Décision

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Lazo Bautista et Faille

2021 QCTAT 5854

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

713691-62C-1910

Dossier CNESST :

504357302

 

Assesseur :

Michel Rossignol, médecin

 

Salaberry-de-Valleyfield,

le 8 décembre 2021

 

 

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Sonia Sylvestre

______________________________________________________________________

 

 

 

Armando Lazo Bautista

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Ivanhoé Faille

 

Partie mise en cause

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RECTIFIÉE

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]                Le Tribunal administratif du travail a rendu le 3 décembre 2021, une décision dans le présent dossier;

[2]                Cette décision contient une erreur matérielle qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 48 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail RLRQ, c. T-15.1. (la LITAT).

[3]                À la note de bas de page 21, nous lisons :

 Chrétien et Coopérative des services à domicile de la région de l’Amiante et L’Heureux et Commission scolaire de Montréal, précitées, note 18; Succession de Buissière et Bombardier Aéronautique inc., précitée, note 17.

 

 

[4]                Alors que nous aurions dû lire :

 Chrétien et Coopérative des services à domicile de la région de l’Amiante et L’Heureux et Commission scolaire de Montréal, précitées, note 18.

 

 

 

 

__________________________________

 

Sonia Sylvestre

 

 

 

M. Michel Pilon

RATTMAQ

Pour la partie demanderesse

 

M. Ivanhoé Faille

Pour la partie mise en cause

 


 

 

 

Lazo Bautista et Faille

2021 QCTAT 5854

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

713691-62C-1910

Dossier CNESST :

504357302

 

Assesseur :

Michel Rossignol, médecin

 

Salaberry-de-Valleyfield,

le 3 décembre 2021

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Sonia Sylvestre

______________________________________________________________________

 

 

 

Armando Lazo Bautista

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Ivanhoé Faille

 

Partie mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]   Monsieur Armando Lazo Bautista, un ouvrier agricole, occupe un emploi de 2012 à 2016 pour monsieur Ivanhoé Faille, lequel exploite un verger où l’on cultive des pommes et des bleuets.

[2]                En août 2016, un lymphome folliculaire de grade 1 à 2, soit un lymphome non hodgkinien est diagnostiqué chez le travailleur. Plusieurs mois plus tard, celui-ci dépose une réclamation pour maladie professionnelle à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail puisqu’il estime que son cancer est relié à son exposition à divers pesticides dans le cadre de son emploi chez l’employeur.

[3]                La Commission[1] déclare irrecevable cette réclamation, car produite au-delà du délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [2], la Loi. Toutefois, dans une décision rendue en septembre 2020[3], le Tribunal relève le travailleur de son défaut d’avoir déposé sa réclamation dans le délai et indique que les parties seront convoquées à une audience pour disposer du fond du litige. Cette audience s’est tenue virtuellement devant la soussignée en présence du travailleur, de son représentant, d’un traducteur et du représentant de l’employeur.

[4]                Le travailleur demande au Tribunal de reconnaître le caractère professionnel de sa condition médicale. Dans son argumentation écrite, son représentant plaide que le lymphome non hodgkinien peut être assimilé à une intoxication par le phosphore et que puisque la preuve démontre que le travailleur a été exposé à des pesticides contenant un tel produit toxique chez l’employeur, il doit pouvoir bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la Loi. Subsidiairement, il soutient que la preuve factuelle, médicale et épidémiologique démontre que l’emploi exercé par le travailleur comporte des facteurs de risque à développer un lymphome non hodgkinien compte tenu de l’exposition à des pesticides multiples et que cette exposition est la cause de son cancer. Au soutien de ses prétentions, il fait entendre monsieur Norman King, épidémiologiste, dont le statut d’expert est reconnu par le Tribunal.

[5]                L’employeur n’a pas produit d’argumentation écrite. Toutefois, de son témoignage, le Tribunal comprend que celui-ci est d’avis que le travail exercé par le travailleur ne peut avoir causé un lymphome non hodgkinien compte tenu des conditions d’exercice, de la machinerie utilisée et des équipements de protection individuelle que devait porter le travailleur. Il explique que l’utilisation de pesticides est soumise à une règlementation et un contrôle sévères de sorte qu’il ne peut y avoir eu d’exposition néfaste pour la santé du travailleur, alors que celui-ci était à son emploi.

[6]                Le Tribunal doit décider si le travailleur a subi une maladie professionnelle et, par conséquent, s’il a droit aux bénéfices prévus à la Loi. Comme mentionné lors d’une conférence préparatoire, la question n’est aucunement d’imputer une quelconque faute ou responsabilité à l’une ou l’autre des parties puisque les droits conférés à la Loi le sont sans égards à la responsabilité de quiconque[4].

[7]                Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que le travailleur s’est déchargé de son fardeau de preuve et a démontré, de manière prépondérante, que sa maladie a été contractée à l’occasion du travail et qu’elle est reliée aux risques particuliers de celui-ci.

L’ANALYSE

[8]                La maladie professionnelle se définit comme étant une maladie contractée par le fait ou à l’occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée aux risques particuliers de ce travail[5].

[9]                La Loi prévoit une présomption de lésion professionnelle pour les maladies énumérées à son Annexe I, lesquelles sont considérées caractéristiques et reliées directement aux risques particuliers des emplois correspondants à chacune d’elle. Ainsi, un travailleur atteint d’une maladie visée à cet article et qui exerce un travail correspondant à cette maladie est présumé atteint d’une maladie professionnelle. Il revient alors à l’employeur de repousser cette présomption en démontrant, par une preuve prépondérante, que la maladie dont le travailleur est atteint n’est pas reliée à l’emploi exercé.

[10]           Le lymphome non hodgkinien n’est pas une maladie énumérée à l’Annexe 1 de la Loi et la présomption ne peut s’appliquer à prime abords.

[11]           Le représentant du travailleur, référant à un article publié par la professeur Lippel[6], soumet que des décisions assimilent certaines formes de cancer à une intoxication chronique et appliquent la présomption de lésion professionnelle en présence d’une preuve démontrant qu’un travailleur a été exposé à l’un des produits identifiés à la section I de l’Annexe I[7]. Il plaide que puisque la preuve démontre que le travailleur a exercé un travail impliquant l’utilisation, la manipulation et une exposition à des pesticides contenant du phosphore[8], le lymphome non hodgkinien peut dès lors être assimilé à une intoxication à ce produit. Conséquemment, le travailleur bénéficie de la présomption de lésion professionnelle et celle-ci n’a pas été renversée par l’employeur.

[12]           Avec respect, le Tribunal ne peut retenir cet argument.

[13]           Premièrement, il n’y a aucune preuve médicale qui démontre qu’une intoxication aurait déjà été diagnostiquée chez le travailleur ou que celui-ci aurait consulté de 2012 à 2016 pour des symptômes aigus s’apparentant à une telle condition médicale. De plus, il n’est aucunement soutenu ni expliqué dans la preuve médicale ou par un médecin expert comment un lymphome non hodgkinien peut être, dans le cas présent, assimilé à une intoxication eu égard à la nature de l’exposition du travailleur. Qui plus est, l’abondante documentation déposée en preuve ne traite aucunement de cet aspect.

[14]           Deuxièmement, selon d’autres décisions[9], la simple preuve d’une exposition, même chronique, à l’une des substances mentionnées à la section I de l’Annexe I n’équivaut pas à faire la preuve d’une intoxication au sens de cette annexe, puisque ce serait ajouter au texte de la Loi. Compte tenu de l’absence de preuve et d’opinion médicale particularisée aux faits du présent dossier et de ce courant jurisprudentiel, la présomption ne peut s’appliquer en l’instance.

