Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 26 juillet 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

127953-71-9912

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Marie Langlois

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Pierre Gamache

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Alain Dugré

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

073662207-1

AUDIENCE TENUE LE :

9 mai 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SAMUEL PLOURDE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CENTRE HOSPITALIER STE-JEANNE-D’ARC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET

DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]   Le 2 décembre 1999, monsieur Samuel Plourde (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 29 octobre 1999 à la suite d’une révision administrative.

[2]   Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 29 octobre 1998, selon laquelle l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur est maintenue et sujette à réajustement à compter du 65ième anniversaire de naissance de celui-ci.

[3]   Le travailleur est présent à l’audience, mais il n’est pas représenté.  La CSST y est représentée par son procureur.  Quant au Centre hospitalier Ste-Jeanne-D’Arc (l’employeur), bien que dûment convoqué, il n’a aucun représentant à l’audience.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]   Le travailleur conteste le fait que l’indemnité de remplacement du revenu soit réajustée à compter de son 65ième anniversaire de naissance.  Il demande le maintien de l’intégralité de cette indemnité jusqu’à son 68ième anniversaire de naissance.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[5]   Le procureur de la CSST soulève que la Commission des lésions professionnelles n’a pas la compétence nécessaire pour disposer de la contestation du travailleur, puisque dans les faits, le travailleur ne conteste pas la décision de la CSST du 29 octobre 1998, confirmée suite à une révision administrative le 29 octobre 1999, mais plutôt celle de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) du 16 décembre 1996.  Il fait valoir que le travailleur n’a en effet aucun intérêt à contester la décision du 29 octobre 1998 puisqu’elle lui est favorable et que la mention dans cette décision que son indemnité de remplacement du revenu sera réduite à compter de son 65ième anniversaire de naissance ne vise qu’à informer le travailleur en reprenant le texte de l’article 56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la Loi).

[6]   Il soutient que dans les faits, ce que le travailleur conteste, c’est la décision rendue par la Commission d’appel le 16 décembre 1996 à la suite d’une entente intervenue entre les parties et que le travailleur voudrait remettre en question.

 

[7]   Le procureur de la CSST ajoute que la Commission des lésions professionnelles n’a pas la compétence pour réviser cette décision finale et sans appel, et ajoute que de toute façon, le travailleur est hors délai pour demander la révision de cette décision.

L'AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[8]   Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous deux d’avis que la Commission des lésions professionnelles a compétence pour disposer de la contestation du travailleur puisqu’il s’agit d’une contestation valablement formée en vertu de l’article 359 de la Loi.

LES FAITS RELATIFS À LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[9]   Le 29 octobre 1998, la CSST rend la décision suivante :

« Vous nous avez fourni dernièrement les précisions nécessaires à la révision de votre indemnité de remplacement du revenu. Selon ces renseignements, vous êtes actuellement sans emploi.

 

En conséquence, nous ne modifierons pas votre indemnité de remplacement du revenu. Celle-ci vous sera versée jusqu’à ce que vous ayez 68 ans. Cependant, à compter de votre 65e anniversaire de naissance, elle diminuera progressivement : de 25% la première année, de 50% l’année suivante, de 75% la dernière année.

 

Vous ou votre employeur pouvez demander la révision de cette décision dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre. N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet ou pour toute autre question. 

[…] »

 

 

[10]           Suite à la révision administrative, le 29 octobre 1999, la CSST rend la décision suivante:

« Le 24 novembre 1998, le travailleur demande la révision d’une décision rendue par la CSST, le 29 octobre 1998. Cette décision est à l’effet de réviser l’indemnité de remplacement du revenu. Le travailleur conteste l’information à l’effet que l’indemnité diminuera progressivement par tranche de 25%, entre 65 et 68 ans.

 

Le travailleur a été victime d’un accident du travail le 2 septembre 1980. Le 20 mars 1988, il a été victime d’une rechute, récidive ou aggravation reconnue par le Bureau de révision. La capacité d’occuper un emploi convenable de caissier de billetterie a été fixée pour le 2 novembre 1993. Une autre décision à la même date fixait le salaire de l’emploi convenable à 13 420,00$.

 

Le travailleur a contesté cette dernière décision qui a fait l’objet d’une entente à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (CALP). L’entente fixait le salaire de l’emploi convenable à 10 900.00$ par année.

