Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

24 mars 2005

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

193847-72-0211      193849-72-0211      193910-63-0211 194126-04B-0211   194173-72-0211      194174-72-0211     

 

Dossiers CSST :

120750435              121210322              121381016

121416374              118694660              120971528

 

 

 

Commissaire :

Doris Lévesque, avocate

______________________________________________________________________

 

 

 

Bombardier inc. aéronautique

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Bombardier inc. aéronautique (l’employeur) dépose des requêtes, les 7 novembre 2002[1] et 8 novembre 2002,[2] à l’encontre de décisions rendues par la Commission de la  santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative, le 25 septembre 2002.

[2]                Par ces décisions, la CSST maintient toutes ses décisions rendues initialement le 7 août 2002 ayant refusé les demandes de partage de l’employeur déposées dans différents dossiers en vertu de l’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi). Subsidiairement, la CSST refuse également d’appliquer l’article 326, 2e alinéa de la loi.

L’OBJET DES REQUÊTES

[3]                Dans tous les dossiers, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer les décisions rendues en révision administrative et de faire droit à sa demande d’imputation selon l’article 330 de la loi.

[4]                L’employeur soutient que les événements tragiques du 11 septembre 2001 ont entraîné une mise à pied massive, le 6 octobre 2001, hors de son contrôle. Or, au moment de la mise à pied, tous les travailleurs étaient en assignation temporaire et n’eut été de l’événement du 11 septembre 2001, les assignations auraient été maintenues. Par conséquent, il demande l’application, en sa faveur, de l’article 330 pour imputer le coût des prestations dues à la suite d’un désastre à la réserve prévue au premier paragraphe de l’article 312.

[5]                Subsidiairement, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’appliquer le 2e alinéa de l’article 326 de la loi dans tous les dossiers, au motif que l’imputation de ces coûts a pour effet de l’obérer injustement.

LES FAITS

[6]                L’employeur fait témoigner madame Patricia Lessard, gestionnaire des dossiers en accident du travail depuis juin 2000.

[7]                Madame Lessard dépose une lettre datée du 26 septembre 2001, émise par le président et chef de l’exploitation de Bombardier aéronautique, annonçant une mise à pied massive faisant suite aux événements du 11 septembre 2001 (pièce E-2).

[8]                C’est dans le contexte des événements du 11 septembre 2001 ayant entraîné une mise à pied massive le 6 octobre 2001, que madame Lessard mentionne que l'employeur a examiné les dossiers qui étaient pendants auprès de la CSST et tout particulièrement ceux des travailleurs en assignation temporaire et visés par la mise à pied. L’employeur a donc demandé à la CSST des partages d’imputation, puisque la mise à pied d’octobre 2001 était imprévue et due à des événements exceptionnels. D’ailleurs, elle souligne que lors des autres vagues de licenciement, l’employeur n’a pas fait de demande de partage d’imputation.

[9]                Madame Lessard dépose un tableau explicatif concernant chacune des réclamations des six travailleurs impliqués lors des périodes en litige (pièce E-1). En résumé, elle estime que Bombardier a assumé « injustement » 39 863, 67 $ d’indemnité de remplacement du revenu sur un total des coûts réels[4] de 82 306, 51 $ pour toutes les lésions professionnelles.

[10]           La Commission des lésions professionnelles retient du témoignage de madame Lessard, des données consignées au tableau ainsi que de la preuve au dossier les constats suivants pour chacun des dossiers impliquant les travailleurs de Bombardier.

Dossier 193910

[11]           Monsieur Raynald Paquette, opérateur à fraiseuse, subit une entorse à la cheville gauche à la suite d’une chute sur une surface glissante le 22 septembre 2001. Le 3 octobre 2001, l’assignation temporaire est autorisée. À compter de la mise à pied au 6 octobre 2001, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu reprend jusqu’à la date de consolidation de la lésion professionnelle et du retour au travail au poste régulier le 24 janvier 2002.

[12]           Bombardier estime, selon madame Lessard, avoir assumé « injustement » par rapport au coût total[5] de la lésion professionnelle, un pourcentage de 76 %[6] d’indemnité de remplacement du revenu en raison de l’impossibilité de poursuivre l’assignation temporaire (pièces E-1, E-3 et E-9).