[15]           À défaut d’application de la présomption de lésion professionnelle, il y a lieu de s’en remettre à l’article 30 de la Loi qui stipule que le travailleur doit démontrer que sa maladie est caractéristique du travail qu’il a exercé ou qu’elle est reliée directement aux risques particuliers de celui-ci.

[16]           Pour établir qu’une maladie est caractéristique d’un travail, la preuve doit démontrer qu’un nombre significatif de personnes travaillant dans des conditions semblables en sont affectées ou que cette maladie est plus présente chez ce type de travailleur que dans la population en général ou dans un groupe témoin. Cette preuve peut être faite par des études statistiques ou épidémiologiques, mais elle doit nécessairement porter sur un nombre significatif de personnes afin de s’assurer d’éliminer une simple association fortuite[10].

[17]           Pour établir qu’une maladie est reliée directement aux risques particuliers d’un travail, la preuve doit démontrer qu’un travail fait encourir à celui qui l’exerce, en raison de sa nature ou de ses conditions habituelles d’exercice, un risque particulier de développer une maladie précise et qu’il existe une relation entre ce risque et la maladie diagnostiquée[11].

[18]           Dans le présent dossier, il n’est ni prétendu ni soutenu par la preuve que le lymphome non hodgkinien soit caractéristique de l’emploi de travailleur agricole. Bien que des études épidémiologiques rapportent l’existence d’une certaine association entre l’exposition à des pesticides à laquelle sont confrontés ces travailleurs et le lymphome non hodgkinien, aucune preuve concluante ne démontre que les travailleurs agricoles sont davantage affectés par ce type de cancer par rapport à la population en général ou de groupe témoin.

[19]           La question en litige est donc de déterminer si le lymphome non hodgkinien diagnostiqué chez le travailleur est relié directement aux risques particuliers de son emploi d’ouvrier agricole.

[20]           Pour y répondre, le Tribunal doit décider :

1- Si la preuve soutient l’existence de risques particuliers dans l’emploi d’ouvrier agricole exercé par le travailleur;

 Si oui

2- Si la preuve établit une relation causale entre ces risques et le lymphome non hodgkinien diagnostiqué en août 2016.

[21]           Le Tribunal répond positivement, considérant :

  • Le fardeau de preuve applicable;
  • L’histoire occupationnelle démontrant une exposition à des pesticides multiples chez l’employeur, dont deux cancérogènes probables;
  • L’association positive au plan épidémiologique entre l’exposition à des pesticides et le risque de développer un lymphome non hodgkinien;
  • Les éléments de preuve établissant une relation entre le risque professionnel établi et le lymphome non hodgkinien.

Le fardeau de preuve

[22]           Le fardeau de preuve incombe au travailleur de démontrer l’existence de risques professionnels dans son emploi d’ouvrier agricole et d’un lien de causalité entre ces risques et le développement de son lymphome non hodgkinien.

[23]           En droit administratif, tout comme en droit civil, le fardeau de preuve applicable est celui de la prépondérance des probabilités. Cela signifie que la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante[12].

[24]           Ce principe s’applique dans la détermination d’un lien de causalité, bien que cela implique parfois l’analyse d’une preuve d’expert, d’une preuve médicale, statistique ou épidémiologique. Malgré la nature de la preuve administrée, le Tribunal n’a pas pour autant à rechercher une certitude scientifique. C’est ce que rappelle la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Farrel c. Snell[13] lorsqu’elle écrit que « la causalité n’a pas à être déterminée avec une précision scientifique ».

[25]           Bref, lors de l’interprétation et l’analyse d’une preuve de nature médicale et épidémiologique, il faut prendre garde à ne pas confondre la causalité juridique avec la causalité scientifique. Dans la décision Aldérick Morissette (succession) et Ville de Québec[14], le Tribunal s’exprime ainsi à ce sujet :

[38] Comme on peut l’anticiper, la présente affaire pose les difficultés propres à l’interaction entre le droit et la science : il est manifeste que le droit et la science ne parlent pas le même langage, que leurs réflexions se font à un niveau différent et à partir de concepts différents et qu’il existe une différence majeure au niveau de la force de conviction requise par chacune de ces disciplines. [...]

[…]

 

 

[26]           Cette décision cite un extrait de l’article intitulé « Le témoignage d’experts : à la frontière de la science et du droit [15] » où l’auteur Gonthier, devenu juge à la Cour suprême du Canada par la suite, écrit :

[…] En ce qui concerne la causalité matérielle passée, la science est plus exigeante que le droit puisqu’aux yeux de la première, n’est prouvé ce qui est certain. En droit, nous le savons la règle est différente : la certitude n’a pas à être absolue. En droit civil, par exemple, on parle de la balance des probabilités, ce qui laisse place à une marge assez large d’incertitude.

 

[Nos soulignements]

 

 

[27]           D’ailleurs, dans l’arrêt Laferrière c. Lawson[16], le juge Gonthier réitère que la causalité peut être établie selon la preuve factuelle, la preuve statistique et les présomptions. Il précise :

 […]

 Une preuve statistique peut être utile à titre indicatif, mais elle n’est pas déterminante. Plus précisément, lorsqu’une preuve statistique n’établit pas la causalité selon la prépondérance des probabilités, la causalité en droit peut quand même exister lorsque l’ensemble de la preuve étaye une telle conclusion.

 

[Notre soulignement]

 

 

[28]           En respect de ces principes, il a maintes fois reconnu que lorsqu’une preuve révèle un ensemble de faits graves, précis et concordants qui permet de croire à un lien de causalité entre une pathologie et une situation précise, l’existence d’une telle relation est établie de manière prépondérante[17].

[29]           Il se dégage de certaines décisions appliquant ces principes, les constats suivants :

  • L’absence ou l’insuffisance de preuve scientifique ou d’un consensus médical minimal quant à la relation causale entre une pathologie et des conditions préalables n’emporte pas automatiquement son rejet[18].
  • Une distinction est à faire entre une situation où des études démontrent qu’il n’existe pas de relation ou de lien causal entre deux choses ET une situation où des études concluent plutôt que ce lien de causalité n’a pas été établi en raison de la difficulté que cela représente, de différents facteurs liés à de nombreuses variables ou en raison des échantillonnages non représentatifs[19].
  • La seule difficulté d’établir un lien causal, eu égard aux connaissances médicales et scientifiques, n’a pas pour effet de changer la nature du fardeau de preuve qui demeure celui de la prépondérance de preuve[20].
  • Exiger d’une partie qu’elle fasse une preuve scientifique que même la communauté médicale est incapable de faire serait lui imposer un fardeau de preuve exorbitant, impossible à relever et trop lourd qui s’apparente davantage à celui de la certitude scientifique[21].
  • Cependant, il est nécessaire que la preuve démontre un niveau de probabilité qui dépasse la simple possibilité, voire l’hypothèse. Le Tribunal ne peut conclure à une relation du simple fait de l’absence d’une alternative satisfaisante pour expliquer l’origine ou la cause de la pathologie[22]. Ainsi, il ne faut pas confondre le domaine de la probabilité juridique avec celui des possibilités qui se situe en deçà de 51 %[23].

[30]           C’est donc à la lumière de ces principes que le Tribunal se doit d’analyser la preuve et d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

1- L’EXISTENCE DE RISQUES PARTICULIERS

L’exposition a de multiples pesticides

[31]           La preuve prépondérante révèle que le travailleur a été exposé à de multiples pesticides[24] dans le cadre de son travail chez l’employeur. De plus, le Tribunal retient qu’il y a eu manipulation, utilisation et pulvérisation de ces produits, sans équipement de protection individuelle adéquat.

