision

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Légaré et Construction C.R. Bolduc inc.

2010 QCCLP 1938

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

9 mars 2010

 

Région :

Québec

 

Dossier :

393068-31-0910

 

Dossier CSST :

135204329

 

Commissaire :

Carole Lessard, juge administratif

 

Membres :

Suzanne Blais, associations d’employeurs

 

Gilles Lamontagne, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Claude Sarra-Bournet, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Jean-Sébastien Légaré

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Construction C.R. Bolduc inc.

Rénovation Cris-tal

 

Parties intéressées

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 28 octobre 2009, monsieur Jean-Sébastien Légaré (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par le biais de laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 17 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 14 août 2009 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle. La CSST refuse ainsi de reconnaître la relation entre le diagnostic d’épicondylite droite retenu dans le cadre du suivi médical initié le 10 juin 2009 et le travail de couvreur accompli par le travailleur.

[3]                L’audience s’est tenue à Québec, le 2 mars 2010. Les parties étaient présentes et respectivement représentées, à l’exception de Construction CR Bolduc inc. et Toitures D. Arsenault inc. En effet, ces employeurs ne se sont pas présentés bien qu’ils aient été dûment convoqués. Le témoignage du travailleur est entendu.

[4]                La cause a été mise en délibéré le 2 mars 2010.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 17 septembre 2009 et de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle, le ou vers le 10 juin 2009.

[6]                Il prétend que son épicondylite droite est reliée au travail accompli à titre de couvreur.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                La membre issue des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait accueillir la requête du travailleur, infirmer la décision rendue le 17 septembre 2009 et déclarer que le travailleur a subi une lésion professionnelle, le ou vers le 10 juin 2009.

[8]                En effet, ils sont d’avis que la preuve démontre, de manière probante, la relation entre les tâches accomplies à titre de couvreur et l’épicondylite droite diagnostiquée à compter du 10 juin 2009.

[9]                En somme, la preuve offerte permet de soutenir la conclusion recherchée voulant que l’exécution de ce travail ait comporté des facteurs de risque susceptibles de contribuer au développement d’une épicondylite.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[10]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le ou vers le 10 juin 2009.

[11]           Afin d’apprécier cette question, la Commission des lésions professionnelles retient de l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale les éléments pertinents suivants.

[12]           Le 30 juin 2009, le travailleur complète un formulaire de réclamation en faisant référence à des douleurs apparues au niveau du coude droit, en date du 26 mai 2009; quant aux tâches qu’il prétend en cause, il indique celles requérant qu’il exécute des mouvements répétitifs et qui sont quotidiennement accomplies, lorsqu’il exécute le métier de couvreur.

[13]           À l’appui de cette réclamation, est produite une attestation médicale complétée, le 10 juin 2009, au sein de laquelle le médecin consulté retient le diagnostic d’épicondylite externe droite.

[14]           Le suivi médical ainsi initié, en référence à ce diagnostic, le réitérera ensuite. À l’appui, référence est faite aux rapports médicaux complétés par le docteur Boulanger, à compter du 19 août 2009 et qui ont fait l’objet de dépôt, à l’audience (pièce T-1 en liasse).

[15]           La Commission des lésions professionnelles souligne, au présent stade de son analyse, que ce diagnostic lie la CSST, et ce, faute d’avoir fait l’objet de la procédure de contestation prévue à la loi. À l’appui, référence est faite aux articles 212 et 224 de la loi qui énoncent ce qui suit :

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

[16]           Lors de son témoignage, le travailleur déclare qu’il est à l'emploi de l'employeur, Rénovation Cris-tal, depuis le mois de septembre 2008. Il explique qu’il s’agit d’une entreprise vouée essentiellement à la rénovation de toitures et au sein de laquelle, il peut exercer le métier de couvreur. Il affirme, par la même occasion, qu’il exerce ce métier depuis environ deux ans et demi, ayant eu antérieurement l’occasion de travailler pour Toitures D. Arsenault inc. et Construction CR Bolduc inc.

