Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Cantin et Gestion Hunt groupe Synergie inc.

2014 QCCLP 3955

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gaspé

9 juillet 2014

 

Région :

Québec

 

Dossier :

486265-31-1211

 

Dossier CSST :

139822308

 

Commissaire :

Louise Desbois, juge administrative

 

Membres :

Claude Jacques, associations d’employeurs

 

Pierrette Giroux, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Richard Cantin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Gestion Hunt Groupe Synergie inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 2 juillet 2013, monsieur Richard Cantin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande la révision ou la révocation des décisions rendues le 10 et le 12 juin 2013 par la Commission des lésions professionnelles. Par ces décisions, la Commission des lésions professionnelles rejette la demande de remise, puis la requête du travailleur, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 21 septembre 2012 à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 6 juillet 2012.

[2]           Lors de l’audience tenue le 22 janvier 2014, le travailleur est présent. Il n’est pas représenté. Personne n’est présent pour Gestion Hunt Groupe Synergie inc. (l’employeur), cependant dûment convoquée. Le dossier est mis en délibéré le 3 mars 2014, date de réception de la part du travailleur de documents supplémentaires dont la production avait été autorisée lors de l’audience.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[3]           Le travailleur demande de réviser la décision rendue le 10 juin 2012 et de déclarer que sa demande de remise devait être accordée. Il demande également de révoquer la décision rendue le 12 juin 2012 et de convoquer de nouveau les parties pour une audience sur le fond.

L’AVIS DES MEMBRES

[4]           Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie, du fait des circonstances très particulières en preuve. Ils considèrent d’abord plus particulièrement le fait que le travailleur était en deuil, désorganisé et dépressif, ce qui est confirmé par son médecin, explique valablement sa demande de remise tardive et incomplète et confirme la nécessité d’une remise de l’audience prévue le 10 juin 2013. Ils considèrent également le fait que le travailleur a consenti à la date d’audience du 10 juin 2013 avant d’obtenir un emploi pour lequel il était toujours en probation à cette date et duquel il ne pouvait s’absenter du fait du refus par son employeur, le tout étant confirmé par ce dernier.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 10 juin 2013 sur une demande de remise et de révoquer la décision rendue le 12 juin 2013 sur le fond du dossier, ces décisions ayant toutes deux été rendues par le premier juge administratif.

[6]           Le tribunal souligne d’emblée qu’en vertu de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles[1] (la loi), les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

[7]           Bien qu’aucun appel d’une décision de la Commission des lésions professionnelles ne soit permis, une révision ou une révocation de celle-ci est possible, lorsque des conditions très strictes sont satisfaites, lesquelles sont énoncées à l’article 429.56 de la loi :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           En l’occurrence, le travailleur invoque qu’il n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre au sens du second paragraphe de l’article 439.56, tant sur sa demande de remise que sur le fond du dossier.

[9]           Le dossier du travailleur concerne la reconnaissance d’une lésion professionnelle que le travailleur allègue être survenue le 6 juillet 2012. Les parties ont été convoquées une première fois à une audience alors prévue le 5 mars 2013. Le travailleur a alors demandé et obtenu, le 4 mars 2013, une remise de l’audience alors prévue pour le lendemain. Une infection et l’impossibilité conséquente de se déplacer étaient alors en cause. L’audience avait été remise au 10 juin 2013, la juge administrative ayant statué sur la remise ayant précisé à son procès-verbal que cette date était retenue « avec l’accord verbal des parties ».

[10]        Le mercredi 5 juin 2013, l’employeur transmet par télécopieur au tribunal un avis d’absence à l’audience prévue le 10 juin suivant ainsi que son argumentation écrite. Copie de ce document est transmise le jour même au travailleur par courrier.

[11]        Le vendredi 7 juin 2013, soit encore une fois le jour ouvrable précédant la date prévue d’audience, le travailleur communique à nouveau avec le tribunal par téléphone pour demander une remise. Il lui est alors nécessairement mentionné qu’il doit soumettre sa demande par écrit. Le matin de l’audience, soit le lundi, il réitère donc sa demande par écrit, demande qu’il transmet au tribunal par télécopieur à 9 h 10.