[32]           Le travailleur, d’origine mexicaine, est âgé de 39 ans lorsqu’il débute son emploi d’ouvrier agricole chez l’employeur en 2012 dans le cadre d’un programme d’accueil de travailleurs saisonniers migrants. Il y travaille durant les mois d’avril à novembre, pendant cinq saisons, jusqu’à son arrêt de travail en août 2016.

[33]           De manière générale, ses tâches consistent en l’entretien, la plantation et la taille des pommiers et plants de bleuets, à faire la coupe de mauvaises herbes à l’aide d’un taillebordure, à faire l’épandage de divers pesticides et durant les mois d’août à novembre, à faire la récolte et l’emballage des fruits.

[34]           Son horaire de travail est variable, mais il peut travailler jusqu’à 15 heures par jour, sept jours sur sept. L’employeur reconnaît que la semaine de travail peut aller jusqu’à 60 heures.

[35]           L’épandage de pesticides, que ce soit les herbicides, insecticides ou fongicides, se fait à l’aide de différents types d’arrosoirs reliés à un réservoir et véhiculés par un tracteur. Dans un premier temps, le travailleur remplit le réservoir d’eau et y verse à la main les gallons de pesticides, précisant qu’il y a parfois plus d’un produit à mélanger. Puis, dans un deuxième temps, il procède à l’épandage, qui est souvent fait par pulvérisation.

[36]           Pour l’épandage dans les vergers, sa tâche est principalement de conduire le tracteur muni d’arrosoirs qui pulvérisent les pesticides vers le sol ou sur le feuillage, selon qu’il s’agisse d’herbicides, insecticides ou fongicides. Pour l’épandage de pesticides dans les bleuets, le travailleur marche derrière le tracteur conduit par une tierce personne où est fixé le réservoir et pulvérise les produits à l’aide d’un manche arqué d’environ six pieds de longueur dont le bout est muni de buses et qui est relié au réservoir à l’aide d’un boyau. Certains produits huileux sont directement appliqués sur le tronc. Le nettoyage de l’équipement n’est pas du ressort du travailleur.

[37]           Le nombre d’épandages, tous pesticides confondus, est d’environ 11 à 12 par années, selon le témoignage non contredit de l’employeur. Un épandage total peut prendre jusqu’à quatre jours dans les vergers et trois jours dans la bleuetière, à raison de 6 à 12 heures par jour, selon les circonstances. En ce qui concerne plus particulièrement les herbicides contenant du glyphosate, ceux-ci sont utilisés uniquement dans les vergers, et ce, deux fois seulement en début de saison. À cela s’ajoute l’épandage d’insecticides et fongicides jusqu’au moment des récoltes. Il en est de même pour les plants de bleuets, mais avec des pesticides moins puissants, ne contenant pas de glyphosate.

[38]           La preuve est contradictoire à savoir si le travailleur porte ou non des équipements de protection individuelle lors de la manipulation et la pulvérisation des pesticides.

[39]           Dans son témoignage, le travailleur affirme qu’il ne porte pas de masque, pas de lunettes, pas de gants ni vêtements imperméables lors des divers épandages, mais ses propres vêtements, soit un jeans, un t-shirt avec une chemise et casquette. Il en est ainsi autant lors de la manipulation et la préparation des pesticides qu’il verse dans le réservoir que lors de la pulvérisation sur pommiers et plants de bleuets.

[40]           L’employeur soutient pour sa part qu’il fournit des gants de caoutchouc « bleus de clinique » ainsi qu’un imperméable deux pièces et des bottes. Contrairement à ce qu’il avait affirmé à l’agente de la Commission ayant communiqué avec lui pour une cueillette d’information[25], l’employeur reconnaît que le travailleur ne porte pas de masque ni lunettes, précisant que de toute façon, l’épandage de tels produits doit se faire lorsqu’il n’y a pas de vent, que ça ne « revole » pas et que dès qu’il y a une brumisation à cause du vent, il faut cesser d’épandre.

[41]           Ce changement de version de l’employeur de même que son comportement très défensif à l’audience amène le Tribunal à privilégier le témoignage du travailleur sur cet aspect. La version de ce dernier est constante puisque dans sa réclamation produite en novembre 2017, celui-ci y précisait ne pas avoir disposé d’équipement de protection adéquat. Quant à l’employeur, pour appuyer ses dires voulant qu’il fournisse tout l’équipement de protection nécessaire, il dit être contrôlé et faire l’objet d’inspection régulièrement, notamment en regard de l’équipement utilisé, depuis qu’il est certifié « Canada Gap ». Or, suivant l’audience, il a été établi qu’une telle certification a été acquise qu’en 2017, soit postérieurement aux faits pertinents.

[42]           La preuve est également contradictoire quant à l’état des équipements utilisés lors de l’épandage.

[43]           À l’agente de la Commission de même que devant le Tribunal, l’employeur affirme que les tracteurs utilisés pour l’épandage de pesticides sont munis d’une cabine fermée, climatisée et que des filtres conçus spécifiquement pour les produits chimiques sont changés chaque année. Il y a même des filtres différents lors de l’épandage des herbicides. Par conséquent, le travailleur ne peut avoir été exposé à des pesticides lorsqu’il conduit les tracteurs.

[44]           Ce témoignage est contredit par le travailleur qui explique que les cabines des deux tracteurs utilisés ne sont pas toujours climatisées de sorte qu’il doit parfois laisser une ouverture par les fenêtres étant donné la chaleur. D’ailleurs, une ouverture dans une fenêtre est toujours nécessaire pour laisser passer un tuyau à pression. Les joints d’étanchéité des fenêtres étant usés, la cabine est moins hermétique. De plus, sur un des tracteurs, il y a un trou au plancher, près des pédales. Le travailleur affirme que les produits pulvérisés entrent dans la cabine, surtout lorsqu’il épand des herbicides dans les vergers alors que l’arrosoir muni d’un dôme en plastique est fixé quelques pieds devant le tracteur, à environ 60 cm du sol. Malgré tout, il lui arrive de prendre des collations dans l’habitacle, soit un fruit ou un yogourt et boire de l’eau.

[45]           En réponse, l’employeur affirme que lorsque l’air climatisé est défectueux, un petit ventilateur est installé et ajoute qu’il ne peut être présent aux côtés du travailleur pour s’assurer que celui-ci n’ouvre pas les fenêtres. Il reconnaît qu’un certain orifice est nécessaire pour laisser passer le tuyau, mais que celui-ci peut être bouché avec une « guenille ». Il estime cependant que les cabines sont très hermétiques de sorte qu’il est à l’aise d’y prendre un lunch.

[46]           Des photographies prises par le travailleur d’un des tracteurs utilisés amènent le Tribunal à accorder plus de poids à son témoignage qu’à celui de l’employeur. Sur l’une des photographies, on voit effectivement une ouverture près des pédales, permettant de voir un jour à l’extérieur. L’ouverture de la fenêtre nécessaire au boyau est aussi importante. Par ailleurs, pas son témoignage nuancé, force est de conclure que l’employeur ne nie pas que l’air extérieur puisse avoir pénétré dans la cabine, mais semble rejeter la faute au travailleur.

[47]           Les témoignages diffèrent également quant au moment où le travailleur débute seul l’épandage de pesticides. Celui-ci indique que dès la première année, après que l’employeur lui ait montré à conduire le tracteur, il est appelé à faire l’épandage dans les vergers et aussi dans la bleuetière.

