Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 26 septembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

153249-63-0101

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Réal Brassard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Sarto Paquin

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Gérald Dion

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

110339918

AUDIENCE TENUE LE :

5 septembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

JOLIETTE

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DENIS PICARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TECHNIQUE ACOUSTIQUE LR INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 10 janvier 2001, monsieur Denis Picard (le travailleur) dépose en l’instance une requête en contestation de la décision rendue en révision administrative le 1er décembre 2000.  Par cette décision, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) refuse la réclamation du travailleur pour le remboursement des coûts d’achat de médicaments prescrits après la date de consolidation de sa lésion professionnelle. Cette décision confirme celle rendue initialement le 6 janvier 1999.

[2]               À l’audience, devant la Commission des lésions professionnelles, le travailleur est présent et représenté. L’employeur, Technique acoustique LR inc., est absent et n’est pas représenté.

 

L'OBJET DU LITIGE

[3]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST, soit de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût des médicaments prescrits, même s’ils l’ont été après la consolidation de sa lésion professionnelle.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[4]               Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que les prescriptions des médicaments en cause ne sont pas reliées à la lésion professionnelle dont a été victime le travailleur. Selon lui, les prescriptions sont plutôt reliées à une condition personnelle de dégénérescence. En conséquence, il est d’avis que la requête en contestation doit être rejetée.

[5]               Le membre issu des associations syndicales est d’avis que les prescriptions de médicaments sont reliées aux séquelles laissées par la lésion professionnelle. Il fonde cet avis sur le compte rendu de l’examen physique fait par le membre du Bureau d’évaluation médicale (le BEM), le docteur Turcotte. En conséquence, il est d’avis que la requête en contestation doit être accueillie.

 

 

LES FAITS ET MOTIFS DE LA DÉCISION

[6]               Le travailleur occupait un emploi de poseur de systèmes intérieurs depuis 1994 quand, le 17 octobre 1995, il est victime d’une chute d’un échafaudage. Il est alors victime d’une contusion au talon droit et une entorse cervico-dorso-lombaire. C’est sous ces diagnostics que la lésion professionnelle a été reconnue par la CSST qui a indemnisé le travailleur en conséquence.

[7]               Le travailleur a été vu le 4 février 1997 par le docteur Robert Turcotte, orthopédiste, membre du BEM. Celui-ci a alors rapporté « des douleurs cervicales et lombaires associées à des restrictions importantes de leur mobilité ». Il indiquait que ces phénomènes n’étaient pas associés à des signes ou à des symptômes suggérant une radiculopathie significative cervicale ou lombaire. Il rapporte également qu’un examen à résonance magnétique s’était avéré normal[1] et indiquait qu’il avait l’impression qu’il existait une cyphose-scoliose qui n’avait été relevée par aucun médecin. Il retient alors le diagnostic d’entorse cervicale et lombaire avec possiblement une contusion au niveau du talon droit, en relation avec l’accident du travail. Il déclare cette lésion consolidée le 10 juillet 1996 avec une atteinte permanente qu’il évalue à 4 % et des limitations fonctionnelles.

[8]               Le dossier montre qu’après le 10 juillet 1996, le travailleur a continué de consulter pour des problèmes de discopathie mécanique, de lombosciatalgie L5-S1, C4-C5, D12-L1 et de discarthrose étagée. Le 5 mai 1997, le médecin du travailleur, le docteur Sylvain Laporte, rapportait un problème de spondylose et spondylolisthésis.

[9]               Le 7 juillet 1997, le docteur Sylvain Laporte signe une attestation médicale indiquant que le travailleur souffre de douleurs chroniques en relation avec une dégénérescence discale multi-étagée et souffre d’une dépression majeure reliée à une mésadaptation affective. Le même jour, le travailleur fait une demande d’indemnisation pour rechute, récidive ou aggravation en relation avec la lésion professionnelle du 17 octobre 1995.

[10]           Cette réclamation a été refusée par la CSST, décision qui a été contestée par le travailleur. Par décision sans appel rendue le 11 juin 1999[2], la Commission des lésions professionnelles a confirmé la décision de la CSST et déclaré que le travailleur n’avait pas été victime, le 7 juillet 1997, d’une rechute, d’une récidive ou d’une aggravation en relation avec la lésion professionnelle du 17 octobre 1995.

