Services Environnementaux Clean Harbors Mercier inc. et Pavages JM Beaulieu inc. |
2009 QCCLP 8539 |
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[1] Le 1er avril 2009, Services Environnementaux Clean Harbors Mercier inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 23 février 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 6 juin 2008 et déclare que le coût des prestations relatives à la lésion professionnelle subie par monsieur Marc-André Breton (le travailleur) le 18 juillet 2007 doit être assumé en totalité par l’employeur. Initialement, la CSST refuse le transfert des coûts parce qu’elle estime que le tiers n’est pas majoritairement responsable de l’accident.
[3] Une audience est tenue à Salaberry-de-Valleyfield le 27 novembre 2009. L’employeur, monsieur Michel Benoit, est présent. Monsieur Sylvain Beaulieu de Les Pavages J M Beaulieu inc. est également présent.
[4] Le tribunal a requis de l’employeur la production de la décision de la CSST concernant la classification de son entreprise pour l’année 2007. Le document a été reçu le 27 novembre 2009 date à laquelle le dossier a été mis en délibéré.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que 50 % du coût des prestations relatives à la lésion professionnelle du travailleur lui soit imputé et que l’autre 50 % soit imputé à Les Pavages J M Beaulieu inc. puisque l’accident du travail est attribuable à un tiers ce à quoi monsieur Sylvain Beaulieu, employeur du tiers allégué, acquiesce.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit au transfert du coût des prestations demandé.
[7] Le 18 juillet 2007, le travailleur subit un accident du travail alors qu’il est heurté à l’épaule droite par la pelle de l’excavatrice conduite par monsieur Pitre, un employé du sous-traitant Les Pavages J M Beaulieu inc. Le jour même, il consulte le docteur Fréchette qui diagnostique une contusion de l’épaule droite et une tendinite traumatique bicipitale droite.
[8] Le 22 juillet 2007, le docteur Dulude ajoute le diagnostic de radiculopathie C8 droite. Il prescrit un électromyogramme. Ce test est réalisé le 7 septembre 2007 et le docteur Cloutier indique que l’examen électrophysiologique est normal. Selon lui, les paresthésies transitoires ressenties par le travailleur sont probablement secondaires à une irritation du nerf cubital voir du plexus brachial.
[9] Le 3 octobre 2007, le docteur Moïse diagnostique une contusion et une tendinite de l’épaule droite ainsi qu’une radiculalgie C7.
[10] Une résonance magnétique du plexus brachial est réalisée le 9 novembre 2007. Le docteur Chankowsky, radiologiste, indique que l’examen est normal. Le même jour, une résonance magnétique de l’épaule droite est effectuée. Outre un syndrome d’accrochage probable en acromio-huméral et coraco-huméral, le médecin indique que l’examen est normal.
[11] Le 16 janvier 2008, le docteur Moïse note que le travailleur pourra reprendre son travail progressivement à compter du 21 janvier 2008.
[12] L’employeur et monsieur Beaulieu de Les pavages J M Beaulieu inc. soutiennent qu’ils ont tous deux une responsabilité partagée 50 % - 50 % concernant l’événement du 18 juillet 2007. L’employeur soutient que son travailleur a manqué de vigilance en ne suivant pas le déplacement de l’excavatrice qui l’a heurté et monsieur Beaulieu déclare que son opérateur d’excavatrice n’a pas suffisamment rentré sa flèche de pelle lors de son déplacement causant ainsi l’accident du travail.
[13] L’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) stipule ce qui suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[14] L’interprétation des termes attribuable à, injustice et tiers a fait l’objet d’une décision de principe au sein du tribunal, soit dans l’affaire Ministère des transports et Commission de la santé et de la sécurité du travail[2], décision rendue en mars 2008 par un banc de trois juges administratifs.
[15] À la lumière de cette décision à laquelle la soussignée souscrit, pour se voir appliquer l’exception à la règle générale d’imputation prévue au 1er alinéa de l’article 326 de la loi, il appartient à l’employeur de démontrer qu’il y a eu accident du travail, que cet accident est attribuable à un tiers et qu’il existe un tiers. L’employeur doit aussi démontrer que l’imputation à son dossier a pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison de cet accident.
[16] Dans le présent dossier, la survenance de l’accident du travail n’est pas remise en cause. En vertu de l’article 2 de la loi, il est survenu un événement imprévu et soudain le 18 juillet 2007 par le fait du travail. Cet accident a été reconnu par la CSST et le travailleur a été indemnisé.