[48]           L’employeur affirme que c’est faux. Que ce n’est qu’en 2014 seulement que le travailleur a commencé à faire la préparation et l’épandage de pesticides seul. Toutefois, son témoignage est confus et contradictoire. D’emblée, il affirme qu’en 2012, le travailleur conduit le tracteur alors que c’est lui qui marche derrière pour faire l’épandage dans les bleuets. Toutefois, en contre-interrogatoire, il affirme que le travailleur n’a pas fait d’épandage dans les vergers lors des deux premières saisons, car il ne savait pas conduire le tracteur. Puis, il se révise par la suite en indiquant que c’est peut-être en 2013 qu’effectivement le travailleur a pu commencer à faire l’épandage dans les vergers. Bref, une fois de plus, le Tribunal accorde plus de valeur probante au témoignage du travailleur, alors que celui de l’employeur est parfois évasif, contradictoire et difficile à comprendre.

[49]           À une question du Tribunal, le travailleur indique qu’il arrive occasionnellement d’avoir des résidus de pesticides sur les mains et même au visage, notamment lorsqu’il doit vérifier si une buse est bouchée et lors du changement de celle-ci, et ce, tant pour les arrosoirs utilisés dans les vergers, que l’arrosoir à main dans la bleuetière. Une fois de plus, l’employeur nie cette possibilité en précisant qu’il est impossible de changer une buse sans avoir préalablement fermé la pression du boyau, ce à quoi le travailleur rétorque que même après avoir fermé la valve, un niveau de pression résiduel demeure dans le boyau. À tout événement, le Tribunal retient que la vérification et le changement de buses ne sont pas contredits et qu’il est tout à fait vraisemblable que des éclaboussures de pesticides surviennent lors de ces tâches.

[50]           De l’ensemble de cette preuve, le Tribunal retient que le travailleur a été exposé à des pesticides dans l’exercice de ses tâches chez l’employeur, notamment :

  • Lors de la manipulation de gallons de pesticides liquides pour les verser dans le réservoir;
  • Lorsqu’il conduit un tracteur pour l’épandage dans les vergers et dans la bleuetière et ingère des aliments dans la cabine;
  • Lorsqu’il épand les pesticides à l’aide d’un manche muni de buses en marchant derrière un tracteur dans la bleuetière;
  • Lorsqu’il reçoit de manière accidentelle, et ce, occasionnellement, des éclaboussures sur les mains et au visage lors de vérifications et changements de buses.
  • Le tout, sans port d’équipement de protection individuelle adéquat.

[51]           Le Tribunal ne retient toutefois pas que le travailleur ait été exposé à des pesticides lors de l’élagage des pommiers et plants de bleuets ou encore lorsqu’il utilise le taille-bordure puisque monsieur King témoigne qu’il ne peut se prononcer sur cet aspect en l’absence de mesure et d’analyse précise et que cela relève davantage de l’expertise d’un hygiéniste du travail d’établir une telle exposition.

[52]           Par ailleurs, la liste[26] de tous les pesticides utilisés par l’employeur au moment des faits pertinents de même que leur fiche signalétique ont été produites par l’employeur après l’audience, à la demande du Tribunal. 

[53]           De cette liste, le Tribunal retient que pas moins de 32 produits différents sont utilisés par l’employeur, tous pesticides confondus. Parmi ceux-ci se retrouvent les herbicides GLYFOS 360 SC et ROUNDUP TRANSO RW, qui contiennent du glyphosate, et à titre d’insecticides, du Malathion et du Carbaryl de la marque SEVIN XR L PLUS.

[54]           Or, le glyphosate et le Malathion sont reconnus comme étant des cancérogènes probables, soit classés dans le groupe 2A, selon la classification faite par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC ou IARC)[27], données sur lesquelles se base également le Répertoire toxicologique[28] ou encore de nombreuses fiches signalétiques.

[55]           La soussignée retient qu’il y a lieu d’accorder une très grande valeur probante à ces données, puisque la Commission des lésions professionnelles a déjà défini le CIRC comme étant « un organisme à vocation scientifique ayant pour mission d’identifier les agents cancérogènes et que les avis émis par cet organisme doivent faire l’objet d’un consensus préalable »[29].

[56]           La classification du CIRC se lit comme suit[30]:

Le CIRC définit 4 groupes (de 1 à 4) correspondant à des degrés d'indication de cancérogénicité pour l’être humain. Le deuxième est subdivisé en groupe 2A et 2B.

Ces groupes sont les suivants :

  • Groupe 1 : agent cancérogène (parfois appelé cancérogène avéré ou cancérogène certain),
  • Groupe 2A : agent probablement cancérogène,
  • Groupe 2B : agent peut-être cancérogène (parfois appelé cancérogène possible),
  • Groupe 3 : agent inclassable quant à sa cancérogénicité,
  • Groupe 4 : agent probablement pas cancérogène.

 

 

[57]           Monsieur King explique la signification de ces différents groupes, qui est aussi détaillée au préambule de la monographie publiée par l’IARC intitulée Some organophosphate insecticides and herbicides[31] déposée en preuve.

[58]           Le groupe 1 est attribué aux agents reconnus comme étant cancérogènes pour l’humain tel que l’amiante par exemple. Le groupe 2A indique que la preuve est limite (limited evidence), notion voulant qu’il existe une association positive entre l’agent et l’indication de cancérogénicité, mais qu’une faille statistique ne permet pas de le classer dans le groupe 1. Le groupe 2B signifie que la cancérogénicité est possible. Encore là, il existe une faille statistique, plus importante que pour le groupe 2A, empêchant d’être reconnu cancérogène. Une lecture du descriptif plus détaillé de ces groupes indique que pour le groupe 2A, il y a des indications limitées de cancérogénicité chez l’homme et suffisantes chez l’animal, alors que pour groupe 2B, soit les indications sont limitées chez l’homme et insuffisantes chez l’animal, soit les indications sont insuffisantes chez l’homme et suffisantes chez l’animal.

[59]           Selon monsieur King, lorsqu’un agent est classé 2A ou 2B, il doit néanmoins être considéré cancérogène. Le Tribunal retient cette opinion.

[60]           Tel que mentionné précédemment, il n’y a pas lieu, dans le cadre de la présente analyse, de rechercher la certitude scientifique. Le Tribunal comprend du classement utilisé par le CIRC que le groupe 1 est réservé aux agents dont la cancérogénicité est établie avec ce degré de certitude. Pour les agents du groupe 2, c’est en raison d’une faille statistique que leur degré de cancérogénicité est identifié comme étant probable ou possible.

[61]           Toutefois, d’un point de vue juridique, leur risque de cancérogénicité doit être considéré comme prépondérant puisque pour la science, « n’est prouvé ce qui est certain alors qu’en droit, la certitude n’a pas à être absolue »[32]. Sur ce, la soussignée partage les propos émis une fois de plus par la Commission des lésions professionnelles dans la décision Aldérick Morissette (succession) précitée, voulant que « la description de la classification et des critères appliqués par le CIRC illustre bien les différences fondamentales qui existent entre le droit et la science. »

[62]           Ainsi, le Tribunal retient que le travailleur a été exposé dans le cadre de son travail à deux herbicides et un insecticide contenant des agents cancérogènes. Or, tel que nous le verrons ultérieurement, ces agents sont notamment associés au développement du lymphome non hodgkinien.

[63]           Monsieur King souligne également que le travailleur a aussi été exposé au Carbaryl contenu dans l’insecticide SEVIN XR. Il s’agit d’un agent actuellement classé 3 selon le CIRC, donc qui est considéré comme « inclassable ». De ce fait, le Tribunal est d’avis qu’on ne peut totalement exclure qu’il possède un risque de cancérogénicité. À cet égard, monsieur King soumet un article publié en 2017 par l’auteur Lasfargues[33], dans lequel le Carbaryl est considéré comme agent cancérogène et qui rappelle qu’en France, la législation portant sur les maladies professionnelles du régime agricole l’inclut parmi les agents cancérogènes susceptibles de causer un lymphome non hodgkinien. À tout événement, cancérogène ou pas, une exposition à cet agent et à d’autres agents cancérogènes accroît les risques de cancer comme nous l’aborderons ultérieurement.