[11]           Entre-temps et après la réclamation du 7 juillet 1997[3], le ou les médecins traitant du travailleur lui ont prescrit des médicaments anti-inflammatoires, antispasmodiques, analgésiques et antidépresseurs. Les médicaments en questions sont : Apo-clonazepam, Toradol, Oxycocet, MS Contin, Cortisporin, Emtec et Apo-amitriptyl.

[12]           En l’instance, le représentant du travailleur a déposé copie du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques concernant ces médicaments. Ce document mentionne que l’Apo-clonazepam a des propriétés sédatives, hypnotiques et anticonvulsivantes et est utile pour le traitement des crises myocloniques et akinésiques et du petit mal variant (syndrome de Lennox-Gastaut).

[13]           Selon le Compendium pharmaceutique, le Toradol (nom scientifique : Kérolac trométhamine) est un anti-inflammatoire non stéroïdien doté d’une activité analgésique; l’Oxycocet est indiqué pour le soulagement de la douleur de caractère modéré à modérément intense; le MS Contin est un sulfate de morphine, un analgésique opioïde, utilisé pour des douleurs sévères nécessitant l’emploi prolongé d’une préparation analgésique opioïde; le Cortisporin est un anti-inflammatoire et antibactérien, utilisé pour le traitement de la conjonctivite bactérienne non purulente, allergique, printanière ou phlycténulaire, de la biépharite et de l’épisclérite non purulentes, de la kératite interstitielle sclérosante, des brûlures chimiques ou thermiques de la cornée, des infections bactériennes superficielles du conduit auditif externe; l’Emtec est un médicament à base de codéine utilisé comme analgésique, antipyrétique ou antitussif; enfin l’Apo-amytriptyl est un antidépresseur.

[14]           Le 16 décembre 1998, par l’intermédiaire de son représentant, le travailleur fait une demande de remboursement pour les médicaments en question. Le 12 janvier 1998, la CSST rend une décision refusant le remboursement des frais d’achat du médicament Toradol parce que « ce médicament n’est pas relié au traitement de la lésion professionnelle ». Le 25 juin 1998, la CSST rend une autre décision refusant, cette fois, le remboursement du médicament Emtec. À cette occasion, elle indique que les médicaments encourus après la date de consolidation de la lésion professionnelle ne peuvent être remboursés.

[15]           Le 16 décembre 1998, le représentant du travailleur transmet à la CSST une lettre demandant des informations au sujet du fait que les médicaments n’ont pas été remboursés. Le 6 janvier 1999, la CSST accuse réception de cette lettre dans les termes suivants :

Monsieur,

 

Nous avons bien reçu votre lettre du 16 décembre 1998 concernant des frais de médicaments non remboursés.

 

Nous vous informons que la lésion du travailleur a été consolidée le 10 juillet 1996 avec suffisance de soins. De plus, comme vous le savez déjà, une demande d’indemnisation produite par M. Picard pour une rechute du 7 juillet 1998 (sic) a été refusée par la Commission et maintenue par le bureau de révision en date du 12 décembre 1997. Cette dernière fait l’objet d’une contestation devant la CALP.

 

Dès qu’une décision sera prise, nous vous la communiquerons.

 

 

[16]           Cette lettre a été considérée comme étant une décision et a été contestée par le travailleur. Le 1er décembre 2000, la Direction de la révision administrative de la CSST rend une décision confirmant que les médicaments ne peuvent être remboursés parce qu’ils ont été prescrits après la date de consolidation de la lésion professionnelle. C’est cette décision qui est l’objet de la requête en contestation déposée en l’instance.

[17]           Le travailleur a-t-il droit au remboursement des médicaments prescrits après la date de consolidation de la lésion professionnelle ? Dans l’affirmative, dans quelles conditions ces médicaments peuvent-ils lui être remboursés ? Telles sont les questions qui se posent en l’espèce.

[18]           Dans l’affaire Gisèle Beaulieu et Commission des écoles Catholiques de Montréal[4], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a eu à décider de cette question. Elle s’est alors exprimée comme suit :

«La consolidation d’une lésion ne signifie pas pour autant qu’un travailleur n’a plus droit au remboursement des soins qu’il reçoit après. L’article 188 précise en effet que :

 

188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

________

1985, c. 6, a. 188.