Dossier 194126

[13]           Madame Patricia Tremblay, ajusteur-monteur, est victime d’un spasme musculaire paravertébral dorsal en tentant d’accrocher une lourde pièce le 1er octobre 2001. Une première assignation temporaire est autorisée à compter du 2 octobre 2001 puis une deuxième du 9 octobre jusqu’au 23 octobre 2001. Le 6 octobre 2001, elle fait l'objet d’une mise à pied et l’indemnité de remplacement du revenu est à nouveau versée jusqu’à la date de consolidation de la lésion au 18 février 2002. Bien que la travailleuse soit retournée au travail le 7 janvier 2002, l’employeur précise avoir tout de même respecté l’assignation temporaire jusqu’au 18 février 2002.

[14]           Bombardier soutient avoir assumé « injustement » 46 % de l’indemnité de remplacement du revenu par rapport au coût total de la lésion[7] (pièces E-1 et E-4).

Dossier 193847

[15]           Madame Audrey Locatelli, ajusteur, est victime d’une allergie cutanée aux  coudes et au visage résultant de contacts avec des produits chimiques au travail le 18 juin 2001. L’assignation temporaire débute le 6 août 2001. Le 6 octobre 2001, elle est mise à pied et l’indemnité de remplacement du revenu est versée jusqu’au 30 novembre 2001, soit à la date de consolidation de la lésion professionnelle.

[16]           Bombardier estime avoir assumé « injustement » 5,8 % de l’indemnité de remplacement du revenu par rapport au coût total de la lésion[8] (pièces E-1 et E-5).

Dossier 193849

[17]           Monsieur Mohamed Shakir, ajusteur-monteur, subit une tendinite à l’épaule gauche à la suite d’une chute le 21 septembre 2001. Le 26 septembre 2001, il débute l’assignation temporaire. Le 6 octobre 2001, à la suite de sa mise à pied, l’indemnité de remplacement du revenu reprend jusqu’à la date de consolidation de la lésion professionnelle au 30 octobre 2001.

[18]           Bombardier estime avoir assumé « injustement » 89 % du coût total de la lésion[9] (pièces E-1 et E-6).

Dossier 194173

[19]           Madame Maria Vacaro est victime d’une dermite de contact d’origine professionnelle le 12 juin 2000. Le 20 juin 2000, elle débute l’assignation temporaire. Le 6 octobre 2001, elle est mise à pied et l’indemnité de remplacement du revenu reprend jusqu’à la date de consolidation de la lésion professionnelle au 3 avril 2002.

[20]           Bombardier estime avoir assumé « injustement » 52 % de l’indemnité de remplacement du revenu sur le coût total de la lésion[10] (pièces E-1 et E-7).

 

Dossier 194174

[21]           Monsieur Sosa Wigman, opérateur de machine, en travaillant avec une machine poinçonneuse, subit une fracture ouverte de l’index gauche le 17 septembre 2001. Le 24 septembre 2001, il débute l’assignation temporaire. Le 6 octobre 2001, il est mis à pied et l’indemnité de remplacement du revenu reprend et se poursuit au-delà de la date de consolidation de la lésion professionnelle au 10 janvier 2002, dans les faits, jusqu’au retour de travail effectué le 10 juin 2002.

[22]           Bombardier estime avoir assumé « injustement » 85 % de l’indemnité de remplacement du revenu sur le coût total de la lésion[11] (pièces E-1 et E-8).

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[23]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a le droit aux bénéfices de l’application de l'article 330 de la loi dans tous les dossiers présentement en litige. Subsidiairement, elle doit examiner si l’employeur peut se prévaloir du 2e alinéa de l'article 326 de la loi au motif que l’imputation de ces coûts a pour effet de l’obérer injustement.

[24]           La Commission des lésions professionnelles rappelle qu’en matière d’imputation, le principe prévu par le législateur au 1er alinéa de l’article 326 de la loi veut que les coûts des prestations versées à la suite d’une lésion professionnelle soient imputés au dossier financier de l’employeur.