[64]           En conclusion, la preuve prépondérante démontre que le travailleur a été exposé à des pesticides, incluant deux agents cancérogènes probables, dans le cadre de son emploi d’ouvrier agricole chez l’employeur.

L’association entre l’exposition aux pesticides et le risque de développer un lymphome non hodgkinien

[65]           Selon l’opinion de monsieur King et la documentation déposée en preuve, il existe une association positive entre l’exposition à des pesticides et les risques de développer un lymphome non hodgkinien, risques qui augmentent de manière importante en présence d’une exposition multiple.

[66]           Le Tribunal retient cette opinion, laquelle est appuyée par la littérature et les études épidémiologiques suivantes.

[67]           En 2013, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale de France (lNSERM) a publié une expertise collective[34] sur les pesticides et ses effets sur la santé, plus particulièrement en regard de certains cancers ou maladies. En ce qui concerne le lymphome non hodgkinien, sept méta-analyses publiées entre 1992 et 2009, incluant de 6 à 47 études, ont été retenues pour fins d’analyses. Cinq de ces méta-analyses portent spécifiquement sur une exposition de travailleur dans le secteur professionnel agricole.

[68]           Dans un tableau récapitulatif, l’INSERM répertorie différentes substances actives et précise le degré de présomption de lien pour des groupes de population concernée par un excès de risque significatif de lymphome non hodgkinien. Les données pertinentes à retenir sont les suivantes :

Substances actives

Population concernée

Présomption de lien *

-  Malathion

Agriculteurs

Exposition professionnelle

++

+-

- Glyphosate

Agriculteurs

Exposition professionnelle

+-

+

-Glyphosate + Malathion

Exposition professionnelle

+-

- Carbaryl

Agriculteurs

Exposition professionnelle

+-

+-

- Carbaryl + Malathion

Exposition professionnelle

+-

* Selon la légende suivante :

 ++ = d’après les résultats de plusieurs études de cohortes ou d’au moins une étude de cohorte  et deux cas-témoins ou de plus de deux études cas-témoin.

 + =  d’après les résultats d’une cohorte ou d’une étude cas-témoins nichée ou de deux études castémoins.

 +/- = d’après les résultats d’une étude cas-témoins.

[69]           En 2019, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), dans un mémoire intitulé Les risques sanitaires des pesticides : des pistes d’action pour réduire les impacts[35], retient les données publiées par l’INSERM en 2013 précisant que « À la lumière des résultats de la plupart des études publiées depuis 2012, ces appréciations ne sont pas remises en question ». En conclusion, l’INSPQ conclut qu’il y a une forte présomption de lien entre le lymphome non hodgkinien et l’exposition aux pesticides chez les agriculteurs et les applicateurs de pesticides.

[70]           Dans sa monographie[36], l’IARC (CIRC) retient également qu’il y a une association positive entre le lymphome non hodgkinien et l’exposition au glyphosate et au Malathion.

[71]           Enfin, dans l’article Les lymphome non hodgkinien et les pesticides[37], l’auteur Lasfargues reprend les résultats d’une publication de l’IARC qui, suivant une revue d’études épidémiologiques, évalue le risque relatif du lymphome non hodgkinien statistiquement significatif en ce qui concerne le glyphosate, le Malathion et le Carbaryl.

[72]           Ainsi, le risque de développer un lymphome non hodgkinien suivant l’utilisation, la manipulation et l’exposition au glyphosate et au Malathion, notamment chez les agriculteurs ou chez des personnes ayant une exposition de nature professionnelle, est statistiquement reconnu.

[73]           De plus, selon une étude réalisée par Hohenadel et autres[38] auprès d’hommes de six provinces canadiennes, dont le Québec[39] et publiée dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health en 2011, le risque de développer un lymphome non hodgkinien augmente avec le nombre de pesticides utilisés. Les auteurs ont également évalué le risque individuel et combiné de certaines substances. Ils en arrivent à la conclusion que le risque augmente de manière additive et parfois de manière synergique (ce qui signifie que le risque est encore plus grand que la somme des risques pris individuellement) en présence d’une exposition à certaines combinaisons de pesticides[40].

[74]           Or, selon les résultats de cette étude canadienne, le risque de développer un lymphome non hodgkinien est deux fois plus élevé si une personne a eu une exposition au Malathion et au glyphosate et trois fois plus en présence d’expositions au Malathion et au Carbaryl[41].

[75]           Eu égard à cette preuve, le Tribunal conclut que l’emploi exercé par le travailleur comporte des risques particuliers de développer un lymphome non hodgkinien. Le risque professionnel est donc établi.

2- LA RELATION CAUSALE

[76]           Afin de reconnaître une maladie professionnelle, la preuve ne doit pas seulement démontrer l’existence d’un risque professionnel. Elle doit aussi établir, de manière prépondérante, que ce risque a contribué de manière significative au cancer en cause[42].

[77]           En d’autres termes, malgré une association positive au plan épidémiologique, le travailleur doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que son lymphome non hodgkinien diagnostiqué en août 2016 résulte de ce risque professionnel. Néanmoins, « le risque professionnel n’a pas à être exclusif, voir même à être le plus important parmi les facteurs de risques. Il suffit que le travail ait contribué de façon significative au développement de la pathologie »[43].

[78]           Pour ce faire, l’histoire de la maladie et sa période de latence de même que la nature de l’exposition, en termes de durée et d’intensité, doivent soutenir une telle relation causale et les autres étiologies doivent être écartées.

[79]           Le Tribunal rappelle que la preuve d’une relation causale peut se faire par une opinion médicale, mais aussi par présomption de fait, en présence d’indices graves, précis et concordants.

[80]           Deux opinions médicales sur dossier appuient la relation causale entre le lymphome non hodgkinien et l’emploi exercé par le travailleur : celle du docteur Lachapelle, médecin-conseil de la Commission, et celle du docteur Patry, spécialiste en médecine du travail mandaté par le travailleur. Néanmoins, le Tribunal ne retient aucune de ces opinions aux fins d’analyse, puisqu’elles ne rencontrent pas la rigueur qui s’impose afin de leur accorder une quelconque valeur probante.

[81]           En outre, ces opinions sont émises sur la base de données parcellaires ou erronées[44]. De plus, ces médecins se prononcent sur la relation médicale sans savoir si le travailleur est fumeur, sans connaître l’ensemble des produits auxquels il a été exposé, ou encore la nature de l’exposition, sans aucune information sur son histoire occupationnelle avant 2012, ses antécédents médicaux pertinents, etc. D’autre part, il n’est aucunement discuté de la période de latence d’un lymphome non hodgkinien et si d’autres causes possibles ont été identifiées. 

[82]           Il y a donc lieu de s’en remettre aux autres éléments de preuve pour évaluer la probabilité d’une relation causale eu égard à la l’histoire et l’évolution de la maladie, la nature de l’exposition et les autres étiologies possibles.

[83]           De ces éléments de preuve, et plus spécifiquement de l’article publié par l’auteur Lasfargues[45], le Tribunal retient que les causes du lymphome non hodgkinien demeurent largement méconnues. Parmi les diverses étiologies figurent certaines infections virales, des infections bactériennes, l’affaiblissement du système immunitaire ou encore des maladies auto-immunes. Certaines expositions professionnelles présentent un excès de risque en lien avec l’exposition à des solvants organiques, aux dioxines et PCB et aux pesticides.

[84]           Certes, il est établi que le travailleur est exposé à divers pesticides dans le cadre de son emploi, dont certains cancérogènes. La durée et le niveau d’intensité d’exposition demeurent néanmoins difficiles à quantifier.