[12]        Sa demande est cependant cette fois rejetée à 10 h 30 (par le premier juge administratif). Il n’y a pas d’entretien téléphonique préalable avec le travailleur. Le dossier est ensuite mis en délibéré en après-midi après que le premier juge administratif et les membres issus des associations aient constaté l’absence du travailleur. L’employeur, comme mentionné précédemment, avait quant à lui renoncé à être présent à l’audience et avait soumis ses représentations écrites. La décision du premier juge administratif sur le fond est rendue dès le surlendemain, soit le 12 juin 2013.

[13]        Dans son fac-similé du 10 juin 2013, le travailleur demandait la remise de l’audience, alléguant, sans plus de détails, avoir un emploi de chauffeur et être sur la route. Il ajoutait n’avoir « jamais reçu de lettre de confirmation », sans autre précision :

Bonjour. J’ai appeler vendredi passé pour remettre ma convocation. Car j’ai un emploi de chauffeur et je suis sur la Route. Et je n’ai jamais reçu de lettre de confirmation Merci S.V.P. Je n’ai pas reçu de téléphone de Retour, À qui de Droit [sic]

 

 

[14]        Le premier juge administratif s’exprime d’abord comme suit sur son procès-verbal du 10 juin 2013 relatif à la demande de remise du travailleur :

Le travailleur avait été avisé verbalement et par écrit de la date de l’audience. Il savait manifestement que la date retenue était le 10 juin 2013 puisqu’il a communiqué le vendredi 7 juin par téléphone à la CLP pour demander la remise et ensuite le 10 juin au matin par écrit. Le travailleur n’a aucun motif raisonnable pour remettre l’audience.

 

 

[15]        Le premier juge administratif poursuit ensuite comme suit dans sa décision du 12 juin 2013 sur la question du bien-fondé de la demande de remise du travailleur, sur l’absence du travailleur à l’audience et sur l’absence de motif valable connu justifiant cette absence :

[16]      Le travailleur a réitéré cette demande par écrit le lundi 10 juin, en matinée, en invoquant dans un premier temps qu’il était incapable de se rendre à l’audience puisqu’il était sur la route à titre de chauffeur. Au surplus, il ajoutait qu’il n’avait reçu un avis de convocation.

 

[17]      Le tribunal a refusé cette demande de remise du travailleur. Manifestement, il apparaît que le travailleur avait été informé verbalement, dès le 4 mars 2013, que l’audience aurait lieu le 10 juin 2013 à 13 h 30, devant le tribunal.

 

[18]      Il apparaît également évident que le travailleur, en communiquant avec le tribunal le 7 juin 2013 pour demander la remise de son audience, était clairement informé de l’éminence voire de la date précise de l’audience, sinon celui-ci n’aurait jamais demandé la remise précisément quelques jours avant.

 

[19]      Il est manifeste que les motifs soumis par le travailleur pour justifier sa demande de remise ne sont pas bien-fondés et le tribunal peut donc procéder en son absence en raison de l’absence de motifs raisonnables permettant d’expliquer son absence devant le tribunal.

 

[nos soulignements]

 

 

[16]        L’article 429.15 de la loi permettait au premier juge administratif de mettre le dossier en délibéré en dépit de l’absence du travailleur et de rendre sa décision sur dossier :

429.15.  Si une partie dûment avisée ne se présente pas au temps fixé pour l'audition et qu'elle n'a pas fait connaître un motif valable justifiant son absence ou refuse de se faire entendre, la Commission des lésions professionnelles peut néanmoins procéder à l'instruction de l'affaire et rendre une décision.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[17]        Le tribunal note que le premier juge administratif statue sur le motif de remise et d’absence relatif à l’absence de convocation valable, mais n’aborde pas spécifiquement celui relatif à l’impossibilité du travailleur d’être présent à l’audience en raison de son travail.