 

Cet article ne précise aucune limite de temps et ne dit pas, par exemple, que le travailleur y a droit jusqu’à la date de consolidation. En fait, un travailleur peut se voir fournir une assistance médicale, par exemple sous la forme de l’achat d’une prothèse ou d’une orthèse, pendant plusieurs années après son accident du travail, pourvu que le remboursement du service, médicament ou autre forme d’assistance qu’il requiert soit prévu par la loi et que cette assistance soit requise par son état en raison de la lésion professionnelle qu’il a subie :  Entrepreneurs Becker Inc et Sylvestre[5].

 

 

[19]           Cette interprétation de l’article 188 a par la suite été suivie fort majoritairement par les commissaires de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et par les commissaires de la Commission des lésions professionnelles.

[20]           Ainsi donc, le travailleur peut avoir droit au remboursement de médicaments prescrits après la consolidation de la lésion professionnelle et ce qui importe, c’est la relation entre la prescription des médicaments et la lésion professionnelle.

[21]           La question qui se pose en l’espèce est donc celle de savoir si les médicaments prescrits et dont le remboursement est demandé par le travailleur l’ont été en relation avec la lésion professionnelle subie le 17 octobre 1995. Pour décider en relation avec quelle lésion les médicaments ont été prescrits, il est essentiel d’examiner dans quelles circonstances ils ont été prescrits et d’examiner la nature des médicaments prescrits.

[22]           Lors de son accident du travail du 17 octobre 1995, le travailleur a été victime d’une entorse cervico-dorso-lombaire. Ce diagnostic nous permet d’écarter les médicaments suivants comme étant reliés à cette lésion professionnelle : le Cortisporin, qui est un médicament utilisé pour une infection ou des blessures aux yeux; l’Emtec, qui est un médicament utilisé comme antipyrétique ou antitussif et l’Apo-amytriptyl, un médicament antidépresseur.

[23]           Pour les autres médicaments en cause, les anti-inflammatoires et analgésiques, il faut examiner dans quelles circonstances ils ont été prescrits. Les médicaments en question ont été prescrits après la réclamation du travailleur pour rechute, récidive ou aggravation. Et ils ont été prescrits vraisemblablement pour des problèmes de dos et de cervicalgies que le travailleur éprouvait depuis 1996. Il est important ici de rappeler que le travailleur, soutenant que ces problèmes de dos et de cervicalgies étaient reliés à son accident du travail, a fait une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation qui a été refusée, décision qui a été confirmée par décision sans appel par la Commission des lésions professionnelles. La décision de la Commission d’appel a alors établi qu’il s’agissait de problèmes d’ordre personnel sans relation avec l’accident du travail. La Commission des lésions professionnelles en arrive donc à la conclusion que les médicaments prescrits après la réclamation pour rechute, récidive ou aggravation l’ont été en relation avec cette condition personnelle et ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle du 17 octobre 1995.

[24]           Il n’est pas inutile de rappeler que la lésion professionnelle du 17 octobre 1995 était consolidée sans séquelles douloureuses. L’atteinte permanente de 2 % pour une entorse n’est pas en relation avec des séquelles douloureuses résiduelles. Une entorse ne laisse pas de séquelles douloureuses mais peut laisser une fragilité à des récidives et c’est pourquoi on peut reconnaître une atteinte permanente en relation avec une entorse.

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en contestation de monsieur Denis Picard;

CONFIRME, pour autres motifs, la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er décembre 2000;

DÉCLARE que monsieur Denis Picard n’a pas droit au remboursement du coût d’achat des médicaments prescrits après le 17 juillet 1997.

 

 

 

 

Réal Brassard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me André Laporte

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]           En réalité, la résonance magnétique avait révélé une dégénérescence discale multi-étagée ainsi qu’une petite hernie discale postéro-latérale gauche L5-S1 sans  compression de la racine  S1 ou L5 ni du sac dural ainsi qu’une petite hernie discale médiane C4-C5.

[2]           CLP 93578-63-9712, le 11 juin 1997, Commissaire Jean-Guy Roy

[3]           La première prescription date du 1er décembre 1997 et la majorité de ces prescriptions ont été faites en 1998.

[4]           (1995) C.A.L.P. 1350

[5]           (1987) C.A.L.P. 342

AVIS :
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