[85]           Le Tribunal retient que l’épandage de pesticides fait partie des tâches du travailleur, mais qu’il ne s’agit pas de sa tâche principale. Il s’agit plutôt d’une tâche périodique, qui s’échelonne des mois de mai à août. Pour l’épandage d’herbicides contenant du glyphosate dans les vergers, il est réalisé deux fois par saison et prend quatre jours, à raison de 6 à 12 heures par jour. À cela s’ajoutent environ six jours pour l’épandage d’herbicide dans la bleuetière. L’exposition se poursuit lors de l’épandage de tout pesticide confondu le reste de la saison. L’employeur, qui rapporte de 11 à 12 épandages par année, estime que cela représente approximativement 70 heures par saison.

[86]           Quant à l’intensité, il n’y a pas de preuve relativement à la concentration des produits. Néanmoins, il y a lieu de retenir que le travailleur ne porte pas d’équipement de protection individuelle adéquat et qu’il y a eu parfois des expositions directes accidentelles.

[87]           En témoignage, le travailleur explique commencer à ressentir certains symptômes légers pouvant être associés à un lymphome non hodgkinien (sueurs nocturnes, fatigue, sensation de plénitude sans appétit) après la saison 2014, mais de manière très sporadique. À la fin de la saison 2015, ses symptômes s’intensifient et sont davantage présents sans pour autant l’inciter à consulter un médecin. Il associe le tout à de la fatigue accumulée. À son retour chez l’employeur en avril 2016, ses symptômes sont toujours persistants.

[88]           À l’été 2016, son état se détériore. Il a une toux, des malaises gastriques et crache du sang. Constatant la gravité de sa condition, son employeur fait des démarches  afin qu’il soit pris en charge rapidement par un médecin, soit la docteure Demers. Celle-ci dirige le travailleur à une clinique externe en pneumologie où suivant des investigations, le diagnostic de lymphome non hodgkinien est posé en août 2016.

[89]           Est-ce que la nature de cette exposition, en termes d’intensité et de durée, de même que le temps d’apparition des symptômes et de l’établissement du diagnostic rendent probable ou improbable la relation causale entre le diagnostic et l’exposition?

[90]           À cet égard, monsieur King rappelle que l’un des principes de base en épidémiologie est celui « dose – réponse ». Plus une exposition est importante, en termes de durée et d’intensité, plus importants seront les effets. Cela dit, plusieurs autres variables peuvent influencer, notamment la susceptibilité individuelle. Référant au Textbook of clinical occupational and environmnental medecine[46], monsieur King explique que certains facteurs, tels la génétique, l’âge, le sexe, la comorbidité font en sorte que la réponse de chaque personne à une exposition peut différer. En d’autres termes, chez deux personnes exposées aux mêmes substances, et ce, avec une durée et intensité identiques, l’une peut développer une maladie et l’autre pas. Dès lors, il devient difficile, voire impossible d’établir des seuils minimaux d’exposition acceptables.

[91]           Appelé à commenter certaines études, dont celle d’Éricksson[47] qui conclut qu’une exposition de moins de 10 ans au glyphosate est statistiquement non significative avec un risque relatif presque nul et que le risque varie également si l’exposition est de plus ou moins 10 jours par année, monsieur King met l’accent sur l’importance de moduler les résultats d’une seule étude et de tenir compte du facteur de la susceptibilité individuelle. Une autre étude[48] rapporte un risque relatif significatif au-delà de deux jours d’exposition par année. Toutefois, dans la majorité des études, l’intensité et la durée d’exposition ne sont pas discutées et il n’existe pas de consensus quant à des seuils minimaux dans la littérature scientifique.

[92]           La conclusion de monsieur King est également partagée par l’auteur Lasfargues, précité, qui écrit « […] les éléments disponibles dans la littérature scientifique ne permettant pas de définir un délai compatible entre l’existence d’une exposition et la survenue de la maladie [le lymphome non hodgkinien] ni une durée minimale d’exposition associée à la survenue de la maladie ».

[93]           Certes, certaines législations, notamment celle de la France dont traite l’auteur Lasfargues dans son article, reconnaissent un lien causal entre le lymphome non hodgkinien et l’exposition à certains pesticides, sous réserve d’une durée d’exposition minimale de 10 ans, sans que celle-ci ne soit toutefois définie en termes de durée quotidienne ou annuelle et d’intensité. Un certain parallèle peut être fait avec notre règlementation suivant l’adoption du projet de Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail[49] alors que le nouveau Règlement sur les maladies professionnelles[50] prévoit une présomption de maladie professionnelle pour la maladie de Parkinson lorsqu’un travailleur a exercé un travail impliquant une exposition d’une durée minimale de 10 ans à certains pesticides.

[94]           Le Tribunal en comprend que pour une période minimale d’exposition de 10 ans à des pesticides, diverses législations présument d’une relation causale avec certains types de maladies ou cancers. Est-ce dire qu’une exposition inférieure à cette période d’exposition rend d’emblée improbable la relation causale? Sûrement pas.

[95]           La preuve révèle qu’il n’y a pas de consensus dans la littérature scientifique quant à une période d’exposition néfaste au-delà de laquelle le risque de développer un lymphome non hodgkinien est statistiquement établi ou encore de seuil minimal sécuritaire. Or, il y a lieu de rappeler qu’on ne peut exiger du travailleur qu’il fasse une preuve que la communauté scientifique n’est elle-même pas en mesure de faire. En outre, l’absence de données scientifiques n’implique pas qu’il faille rejeter la relation causale.

[96]           En l’instance, le Tribunal retient que le travailleur a manipulé, utilisé et a été exposé à de multiples pesticides dont certains cancérogènes probables, plusieurs jours par saison (au moins 10 jours selon la preuve), plusieurs heures à la fois étalées sur quelques jours consécutifs, et ce, sans aucun équipement de protection individuelle adéquat, le tout, pendant cinq saisons. Pourtant, une lecture des fiches signalétiques démontre que pour plusieurs produits, un équipement de protection individuelle, tel que gants, bottes de caoutchouc, combinaison de travail, lunettes et masque est requis. En outre, pour le produit Glyfos, il est écrit :

Meures de protection individuelle, telles que les équipements de protection individuelle

 

Protection des yeux/du visage : En cas de risque d’exposition par la poussière, d’éclaboussement, de brume ou de pulvérisation, utiliser des lunettes de protection chimique ou un écran facial.

 

Protection de la peau et du corps : Éviter tout contact avec la peau et les vêtements. Porter une chemise à manches longues, un pantalon long, des chaussettes, des chaussures et des gants. Porter des vêtements de protection imperméables, y compris des bottes, des gants, un sarrau de laboratoire, un tablier ou une combinaison pour empêcher le contact avec la peau.

 

Protection des mains : Gants imperméables. Laver l’extérieur des gants avec du savon et de l’eau avant de les réutiliser. Les inspecter régulièrement pour déceler toute fuite.

 

Protection respiratoire : Ne pas respirer les vapeurs, les brouillards de pulvérisation ou les gaz. En cas d’exposition au brouillard, à la pulvérisation ou à l’aérosol, porter une protection respiratoire et une tenue de protection individuelle appropriées. Utiliser uniquement avec une ventilation adéquate.

 

Mesures d’hygiène : De l’eau propre doit être disponible pour le lavage en cas de contamination au niveau des yeux et de la peau. Enlever et laver les vêtements contaminés avant réutilisation. Laver la peau avant de manger, de boire, de mâcher de la gomme ou fumer. Prendre un bain ou une douche à la fin du travail. Il ne faut pas laver les vêtements de travail avec les vêtements de la maison.