[18]        Le travailleur reste quant à lui sans nouvelles du tribunal jusqu’à ce qu’il reçoive copie du procès-verbal de refus de sa demande de remise du 10 juin 2013 ainsi que la décision rendue le 12 juin 2013. Il demande alors la révision ou la révocation de ces décisions.

[19]        Le tribunal est d’avis qu’il y a lieu de réviser la décision sur la remise et de révoquer la décision sur le fond rendues par le premier juge administratif parce que la preuve soumise au tribunal siégeant en révision démontre de façon prépondérante que le travailleur n’a alors pu, pour des raisons suffisantes, se faire entendre.

[20]        Le travailleur a en effet soumis au tribunal siégeant en révision un billet médical de son médecin attestant du fait qu’il souffrait à l’époque de symptômes dépressifs tels qu’il n’était pas en état de se présenter devant le tribunal. Le tribunal en retient par ailleurs, eu égard à l’ensemble de la preuve, que ces symptômes dépressifs ont également empêché une saine gestion de son dossier et, plus particulièrement, la soumission plus précoce et détaillée d’une demande de remise de l’audience.

[21]        Ce billet médical vient corroborer le témoignage du travailleur lors de l’audience devant le tribunal siégeant en révision ou en révocation, témoignage lors duquel le travailleur évoque le décès de sa conjointe, ses difficultés psychiques ainsi que d’organisation et son importante apathie subséquentes, son suivi conséquent par une psychologue, ainsi que la prise de médication en lien avec ses problèmes, soit des antidépresseurs ainsi que des somnifères, et même le fait qu’il n’ait travaillé que de façon très irrégulière au cours de l’été et de l’automne 2012 puis de l’hiver 2013 du fait de cet état.

[22]        Le travailleur déclare en outre avoir finalement commencé à travailler à temps plein pour Givesco inc. le 8 avril 2013, même s’il présentait encore des symptômes dépressifs (son emploi n’étant pas trop exigeant sur le plan cognitif). Il était en probation chez cet employeur pendant trois mois, soit jusqu’au 8 juillet 2013.

[23]        C’est dans ce contexte de symptômes dépressifs alliés à une profonde désorganisation conséquente du travailleur et de probation chez un nouvel employeur que le travailleur a demandé à ce dernier, quelques jours à peine auparavant, la permission de s’absenter le 10 juin 2013 pour régler des affaires personnelles. Cela lui a été refusé du fait de commandes devant absolument être livrées sur les chantiers ce jour-là et de l’absence de qui que ce soit pour le remplacer. Le représentant de Givesco inc. signe une déclaration écrite corroborant le témoignage du travailleur sous cet aspect.

[24]        Le travailleur déclare ne pas avoir mentionné à son nouvel employeur que son congé était demandé pour une audience devant la Commission des lésions professionnelles, étant toujours en probation et craignant la réaction de ce dernier à l’évocation d’une lésion professionnelle antérieure et d’un litige y ayant trait.

[25]        Le travailleur déclare par ailleurs qu’il n’était de toute façon pas en état de voir efficacement à ses affaires à l’époque et qu’il a finalement cru régler l’ensemble du problème (soit celui de la tenue d’une audience dans sa condition et du refus de son employeur de lui accorder son congé) en demandant à nouveau une remise de l’audience.

[26]        Le tribunal souligne que même lors de l’audience de la requête en révision ou révocation, le travailleur apparaît triste, amorphe, désorganisé et quelque peu confus. Il semble que la conjointe du travailleur s’occupait auparavant des affaires de ce dernier et qu’il ait éprouvé beaucoup de difficulté à s’organiser depuis son décès, le tout étant d’autant plus difficile eu égard à son état dépressif.

[27]        Pour obtenir la révision de la décision rejetant sa demande de remise puis mettant le dossier en délibéré en dépit de son absence à l’audience ainsi que la révocation de la décision rendue en conséquence sur le fond, le travailleur devait, en vertu du paragraphe 2 de l’article 429.56, démontrer qu’il n’avait pu se faire entendre « pour des raisons jugées suffisantes ».

