Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 13 juin 2017

Référence neutre : 2017 QCTAQ 06135

Dossiers : SAI-Q-220947-1610 / SAI-Q-220955-1610 / SAI-Q-220959-1610 /
SAI-Q-220965-1610

Devant le juge administratif :

ROBERT SANCHE

 

KATARINA KUSTRA

EVA KUSTRA

Parties requérantes

c.

MUNICIPALITÉ DE LAC SIMON

MRC DE PAPINEAU

Parties intimées

 


DÉCISION


[1]              Par requêtes déposées en temps utile, les parties requérantes contestent l'exactitude de la valeur de leurs unités d’évaluation dont les caractéristiques sont les suivantes :

 

Dossier SAI-M-220955-1610

Matricule :

1689-68-1546

Unité d’évaluation :

1705, ch. A

Lac Simon

Rôle d’évaluation contesté :

Triennal 2016-2017-2018

 

 

Valeur inscrite au rôle :

Terrain :

326 200 $

 

 

Bâtiment :

191 300 $

 

 

Total :

517 500 $

 

 

 

Proportion médiane :

100 %

Facteur comparatif :

1,00

Valeur uniformisée :

517 500 $

 

Dossier SAI-M-220947-1610

Matricule :

1690-60-3555

Unité d’évaluation :

Lot 36-1 et 37-1

Terrain vacant, Route 321, Lac Simon

Rôle d’évaluation contesté :

Triennal 2016-2017-2018

 

 

Valeur inscrite au rôle :

Terrain :

474 500 $

 

 

Bâtiment :

0 $

 

 

Total :

474 500 $

 

 

 

Proportion médiane :

100 %

Facteur comparatif :

1,00

Valeur uniformisée :

474 500 $

 

Dossier SAI-M-220959-1610

Matricule :

1690-62-2515

Unité d’évaluation :

Lot 37-2

Terrain vacant, Route 321, Lac Simon

Rôle d’évaluation contesté :

Triennal 2016-2017-2018

 

 

Valeur inscrite au rôle :

Terrain :

221 900 $

 

 

Bâtiment :

0 $

 

 

Total :

221 900 $

 

 

 

Proportion médiane :

100 %

Facteur comparatif :

1,00

Valeur uniformisée :

221 900 $

 

Dossier SAI-M-220965-1610

Matricule :

1690-62-0120

Unité d’évaluation :

Lot 37-3

Terrain vacant, Route 321, Lac Simon

Rôle d’évaluation contesté :

Triennal 2016-2017-2018

 

 

Valeur inscrite au rôle :

Terrain :

356 500 $

 

 

Bâtiment :

0 $

 

 

Total :

356 500 $

 

 

 

Proportion médiane :

100 %

Facteur comparatif :

1,00

Valeur uniformisée :

356 500 $

[2]              Ces requêtes font suite aux réponses de l’évaluateur municipal, en date du 29 août 2016, à l’effet de maintenir les valeurs des unités d’évaluation à la suite des demandes de révision de la partie requérante.

[3]              Au début de l’audience, M. Alexandre Leblond, É.A., recommande de réduire les valeurs réelles comme suit :

 

 

Dossiers

Matricule

Valeurs réelles recommandées

SAI-Q-220955-1610

1689-68-1546

425 000 $

SAI-Q-220947-1610

1690-60-3555

451 400 $

SAI-Q-220959-1610

1690-62-2515

142 300 $

SAI-Q-220965-1610

1690-62-0120

289 300 $

[4]              Ces recommandations sont refusées par les parties requérantes.

[5]              Les immeubles de ces quatre unités d’évaluation limitrophes, dont trois impliquent des terrains vacants, sont la propriété des mêmes parties requérantes. Compte tenu de ces faits et étant donné que la valeur des bâtiments, telle qu’estimée au rapport I-1, est admise, le Tribunal, après en avoir avisé les parties et suite à leurs accords, a décidé de joindre ces dossiers compte tenu de la preuve commune.

[6]              La présente audience est entendue par une formation constituée d’un seul juge, et ce, à la suite de l’application de l’article 79 et du troisième alinéa de l’article 82 de la Loi sur la justice administrative[1] (LJA).

Preuve des parties requérantes

[7]              Mme Katarina Kustra indique que son père a acheté ses terrains dans les années 1970 dans le but de les garder à l’état naturel.

