Anctil et Infrastructures technologiques Québec |
2021 QCCFP 13 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER No : |
1302299 |
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DATE : |
25 mai 2021 |
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : |
Caroline Gagnon |
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PATRICYA ANCTIL |
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Partie demanderesse |
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et |
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INFRASTRUCTURES TECHNOLOGIQUES QUÉBEC |
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Partie défenderesse |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1) |
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[1] Mme Patricya Anctil dépose un appel à la Commission de la fonction publique (Commission) en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique[1] (Loi).
[2] Elle conteste son échec à la procédure d’évaluation d’un processus de qualification en vue de la promotion, administré par Infrastructures technologiques Québec (ITQ)[2], visant à pourvoir des emplois de technicienne principale ou de technicien principal en administration, chef d’équipe ou spécialiste[3] (technicienne principale en administration).
[3] Mme Anctil soutient qu’elle n’a pas réussi les examens, car la pandémie de COVID- 19 lui occasionne, comme plusieurs personnes, du stress qui affecte sa capacité à se concentrer et à prendre des décisions.
[4] Elle reproche à ITQ d’avoir administré les examens utilisés lors du précédent processus de qualification tenu en 2018[4], pour cette classe d’emplois et de ne pas avoir adapté la procédure d’évaluation à la réalité pandémique, en prolongeant le temps alloué pour répondre aux examens ou en diminuant le nombre de questions posées.
[5] La Commission doit déterminer si la procédure d’évaluation est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité.
[6] Elle conclut que ce n’est pas le cas et rejette donc l’appel.
CONTEXTE
[7] Le 19 juin 2020, Mme Anctil est informée que sa candidature est retenue pour le processus de qualification de technicienne principale en administration. La date de la séance d’examens n’est toutefois pas fixée compte tenu des mesures sanitaires mises en place pour lutter contre la COVID-19 et l’interdiction de rassemblements imposée par la Santé publique.
[8] Le 9 septembre 2020, elle est invitée à s’inscrire à la séance d’examens. Cet avis ainsi que la « Fiche d’information sur les examens » qui est jointe, la renseignent sur le déroulement de la séance de même que sur les mesures d’hygiène et les règles élaborées pour réduire l’exposition au virus de la COVID-19.
[9] Le 26 septembre 2020, Mme Anctil participe à la séance d’examens qui est composée de deux moyens d’évaluation écrits à choix multiple, Habiletés d’analyse, technicienne ou technicien, classe principale[5] (Habiletés d’analyse) et Habiletés relationnelles, personnel technique, classe principale[6] (Habiletés relationnelles). Ces examens ont aussi été administrés lors du processus de qualification tenu en 2018, pour cette classe d’emplois.
[10] Le mois suivant, elle est informée que son résultat est inférieur au seuil de passage fixé et que sa candidature n’est pas retenue. Il lui manque sept points[7] pour atteindre le seuil de passage fixé à 170/300.
[11] Quelques jours plus tard, elle dépose un appel à la Commission.
[12] Elle souhaite reprendre la séance d’examens ou qu’ITQ corrige à nouveau son formulaire de réponse du moyen d’évaluation Habiletés d’analyse en ne tenant pas compte des huit dernières réponses.
ANALYSE
[13] L’article 35 de la Loi prévoit :
35. Un candidat peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique s’il estime que la procédure utilisée pour son admission ou pour son évaluation dans le cadre d’un processus de qualification visant exclusivement la promotion a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. […]
[14] Pour que son appel soit accueilli, Mme Anctil doit démontrer, selon la règle de la prépondérance de la preuve, que la procédure d’évaluation du processus de qualification contesté est entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité.
[15] La Commission n’est pas un comité de révision. Elle ne peut donc pas substituer sa décision à celle d’ITQ, à moins que celle-ci contrevienne au cadre normatif ou soit déraisonnable, discriminatoire, abusive ou arbitraire.
[16] Mme Anctil raconte qu’habituellement elle ne ressent pas de stress lorsqu’elle passe un examen. Toutefois, le jour de la séance d’examens, elle a des « papillons dans le ventre ». Elle associe cette sensation au stress causé par la pandémie de COVID-19.
[17] À son arrivée à la séance d’examens, il y a un grand nombre de personnes. Elle est impressionnée par le couvre-visage qu’elles portent et la distance entre elles, « ce n’est pas des choses habituelles ».