[28]        Le tribunal souligne que le fardeau de preuve dévolu au travailleur ne consistait pas à démontrer une impossibilité d’agir, mais bien uniquement des raisons suffisantes de n’avoir pu se faire entendre.

[29]        Or, en dépit d’une demande de remise tardive et incomplète quant aux motifs pouvant justifier la remise, le tribunal est d’avis que le travailleur a démontré de façon prépondérante de telles raisons suffisantes en l’instance, plus particulièrement en considération des éléments qui suivent, lesquels témoignent d’une situation très particulière, inconnue du premier juge administratif.

[30]        Ainsi, outre le fait qu’il soit un peu démuni et qu’il n’était pas représenté, le travailleur présentait à l’époque des symptômes dépressifs tels qu’il ne s’occupait pas adéquatement de ses affaires et ne pouvait valablement faire valoir ses droits. Cela explique notamment qu’il n’ait pas noté et ne se souvenait d’abord pas de sa date d’audience et de la réception d’un avis de convocation (la réception subséquente de l’argumentation de l’employeur, avec mention de la date d’audience l’ayant vraisemblablement « réveillé »), sa demande de remise conséquemment tardive, en plus d’être incomplète (son état dépressif n’y était pas mentionné et son empêchement professionnel pas expliqué) et le fait qu’il ne se soit pas assuré que cette dernière était accueillie.

[31]        Il importe par ailleurs de rappeler que le travailleur avait déjà auparavant obtenu une remise demandée la veille de l’audience, le tout s’étant ultimement réglé par téléphone. Son témoignage atteste d’une profonde incompréhension du fonctionnement d’un tribunal et de ses exigences, et il a, erronément, mais de bonne foi, cru que l’audience du 10 juin 2013 serait elle aussi remise et qu’on communiquerait avec lui pour fixer une nouvelle date d’audience.

[32]        Autre élément particulier à ce dossier : Le travailleur n’a pas su, avant l’heure prévue de son audience, que sa demande de remise était refusée et n’a pas eu l’occasion ni d’expliciter les motifs de sa demande de remise ni de décider ce qu’il faisait en conséquence (ce qui aurait notamment pu impliquer de reparler à son employeur en lui expliquant ce qui en était exactement).

[33]        Or, la décision sur le fond a été rendue deux jours après cette audience, avant que le travailleur n’ait même su que sa demande de remise avait été refusée.

[34]        Le travailleur présentait à l’époque des symptômes dépressifs tels qu’il n’aurait de surcroît pu adéquatement faire valoir ses droits (« se faire entendre ») sur le fond du litige, même s’il s’était présenté à l’audience devant le premier juge administratif.

[35]        Un élément de preuve très important dans l’appréciation des « raisons suffisantes » pour lesquelles le travailleur n’a pu se faire entendre réside dans la question de son travail, d’ailleurs évoquée, mais trop brièvement, dans sa demande de remise.

[36]        Ainsi, le travailleur était en probation dans le cadre d’un nouvel emploi à temps plein, le premier depuis longtemps (qu’il a effectivement conservé jusqu’en décembre 2013 et qu’il s’attendait, lors de l’audience en révision, à reprendre sous peu), il n’a pas osé dans ce contexte préciser à son employeur le motif exact de sa demande de congé pour le jour de l’audience et son supérieur lui a refusé ce congé.

[37]        Le travailleur n’occupait pas encore cet emploi lorsque la date d’audience a été fixée (le 4 mars 2013), n’ayant commencé à l’exercer que le 8 avril 2013 : il ne pouvait donc, lorsqu’il a consenti à la nouvelle date d’audience, connaître son empêchement subséquent.

[38]        Or, l’article 429.36 de la loi énonce le principe selon lequel le tribunal favorise la tenue des audiences à une date et à une heure « où les parties et, s’il y a lieu, leurs témoins peuvent être présents sans inconvénient majeur pour leurs occupations ordinaires », ce qui n’était manifestement pas le cas en l’instance.