[8]              Les taxes augmentent sans cesse et atteignent présentement un seuil inacceptable. Les évaluations municipales au rôle 2016 démontrent des augmentations importantes dont l’une a augmenté de plus de 500 %.

[9]              Elle considère que ces dernières sont déraisonnables pour des terrains sans front sur route, sans électricité, difficilement constructible et accessible par des sentiers pédestres seulement. Mme Kustra estime que le coût pour l’ouverture d’un chemin représente un investissement supérieur à 100 000 $.

[10]           Même la propriété sise au 1705, chemin A est localisée à plus de 250 mètres des services offerts par la municipalité.

[11]           Malgré que les immeubles à l’étude soient les derniers du lac encore à l’état naturel, ils ne jouissent pas de tranquillité durant l’été. Mme Kustra hésite même à y aller à cause de la pollution et du bruit occasionné par les multiples bateaux qui s’ancrent toute la journée dans la baie Groulx, juste en face des terrains[2]. Malgré plusieurs plaintes, elle constate qu’il n’y a rien à faire. Elle estime que ces inconvénients affectent la valeur de leurs terrains d’environ 30 %.

[12]           M. Steven Zeran, mari de Mme Kustra, dépose un certificat de localisation[3] ainsi que plusieurs photographies[4] démontrant que les terrains sont constitués de roc et sont très escarpés de sorte qu’ils sont impossibles à construire, plus spécialement les lots 36-1, 37-1 et 37-2.

[13]           M. Zeran mentionne que les évaluations municipales des quatre propriétés à l’étude ont augmenté en moyenne de 335 %, passant de 555 900 $, au rôle précédent, à 1 570 400 $ pour le rôle 2016. En comparaison, les seize autres propriétés du chemin A ont augmenté en moyenne de 31 %[5].

[14]           Suite à leurs demandes de révision, M. Leblond vient le rencontrer en juin 2016, mais il ne semble pas vraiment intéressé. En effet, il ne prend aucune mesure, ne marche pas les terrains de sorte qu’il ne constate pas les fortes pentes qui affectent le potentiel de ces terrains.

[15]           Lorsqu’il demande les raisons de cette forte augmentation, il ne reçoit qu’un commentaire « bord de l’eau » et dans les réponses à ses demandes de révision l’évaluateur maintient toutes les valeurs déposées, sans aucune justification ni explication.

[16]           Il trouve aberrant que les terrains à l’étude, avec leur façade au lac de 655,04 mètres et leur superficie totale de 66 174,5 m2, totalisent une valeur de 1 379 100 $ au rôle 2016 alors que celle attribuée à un terrain plat avec une plage et dont la superficie est trois fois plus grande, soit 193 555,3 m2, a une évaluation semblable (1 322 800 $)[6].

[17]           Une autre propriété dont le terrain a une façade au lac semblable (662,94 m) mais avec une superficie six fois plus grande a une évaluation égale à 40 % (541 200 $) de celles des terrains à l’étude[7].

[18]           Il ne s’explique pas davantage que l’évaluation d’un terrain de golf, dont la superficie est cinq fois plus grande (341 680 m2), ne soit évalué qu’à 233 600 $, soit 20 % des évaluations sous contestation[8].

[19]           M. Zeran confirme les inconvénients occasionnés par la présence constante, durant l’été, des bateaux et hydravions, tel que le démontrent les dernières photos déposées sous R-2.

[20]           Il dépose également une carte topographique[9] qui illustre les fortes dénivellations des terrains à l’étude.

[21]           M. Zeran demande à ce que la valeur des terrains à l’étude pour le rôle 2016 soit déposée en considérant une augmentation de 20 % par rapport aux valeurs déposées au rôle antérieur. Il s’agit de l’augmentation moyenne observée des propriétés du voisinage une fois les données extrêmes enlevées[10].

Preuve des parties intimées

[22]           M. Alexandre Leblond, É.A., dépose ses différents rapports d’évaluation[11].

[23]           Il commente en premier celui de l’immeuble sis au 1705, chemin A[12]. Compte tenu que la valeur du bâtiment est admise, il se concentre davantage sur l’évaluation du terrain.

[24]           M. Leblond mentionne que le terrain est situé du côté ouest du lac Simon, qu’il est coupé en deux par un chemin qui constitue un droit de passage pour les lots voisins et que sa topographie reflète une pente moyenne de 51 %[13]. Il confirme également que les services municipaux ne se rendent pas jusqu’au terrain à l’étude.