[25]           Dans les présents cas, l’employeur demande donc l’application de deux exceptions à ce principe, prévues aux articles 330 et 326 alinéa 2 de la loi.

1.         L’application de l’article 330 de la loi

[26]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit à l’application de l’article 330 de la loi pour imputer le coût des prestations dues à la suite d’un désastre à la réserve prévue au premier paragraphe de l’article 312.

[27]           Les dispositions 330 et 312 de la loi, pertinentes à ce litige, stipulent :

330. La Commission peut imputer le coût des prestations dues à la suite d'un désastre à la réserve prévue par le paragraphe 1° de l'article 312.

__________

1985, c. 6, a. 330.

 

 

312. La Commission peut augmenter le taux de cotisation d'une, de plusieurs ou de toutes les unités ou ajouter à la cotisation imposée à un, plusieurs ou tous les employeurs, selon qu'elle le juge équitable, un pourcentage ou un montant additionnel afin de créer une réserve pour supporter les coûts dus en raison:

 

1°   de circonstances qui, à son avis, entraîneraient une augmentation trop considérable du taux de cotisation d'une unité de classification;

 

2°   des maladies professionnelles;

 

3°   des retraits préventifs prévus par l'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1);

 

4°   du défaut de certains employeurs de payer leur cotisation.

__________

1985, c. 6, a. 312; 1996, c. 70, a. 24.

 

 

 

[28]           Essentiellement, Bombardier soutient que n’eut été des événements du 11 septembre 2001, il n’aurait pas été obligé de procéder à une mise à pied massive, le 6 octobre 2001, des travailleurs visés dans le présent recours, les empêchant ainsi d’occuper un travail en assignation temporaire autorisé par leur médecin traitant.

[29]           En l’instance, selon le témoignage de madame Patricia Lessard corroboré par des documents au dossier ainsi que d’autres déposés lors de l’audience (pièces E-1 à E-8), toutes les assignations temporaires avaient été autorisées et les travailleurs étaient déjà en assignation temporaire au moment de la mise à pied du 6 octobre 2001.

[30]           Malgré que la procureure de la CSST ait remis en doute la validité de certaines des assignations temporaires, la Commission des lésions professionnelles prend pour acquis que toutes les assignations temporaires dans les six dossiers sont valides, d’autant plus qu’aucune de ces assignations  n’a fait l’objet d’une contestation de la part des parties. Au surplus,  comme la question présentement en litige ne touche pas à la validité de ces assignations temporaires, mais vise plutôt les conséquences éventuelles qu’elles auront dans le dossier en matière de financement, la Commission des lésions professionnelles va donc disposer de la seule question en litige dont elle est saisie concernant l’imputation des coûts prévue dans la loi au chapitre du financement.

[31]           À la lecture de l’article 330 de la loi, de l’avis de la soussignée, se dégagent deux critères, à savoir que l’employeur qui veut obtenir l’application de cette disposition, doit démontrer, d’une part, la présence « d’un désastre » et, d’autre part, que « le coût des prestations sont dues à la suite d’un désastre ».

[32]           En premier lieu, la Commission des lésions professionnelles considère que l’application de l’article 330 de la loi n’est pas assujettie à l’existence préalable d’une réserve constituée en vertu de l’article 312 de la loi. Elle adhère ainsi, malgré tout le respect pour l’opinion contraire, au courant jurisprudentiel élaboré dans la cause Distribution Bradan inc.[12],  pour les mêmes motifs qui y sont énoncés :

[…] Il serait donc illogique de l’avis du tribunal de conditionner le droit à un transfert de coûts en vertu de l’article 330 de la loi, à l’existence préalable de la réserve prévue au paragraphe 1 de l’article 312 de la loi puisque cette réserve par définition est constituée par la CSST à « posteriori » soit par l’augmentation du taux de cotisation d’une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsqu’il existe des circonstances entraînant une augmentation trop considérable du taux de cotisation d’une unité de classification. Comme on le voit d’ailleurs en l’espèce, cette réserve n'a jamais été créée par la CSST et le droit prévu par le législateur à l’article 330 de la loi à un transfert de l’imputation dans un cas de désastre ne pourrait logiquement être conditionné à l’existence de la réserve prévue à l’article 312 puisque comme on l’a mentionné elle n’existe pas en regard du paragraphe 1.