 

Les observations du travailleur sont à l’effet qu’il n’a jamais entendu parler de l’article 56 de la loi. Ni la décision initiale ni la lettre de la première révision de l’indemnité ne mentionnent la réduction progressive des indemnités entre 65 et 68 ans. Il mentionne aussi qu’il n’a jamais été informé de cette réduction lors de l’entente en conciliation ou lorsqu’il a rencontré les employés de la CSST.

 

Il est malheureux que le travailleur soit surpris par le paragraphe d’information portant sur l’article 56 de la lettre du 29 octobre 1998. En effet, aucune des lettres précédentes ni aucune note ne semblent indiquer qu’il en ait été informé. Cependant, le premier alinéa de l’article 56 de la LATMP est clair :

L’indemnité de remplacement du revenu est réduite de 25% à compter du soixante-cinquième anniversaire de naissance du travailleur, de 50% à compter de la troisième année suivant cette date.

 

De fait, l’entente de la CALP ne fait aucune référence à l’exclusion de l’article de la loi.

 

La révision administrative confirme cette décision et conclut que la révision de l’indemnité de remplacement du revenu de octobre 1998 est conforme à la loi.

 

Si vous êtes en désaccord avec cette décision, vous pouvez la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours suivant la réception de la présente lettre. Les adresses des bureaux régionaux de la Commission des lésions professionnelles sont inscrites à l’endos du formulaire de contestation ci-joint. 

[…] »

 

 

[11]           Par une lettre du 29 novembre 1999, le travailleur demande la révision de cette décision :

« Je conteste la décision administrative qui vient de m’être rendue. Je constate que la CSST m’a délibérément dupé. L’ors de la signature de l’entente il avait été clairement entendu que mes indemnités de 205.00 par quinzaine me seraient versés avec indexation jusqu'à 68 ans.

J’ai rencontré mon agent de dossier a son bureau quelques temps après et elle aussi m’a assurée que ces indemnités seraient versées jusqu'à 68 ans sans etre touchés ajoutant même que mon dossier etait fermé pour toujours et qu’on n’y reviendrait plus.

Or un an plus tard, la CSST trahit son entente, et m’apprends l’existence de la loi 56 qui les autorise a couper mes versements a 65 ans.

J’ai conteste cette decision et demandé une révision administrative.

Dans sa décision, monsieur Bastien admet que je n’ai pas été mis au courant de cette loi mais se dit obligé de l’appliquer. J’ai parlé au telephone avec ce monsieur et lui ai signale que la CSST avait aussi le devoir de tenir son engagement et que si on m’avait mis au courant de cette loi la negociation aurait été différente.

J’ai été consciencieux avec la CSST, et j’apprécierais qu’elle soit elle aussi honnête avec moi.

J’espère en votre bonne foi, cher Lecteur. 

 […] » (sic)

 

 

 

LES MOTIFS RELATIFS À LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[12]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si elle est compétente pour disposer de la contestation du travailleur du 29 novembre 1999.

[13]           La Commission des lésions professionnelles tire sa compétence de l’article 369 de la loi, lequel se lit ainsi :

 

 

369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal:

  sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;

  sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S - 2.1).

________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[14]           En l’espèce, il s’agit manifestement d’un recours formé en vertu de l’article 359 de la loi. Cet article prévoit :

359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.

________

1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.

 

 

[15]           Les dispositions suivantes sont également pertinentes :

358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

[…]

________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.

 

 

377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

429.20. En l'absence de dispositions applicables à un cas particulier, la Commission des lésions professionnelles peut y suppléer par toute procédure compatible avec la présente loi et ses règles de procédure.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

[16]           Il ressort de ces dispositions qu’un travailleur peut demander la révision d’une décision rendue par la CSST en vertu de la Loi et s’il se croit lésé par la décision qui a été rendue suite à la révision administrative, il peut contester cette dernière devant la Commission des lésions professionnelles qui dispose des pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence.

[17]           Il est pertinent de citer à cet égard les propos de la commissaire Marie Lamarre dans l’affaire Gillam et Centre Molson inc.[2] La commissaire, suivant la jurisprudence constante du Tribunal, s’exprimait ainsi :

« Il ressort de la lecture de ces différents articles, que la Commission des lésions professionnelles possède une compétence exclusive pour statuer sur les recours formés à l'encontre des décisions rendues par la CSST en vertu de la présente loi soit la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qu'elle a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence, qu'elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu et que finalement à l'intérieur de sa compétence en l'absence de dispositions applicables, elle peut y suppléer par toute procédure compatible avec la présente loi ou ses règles de procédure.