[25]           Il a bien tenté de voir si la présence de bateaux durant l’été dans la baie Groulx affecte les prix à la baisse. Cependant, il n’a relevé aucune propriété à vendre et/ou vendue, de sorte qu’il ne considère aucune désuétude pour ce point.

[26]           Afin d’estimer la valeur du terrain, il a relevé sept ventes dont trois impliquent des propriétés construites.

[27]           Après avoir décrit chacune d’entre elles et dérivé différents taux moyens, il conclut finalement à une valeur de 248 800 $[14], sur la base des indications (taux au mètre carré et au mètre linéaire) de la vente C-7 qu’il considère comme la plus comparable.

[28]           Ensuite et de la même façon, il décrit chacun des trois autres terrains à l’étude[15]. Il s’agit de terrains principalement boisés, avec des pentes de moyennes à fortes et accessibles seulement par des servitudes de passage constituées d’un chemin piétonnier d’une largeur de huit pieds.

[29]           C’est à partir des mêmes sept ventes qu’il détermine la valeur réelle de chacun de ces trois terrains.

[30]           Après avoir décrit chacune d’entre elles et calculé différents taux moyens et considérant les caractéristiques des terrains à l’étude (superficie, façade au lac, potentiel de développement, absence d’aménagement, topographie abrupte et accès limité), M. Leblond retient finalement les indications moyennes (taux au mètre carré et au mètre linéaire) obtenues des ventes T-4 et T-5 qu’il considère comme les plus représentatives, pour conclure aux valeurs suivantes :

 

SAI-Q-220947-1610

Lots 36-1 et 37-1

451 400 $[16]

SAI-Q-220959-1610

Lot 37-2

142 300 $[17]

SAI-Q-220965-1610

Lot 37-3

289 300 $[18]

[31]           À une question des parties requérantes, il indique que le marché ne lui montre pas une plus grande valeur pour un terrain plat et avec une plage par rapport à un autre abrupt et sans plage, et ce, malgré qu’en théorie cela le devrait.

[32]           En contre preuve, les parties requérantes estiment que la dernière affirmation de M. Leblond n’a aucun sens. Elles ajoutent que compte tenu des caractéristiques des terrains à l’étude (forte pente et présence de roc) leur développement est problématique principalement pour la construction d’un chemin d’accès et des installations sanitaires.

Considérations du Tribunal

[33]           Il convient de rappeler que le Tribunal doit déterminer la valeur réelle selon les règles prescrites par la Loi sur la fiscalité municipale[19] (LFM). Il faut d’abord préciser quelques principes applicables en matière de fiscalité municipale. Ces principes sont exposés aux articles 42 à 46 de la LFM. Au départ, l'article 42 de la LFM signale que le rôle doit indiquer la valeur de chaque unité d'évaluation, sur la base de sa valeur réelle. La valeur réelle est ainsi définie à l'article 43 de la LFM :

43.      La valeur réelle d'une unité d'évaluation est sa valeur d'échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d'une vente de gré à gré dans les conditions suivantes :

1o    le vendeur et l'acheteur désirent respectivement vendre et acheter l'unité d'évaluation, mais n'y sont pas obligés; et

2o    le vendeur et l'acheteur sont raisonnablement informés de l'état de l'unité d'évaluation, de l'utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier.

[34]           Pour établir la valeur réelle d'une unité d'évaluation, l'article 45 de la LFM dicte de tenir notamment compte de l'incidence que ses avantages ou désavantages peuvent avoir sur son prix de vente le plus probable, en les considérant de façon objective.

[35]           Selon l'article 46 de la LFM, la valeur réelle qui sert de base à celle inscrite au rôle est la valeur d'échange de l'unité d'évaluation telle qu'elle existe, en tenant compte des conditions du marché au 1er juillet du deuxième exercice qui précède le premier des exercices pour lesquels le rôle est fait.

[36]           Les parties requérantes mentionnent que les évaluations municipales de leurs propriétés ont augmenté de façon abusive, passant de 555 900 $ à 1 570 400 $.

[37]           Le Tribunal est bien conscient que cette augmentation est très importante. Cependant, dans la détermination des valeurs lors d’un nouveau rôle, l’analyse des données du marché joue un rôle prépondérant.

