Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière d'indemnisation

 

 

Date : 16 janvier 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 01530

Dossier  : SAS-M-218612-1311

Devant les juges administratifs :

MARIO ÉVANGÉLISTE

GILLES THÉRIAULT

 

C… G…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]              La requérante (ci-après madame) conteste la décision rendue en révision le 15 novembre 2013 par l'intimée (ci-après la SAAQ).

[2]              Dans sa décision en révision, la SAAQ refuse de reconnaître que le 10 janvier 2013 madame a subi un accident d’automobile. En effet, bien qu'il y ait eu une collision entre deux autos et que madame était passagère de l'auto qui a été frappée, la SAAQ considère que madame n’a subi aucun dommage.

[3]              Elle motive sa décision ainsi :

« Nous notons d’une part que selon les déclarations solennelles obtenues de la part du conducteur du véhicule dans lequel vous étiez passagère et de l’autre conducteur impliqué, cet événement était un très minime impact, qu’ils évaluent tous deux à 1/10, et qui n’a causé aucun dommage à votre véhicule et aucune blessure à aucune des personnes impliquées.

On retiendra principalement que selon le rapport de monsieur Pierre Bellemare, expert en collisions pour la firme « L'Équipe Collision Expert » :

·          L’analyse de votre déclaration et de celles des deux autres personnes impliquées lors de cet événement ainsi que les dommages observés permettent d’affirmer qu’il s’agit d’un événement de type « accrochage »;

·          La force générée par l’impact du véhicule de l’autre conducteur n’a occasionné aucun changement de vitesse pour votre véhicule et aucune partie de votre corps ne s’est déplacé à l’intérieur de votre véhicule;

·          Les dommages physiques que vous déclarez ne trouvent pas de concordance dans le présent événement et paraissent nettement exagérés.

Cela nous amène à confirmer que l’événement du 10 janvier 2013 ne vous donne droit à aucune indemnité puisque vous n’avez alors subi aucun préjudice. »

LES TÉMOINS

[4]              Dans son témoignage madame déclare qu’au moment de l’accident elle était passagère, qu’elle était en discussion avec le conducteur (son patron) et ainsi, elle était tournée vers lui. Lors de la collision, sa tête s’est déplacée et elle a senti de la douleur dans le cou et dans le dos. Par la suite, une fois à la maison, son mari lui conseilla d'aller voir un médecin, ce qu'elle n'a pas fait le soir même mais elle a consulté par la suite.

[5]              Monsieur P., conducteur du véhicule qui a frappé l’autre véhicule, confirme essentiellement les propos qu'il a tenu tel que rapporté par madame Béland, dans son rapport d'enquête versé au dossier. Il précise que le véhicule qui a été frappé n'a pas avancé mais qu'il s'est déplacé de l’avant vers l’arrière. L’écusson Mercédez sur la calandre de sa voiture est tombé puisque les attaches se sont brisées lors de la collision. Aussi, ils ont dû remplacer la calandre. Il confirme que le lendemain de l’accident, il a rencontré le propriétaire de l’autre véhicule pour compléter le constat à l’amiable et que ce dernier lui a dit que sa passagère avait éprouvé des douleurs au cou lors de la collision.

[6]              Monsieur Pierre Bellemare témoigne au sujet de son rapport concernant l'analyse de la collision. Essentiellement, il présente le contenu de son rapport et ajoute que sur la force de l'impact, il ne peut y avoir eu qu'un déplacement du véhicule par un mouvement de la suspension vers l'avant et puis vers l'arrière puisque la force de l'impact était insuffisante pour faire déplacer les roues du véhicule. Il dira également que l’échelle de 1 à 10 pour évaluer la force de l’impact à partir des déclarations des témoins, est une échelle arbitraire reposant sur la perception des personnes impliquées. Elle ne repose sur aucune donnée scientifique. Pour sa part, il déclare que la tête d’une personne a pu bouger sur la force de l'impact mais sans plus.

ANALYSE ET DÉCISION

[7]              La Loi sur l'assurance automobile[1] (ci-après la LAA) définit ainsi le terme accident :

« 1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

«accident»;

«accident»: tout événement au cours duquel un préjudice est causé par une automobile; »

[8]              Il faut donc déterminer si dans le présent cas, madame a subi un préjudice alors qu’elle a été impliquée comme passagère lors d’une collision entre deux autos.

[9]              La preuve, à l’audience, révèle que l’auto dans laquelle elle avait pris place, a eu un mouvement de l’avant vers l’arrière et que ce mouvement lui a fait bouger la tête. En effet, madame a témoigné à cet effet et l’expert retenu par la SAAQ admet qu’un tel mouvement est possible lors de ce type de collision.