Il appert donc de ces différentes dispositions que la compétence de la Commission des lésions professionnelles trouve son fondement à partir des recours formés à l'encontre des décisions rendues par la CSST en vertu de la présente loi. »

 

 

[18]           Dans la présente affaire, il importe, pour disposer de la question préliminaire, de bien identifier la décision faisant l’objet de la contestation devant la Commission des lésions professionnelles et de voir si cette contestation est valablement formée.

[19]           En ce qui concerne la décision faisant l’objet de la contestation devant la Commission des lésions professionnelles, le Tribunal considère qu’il est manifeste qu’il s’agit de la décision du 29 octobre 1999 rendue par la CSST suite à la révision administrative de sa décision du 29 octobre 1998, et non de la décision de la Commission d’appel du 16 décembre 1996 entérinant une entente entre les parties.

[20]           En effet, l’objet réel de la contestation du travailleur, est à sa face même la diminution de l’indemnité de remplacement de revenu à compter du 65ième anniversaire de naissance du travailleur.  La lettre de contestation du 29 novembre 1999 est claire à ce sujet, et c’est ce qui ressort de l’ensemble du témoignage du travailleur.  Celui-ci considère cette décision non conforme aux discussions qu’il allègue avoir eues en 1996 avec une représentante de la CSST, madame Isabelle Krysiewski et soutient que la décision est préjudiciable à ses intérêts.  Il ne s’agit donc pas, comme le prétend le procureur de la CSST, d’une décision que le travailleur n’aurait pas intérêt à contester puisqu’elle lui serait favorable.  Cette décision ne lui est pas entièrement favorable en ce que son indemnité de remplacement du revenu subira un réajustement à la baisse à compter de son 65ième anniversaire de naissance.  Qu’il ait raison ou tort de contester cet aspect, cela est une autre question, mais on ne peut prétendre qu’il n’avait pas intérêt à contester la décision du 29 octobre 1999.

[21]           Par ailleurs, le Tribunal constate que le recours du travailleur a été valablement formé, puisque sa contestation à l’encontre de la décision du 29 octobre 1999 a été reçue à la Commission des lésions professionnelles le 2 décembre 1999, soit à l’intérieur du délai prévu à l’article 359 de la Loi.

[22]           Par conséquent, le Tribunal rejette le moyen préliminaire soulevé par le procureur de la CSST, et déclare avoir compétence pour entendre le fond du dossier.

LES FAITS RELATIFS AU FOND

[23]           Le travailleur subit, le 2 septembre 1980, alors qu’il est préposé aux bénéficiaires chez l’employeur, un accident de travail dont le diagnostic est une déchirure du ménisque interne du genou gauche, lésion reconnue par la CSST.  Par la suite, il subit une récidive, rechute ou aggravation également reconnue par une décision du Bureau de révision le 14 septembre 1988, qui a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles.  Le travailleur a été référé en réadaptation.

[24]           Par la suite, le 2 novembre 1993, la CSST détermine que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable de préposé à la billetterie à compter du 2 novembre 1993 et estime que le revenu brut annuel de cet emploi convenable est de 13 420 $.  Elle établit aussi au 2 novembre 1994 la date du début de l’indemnité réduite de remplacement du revenu au terme de l’article 49 de la Loi .

[25]           Le travailleur conteste cette décision, laquelle est confirmée par le Bureau de révision le 24 novembre 1995.  Le travailleur en appelle de cette dernière décision devant la Commission d’appel.  Dans le cadre de cet appel, une entente intervient entre les parties.  Cette entente prévoit entre autres que l’emploi convenable est celui de préposé à la billetterie, que le revenu brut annuel escompté de cet emploi convenable est de 10 900 $ et précise que la CSST versera l’indemnité de remplacement du revenu, sur la base de ce revenu brut annuel.

[26]           Par une décision du 16 décembre 1996, la Commission d’appel entérine cette entente[3].

[27]           Tel que prévu par l’article 54 de la Loi, la CSST réévalue l’indemnité de remplacement de revenu du travailleur deux ans après la détermination de l’emploi convenable, soit le 2 novembre 1995 et maintient cette indemnité au même montant.

[28]           Conformément à l’article 55 de la Loi, trois ans plus tard, soit le 29 octobre 1998, la CSST réévalue à nouveau l’indemnité de remplacement du revenu et la maintient encore une fois au même niveau. Toutefois dans cette dernière décision, la CSST indique que l’indemnité, bien que maintenue au même niveau, sera diminuée à compter du 65ième anniversaire de naissance du travailleur.  C’est cette diminution qui fait l’objet de la présente contestation.