[38]             La hausse de valeur d'un rôle à un autre n'est pas vraiment significative pour déterminer la valeur réelle. Lorsque les rôles sont triennaux, il s'écoule une période de trois ans entre la première date de référence aux conditions du marché et la seconde. De plus, dans le cas qui nous occupe les valeurs déposées au rôle 2010 ont été reconduites pour le rôle 2013, de sorte que c’est une période de six ans qui sépare les deux valeurs.

[39]             Il est possible également que le niveau des rôles précédents ait été inférieur à celui des nouveaux rôles. Enfin, rien n’indique que la valeur inscrite aux rôles précédents était celle correspondant à la valeur réelle ou marchande.

[40]             Pour ces raisons, le Tribunal doit déterminer la valeur réelle en faisant abstraction de la valeur inscrite aux rôles précédents. Il doit rechercher le prix de vente le plus probable de l'immeuble analysé en tenant compte de son état à une date précise, soit au moment de l'évaluation, et en fonction des conditions du marché à une date donnée, soit la date de référence, qui est en l'occurrence le 1er juillet 2014, puisqu'il s'agit du rôle triennal 2016.

[41]              Les parties requérantes signalent également que les évaluations municipales de leurs propriétés n’ont pas vraiment de sens en comparaison à l’évaluation d’autres propriétés comparables situées dans le même voisinage et qu’elles devraient être diminuées en conséquence.

[42]              Elles soulèvent ici une question d’équité essentiellement basée sur une approche ayant pour fondement la comparaison d'évaluation municipale de propriétés voisines.

[43]              Dans le contexte où la partie requérante n’a pas retenu les services d’un expert dans le domaine immobilier et qu’elle ne soit pas nécessairement au fait des méthodes d’évaluation à appliquer et à retenir comme moyen de preuve, le Tribunal comprend son réflexe de comparer l’évaluation de leurs propriétés avec les propriétés voisines.

[44]              Ce sujet a été traité dans certains ouvrages, notamment Le Bureau de révision de l’évaluation foncière[20] :

« f)  Peut-on faire la preuve par la comparaison de l’évaluation de l’immeuble avec d’autres évaluations d’un autre immeuble?

Le contribuable peut-il comme seule preuve de ses prétentions comparer l’évaluation de son immeuble avec celle d’autres immeubles? D’après le Bureau, une telle preuve ne constitue pas un élément décisionnel pour juger de la valeur réelle. La comparaison avec d’autres évaluations ne serait d’aucune utilité pour juger de la valeur réelle objective d’un immeuble. Ainsi le Bureau a jugé dans l’affaire Laflamme 641, qu’on ne peut édifier un raisonnement valable sur la prémisse que d’autres évaluations puissent constituer une preuve déterminante de la valeur réelle.

__________________________

641  R.J.E.F. vol. 1, 963, 1974-08-24. »

[45]           La problématique avec une telle approche est notamment que le Tribunal n’est pas saisi d’un recours relativement aux propriétés comparées. Il n’est pas nécessairement en mesure de connaître en quoi consistent ces immeubles et ne peut présumer de la qualité de leur comparabilité. De plus, le fait que l’évaluation de ces unités n’est peut-être pas juste ajoute à ce que celle-ci ne soit pas considérée comme référence.

[46]           S'il apparaissait équitable de diminuer l'objet au même niveau, cela ne le serait pas pour toutes les autres unités au rôle qui demeureraient à leur niveau original. En d'autres termes, on ne corrige pas une erreur en commettant une autre erreur. De plus la juridiction du Tribunal se limite à déterminer la valeur réelle ou marchande de l'immeuble qui fait l'objet d'un recours.

[47]           La meilleure approche pour estimer la valeur réelle d’une propriété comme celle à l’étude, est sans contredit la méthode de comparaison.

[48]           Cette méthode suppose que l'on applique directement à l'immeuble à l'étude une valeur tirée des prix de vente d'autres immeubles considérés comme comparables.

[49]           Ce cheminement ne suppose pas qu'on associe parité à identité, mais bien que l'on tente plutôt d'identifier et d’analyser des ventes de propriétés similaires à l'immeuble à évaluer.