 

Informations générales : Si le produit est utilisé dans des mélanges, il est recommandé de contacter les fournisseurs d’équipements de protection appropriés.

 

[Transcription textuelle, nos soulignements]

 

 

[97]           Compte tenu des conditions d’exercice des tâches, qui n’ont pas été faites selon les règles sécuritaires élémentaires appropriées, de la nature de l’exposition et des produits en cause ainsi que de l’absence de données quant à un seuil minimal sécuritaire, le Tribunal conclut qu’il est probable que l’exposition du travailleur à des pesticides dans le cadre de son emploi ait contribué au développement de son cancer.

[98]           Maintenant, qu’en est-il du délai d’apparition des symptômes et de l’établissement du diagnostic.

[99]           La preuve démontre qu’il n’existe pas de données scientifiques concernant le temps de latence d’un lymphome non hodgkinien causé par une exposition à des pesticides, c’est-à-dire du temps nécessaire entre l’exposition et le développement de ce cancer. Sur ce, il y a lieu de s’en remettre une fois de plus à l’article publié en 2017 par Lasfargues, précité, qui conclut que « la littérature disponible ne permettait pas non plus de définir clairement le délai nécessaire à l’apparition d’un LNH en présence d’une exposition ».

[100]      Ainsi, considérant l’état des connaissances scientifiques, la probabilité qu’un lymphome non hodgkinien puisse se développer après trois ou cinq ans d’exposition saisonnière à des pesticides multiples, surtout dans les conditions d’exposition en cause dans le présent dossier, n’est pas exclue.

[101]      En conclusion, soulignons que dans un complément d’opinion écrite de monsieur King déposé après l’audience, il écrit :

Bien que la durée d’exposition et la période de latence dans le cas de M. Bautista sont relativement brèves, il n’existe pas assez de données scientifiques à ce sujet pour considérer que cette durée d’exposition et cette période de latence sont insuffisantes pour reconnaître le lien causal entre le travail de M. Bautista et le LNH dont il a été victime.

 

[102]      Eu égard au fardeau de preuve applicable, lequel peut comporter un certain degré d’incertitude scientifique, le Tribunal abonde dans le même sens que monsieur King.

[103]      Par ailleurs, la preuve ne permet pas d’identifier d’autres étiologies ou facteurs de risque au lymphome non hodgkinien diagnostiqué chez le travailleur.

[104]      Au niveau de la preuve médicale, une note clinique de la première visite médicale en clinique externe qui a eu lieu le 25 juillet 2016 indique que le travailleur est sans antécédent. Dans une seconde note rédigée le même jour, il est rapporté que ce dernier ne fait pas usage du tabac, n’a pas été en contact avec la tuberculose et n’a jamais eu de pneumonie. Lors d’un suivi le 27 juillet 2016, il est réitéré que les antécédents sont sans particularité. Le médecin suspecte alors un syndrome lymphoprolifératif.

[105]      Suivant des examens plus approfondis avec biopsie, le diagnostic de lymphome folliculaire de grade 1 à 2 est posé en août 2016. Le travailleur débute des traitements de chimiothérapie au Québec et retourne au Mexique en décembre 2016, soit à l’expiration de son permis de travail, où les traitements se terminent par la suite. Au jour d’audience, le travailleur continue à avoir des suivis de contrôle. 

[106]      Lors de l’audience portant sur la recevabilité de sa réclamation, le travailleur affirme qu’un des médecins consultés en août 2016 lui partage son opinion voulant qu’il existe un lien entre sa maladie et l’emploi qu’il exerce[51]. Le Tribunal n’a retrouvé aucune trace d’une note à cet effet et soulignons qu’aucun rapport médical rédigé à l’attention de la Commission n’a été fait dans ce dossier.

[107]      Le Tribunal a aussi obtenu copie du dossier médical du Mexique dans lequel il n’y a aucune mention d’autres causes ou étiologies potentielles au lymphome non hodgkinien avancées par les médecins. Une seule note de décembre 2017 rapporte que le travailleur fait référence à une exposition professionnelle à des engrais pendant deux ans[52].

[108]      Quant à l’historique occupationnel du travailleur avant 2012, celui-ci témoigne faire de l’artisanat depuis l’âge de 12 ans, vivant dans un village touristique, et qu’il s’agit de son principal moyen de subsistance. Il s’agit d’artisanat confectionné à base de laine de mouton, dont le travailleur ne fait toutefois pas l’élevage. Celui-ci fait la tonte, le nettoyage, la coloration à base végétale et le filage. Il n’y a pas d’utilisation de produits chimiques ou industriels, mais seulement des produits naturels. Il cultive également du maïs et des haricots dans un potager d’environ 1½ hectare, pour consommation familiale uniquement et n’utilise pas de produits chimiques. Relativement à ses antécédents familiaux, il confirme qu’un de ses frères, qui vit aux États-Unis depuis 30 ans, a eu un cancer du pancréas.

[109]      Aucun autre élément de preuve ne contredit cette version du travailleur. Il y a donc lieu de retenir son témoignage, lequel a été livré de manière posée.

[110]      Ainsi, bien que la recherche des causes du lymphome non hodgkinien diagnostiqué chez ce travailleur n’a pas été largement documentée à l’époque par les médecins et que le Tribunal ne bénéficie d’aucune expertise médicale particularisée aux faits du présent dossier, aucune autre étiologie probable n’est soulevée, discutée ou suspectée et ne ressort de la preuve médicale dont il dispose.

[111]      L’ensemble de cette preuve amène le Tribunal à conclure que le risque professionnel est, selon la balance des probabilités, la cause probable du lymphome non hodgkinien diagnostiqué chez ce travailleur.

[112]      En résumé :

  • Considérant l’exposition du travailleur à de multiples pesticides, dont deux cancérogènes probables;
  • Considérant les conditions d’exposition non sécuritaires;
  • Considérant qu’à l’état actuel des connaissances médicales et scientifiques, une telle exposition est de nature à causer un lymphome non hodgkinien;
  • Considérant que selon une étude, le risque pour le travailleur de développer un lymphome non hodgkinien est accru de manière importante du fait qu’il a été exposé à de multiples pesticides;
  • Considérant que l’état actuel des connaissances médicales ne permet pas d’exclure que la durée d’exposition et le délai d’apparition du cancer en cause dans le présent dossier rendent improbable la relation causale;
  • Considérant l’absence d’autres étiologies ou facteurs de risque en preuve;

[113]      Le Tribunal conclut que le travailleur s’est déchargé de son fardeau de preuve de démontrer que la relation entre sa condition médicale et les risques particuliers de son emploi est plus probable qu’improbable.

[114]      Par conséquent, il y a lieu de reconnaître que le lymphome non hodgkinien diagnostiqué en août 2016 constitue une maladie professionnelle.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE la contestation de monsieur Armando Lazo Bautista, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail le 2 juillet 2019, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 8 août 2016, soit un lymphome folliculaire de grade 1 à 2, et qu’il a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Sonia Sylvestre

 

 

 

 

 

M. Michel Pilon

RATTMAQ

Pour la partie demanderesse

 

M. Ivanhoé Faille

Pour la partie mise en cause

 

Date de la mise en délibéré : 23 août 2021

 

 


[1]  Décision rendue par la Commission à la suite d’une révision administrative le 2 juillet 2019.

[2]  R.L.R.Q. c. A-3001.

[3]  Bautista et Faille, 2020 QCTAT 3452.

[4]  Article 25 de la Loi.

[5]  Article 2 de la Loi.

[6]  K. LIPPEL, « Reconnaissance des cancers d’origine professionnelle au Québec », Formation permanente du Barreau, (2015) 394 Développements récents en droit de la santé et de la sécurité du travail, Editions Yvon Blais, Cowansville : Qc, pp. 297-368.