[29]           À l’audience, le travailleur témoigne qu’il n’a été au courant de la diminution de l’indemnité de remplacement de revenu à compter de 65 ans qu’à la réception de la lettre de la CSST du 29 octobre 1998, soit près de deux ans après avoir signé l’entente.  Il soutient avoir cru, jusqu’à cette date, que l’indemnité hebdomadaire d’une centaine de dollars qu’il recevait alors, serait maintenue avec indexation jusqu’à 68 ans.

[30]           Il prétend que s’il avait eu cette information au moment de la signature de l’entente le 3 décembre 1996, il aurait négocié différemment.  Il ajoute que dans les semaines qui ont suivi la signature de l’entente, l’agente d’indemnisation de la CSST au dossier, madame Isabelle Krysiewski, lui aurait au contraire indiqué, lors d’une rencontre, que l’indemnité serait maintenue, avec indexation, jusqu’à 68 ans, sans diminution à 65 ans.  Il en aurait conclu que ce montant ajouté au montant de sa rente d’invalidité serait suffisant.  C’est, entre autres pour cette raison, qu’il dit avoir été d’accord à signer l’entente en 1996.  En réponse à une question du procureur de la CSST, le travailleur confirme cependant avoir été conseillé au moment de l’entente, par une avocate, Me Lucille Brisson, qui a d’ailleurs co-signé l’entente à titre de sa représentante.

[31]           Quant au procureur de la CSST, il soutient outre le fait que le Tribunal ne peut revenir sur l’entente, que la preuve n’a pas démontré qu’une promesse du type de celle alléguée par le travailleur lui a été faite.  Il réfère le Tribunal aux notes évolutives de la CSST dans lesquelles l’on ne retrouve aucune mention d’une conversation ou rencontre entre le travailleur et l’agente Krysiewski dans les semaines qui ont suivi la signature de l’entente.  De fait, il n’y aucune indication de quelque promesse que ce soit dans toutes les notes évolutives.  Il ajoute que le 2 novembre 1998, soit quelques jours après la décision du 29 octobre 1998 de la CSST informant le travailleur de la diminution des indemnités à 65 ans, l’agent de la CSST ne fait aucune mention de promesse dans les notes évolutives:

« Retourné appel du T :

Se questionne sur le fait qu’à compter de 65 ans son IRR sera diminuée de 25%. Allègue n’avoir jamais été informé de ce fait avant la lettre du 98 10 29.

Croyait recevoir son IRR jusqu’à 68 ans

Expliqué au T les effets de l’art. 56 de la Loi »

 

 

[32]           Le procureur plaide que de toute façon, une telle promesse, même si elle avait été prouvée, n’aurait pu trouver application, puisqu’elle aurait été contraire à la Loi.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[33]           Le membre issu des associations syndicales trouve regrettable que le travailleur n’ait été informé de la diminution des indemnités de revenu à 65 ans que lors de la lettre envoyée par la CSST le 29 octobre 1998, soit deux ans après avoir signé l’entente entérinée par la Commission d’appel le 16 décembre 1996.  Il considère toutefois qu’en l’absence de toute entente à l’effet contraire, l’article 56 de la Loi doit trouver application et que les indemnités de remplacement du revenu doivent être ajustées à compter du 65ième anniversaire de naissance du travailleur.

[34]           Le membre issu des associations d’employeurs est également d’opinion que l’article 56 de la Loi doit s’appliquer et qu’en conséquence, les indemnités de remplacement du revenu doivent être réduites à compter du 65ième anniversaire de naissance du travailleur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[35]           Le Tribunal doit décider si la CSST était fondée de procéder à la diminution de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 65ième anniversaire de naissance du travailleur.

[36]           L’article 56 de la Loi se lit ainsi :

56. L'indemnité de remplacement du revenu est réduite de 25 % à compter du soixante‑cinquième anniversaire de naissance du travailleur, de 50 % à compter de la deuxième année et de 75 % à compter de la troisième année suivant cette date.

 

Cependant, l'indemnité de remplacement du revenu du travailleur qui est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans est réduite de 25 % à compter de la deuxième année suivant la date du début de son incapacité, de 50 % à compter de la troisième année et de 75 % à compter de la quatrième année suivant cette date.

________

1985, c. 6, a. 56.