[50]             Quoique les parties requérantes aient décrit amplement les caractéristiques de leurs terrains, avec les contraintes et les inconvénients qui en affectent la valeur, elles ne soumettent pas vraiment d’analyse du marché au soutien de leur conclusion. Elles se contentent de demander à ce que leurs évaluations soient augmentées de façon plus raisonnable, en retenant l’augmentation moyenne de 20 % des évaluations des propriétés voisines comparables.

[51]           De son côté, M. Leblond dépose des rapports d’évaluation dans lesquels il relève des ventes d’immeubles en front du lac Simon.

[52]           Même si ses rapports donnent une description des propriétés vendues il n’a pas vraiment analysé le marché se contentant d’indiquer différentes moyennes et de retenir les indications de la vente C-7 pour évaluer le terrain du 1705, chemin A et en fonction de la moyenne observée des ventes T-4 et T-5 pour les trois autres terrains.

[53]           Le Tribunal ose espérer que s’il avait fait une vraie analyse du marché il n’aurait pas émis l’opinion que des terrains plats avec plage ne se transigent pas plus cher que d’autres, abrupts et sans plage et c’est avec raison que les parties requérantes se sont insurgées contre cette assertion.

[54]           Parmi les sept ventes relevées, il y a en trois qui concernent des propriétés construites. Quoique la vente C-1 comprenne un bâtiment dont la valeur est marginale, il en est tout autrement pour ceux des ventes C-3 et C-7.

[55]           L’indication de valeur du terrain obtenue de ces ventes provient d’une méthode indirecte dite d’allocation et est normalement utilisée que comme moyen de vérification ou lorsque les ventes de terrains vacants ne sont pas disponibles, ce qui n’est pas le cas dans la présente cause.

[56]           Aux différents rapports, il est mentionné que le terrain impliqué dans la vente C-7 « a une pente de 58 % selon les courbes de niveau »[21]. Or, rien dans la preuve n’indique d’où provient ce chiffre et la courbe topographique à la page 9 des annexes 2 contredit cette affirmation en montrant un terrain relativement plat avec une pente beaucoup moins prononcée que celle des terrains à l’étude.

[57]           Quant au commentaire à l’effet que les ventes C-3 et C-7 « sont des immeubles constitués d’un terrain aménagé et d’un bâtiment, tel que le sujet, »[22] et qui supporterait un taux unitaire plus élevé pour le terrain, le Tribunal tient ici à spécifier que ces aménagements sont déjà inclus dans la valeur du bâtiment à l’étude[23] et dans ceux des ventes C-3[24] et C-7[25].

[58]           Finalement le Tribunal tient à spécifier que le taux unitaire de 58 $/m2, démontré par la vente C-7 et appliqué pour estimer la valeur du terrain du 1705, chemin A, est de loin supérieur aux autres indications pour des terrains de superficie comparable (soit 32,77 $, 36,60 $ et 42,98 $).

[59]           Pour toutes ces raisons, le Tribunal considère que la vente C-7 n’est pas pertinente et se doit d’écarter la conclusion émise au rapport I-1, puisque basée exclusivement sur cette dernière.

[60]           Afin de déterminer la valeur du terrain, le Tribunal analyse par conséquent les ventes suivantes :

 

Vente

Prix vente ajusté

Superficie (m. c.)

($/m. c.)

Front au lac (m. lin.)

($/m. lin.)

T-2

508 134,00 $

13 624

37,30 $

37,11

13 692,64 $

T-4

150 045,00 $

4 100

36,60 $

46,37

3 235,82 $

T-5

179 802,00 $

4 183

42,98 $

46,63

3 855,93 $

T-6

397 137,00 $

10 020

39,63 $

45,73

8 684,39 $

[61]           À première vue et sans analyse, il semble facile d’énoncer que les ventes de terrain plat avec plage de sable (ventes T-2 et T-6) indiquent des taux unitaires au m2 semblables à ceux d’autres terrains abrupts et sans plage (ventes T-4 et T-5).

[62]           Sauf que dans les faits, les terrains plats avec plage qui se sont vendus ont des superficies beaucoup plus grandes. Le marché nous démontre cependant que l’avantage et l’attrait d’un terrain plat avec plage de sable compensent totalement l’escompte attribuable à la superficie.

[63]           La comparaison des prix par mètre linéaire de front au lac est encore plus révélatrice. C’est ainsi que les terrains plats avec plage indiquent des taux unitaires au mètre linéaire (13 692,64 $ et 8 684,39 $) de près de trois fois plus élevés que ceux démontrés (3 236 $ et 3 856 $) pour des terrains abrupts et sans plage.