[7]  Stacey et Allied Signal Aérospatial inc., [1997] CALP 1731; Denis J. Lépine, 2012 QCCLP 3303; Miller et Alcoa, Fortin & Lévesque inc., [2006] C.L.P. 368; Blanchet et Lévy Transport ltée, C.L.P. 174518-71-0112, 13 juillet 2006, A. Suicco, décision rejetant la requête en révision.

[8]  Dans son témoignage, monsieur King a identifié deux organophosphorés, c’est-à-dire des pesticides qui contiennent du phosphore, utilisés par l’employeur et auxquels a été exposé le travailleur.

[9]  Alderick Morissette (succession) et Ville de Québec, C.L.P. 243737-31-0409, 9 avril 2009, G. Tardif requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Québec, 200-17-011312-097, 27 janvier 2010, j. Allard, requête pour permission d’appeler rejetée, C.A. Québec, 200-09-006973-108, 1er juin 2010, j. Dutil; Labrèche et Ville de Montréal, 2013 QCCLP 1183; Savard et Sécurité incendie Ville de Montréal, 2015 QCCLP 537; Dussault et Ville de Québec, 2015 QCCLP 3144; Guilbault et Sécurité Incendie Ville de Montréal, 2015 QCCLP 6111.

[10]  Caron et Association Construction Québec, C.L.P. 286993-31-0603, 20 décembre 2007, J.-F. Clément, révision rejetée, 9 septembre 2008, G. Marquis; Aldérick Morissette (succession) et Ville de Québec, précitée, note 9.

[11]  Aldérick Morissette (succession) et Ville de Québec, précitée, note 9.

[12]  Article 2804, RLRQ, c. CCQ-1991.

[13]  [1990] 2 R.C.S. 311. Voir également la décision de la Cour d’appel du Québec dans SAAQ c. Viger, [2000] R.J.Q. 2209 (CA).

[14]  Précitée, note 9.

[15]  Charles D. GONTHIER, « Droit de la preuve. Le témoignage d'experts : à la frontière de la science et du droit », (1993) 53 Revue du Barreau, pp. 187-196, pp.193-194.

[16]  [1991] 1 R.C.S. 541, page 609.

[17]  Leduc et Commission scolaire au Cœur-des-Vallées, 2019 QCTAT 1550 et la jurisprudence citée.

[18]  Chrétien et Coopérative des services à domicile de la région de l’Amiante, 2014 QCCLP 1633; L’Heureux et Commission scolaire de Montréal, 2018 QCTAT 6027, révision accueillie sur la conclusion relative au droit à l’indemnité de remplacement du revenu uniquement, 2020 QCTAT 2157, pourvoi en contrôle judiciaire rejeté, 2021 QCCA 1549, demande pour permission d’appeler accueillie, 2021 QCCA 1175.

[19]  L’Heureux et Commission scolaire de Montréal, précitée, note 18.

[20]  Commission de la santé et de la sécurité du travail et Chiasson, [2001] C.L.P. 875 (CA).

[21]  Chrétien et Coopérative des services à domicile de la région de l’Amiante et L’Heureux et Commission scolaire de Montréal, précitées, note 18; Succession de Buissière et Bombardier Aéronautique inc., précitée, note 17.

[22]  Commission scolaire de Jonquière et Vachon (succession), C.L.P. 154116-02-0012, 19 mars 2003, C. Bérubé.

[23]  Cie d’Arrimage de Québec ltée, C.L.P. 172936-32-0110, 4 février 2003, M.-A. Jobidon.

[24]  Ce terme générique comprend les herbicides, les insecticides et les fongicides.

[25]  Note évolutive de la Commission du 12 janvier 2018 consignée au dossier.

[26]  L’employeur a fait parvenir au Tribunal toutes les factures provenant de ses deux principaux fournisseurs de pesticides pour les années 2015 (22 factures) et 2016 (16 factures), celles de 2012 et 2013 n’étant plus conservées. Toutefois, l’employeur reconnaît que ce sont toujours les mêmes produits qu’il utilise, d’année en année.

[27]  International Agency for Research on cancer (IARC) en anglais.

[28]  COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC, SERVICE DU RÉPERTOIRE TOXICOLOGIQUE, [Répertoire toxicologique].

[29]  Aldérick Morissette (succession) et Ville de Québec, précitée, note 9.

[31]  INTERNATIONAL AGENCY FOR RESEARCH ON CANCER, “Some organophosphate insecticides and herbicidesIARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, vol. 112, Lyon (France).

[32]  GONTHIER, Charles D., « Le témoignage d’experts : à la frontière de la science et du droit », précité, note 15.

[33]  Gérard LASFARGUES, « Les lymphomes non hodgkiniens et les pesticides », (2017) 201 Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine, pp. 1161-1173, [En ligne], <https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2018/06/P.-1161-%C3%A0-1174.pdf>.

[34]  INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ ET DE LA RECHERCHE MÉDICALE,  « Pesticides : Effets sur la santé.  Expertise collective », Paris, Éditions INSERM, 2013.

[35]  INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC «  Les risques sanitaires des pesticides : des pistes d’action pour en réduire les impacts » Mémoire, juillet 2019, [En ligne], <http://www.insqpc.qc.ca>.

[36]  Précitée, note 31.

[37]  Précité, note 33.

[38]  K. HOHENADEL et als. «  Exposure to multiple pesticides and risk of non-Hodgkin Lymphoma in men from six Canadian provinces ».

[39]  Ayant une représentativité de 22,81 %.

[40]  L’analyse définit une combinaison de pesticides lorsque deux pesticides sont utilisés par une même personne.

[41]  Selon les risques relatifs et les intervalles de confiance à 95 % rapportés comme statistiquement significatifs.

[42]  Tremblay (Succession de) et Alcan inc., [2007] QCCLP 577.

[43]  Aldérick Morissette (succession) et Ville de Québec, précitée, note 9.

[44]  Seulement trois pesticides sont identifiés dans ces opinions. De plus, celles-ci accordent une grande importance à l’étude de cas réalisée par madame Évelyne Bouvier, de la Commission, dont on ignore si elle est médecin, épidémiologiste ou autre. Dans cette étude, il est précisé d’emblée qu’une opinion médicale pourra être établie avec une vue globale du dossier par un médecin. L’auteure ne sait si le travailleur est fumeur, s’il a eu d’autres expositions antérieures à des agents chimiques et indique que le travailleur porte des équipements de protection individuelle, ce qui est faux.

[45]  G. LASFARGUES «  Les lymphomes non-hodgkiniens et les pesticides », précité, note 33.

[46]  L. ROSENSTOCK et als.,Textbook of Clinical Occupational and Environmental Medicine,2e éd., Philadelphie, Toronto, Elsevier Saunders, 2005.

[47]  M. ERIKSSON et als. « Pesticide exposer as risk factor for non-Hodgkin lymphoma including histopathological subgroup analysis » Int J Cancer, 123 (7) : 1657-63.

[48]  H. McDUFFIE et als. « Non-Hodgkin’s lymphoma and specific exposures in men : cross-Canada study of pesticides and health » Cancer Epidemiol Biomarkers Prev, 10 (11), 11-55-63.

[49]  L.Q. 2021, c. 27.

[50]  Règlement sur les maladies professionnelles, 2021, c. 27, art. 238.

[51]  Décision précitée, note 3, par. 23.

[52]  À noter que pour l’étude du médical du Mexique, la soussignée a été assistée par le docteur Pedro Molina Negro, assesseur médical au Tribunal administratif du travail dont la langue maternelle est l’espagnol.

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