[17]           Il spécifie qu’il est droitier et qu’il n’a que 30 ans, au moment de l’apparition de ses douleurs. Il affirme que celles-ci sont apparues au niveau de son coude droit, après qu’il ait débuté ses activités de couvreur, au printemps 2009, rappelant alors que l’entreprise avait cessé ses activités, pour la période hivernale, soit du mois d’octobre 2008 à mai 2009.

[18]           Quant à l’horaire quotidiennement travaillé, il lui permet de cumuler 40 heures par semaine.

[19]           Lorsqu’appelé à préciser davantage le moment de l’apparition de ses douleurs, il affirme qu’il les ressentait depuis environ deux semaines, lorsqu’il s’est décidé à consulter un médecin, le 10 juin 2009.

[20]           La Commission des lésions professionnelles doit donc retenir, de ces explications, que les douleurs se sont manifestées fin mai 2009 ou début du mois de juin 2009.

[21]           Le travailleur affirme qu’il avait alors travaillé sur plusieurs toitures, depuis la reprise des activités, en mai 2009, évaluant à au moins 5 toitures, par semaine, le nombre de toitures rénovées, jusque-là. Il affirme, ainsi, avoir contribué à la pose, quotidiennement, d’au moins une nouvelle toiture.

[22]           Lorsqu’appelé à préciser le type de toitures en question, il indique qu’il s’agit généralement de toitures d’asphalte. Or, en mai 2009, l’une des toitures était composée de tôle et avait une pente abrupte et présentait plusieurs lucarnes. D’ailleurs, trois journées ont été requises afin de pouvoir défaire cette ancienne toiture et poser la nouvelle.

[23]           Quant aux tâches alors accomplies, elles s’apparentent à celles régulièrement effectuées pour les autres toitures, sauf que la pente représentait une difficulté additionnelle du fait qu’il faille travailler avec un harnais et une corde pour se retenir après celle-ci, en faisant usage, en alternance, de la main droite et de la main gauche.

[24]           Quant aux tâches prétendument à l’origine de sa lésion, il cible, en premier lieu, celle consistant à arracher le bardeau. Il évalue le temps quotidiennement consacré à cette activité à environ trois heures; il affirme, toutefois, que cette activité a requis au moins une journée lorsqu’il dut travailler sur la toiture de tôle dont la pente était abrupte.

[25]           Aux fins d’accomplir cette activité, il explique qu’il fait usage d’une pelle qui est munie d’un bout dentelé. Afin de permettre une meilleure compréhension des mouvements alors accomplis, il se lève et simule ceux-ci. Il exhibe alors le mouvement consistant à donner de forts coups, sur les bardeaux, avec la pelle, pour effectuer ensuite un mouvement de levier, sous les bardeaux. Il précise, de plus, que la pelle est maniée essentiellement, avec la main droite alors que sa main gauche sert à soulever et arracher les morceaux de bardeau.

[26]           Quant à l’activité consistant à refaire la toiture, comme telle, il évalue le temps consacré à son accomplissement à environ 65 % du temps quotidiennement travaillé.

[27]           Pour ce faire, il explique qu’il est positionné soit à genoux, soit accroupi et qu’il utilise un fusil à air, dont il évalue son poids à 2 ou 3 livres. Il décrit cet outillage en expliquant qu’il est muni d’une sorte de boyau, dont la longueur est relativement importante puisqu’elle origine d’une installation qui est située au niveau du sol. Il explique, ensuite, qu’il doit le manier de la main droite, et ce, tout en tirant sur le boyau, de manière à le diriger vers le site où il doit travailler.

[28]           Et, afin de permettre une meilleure compréhension de son maniement, il simule un mouvement de préhension, pleine main, avec la main droite, ce même mouvement servant à le maintenir et à le contrôler, lequel est combiné à un mouvement de va-et-vient, avec pression, contre le bardeau.

[29]           Quant au temps quotidiennement consacré à son usage, il l’évalue également à 65 %. Il indique qu’au moins 4 clous sont requis à la pose de chaque bardeau, lorsqu’il s’agit d’un bardeau simple et que 6 à 8 clous sont requis, lorsqu’il s’agit de fixer un bardeau double.