 

 

[37]           Le premier alinéa de l’article 56 de la Loi impose la diminution de l’indemnité de remplacement du revenu par étapes, à compter du 65ième anniversaire de naissance d’un travailleur.  On ne retrouve, ni dans cette disposition, ni ailleurs dans la Loi quelque exception à l’application de cette disposition.  Seule une modalité particulière est prévue au deuxième alinéa. La disposition est claire, elle ne laisse aucune marge de manœuvre quant à son application.  Une indemnité de remplacement du revenu doit donc être diminuée à compter du 65ième anniversaire de naissance d’un travailleur conformément au premier alinéa de l’article 56 de la Loi.


 

[38]           Le Tribunal constate que la CSST a correctement appliqué la Loi en concluant, par sa lettre du 29 octobre 1998, confirmée par celle du 29 octobre 1999, que l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur serait diminuée à compter de son 65ième anniversaire de naissance.

[39]           Par ailleurs, le travailleur allègue qu’on lui aurait promis que son indemnité de remplacement du revenu serait maintenue jusqu’à son 68ième anniversaire de naissance, sans subir la diminution prévue à l’article 56. La seule preuve que le travailleur apporte, pour supporter cette prétention, est son témoignage.  Les notes au dossier ne font aucunement état d’une quelconque promesse de ce type, ni de quelque rencontre avec l’agente Krysiewski de la CSST dans les semaines qui ont entouré la signature de l’entente en décembre 1996, contrairement à ce que prétend le travailleur.  Compte-tenu de l’importance des effets qu’aurait eus une telle promesse, l’on aurait pu s’attendre à ce qu’elle fut consignée quelque part dans les notes du dossier, ce qui n’est aucunement le cas.  Par conséquent, le Tribunal conclut que la preuve de la promesse alléguée par le travailleur n’a pas été faite de façon prépondérante.

[40]           De toute façon, rajoutons que même si la promesse alléguée avait été prouvée, elle aurait été non seulement non conforme à l’article 56 de la Loi, mais serait allée à l’encontre de la décision de la Commission d’appel du 16 décembre 1996 disposant de la question.  En effet, l’entente entérinée par la Commission d’appel dans sa décision du 16 décembre 1996, prévoyait dans ses termes mêmes que l’indemnité de remplacement du revenu serait celle «  à laquelle a droit le travailleur ».  Le Tribunal considère que cette expression réfère à l’indemnité à laquelle le travailleur a droit en application de la Loi, y compris son article 56.

[41]           Soulignons au surplus, qu’en vertu de l’article 405[4] de la Loi, une décision de la Commission d’appel est finale et sans appel :

405. Toute décision de la Commission d'appel doit être écrite, motivée, signée et notifiée aux parties et à la Commission.

 

      Cette décision est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1985, c. 6, a. 405.

 

[42]           Seul l’article 406[5], prévoit un mécanisme de révision pour cause, qui ne peut recevoir application en l’espèce, puisque entre autres, aucune demande n’ayant été faite dans les délais prescrits.

[43]           Ainsi, la Loi n’autorise pas le Tribunal à remettre en question la décision de la Commission d’appel.  Le faire, irait  à l’encontre de la Loi et entraverait le principe de la stabilité juridique des décisions d’un tribunal de dernière instance.

[44]           Par conséquent, le Tribunal conclut que, l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle a droit le travailleur doit être ajustée en conformité avec l’article 56 de la Loi et de ce fait, conclut que la CSST était fondée de décider de la diminution de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 65ième anniversaire de naissance du travailleur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Samuel Plourde;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 octobre 1999 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’indemnité de remplacement de revenu du travailleur doit être réduite conformément à l’article 56 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail à compter de son 65ième anniversaire de naissance.

 

 

 

 

Me Marie Langlois

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me François Bilodeau)

1, Complexe Desjardins, 31e étage

Montréal (Québec)

H5B 1H1

 

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 



[1]           L.R.Q., chapitre A-3.001.

 

[2]           116598-72-9905, 2000-01-12, M. Lamarre.

[3]           Plourde et Centre Hospitalier Ste-Jeanne-D’Arc, CALP no Q-75943-60-9601, 29-11-96, M. Billard, décision corrigée le 5 septembre 1997.

[4]           L’article 405 de la Loi, en vigueur en décembre 1996, est aujourd’hui remplacé par l’article 429.49 ( 1997, c. 27).

[5]           L’article 406 de la Loi, en vigueur en décembre 1996, est aujourd’hui remplacé par l’article 429.56 ( 1997, c. 27).

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