 

[…]

 

 

[33]           Ce courant jurisprudentiel a été maintenu dans la cause Entreprises d’électricité Rial inc.[13] qui ajoute que le fait d’exiger pour l’application des dispositions de l’article 330 de la loi l’existence préalable de la réserve, prévue à l’article 312, imposerait un fardeau de preuve trop lourd pour l’employeur. D’autant plus que celui-ci ne dispose pas notamment des informations suivantes : celles relatives aux coûts des lésions professionnelles survenant chez les autres employeurs inclus dans les autres unités de classification; à la masse salariale de ces employeurs; à la masse salariale totale de l’unité de même que le calcul actuariel de la CSST permettant d’établir le taux de l’unité de classification.

[34]           En deuxième lieu, il y a lieu de déterminer si la notion de « désastre » invoquée par Bombardier s’applique dans le cas des événements du 11 septembre 2001, c’est - à‑dire découlant des attentats terroristes commis aux États-Unis. L’employeur soutient que cet événement du 11 septembre 2001 a constitué un « désastre » selon l’article 330 de la loi, puisque cela a précipité la mise à pied du 6 octobre 2001 en plus d’avoir également eu un impact indéniable dans le domaine aéronautique. En conséquence, il demande d’appliquer, en toute équité, les dispositions prévues à l’article 330 en tenant compte de l’impact financier dans chacun des dossiers présentement en litige.

 

[35]           La notion de « désastre » énoncée à l’article 330 de la loi, telle que constatée par la soussignée à la suite de la lecture de la jurisprudence et soulignée également à juste titre par les procureures tant de Bombardier que de la CSST lors de l’audience, a effectivement  fait l’objet d’une interprétation jurisprudentielle non unanime.

[36]           Une définition de « désastre » a été élaborée dans l’affaire C.H. Grace Dart inc. et CSST[14] dans laquelle la Commission des lésions professionnelles a reconnu que la tempête de verglas s’étant abattue sur le Québec en janvier 1998 constituait un désastre :

L’employeur soutient que la tempête de verglas du mois de janvier 1998 doit être considérée comme un désastre au sens de l’article 330 de la loi. À ce sujet, il ne saurait y avoir de doute; l’accumulation de verglas a causé des dommages extrêmement importants et cette calamité répond à la définition de désastre : un événement funeste, malheur très grave, dégât, ruine qui en résulte. [4]

_________

[4]  Dictionnaire - Le Petit Robert, 1990, Paris.

 

 

[37]           Dans cette cause, le commissaire ajoute que pour appliquer l’article 330 qui réfère au premier paragraphe de l’article 312 de la loi, l’employeur doit également démontrer que ledit désastre constitue une circonstance entraînant une augmentation trop considérable du taux de cotisation de l’unité dans laquelle il est classé.

[38]           Cette définition de la notion de « désastre » adoptée dans la cause précitée C.H. Grace Dart inc.  a été suivie subséquemment dans les affaires Municipalité de St‑Damase Village[15] et dans Produits Ronald (Division A. Lasonde)[16].  D’une part, on a statué que la tempête de verglas en janvier 1998 répondait à la définition de « désastre », selon le sens commun de cette notion, et , d’autre part, on a retenu que l’employeur avait touché directement et que cela avait eu une incidence importante sur ses activités. Toutefois, comme la preuve était muette, sur les circonstances qui entraîneraient une augmentation trop considérable du taux de cotisation de l’unité de classification, puisque le coût d'une seule réclamation ne pouvait qu’être modeste et avoir peu d’incidence sur l’unité à laquelle appartient l’employeur, de même qu’en tenant compte du fait que la CSST avait décidé de ne pas transférer le coût des prestations à la réserve, le transfert d’imputation fut refusé.