[30]           Il explique, de plus, que les bardeaux sont rassemblés par paquet de 23 à 25 feuilles, paquet qu’il est appelé à manipuler et soulever, régulièrement, puisque devant les cueillir à l’endroit où ils sont positionnés, à proximité. En effet, les paquets de bardeaux sont acheminés par la fourchette du chariot élévateur qui les élève, jusqu’au toit.

[31]           Lorsqu’appelé à préciser le poids d’un paquet de bardeaux, il l’évalue à environ 65 livres.

[32]           Il ajoute, ensuite, que le maniement du fusil à air implique d’appuyer sur une gâchette; or, à chaque fois qu’il appuie sur cette gâchette, il ressent un contrecoup.

[33]           Parmi les autres outils utilisés, figure le couteau à bardeau; il explique que ce couteau est muni d’une lame incurvée, laquelle permet de couper ou enfin de tailler les morceaux de bardeau, selon la dimension recherchée. Le mouvement qu’il simule alors consiste en un mouvement de préhension, pleine main, combiné à l’exercice d’une pression, contre le bardeau et avec traction, vers lui, pour faire la coupe.

[34]           Lorsqu’appelé à évaluer le temps quotidiennement consacré, à son usage, il l’évalue à environ 30 minutes.

[35]           Quant à l’un des autres outils, quotidiennement utilisé, il s’agit du ciseau à tôle. Il explique qu’il permet de couper les rebords, en métal, ou d’ajuster les morceaux de tôle, sur les lucarnes, lors de la finition. Leur longueur est évaluée à environ 8 pouces et leur poids est peu significatif.

[36]           Pour en faire usage, il simule son maniement par le biais d’un mouvement de préhension, pleine main, lequel est combiné à l’exercice d’une certaine pression.

[37]           Quant à la durée quotidiennement consacrée à cette activité, il l’évalue à environ une demi-heure, par jour.

[38]           Parmi les autres outils quotidiennement utilisés, il indique également le pistolet à calfeutrer. Son maniement implique, encore là, un mouvement de préhension, pleine main, combiné à l’exercice d’une certaine pression. Or, son usage n’implique aucunement la manipulation d’une charge significative et est requis tout au plus 10 minutes, par jour.

[39]           La truelle à goudron est ensuite mentionnée; en effet, celle-ci permet de cueillir le goudron, dans une chaudière et de l’étendre, ensuite, sur le toit. Le mouvement alors simulé correspond à un mouvement de va-et-vient, tel un mouvement de balancier, l’outil étant alors manié, avec la main droite, par un mouvement de préhension, pleine main.

[40]           Quant au temps quotidiennement consacré à son usage, il l’évalue à environ une demi-heure.

[41]           De plus, pour la toiture de tôle sur laquelle il eut à travailler, au mois de mai 2009, il indique qu’il dut faire l’usage d’un moine à batterie; en effet, cet outil était requis pour dévisser les nombreuses vis qui fixaient le revêtement de tôle, au toit.

[42]           Il évalue le temps consacré à son usage, à environ une demi-journée. Quant à son poids, il l’évalue à environ une livre.

[43]           De plus, en raison du fait qu’il eut à se maintenir après une corde, son maniement pouvait se faire, en alternance, avec la main gauche ou la main droite. Les gestes alors simulés ont illustré son maintien, par un mouvement de préhension, pleine main. De plus, le moine est manié avec le bras, en complète extension, de manière à le diriger, en assurant son contrôle, et ce, tout en actionnant la gâchette.

[44]           Enfin, le travailleur termine son témoignage en indiquant qu’il est occasionnellement appelé à utiliser une scie portative, celle-ci servant à couper certains items, tels que des feuilles de contreplaqué. Il la décrit comme étant munie d’une poignée et d’une gâchette et requiert d’être manipulée avec les deux mains. Quant à son poids, il l’évalue à environ cinq livres. Les gestes qu’il simule alors permettent de constater, à nouveau, un mouvement de préhension, pleine main, combiné à l’exercice d’une certaine pression, pour contrôler et diriger l’outil.