[64]           Les caractéristiques (accessibilité, pente et courbe topographique) des terrains des ventes T-4 et T-5 étant les plus comparables à celles du terrain de la propriété du 1705, chemin A, le Tribunal les retient et applique le même processus que celui retenu par M. Leblond pour obtenir les indications de valeurs suivantes :

 

Approche au mètre carré

Superficie

X

Taux retenu ($ / m2)

=

Indice de valeur

 

4 140 m2

X

 

40 $

=

 

165 600 $

 

4 644 m2

X

 

0,25 $

=

 

1 161 $

Total

8 784 m2

 

 

 

 

 

166 761 $

 

 

 

Arrondie à

 

 

167 000 $

 

Approche au mètre linéaire

Front

X

Taux retenu ($ / m. lin.)

=

Indice de valeur

 

46,50 m. lin.

X

 

3 550 $

=

 

165 075 $

 

69,55 m. lin.

X

 

100 $

=

 

6 933 $

Total

115,83 m. lin.

 

 

 

 

 

172 008 $

 

 

 

Arrondie à

 

 

172 000 $

 

[65]           Le Tribunal privilégie l’approche au mètre carré, laquelle est corroborée par celle au mètre linéaire, et conclut que la valeur du terrain de la propriété sise au 1705, chemin A est de 167 000 $.

[66]           En ajoutant à cette valeur de terrain le coût déprécié des bâtiments et des amélio-rations de 172 400 $[26], l’indication de valeur par la méthode du coût est de 339 400 $.

[67]           En ne substituant que la valeur du terrain dans la méthode de comparaison[27], l’indication de valeur paritaire devient donc de 343 200 $.

[68]           À la lumière de ces indications et accordant une plus grande importance à la méthode de comparaison le Tribunal détermine la valeur réelle du 1705, chemin A (dossier SAI-Q-220955-1610 - Matricule 1689-68-1546) à 343 200 $.

[69]           En ce qui concerne la valeur réelle des trois autres terrains à l’étude M. Leblond retient l’indication moyenne obtenue des ventes T-4 et T-5, soit un taux unitaire au m2 de 39,75 $ et un taux au mètre linéaire de 3 550 $.

[70]           De la valeur ainsi calculée et considérant que les terrains des ventes T-4 et T-5 sont directement accessibles par une rue publique alors que les terrains à l’étude ne le sont que par un chemin piétonnier, via une servitude, M. Leblond soustrait des frais pour la construction d’une route (15 000 $ ou 30 000 $ selon le cas) ainsi que d’un autre montant pour l’entretien du chemin privé (8 300 $ ou 15 000 $)[28].

[71]           Dans le cadre d’un développement, les parties requérantes ont mentionné la difficulté, voire l’impossibilité de construire les installations sanitaires et elles ont indiqué des coûts de construction pour un chemin d’accès de loin supérieur (100 000 $) à celui avancé par M. Leblond.

[72]           Étant donné les caractéristiques des terrains à l’étude (abrupt et sur le roc) et l’écart des coûts suggérés par les parties pour la construction d’une route, dont aucun n’a vraiment fait l’objet d’une preuve quelconque, et le doute soulevé quant à la possibilité d’implanter les installations sanitaires, le Tribunal préfère écarter cette approche indirecte pour s’en remettre à l’analyse des données du marché pour des terrains offrant une accessibilité semblable.

[73]           Tout comme les terrains à l’étude celui de la vente C-1 « n’est accessible que par bateau et par chemin piétonnier. » [29]

[74]           M. Leblond, après avoir soustrait un coût déprécié pour le bâtiment de 9 700 $ en déduit une valeur résiduaire au terrain de 70 800 $, et un taux unitaire de 18,81 $/m2 ou 1 650 $/m. lin.

[75]           En ne considérant aucune valeur pour le bâtiment, les indications de valeur pour le terrain sont de 21,38 $/m2 ou 1 876 $/m. lin.

[76]           La preuve démontre que le bâtiment vendu dans cette transaction n’a qu’une valeur marginale et que ce terrain a des caractéristiques (accessibilité et topographie) très semblables à celles des terrains à l’étude. Le Tribunal retient par conséquent une indication de 20 $/m2 et une autre de 1 750 $ du m. lin. applique le même processus que celui retenu par M. Leblond et obtient les indications de valeurs suivantes :

 

Approche au mètre carré

 

Superfie en mètres carrés

Taux / m.c.