[39]           Une autre définition de la notion de « désastre » se dégage de la cause Distribution Bradan inc.[17], dans laquelle madame la commissaire Lamarre considère plutôt que pour conclure qu’un événement constitue un désastre au sens de l’article 330 de la loi, il doit s’agir d’un événement qui entraîne des conséquences directes pour un employeur, compte tenu de ses activités, même s’il s’agissait d’une condition exceptionnelle affectant l’ensemble de la population. Elle appuie son raisonnement sur les éléments suivants :

[20]      …Selon le tribunal, la notion de désastre que l’on retrouve à l’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles doit plutôt s’entendre puisqu’elle est prévue dans un chapitre traitant du financement et de l’imputation des coûts découlant d’une lésion professionnelle, donc en regard d’une réclamation et d’un employeur en particulier, d’une situation visant un tel employeur et non, d’une situation qui pourrait être catastrophique ou désastreuse de façon générale pour l'ensemble de la population sans pour autant avoir de telles conséquences désastreuses en regard d’un employeur en particulier. Si l’on se réfère aux buts et objectifs visés par le législateur au chapitre X « financement » de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles  et plus particulièrement, en ce qui concerne l’imputation des coûts, on constate que la règle générale prévue à l’article 326 de la loi est de faire supporter à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un de ses travailleurs alors qu’il était à son emploi.  Pour des raisons d’équité et dans des circonstances particulières décrites au paragraphe 2 de l’article 326 et aux articles suivants, le législateur a prévu des situations spécifiques permettant à un employeur d’obtenir soit un transfert des coûts ou un partage de l’imputation des coûts. Comme mentionné précédemment, le tribunal estime que ce n’est pas parce que la crise du verglas de 1998 a pu constituer une situation exceptionnelle, affectant l’ensemble de la population d’un territoire visé du Québec et par le fait même des employeurs et des travailleurs indistinctement, qu’il y a lieu de la considérer comme un désastre en l’espèce, en regard des activités de l’employeur, mettant en danger soit sa sécurité financière, l’existence même de ses activités économiques ou encore, étant susceptible d’entraîner sa fermeture.

 

 

[21]      Étant d’avis que la notion de désastre prévue à l’article 330 de la loi doit être considérée aux fins de l’application de cet article et considérant les buts et objectifs visés par le législateur à ce chapitre de la loi, soit de déterminer si un employeur a droit à un transfert de l’imputation des coûts, la Commission des lésions professionnelles estime donc que l’on ne peut considérer que la crise du verglas qu’a connue le Québec en 1998 a constitué un désastre en regard des activités de l’employeur, permettant ainsi l’application de l’article 330 de la loi, puisqu’un seul de ses employés a subi un accident du travail en se blessant à une épaule. En l’absence de désastre, le tribunal estime donc qu’il n’y a pas lieu de déterminer si le coût des prestations dues à la suite de la lésion professionnelle subie par le travailleur le 8 janvier 1998 étaient attribuables ou non à la crise de verglas.

 

 

 

[40]           Cette définition de la notion de « désastre » que l’on retrouve à l’article 330 de la loi telle qu’interprétée dans l'affaire Distribution Bradan inc. a été suivie dans les causes Abitibi-Consolidated inc. et CSST[18]MRC Maria Chapdelaine et CSST[19] de même que dans  Ivanhoe inc.[20].

[41]           Dans l’affaire Entreprise d’électricité Rial inc.[21], madame la commissaire Montplaisir retient l’interprétation suivante de la notion de « désastre » :

[65]      Avec respect pour l’avis contraire, la soussignée considère que l’interprétation du terme désastre dans un sens stricte d’une situation mettant en danger la sécurité financière ou l’existence même des activités économiques d’un employeur a pour effet, à toutes fins pratiques, de rendre inapplicables les dispositions de l’article 330 de la loi puisque cette approche implique une analyse de la question par rapport à la situation financière de l’employeur qui doit alors démontrer que sa sécurité financière ou l’existence de ses activités économiques sont mises en péril en raison du désastre. 

 

[66]      La Commission des lésions professionnelles estime que cette exigence a pour effet d’ajouter au texte de loi puisque le législateur ne fait pas référence aux prestations dues à la suite d’un désastre qui met en danger la sécurité financière ou l’existence des activités économiques de l’employeur.

 

[67]      Exiger une telle démonstration de la part d'un employeur enlèverait tout effet utile à l'article 330 de la loi.