[39]        Le tribunal réitère que le travailleur n’était pas représenté, ni à l’époque où la date d’audience a été fixée, ni par la suite, et n’est manifestement pas du tout à l’aise, pour le moins, avec les procédures, les documents, ni même avec le simple fait de s’expliquer, problème qui était, à l’époque pertinente, accru par ses symptômes dépressifs et son apathie conséquente.

[40]        Le tribunal constate par ailleurs que le travailleur n’a pas eu l’occasion de s’expliquer verbalement avec le premier juge administratif, ni quant à sa demande de remise, ni quant à son absence. Ce dernier ignorait donc l’essentiel de ce qui pouvait, dans les faits, justifier sa demande de remise et son absence à l’audience. En effet, bien qu’il soit indiqué sur le procès-verbal de remise que les « parties [ont été] contactées par téléphone », le travailleur déclare lors de l’audience qu’il était sur la route le 10 juin 2013 et il n’est pas question d’entretien téléphonique avec le premier juge administratif. Ce dernier ne rapporte pas non plus de tel entretien, ni dans son procès-verbal, ni ensuite dans sa décision du 12 juin 2013.

[41]        L’employeur ne s’est quant à lui à l’époque pas objecté à la remise de l’audience, ayant préalablement plaidé par écrit, et il ne s’est pas non plus manifesté dans le cadre du recours en révision ou révocation du travailleur.

[42]        Des droits importants sont en jeu, et, à la base, un droit primordial, soit celui d’être entendu, dans le contexte où l’autre partie n’a jamais manifesté quelque objection.

[43]        En outre, les circonstances en preuve en l’instance sont très particulières, du fait de la présence chez le travailleur d’un état dépressif ayant nui à un suivi approprié de son dossier, notamment pour la soumission plus précoce et plus complète (quant aux motifs) d’une demande de remise et l’ayant rendu inapte à faire valoir ses droits devant le tribunal, le tout joint à un contexte de nouvel emploi n’ayant pas permis sa libération pour l’audience.

[44]        Au surcroît, sur le fond, le tribunal constate notamment que le travailleur allègue, dans une lettre qu’il adressait au premier juge administratif à la suite de sa décision, que la lésion alléguée du 6 juillet 2012 serait potentiellement une récidive, rechute ou aggravation, avenue qui n’a pas été analysée par le premier juge administratif qui s’est limité, considérant le dossier qui était devant lui et l’approche adoptée par la CSST, à analyser la possibilité que le travailleur ait alors été victime d’un accident du travail ou été atteint d’une maladie professionnelle.

[45]        Le tribunal constate que cette hypothèse de lésion professionnelle consistant en fait en une récidive, rechute ou aggravation avait été évoquée par le travailleur dès son premier entretien avec l’agent d’indemnisation de la CSST, mais que la réclamation du travailleur n’avait tout de même été analysée que sous l’angle d’un nouvel accident du travail.

[46]        Force est de constater que le travailleur a de la difficulté à s’expliquer clairement et à faire valoir ses droits. Il lui est fortement recommandé, dans ce contexte, de retenir au plus tôt les services d’un représentant pour préparer avec lui l’audience qui aura lieu devant le tribunal et le représenter lors de celle-ci.

[47]        Il conviendra par conséquent de s’assurer que l’autre employeur chez lequel le travailleur aurait déjà subi une lésion professionnelle antérieurement, lésion dont il allègue qu’il pourrait avoir subi une récidive, rechute ou aggravation le 6 juillet 2012 dans le cadre du présent dossier, soit également convoqué à l’audience qui sera fixée sur le fond.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révision et en révocation du travailleur, monsieur Richard Cantin;

RÉVISE la décision rendue par le premier juge administratif le 10 juin 2013;

DÉCLARE que la demande de remise du travailleur était fondée;

RÉVOQUE la décision rendue par le premier juge administratif le 12 juin 2013;

DÉCLARE que les parties, incluant le cas échéant le ou les autres employeurs concernés, seront convoquées à nouveau pour être entendues sur le fond du litige.

 

 

 

 

 

Louise Desbois

 

 

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

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