Indice de valeur

SAI-Q-220947-1610

 

3 763,5

20,00 $

 

75 270 $

Lots 36-1 et 37-1

 

3 763,5

20,00 $

 

75 270 $

 

 

3 763,5

20,00 $

 

75 270 $

 

 

6 690,155

0,25 $

 

1 673 $

 

 

3 000

 

 

100 $

Total

 

20 980,655

 

 

227 583 $

SAI-Q-220959-1610

 

3 763,5

20,00 $

 

75 270 $

Lot 37-2

 

2 655,462

0,25 $

 

664 $

 

 

1 500

 

 

100 $

Total

 

7 918,962

 

 

76 034 $

SAI-Q-220965-1610

 

3 763,5

20,00 $

 

75 270 $

Lot 37-3

 

3 763,5

20,00 $

 

75 270 $

 

 

17 963

0,25 $

 

4 491 $

 

 

3 000

 

 

100 $

Total

 

28 490

 

 

155 131 $

 

 

Approche au mètre linéaire

 

 

Front au lac mètre linéaire

 

Taux /m.lin.

 

Indice de valeur

SAI-Q-220947-1610

 

42,9

 

1 750 $

 

75 075 $

Lots 36-1 et 37-2

 

42,9

 

1 750 $

 

75 075 $

 

 

42,9

 

1 750 $

 

75 075 $

 

 

118,3

 

15 $

 

1 774,5 $

Total

 

247

 

 

 

226 999,50 $

SAI-Q-220959-1610

 

42,9

 

1 750 $

 

75 075 $

Lot 37-2

 

15,01

 

15 $

 

225,15 $

Total

 

57,91

 

 

 

75 300,15 $

SAI-Q-220965-1610

 

42,9

 

1 750 $

 

75 075 $

Lot 37-3

 

42,9

 

1 750 $

 

75 075 $

 

 

184,11

 

15 $

 

2 761,65 $

Total

 

269,91

 

 

 

152 911,65 $

[77]           À la lumière de ces indications, tout en privilégiant l’approche au mètre carré, qui est corroborée par celle au mètre linéaire, le Tribunal conclut que les valeurs réelles des terrains à l’étude sont les suivantes :

Dossier SAI-Q-220947-1610            Matricule 1690-60-3555               227 500 $

Dossier SAI-Q-220959-1610            Matricule 1690-62-2515                 76 000 $

Dossier SAI-Q-220965-1610            Matricule 1690-62-0120               155 100 $

[78]           Bien que le Tribunal puisse comprendre les inconvénients occasionnés par la présence de bateaux sur le lac, aucune désuétude ne sera retenue, car les photos déposées laissent croire que cette nuisance n’est pas exclusive aux terrains à l’étude et que les prix payés pour les terrains vendus en tiennent déjà compte.

[79]           Le Tribunal peut comprendre la frustration exprimée par les parties requérantes dans la gestion de leur dossier par l’évaluateur municipal.

[80]           Même s’il n’est pas facile d’estimer la valeur d’un terrain en front d’un lac, il aurait été normal que les parties requérantes s’attendent à quelques explications, de la part de l’évaluateur municipal, sur les raisons de l’augmentation faramineuse de leurs évaluations.

[81]           Or elles ont dû se contenter du seul commentaire « bord de l’eau », formulé par l’évaluateur lors de leur rencontre de juin 2016 et du maintien de leurs évaluations dans ses réponses à leurs demandes de révision du mois d’août 2016, et ce, sans aucune justification.

[82]           Si à l’époque, l’évaluateur avait montré un certain sérieux, il aurait à tout le moins pu leur soumettre les recommandations inscrites à ses rapports au lieu d’attendre et de leur soumettre à la dernière minute, juste avant l’audition.

[83]           De plus, le Tribunal ne peut passer sous silence et déplore le manque d’analyse de la part de l’expert des parties intimées dans le présent dossier.

[84]           Les rapports soumis à l’audition semblent avoir été confectionnés en vitesse, car les conclusions émises ne sont basées que sur une analyse simpliste et rapide des données du marché.