 

[…]

 

[73]      Pour en arriver à une interprétation qui soit juste, il y a donc lieu de se référer au sens courant du terme selon lequel le désastre est un événement funeste, un malheur très grave qui entraîne de graves conséquences.

 

[74]      Or, la soussignée considère que la crise du verglas, qui a paralysé certaines régions de la province du Québec pendant quelques jours en janvier 1998, correspond à un événement funeste, un malheur très grave qui a, dans les faits, entraîné de graves conséquences. 

 

 

[42]           Dans cette dernière cause, même si la Commission des lésions professionnelles considérait que la tempête de verglas constituait un désastre au sens de l’article 330, comme la preuve n’avait pas toutefois établi que les prestations versées au travailleur étaient reliées à ce désastre, mais plutôt l’avaient été en raison d’une chute survenue au travail, elle avait conclu que l’employeur n’avait pas droit à un transfert des coûts.

[43]           Au-delà de toute la controverse jurisprudentielle quant à la définition de la notion de désastre que l’on retrouve à l’article 330 de la loi, tel que constaté à juste propos par madame la commissaire Morin dans l’affaire  Mécanique R.H. ltée[22], dans toutes ces affaires précitées, la Commission des lésions professionnelles a retenu comme critère additionnel  et obligatoire pour qu’un employeur puisse bénéficier de l'application de l'article 330 de la loi en sa faveur de démontrer que les prestations versées au travailleur devaient constituer « des prestations dues à la suite d’un désastre ».

[44]           C’est l’absence de  ce critère qui amène d’ailleurs la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Mécanique R.H. Ltée a refusé la demande d’imputation présentée par l’employeur en vertu de 330, au motif que l’accident de travail avait eu lieu plusieurs jours après la tempête de verglas, en s’exprimant ainsi, propos que partage la soussignée :

[26]      Ainsi, peu importe qu’une situation donnée doive être qualifiée de désastre en regard de ses répercussions économiques pour l’employeur et peu importe le fardeau de preuve qui doit être exigé à cet égard, il ressort de ces décisions que les dispositions de l’article 330 de la loi ne trouvent pas application lorsque le coût des prestations que l’employeur souhaite ne pas se voir imputer n’est pas directement attribuable à un événement dit désastreux et, si tel est le cas, lorsque ce coût demeure limité à celui généré par un fait accidentel isolé.

 

 

[45]           C’est également la conclusion à laquelle en arrive la soussignée, puisqu’en l’instance on ne peut appliquer l'article 330 de la loi, au motif que la preuve démontre que le coût des prestations ne sont pas directement attribuables au « désastre » allégué.

[46]           La Commission des lésions professionnelles considère plutôt, contrairement aux prétentions de l’employeur à cet égard, que les coûts des prestations dans tous ces dossiers dont l’employeur ne veut pas être imputé, ne sont pas « directement attribuables » au désastre allégué à la suite des évènements du 11 septembre 2001.  Ce sont plutôt des coûts « indirects » en ce sens qu’ils sont postérieurs à l’événement désastreux allégué puisqu’il découle de la reprise de l’indemnité de remplacement du revenu à la suite de la mise à pied massive du 6 octobre 2001.

[47]           La Commission des lésions professionnelles appuie sa conclusion sur le fait que tous les travailleurs ont subi des lésions professionnelles directement reliées à des événement survenus au travail et non reliées au désastre allégué du 11 septembre 2001. Il n’y aucune relation « directe » entre les lésions professionnelles qui sont d'ailleurs survenues à différentes dates qui ne correspondent pas à celle dudit désastre allégué. Il est manifeste, dans un premier temps, que toutes les lésions professionnelles n’ont pas été causées par le désastre invoqué. Il n’y a donc aucune cause directe découlant des lésions professionnelles survenues dans deux cas avant même la survenance dudit désastre le 11 septembre 2001 (les 12 juin 2000 et 18 juin 2001[23]) et dans les autres cas (les 17 septembre 2001; 21 septembre 2001; 22 septembre 2001 et 1er octobre 2001[24]) donc avant la mise à pied du 6 octobre 2001.