[18] Pour confirmer sa présence, elle doit se mêler à la foule et faire la file, ce qui la rend mal à l’aise. Elle remarque aussi la présence de plusieurs agents de sécurité qui veillent au respect des mesures sanitaires instaurées par ITQ. Elle qualifie ce contexte « d’évènement dérangeant ».
[19] Elle est conscience de sa fébrilité, mais elle ne croit pas que cela aura une incidence sur sa réussite. Il n’a d’ailleurs jamais été concevable pour elle d’annuler ou de reporter sa participation à un examen en raison du stress.
[20] Lors du premier examen, elle est surprise lorsque le surveillant annonce qu’il reste cinq minutes pour terminer. Comme elle doit encore répondre à huit questions, elle décide donc de noircir au hasard les cases restantes du formulaire de réponse. Quant au deuxième examen, elle réussit à le terminer dans le temps alloué.
[21] Mme Anctil expose, en se basant sur différents articles scientifiques, que la pandémie de COVID-19 occasionne chez de nombreuses personnes une réaction de stress qui se manifeste par des difficultés de concentration et de prise de décision. Elle affirme que c’est ce qu’elle a vécu, ce qui explique son échec. Elle n’a toutefois jamais informé ITQ de son état.
[22] ITQ affirme que Mme Anctil avait la responsabilité de l’aviser que sa condition ne lui permettait pas de participer aux examens.
[23] Il souligne que la convocation à la séance d’examens ainsi que la documentation jointe informaient les candidats de cette possibilité.
[24] D’ailleurs, avant la date des examens, une quarantaine de candidats l’ont informé de leurs craintes à se présenter à la séance en raison de la pandémie de COVID-19. Certains ont été rassurés par les renseignements au sujet des mesures sanitaires mises en place et ont décidé de participer à la séance examens. D’autres, toujours inquiets, ainsi que ceux qui avaient des symptômes de la COVID-19, ont pu bénéficier d’un report de la séance d’examens.
[25] De plus, Mme Anctil avait la possibilité le jour de la séance, comme tous les autres candidats, d’informer le personnel sur place qu’elle n’était pas en mesure d’y participer. D’ailleurs, les responsables de l’administration des examens avaient pour instruction d’aviser les candidats que si l’un d’entre eux avait une indisposition physique ou psychologique l’empêchant d’entreprendre l’ensemble de la procédure d’évaluation, il devait la signaler avant le début de l’évaluation.
[26] ITQ explique que dans cette éventualité, les responsables devaient retourner la personne chez elle et l’aviser qu’elle devait déclarer sa situation en lui donnant le numéro de téléphone pour ce faire. Un report de la séance d’examens était alors accordé à ce candidat.
[27] Il affirme que si Mme Anctil l’avait informé de son état de santé avant de prendre connaissance des examens, il lui aurait octroyé un report de la séance d’examens.
[28] La Commission constate que plusieurs mesures ont été mises en place par ITQ pour sécuriser et aider les candidats en raison de la pandémie, mais que Mme Anctil ne les utilise pas.
[29] La jurisprudence de la Commission est claire[8] : à moins de circonstances exceptionnelles, il est de la responsabilité de chaque candidat de signaler un problème de santé qui pourrait nuire à sa performance lors de la séance d’examens. Il doit évidemment le faire avant d’avoir pris connaissance du contenu du moyen d’évaluation.
[30] Or, ce n’est qu’après avoir reçu ses résultats et constaté son échec que Mme Anctil fait part, en déposant son recours à la Commission, des conséquences du stress causé par la pandémie de COVID-19 et de leurs impacts sur sa réussite.
[31] Il est exceptionnel que la Commission ordonne la reprise d’une séance d’examens ou la mise en place d’une mesure particulière lorsqu’un candidat invoque des raisons de santé après la réception de ses résultats.
[32] Dans cette situation, la Commission doit constater une preuve prépondérante de la présence de faits graves, précis, concordants et d’un lien de cause à effet entre ces faits et l’échec du candidat à la procédure d’évaluation[9].
[33] Mme Anctil ne réussit pas à faire cette démonstration. Les « papillons dans le ventre » ressentis le jour de l’évaluation et la fébrilité ressentie à l’arrivée à la séance d’examens sont des sensations vécues couramment en contexte d’examen.