[45]           Donc, compte tenu du poids ainsi manipulé, il y a lieu de considérer que les mouvements en cause s’associent au déploiement d’un certain effort.

[46]           Enfin, il affirme qu’il n’a jamais ressenti de douleurs, au niveau de son coude droit, antérieurement au mois de juin 2009. D’ailleurs, bien qu’il habite une résidence privée, il s’agit d’une location; il affirme, par la même occasion, qu’il n’a aucunement effectué de travaux d’entretien ou de rénovation, au cours des quatre dernières années. Et, quant aux travaux de déneigement requis, au cours de la saison hivernale, il déclare qu’ils ont été effectués par un contracteur, au cours de ces mêmes années.

[47]           À l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) sont énoncées les définitions suivantes :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

[48]           Quant à la notion de maladie professionnelle, les articles 29 et 30 de la loi énoncent ce qui suit :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[49]           De façon majoritaire, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[2] conclut qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 29 de la loi en matière d’épicondylite ou d’épitrochléite puisque ces lésions ne sont nullement assimilables à une tendinite.

[50]           À la section IV de l’annexe I, le législateur a prévu que seule la lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs telles la bursite, la tendinite ou la ténosynovite, est réputée constituer une maladie professionnelle s’il est démontré que le travail implique des répétitions de mouvement ou de pression sur des périodes de temps prolongées.

[51]           Comme l’épicondylite n’y est pas prévue, le travailleur ne peut donc bénéficier de la présomption énoncée à l’article 29 ci-haut.

[52]           Le travailleur a donc le fardeau de démontrer que sa maladie est caractéristique du travail qu’il occupe ou qu’elle est reliée aux risques particuliers que comporte ce travail.

[53]           Faute de soumettre une preuve de nature épidémiologique établissant la probabilité d’une relation entre le type de travail exercé et la maladie en cause, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que le travailleur ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer que cette maladie est caractéristique de son travail[3].

[54]           Reste à déterminer s’il s’est acquitté du fardeau de démontrer que la lésion diagnostiquée, au coude droit, est reliée aux risques particuliers de son travail. Ainsi, la preuve offerte doit permettre d’identifier les risques que comporte le travail et, par la même occasion, un lien de cause à effet entre ces risques et la lésion identifiée.

[55]           En matière d’épicondylite, les mouvements généralement reconnus contributoires, par la Commission des lésions professionnelles[4], sont ceux d’extension, de supination, de déviation radiale ou cubitale du poignet, contre-résistance. La simple préhension peut également faire l’objet d’admissibilité, lorsqu’elle est pleine main ou avec pince digitale, mais si elle est évidemment combinée à d’autres facteurs, telle la force et si elle s’effectue de manière soutenue, voire prolongée.[5]

[56]           La notion de risques particuliers du travail réfère, quant à elle, à l’association qui existe entre des risques définis propres au travail exercé et le développement d’une pathologie particulière.

[57]           Et, de façon très claire, la Commission des lésions professionnelles[6] a retenu que l’épicondylite est associée à un travail qui implique l’usage de la force et davantage, si le travail comporte en plus l’accomplissement de mouvements répétitifs ou des postures contraignantes, de manière soutenue et sur des périodes de temps prolongées.

[58]           Donc, la force doit coexister soit avec un problème postural ou avec la répétitivité.

[59]           En considération de l’ensemble de la preuve soumise, la Commission des lésions professionnelles retient que les tâches accomplies, par le travailleur, en tant que couvreur, sont variées, certes, mais il n’en demeure pas moins que leur accomplissement sollicite, de manière quasi-constante, les mêmes structures dont, notamment, les épicondyliens.

[60]           En effet, la Commission des lésions professionnelles retient que tous et chacun des outils utilisés impliquent un mouvement de préhension, pleine main, lequel est combiné à l’exercice d’une certaine pression ou enfin au déploiement d’un certain effort, pour assurer leur manipulation et contrôle.

[61]           Or, l’exécution constante d’un tel mouvement de préhension qui s’associe au déploiement d’efforts ou à l’exercice d’une certaine pression est susceptible d’occasionner une épicondylite.