[48]           Ceci est d’autant plus vrai que tant au 11 septembre 2001 qu’au 6 octobre 2001, tous les travailleurs avaient droit, puisqu’en vertu de la loi ce droit était né et actuel à cette période, n’eut été leur assignation temporaire, au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la suite de lésion professionnelle.

[49]           La Commission des lésions professionnelles considère, dans un deuxième temps, que le préjudice allégué par Bombardier résulte du fait qu’il a dû procéder à une mise à pied massive ayant entraîné la fin des assignations temporaires dans les six dossiers et la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu aux travailleurs mentionnés dans le présent recours.

[50]           À compter de la mise à pied, le 6 octobre 2001, ayant eu comme conséquence, la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, l’employeur a-t-il  raison de prétendre qu’il s’agit de prestations dues à un désastre?  Telle n’est pas la conclusion à laquelle en arrive la soussignée qui estime plutôt que les coûts des prestations dont l'employeur souhaite ne pas se voir imputer n’est pas directement attribuable à l’événement désastreux allégué.

[51]           L’employeur soutient que n’eut été de la mise à pied massive enclenchée par les événements du 11 septembre 2001, que les travailleurs auraient continué d’occuper leur travail en assignation temporaire.

[52]           Il faut donc « présumer » que ces travailleurs auraient continué à poursuivre leur assignation temporaire jusqu’à la date de consolidation de leur lésion professionnelle. À tout événement, prenons pour acquis qu’effectivement ces assignations temporaires auraient été poursuivies jusqu’à la consolidation de la lésion professionnelle.

[53]           En matière d’assignation temporaire, tel qu’il a été souligné fort à propos dans la cause Westroc inc. et Beauchamp[25], une des conditions essentielles à l’application des articles 179 et 180 résulte du fait que le travail offert en assignation temporaire doit être disponible. La soussignée partage l’interprétation suivante, effectuée par madame la commissaire Vallières de ces dispositions législatives :

[30]      La loi n’a prévu d’exceptions pour régir les cas des employeurs dans l’impossibilité d’offrir un travail en assignation temporaire, que ce soit en raison d’un cas fortuit, de force majeure, d’un lock-out, d’une grève ou même simplement parce qu’inexistant.

 

[31]      Les articles 179 et 180 de la Loi permettent à un travailleur de toucher son salaire régulier plutôt que l’indemnité de remplacement du revenu pendant la période de consolidation de sa lésion professionnelle. Si l’assignation temporaire n’est pas disponible, quel que soit le motif, il n’y a rien d’injuste à ce que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu soit alors imputé au dossier de l’employeur.

 

[32]      Puisque le travailleur en assignation temporaire n’est pas disponible en raison de la grève, le travailleur a droit de recevoir son indemnité de remplacement du revenu. L’imputation de ces coûts est régie par le principe général édicté à l’article 326, alinéa 1 de la Loi.

 

(notre soulignement)

 

 

[54]           Le même raisonnement s’applique en l’espèce puisque lorsqu’un travail en assignation temporaire n’est plus disponible en raison d'une mise à pied massive, effectuée par Bombardier, les travailleurs concernés récupèrent alors, dans un tel cas, leur droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Ces prestations sont versées en raison d’une lésion professionnelle et aucunement en relation avec un désastre.

[55]           Lorsque l’assignation temporaire n’est plus disponible à cause de la mise à pied, les dispositions spécifiques quant à l’assignation temporaire ne s’appliquent donc plus. On retourne, alors, aux autres dispositions générales de la loi prévoyant que les travailleurs concernés ont droit de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à la date de consolidation de leur lésion ou de la  date de leur capacité à occuper un emploi. C’est l’application pure et simple de la loi. L’employeur ne peut donc prétendre que l’application de la loi constitue une injustice à son égard.

[56]           Dans le même ordre d’idée, on ne peut conclure qu’il est injuste pour Bombardier s’il était imputé de l’indemnité de remplacement du revenu versée pour la période où le travail en assignation temporaire n’est plus disponible, peu importe la cause, notamment une mise à pied massive. En effet, comme il a été déterminé dans la cause Westroc inc. précitée, l’imputation de ces coûts devient alors régie par le principe général édicté à l’article 326, premier alinéa de la loi.