[85]           En ce qui a trait aux frais, le Tribunal tient à rappeler qu’en vertu de l’article 148 de la LFM, à moins qu’il n’en décide autrement, il revient à la partie perdante de supporter les frais de la partie adverse.

[86]           Étant donné les conclusions retenues dans la présente décision, le Tribunal accorde les frais aux parties requérantes dans chacun des dossiers, lesquels incluent la somme d’argent exigée pour le dépôt de la requête introductive d’un recours.

[87]             Le Tribunal ne considère pas avoir compétence à l’égard des sommes d’argent exigées de la partie requérante lors du dépôt de la demande de révision administrative auprès de l’organisme municipal responsable de l’évaluation, cette somme étant consi-dérée comme un coût relatif à un service rendu plutôt que comme un débours taxable.

 


POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACCUEILLE les recours;

DÉTERMINE les valeurs réelles des unités d'évaluation, DIVISE par le facteur comparatif de 1,00 et FIXE les valeurs à inscrire au rôle, avec date de prise d'effet des modifications au 1er janvier 2016, comme suit :

 

Dossier SAI-Q-220955-1610

Matricule :

1689-68-1546

Valeur réelle :

 

343 200 $

 

 

 

Facteur comparatif :

1,00

 

 

Valeur à inscrire au rôle :

Terrain :

167 000 $

 

 

Bâtiment :

176 200 $

 

 

Total :

343 200 $

 

 

Dossier SAI-Q-220947-1610

Matricule :

1690-60-3555

Valeur réelle :

 

227 500 $

 

 

 

Facteur comparatif :

1,00

 

 

Valeur à inscrire au rôle :

Terrain :

227 500 $

 

 

Bâtiment :

0 $

 

 

Total :

227 500 $

 

 

 

 

 

 

Dossier SAI-Q-220959-1610

Matricule :

1690-62-2515

Valeur réelle :

 

76 000 $

 

 

 

Facteur comparatif :

1,00

 

 

Valeur à inscrire au rôle :

Terrain :

76 000 $

 

 

Bâtiment :

0 $

 

 

Total :

76 000 $

 

 

Dossier SAI-Q-220965-1610

Matricule :

1690-62-0120

Valeur réelle :

 

155 100 $

 

 

 

Facteur comparatif :

1,00

 

 

Valeur à inscrire au rôle :

Terrain :

155 100 $

 

 

Bâtiment :

0 $

 

 

Total :

155 100 $

 

LE TOUT AVEC DÉPENS, solidairement contre les parties intimées, dont les sommes d’argent exigées pour le dépôt des requêtes introductives des recours.

 

 


 

 

ROBERT SANCHE, j.a.t.a.q.


 


 



[1]    RLRQ, c. J-3.

[2]    Pièce R-2.

[3]    Pièce R-1.

[4]    Pièce R-2.

[5]    Pièce R-3.

[6]    Pièce R-4 - 1565 chemin des Pères.

[7]    Pièce R-4 - 400, chemin des Hauteurs.

[8]    Pièce R-4 - 440, chemin Stéphane Richer.

[9]    Pièce R-5.

[10]   Pièce R-3, en éliminant les écarts.

[11]   Pièce I-1 - dossier SAI-Q-220955.

     Pièce I-2 - dossier SAI-Q-220947.

     Pièce I-3 - dossier SAI-Q-220965.

     Pièce I-4 - dossier SAI-Q-220959.

[12]   Pièce I-1.

[13]   Pièce I-1, page 11.

[14]   Pièce I-1, page 23.

[15]   Pièce I-2, I-3, et I-4, pages 2 et 6 à 10.

[16]   Pièce I-2.

[17]   Pièce I-4.

[18]   Pièce I-3.

[19]   RLRQ, chapitre F-2.1.

[20]   Barbe, Raoul P., Le Bureau de révision de l’évaluation foncière, Montréal, Wilson & Lafleur, 1986, pages 185, 186.

[21]   Pièce I-1, page 21.

[22]   Pièce I-1, page 23.

[23]   Pièce I-1, annexe 3 - page 7.

[24]   Pièce I-1, annexe 2 - page 5.

[25]   Pièce I-1, annexe 2 - page 10.

[26]   Pièce I-1, page 29.

[27]   Pièce I-1, page 32 et 34.

[28]   Pièce I-2, I-3 et I-4, pages 18 et 19.

[29]   Pièce I-2, I-3 et I-4 page 15.

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