[10]           La SAAQ oppose la déclaration du propriétaire du véhicule qui a été heurté au témoignage de madame. Ainsi, dans cette déclaration recueillie par madame Béland, cette dernière note que selon monsieur D., personne n’aurait bougé dans l’habitacle. Or, il s’agit ici de ouï-dire que le Tribunal ne peut pas accepter. D’abord, ni madame Béland ni monsieur D. n’ont témoigné à l’audience. Puis, la déclaration elle-même telle que notée est trop vague et n’exclut pas que si les personnes n’ont pas bougé, si tant est qu’on puisse se fier à cette déclaration, la tête de madame ait pu bouger. Une telle possibilité est d’ailleurs concordante avec un autre passage de sa déclaration notée par madame Belland lorsque monsieur D. aurait dit : « Nous (madame Béland) avons demandé à monsieur D. si, selon lui, l’impact était assez fort pour causer à madame les douleurs qu’elle déclare au dos, au cou et aux bras Monsieur D. répond par la négative, mais ajoute qu’il n’est pas médecin et que compte tenu de la condition physique de madame, il ne saurait dire. ». Quoi qu’il en soit, il s’agit de propos rapportés par une personne qui ne témoigne pas, il n’y a donc aucune possibilité de contre-interrogatoire même à l’égard d’un tel niveau de ouï-dire. Aussi, le Tribunal ne peut pas prêter foi aux déclarations ainsi recueillies. Comme on a pu le constater d’ailleurs, le seul témoin des faits entendu devant nous, est venu préciser sa déclaration en indiquant que le véhicule frappé a bougé de l’avant vers l’arrière alors que dans la déclaration recueillie par madame Béland cette dernière note «il a constaté que la voiture devant n’avait pas bougé». Ce qui milite encore plus au rejet d’une telle preuve telle que produite.

[11]           Il reste à déterminer si madame a subi un préjudice lors de la collision.

[12]           Madame affirme avoir ressenti une douleur, en avoir parlé avec son patron et avoir consulté un médecin par la suite. Aucune autre preuve ne vient contredire cette déclaration. Bien au contraire, monsieur Piquette dit que monsieur D. lui a déclaré que madame lui a dit avoir ressenti de la douleur. Il s’agit de ouï-dire encore une fois, mais ici celui qui a reçu cette déclaration a témoigné à l’audience et cette preuve corrobore la déclaration de madame bien que sa valeur probante soit faible. Le témoignage de madame est clair et précis et il n’a pas été mis en doute en contre-interrogatoire.

[13]           La SAAQ oppose la conclusion de monsieur Bellemare qui est : « Ainsi, compte tenu des éléments précités, madame n’a subi aucun déplacement lors de l’événement, les dommages physiques déclarés ne trouvent pas de concordance dans le présent événement et nous apparaissent nettement exagérés. ».

[14]           Déjà à première vue, une telle conclusion est contradictoire, il ne dit pas que mada-me n’a pas subi de préjudice mais que ce dernier n’a pas de concordance et serait nette-ment exagéré. D’abord, le rapport lui-même ne repose que sur des résumés de déclara-tions de trois personnes recueillies par madame Béland; le Tribunal a déjà rejeté cette preuve. Qui plus est, il n’a pas tenu compte des déclarations de madame ni de son patron monsieur D. ni de celle de monsieur P. qui font état d’allégation de douleurs par madame.

[15]           Rappelons que contrairement à ce qu’il dit dans son rapport, il a admis devant le Tribunal que la tête de madame ait pu bouger sur la force de l’impact et quant à la douleur ressentie par madame, il la trouve exagérée; or, monsieur Bellemare n’est pas médecin et il n’a aucune compétence pour évaluer cette douleur et la condition physique de madame.

[16]           La preuve révèle que madame a été passagère dans un véhicule qui a été frappé par un autre véhicule et qu’elle a ressenti une douleur (le préjudice). Ainsi, les éléments constitutifs de la définition d’un accident d’automobile sont réunis.

POUR TOUS CES MOTIFS; le Tribunal :

ACCUEILLE   le recours de la requérante;

CASSE            la décision rendue en révision le 15 novembre 2013 par l’intimée.

RETOURNE   le dossier à l’intimée pour qu’elle indemnise madame conformément à la Loi sur l'assurance automobile.

 


 

MARIO ÉVANGÉLISTE, j.a.t.a.q.

 

 

GILLES THÉRIAULT, j.a.t.a.q.


 

Me Jocelyn Paul

Procureur pour la partie intimée


 



[1]           RLRQ, chapitre A-25

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.