[62]           La Commission des lésions professionnelles considère, par la même occasion, que près de 100 % du temps travaillé, à l’intérieur d’un quart de travail, implique l’exécution de tels mouvements et la sollicitation, par la même occasion, des épicondyliens.

[63]           Le travailleur a d’ailleurs établi qu’au moins 35 % du temps travaillé, sur des toitures d’asphalte, consiste à décoller les bardeaux, en frappant dessus, avec une pelle. Or, celle-ci est maniée, essentiellement, avec la main droite qui est positionnée sur le manche, tout en étant dirigée de manière à donner des coups, sur le bardeau; or, des efforts sont alors déployés, et ce, en plus des contrecoups ressentis, lorsqu’il effectue un mouvement de levier en insérant le bout de la pelle, sous les morceaux de bardeau, afin de parvenir à les décoller.

[64]           Ensuite, 65 % du temps travaillé est quotidiennement consacré à la réfection de la toiture. Or, l’usage des différents outils, tels que le fusil à air, le moine à batterie, le couteau à bardeau, la scie portative, les ciseaux à tôle, le pistolet à calfeutrer et la truelle à goudron, impliquent tous un maniement par le biais d’un mouvement de préhension, pleine main, qui s’associe tantôt, à l’exercice d’une pression et tantôt au déploiement d’un effort. Donc, bien que chacun de ces outils soit voué à un usage qui diffère, il n’en demeure pas moins que leur maniement sollicite les mêmes structures, notamment les épicondyliens.

[65]           Aussi, même si l’usage de certains de ces outils n’est que de courte durée, il n’en demeure pas moins que leur usage respectif, au cours d’une même journée, permet de cumuler toutes les durées en cause et de conclure que la quasi-totalité du temps travaillé implique l’exécution de mouvements susceptibles d’occasionner une épicondylite.

[66]           La Commission des lésions professionnelles retient, en définitive, que les activités décrites ont toutes une incidence puisqu’elles ont permis de démontrer une sollicitation certaine des structures épicondyliennes.

[67]           Le métier de couvreur, tel qu’exécuté chez ce dernier employeur ainsi qu’alors qu’il travaillait chez les deux précédents employeurs, en faisant usage des mêmes outils, comporte des risques particuliers du travail, au sens de l’article 30 de la loi et permet donc l’admissibilité de la réclamation.

[68]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la preuve permet d’établir, de manière prépondérante, que la lésion en cause résulte d’une sollicitation des structures épicondyliennes.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Jean-Sébastien Légaré, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 17 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le ou vers le 10 juin 2009, et ce, en référence au diagnostic d’épicondylite droite retenu au sein du suivi médical initié à compter du 10 juin 2009.

 

 

 

 

Carole Lessard

 

 

 

 

M. Jean-Sébastien Légaré

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Société canadienne des postes et Grégoire Larivière, [1994] C.A.L.P. 285 ; Meunier et Manufacture WCI Ltée, C.A.L.P. 45092-63-9209, 24 juillet 1995, E. Harvey; Cuisines de l’air et Nafissa Djerrah, C.L.P. 157483-31-0103, 24 octobre 2001, P. Simard.

[3]           Farel et Synel, [1990] 2 R.C.S. 311 ; Ville de Magog et CSST, [1996] C.A.L.P. 826 .

[4]           Cuisines de l’air et Nafissa Djerrah, C.L.P. 157483-31-0103, 24 octobre 2001, P. Simard.

[5]           Larry Rhéaume et Lallier Automobile (Québec) inc., CLP 156440-31-0102, 25 juin 2003, C. Lessard.

[6]           Lise Baril et Serres du St-Laurent inc., C.L.P. 91449-32-0209, 4 juillet 2003, C. Lessard; Centre hospitalier affilié universitaire de Québec et France Bergeron, C.L.P. 175632-32-0112, 11 septembre 2002, C. Lessard; Institut de réadaptation en déficience physique du Québec et Lucette Chadefaud, C.L.P. 182366-32-0204, 10 septembre 2002, L. Langlois.

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