[34] Mme Anctil ne réussit pas non plus à convaincre la Commission que la pandémie de COVID-19 lui fait vivre un stress hors norme ni que cette réalité particulière lui occasionne une difficulté de concentration ou à prendre des décisions.
[35] Au contraire, elle affirme que l’avènement de la pandémie de COVID-19 n’a pas affecté sa performance au travail et qu’elle n’a pas eu besoin de consulter un médecin ou un autre spécialiste en raison d’un stress inhabituel. D’ailleurs, elle ne s’est pas absentée du travail pour des raisons de santé.
[36] La Commission conclut ainsi qu’elle n’est pas en présence de faits graves, précis et concordants qui seraient de la nature d’une circonstance exceptionnelle. Elle n’est pas non plus convaincue de l’existence d’un lien entre l’échec de Mme Anctil et ce qu’elle affirme avoir ressenti le jour de l’examen.
[37] Par ailleurs, Mme Anctil reproche à ITQ de ne pas avoir adapté la procédure d’évaluation à cette réalité particulière et inhabituelle qu’est la pandémie de COVID-19, en prolongeant le temps alloué pour répondre aux examens ou en retirant certaines questions.
[38] ITQ explique qu’il ne pouvait pas prendre de telles décisions puisque ce pouvoir appartient au concepteur de l’examen, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT).
[39] M. Danny Belzile, spécialiste en moyens d’évaluation du SCT, affirme qu’il n’aurait pas été indiqué d’altérer les examens en raison de la pandémie de COVID-19. Selon lui, la décision de soumettre les candidats à un examen « allégé » n’aurait pas été appuyée « sur des bases scientifiques évidentes, en plus de soulever des enjeux de mesure et évaluation fondamentaux ».
[40] Il souligne également : « le niveau de stress ressenti, ou non, spécifiquement en raison de la pandémie relève avant tout de chaque personne candidate. Un examen donné pourra générer un niveau de stress différent d’une personne à l’autre et les moyens efficaces pour gérer le stress sont aussi relatifs à chacun ».
[41] La Commission constate que les résultats des candidats démontrent effectivement que la pandémie de COVID - 19 n’a pas eu d’impact significatif sur leur performance, puisque la moyenne de leurs résultats[10] est supérieure d’un point de pourcentage par rapport à celle obtenue[11] lors du processus de qualification précédent tenu en 2018[12].
[42] La preuve démontre donc qu’il n’était pas nécessaire, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, de mettre en place des mesures particulières pour accommoder les candidats.
[43] La décision d’administrer les examens utilisés lors du processus de qualification tenu en 2018, pour cette classe d’emplois, n’est donc pas déraisonnable, discriminatoire, abusive ou arbitraire.
[44] La Commission juge que la procédure d'évaluation a permis de constater impartialement la valeur des candidats.
[45] La Commission conclut donc que la procédure d’évaluation administrée par ITQ n’est pas entachée d’une illégalité ni d’une irrégularité.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :
REJETTE l’appel de Mme Patricya Anctil.
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Original signé par :
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__________________________________ Caroline Gagnon |
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Mme Patricya Anctil |
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Partie demanderesse |
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Me Chloé Noury |
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Procureure d’Infrastructures technologiques Québec |
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Partie défenderesse |
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Audience tenue par visioconférence |
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Date de l’audience : |
27 avril 2021 |
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[1] RLRQ, c. F-3.1.1.
[2] Depuis le 1er septembre 2020, en vertu de l’article 33 de la Loi sur Infrastructures technologiques Québec (RLRQ, c. I-8.4), Infrastructures technologiques Québec est substitué au Centre de services partagés du Québec.
[3] Processus de qualification no 26405PS93470002.
[4] Processus de qualification no 26405PS93470001.
[5] Moyen d’évaluation no ATCP-1407-02E.
[6] Moyen d’évaluation no HRTP-1804-01E.
[7] Mme Anctil obtient un résultat final de 163/300.
[8] Gharbi et Centre des Services partagés du Québec, 2019 QCCFP 55; Côté et Ministère des Transports, 2013 QCCFP 4.
[9] Massicotte et Secrétariat du Conseil du trésor, SOQUIJ AZ-50392252, p. 49 et 50.
[10] 58 %
[11] 57 %
[12] Ces deux moyennes peuvent être comparées puisque ce sont les mêmes examens qui ont été administrés et que le nombre de candidats était similaire lors de ces deux processus de qualification.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.