[17] Cet accident est-il attribuable à un tiers ?
[18] Tel que défini à la décision précitée, au sens de l’article 326 de la loi, un tiers est toute personne autre que le travailleur lésé, son employeur et les autres travailleurs exécutant un travail pour ce dernier.
[19] Dans le dossier à l’étude, la personne identifiée à titre de tiers est monsieur Pitre, employé du sous-traitant Les Pavages J M Beaulieu inc. Cet employé n’a pas de lien juridique avec l’employeur au dossier. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il est, dans le rapport qu’il a eu avec le travailleur concernant sa lésion professionnelle, un tiers.
[20] Dans la décision précitée, la notion d’attribuable à a été analysée. Elle se distingue de la notion de « responsabilité » que le législateur n’a pas retenue. C’est ainsi que le tribunal convient que c’est à la lumière du contexte factuel particulier de l’accident qu’il convient de déterminer à qui ou à quoi il est attribuable, à qui ou à quoi il est dû. Il arrive fréquemment qu’un accident ne relève pas d’une cause unique et il se peut même que l’employeur ait contribué à l’accident. Cependant, l’article 326 de la loi exige que l’accident soit attribuable à un tiers, d’où la règle voulant que l’accident soit attribuable à la personne dont les agissements ou les omissions s’avèrent être, parmi toutes les causes identifiables de l’accident, ceux qui ont contribué non seulement de façon significative, mais de façon « majoritaire » à sa survenue, c’est-à-dire dans une proportion supérieure à 50 %.
[21] Dans le présent dossier, l’employeur soutient que l’accident est attribuable dans une proportion de 50 % au tiers les Pavages J M Beaulieu et 50 % à lui. Dans les faits, l’employeur cherche un partage égal et équitable du coût des prestations. Or, en fonction de la définition d’attribuable à telle qu’interprétée par le tribunal dans la décision précitée, à savoir une contribution majoritaire, bien que le consentement des parties quant à leur contribution respective dans la survenance de l’accident du travail soit louable, seul le transfert des coûts est possible. Pour ne pas avoir à assumer la totalité du coût des prestations concernant la lésion professionnelle du travailleur, l’employeur se devait de démontrer que le sous-traitant Les Pavages J M Beaulieu inc. a contribué majoritairement à l’événement, c’est-à-dire dans une proportion supérieure à 50 %. Cette preuve n’a pas été faite puisque l’employeur soutient qu’il a contribué à l’accident à 50 %.
[22] Quant à savoir si l’imputation a pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail, le tribunal, dans la décision précitée, estime que le recours au concept de risque inhérent ou relié aux activités de l’employeur pour apprécier l’effet juste ou injuste d’une imputation faite en vertu de la règle générale s’impose. La notion de risque inhérent est définie comme étant un risque relié d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur ou qui appartient essentiellement à pareilles activités. Ainsi dans les cas où l’accident est dû à des circonstances extraordinaires, exceptionnelles ou inusitées, l’imputation suivant la règle générale établie au 1er alinéa de l’article 326 de la loi s’avère injuste pour l’employeur bien qu’elle soit reliée au travail.
[23] Dans le présent dossier, compte tenu du fait que la Commission des lésions professionnelles convient que l’accident du travail n’est pas attribuable majoritairement à un tiers, l’appréciation de la notion de justice n’est plus rendue nécessaire. Cependant, la soussignée tient à préciser que les circonstances entourant la survenance de l’accident du travail du 18 juillet 2007 ne peuvent être qualifiées d’extraordinaires, d’exceptionnelles ou encore d’inusitées. Le fait, pour le travailleur, de travailler à proximité de machinerie lourde telle une excavatrice fait partie des risques inhérents aux activités de l’employeur. Que la flèche de l’excavatrice ne soit pas complètement rétractée n’est certes pas inusité, le transport de matériaux pouvant l’exiger. Par ailleurs, l’employeur a admis que le travailleur, au même titre que l’opérateur, ont manqué de vigilance.
[24] De ces faits, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations relatives à l’accident du travail subi par le travailleur le 18 juillet 2007.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Services Environnementaux Clean Harbors Mercier inc. du 1er avril 2009;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 février 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur Services Environnementaux Clean Harbors Mercier inc. doit assumer la totalité du coût des prestations relatives à la lésion professionnelle subie par monsieur Marc-André Breton le 18 juillet 2007.
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Diane Beauregard |
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