[57]           La Commission des lésions professionnelles tient à ajouter qu’une contrainte conjoncturelle ou économique (pièce C-1), telle une mise à pied massive, résultant des événements tragiques ou encore comme mentionné  par le président et chef d’exploitation de Bombardier aéronautique, dans sa lettre déposée à l’audience « qui n’ont fait qu’aggraver l’incertitude d’une économie qui battait déjà de l’aile » (pièce E-2) ne peut être assimilée à une cause d’injustice du seul fait qu’elle est désavantageuse financièrement pour un employeur, tout comme elle a été reconnue dans l’affaire de CLSC-CHSLD-Haute-Ville-des-Rivières[26].

[58]           Enfin, ce qui est particulier en l’instance, résulte du fait que le désastre invoqué par Bombardier est survenu hors Québec puisqu’il résulte d’un acte terroriste survenu aux États-Unis, donc hors territoire visé par l’application de la présente loi.  Selon les prétentions de Bombardier, ce sont les implications de cet acte terroriste qui l’auraient forcés à procéder à une mise à pied massive le 6 octobre 2001. Or, à l’heure des multinationales, ayant des tentacules dans plusieurs pays; en présence de possibles conflits internationaux ainsi que de catastrophes naturelles appréhendées en plus grand nombre, selon les spécialistes en raison du réchauffement de la planète, l’interprétation de la notion de désastre doit être interprétée restrictivement en matière du régime québécois de financement de la santé et sécurité au travail.

[59]           Même si la soussignée adhère au courant jurisprudentiel mentionné dans l’affaire Rial, à savoir que le désastre mentionné par Bombardier, à savoir les événements terroristes du 11 septembre, constituait « un événement funeste, un malheur très grave » force est de conclure qu’on ne peut ne peut parler que le coût des prestations versées par Bombardier après la mise à pied du 6 octobre 2001 ne sont pas directement attribuables au désastre allégué par celui-ci. Ces prestations sont plutôt versées en raison de lésion professionnelle et à la suite de la cessation des assignations temporaires causées par la mise à pied massive.

[60]           Par conséquent, il n’y a pas de  conséquence grave pour l’employeur, malgré l’analyse des coûts réels produits lors de l’audience pour les six dossiers impliqués, puisqu’il n’y a aucune injustice ou préjudice à ce que les coûts de l’indemnité de remplacement de revenu auxquels avaient droit les travailleurs soit avant l’évènement du 11 septembre 2001 ou soit au moment de leur mise à pied au 6 octobre 2001 soient assumés par Bombardier.

[61]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles refuse la demande d’imputation formulée par l’employeur en vertu de l’article 330 de la loi.

2)         L’application de l’alinéa 2 de l’article 326

[62]           Essentiellement pour les mêmes motifs déjà exprimés, la Commission des lésions professionnelles est d’avis de rejeter la demande de l’employeur d’appliquer le deuxième alinéa de l’article 326, au motif que l’imputation de ces coûts dans les six dossiers n’a pas pour effet de l’obérer injustement.

[63]           L’article 326 de la loi prévoit en matière d’imputation des coûts les règles suivantes :

326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[64]           Quant à l’interprétation des termes « obérer injustement », la soussignée se rallie à l’interprétation jurisprudentielle retenue par la Cour supérieure dans l’affaire Construction E.D.B.[27] dans laquelle l’honorable juge Tellier retient qu’un employeur est « obéré injustement » lorsque l’imputation à son dossier financier des coûts engendrés pour une lésion professionnelle entraîne pour celui-ci un « fardeau financier indûment ou injustement onéreux compte tenu des circonstances ». À notre avis, cette définition et cette interprétation respectent mieux l’esprit de la loi et permet une appréciation de la preuve compte tenu de chaque cas d’espèce, tout en tenant compte également du fait qu’il s’agit d’une exception prévu au principe général d’imputation.

[65]           En l’instance, s’agit-il vraiment d'une situation d’injustice, c’est-à-dire une situation étrangère aux risques que doit supporter Bombardier ? En d’autres termes, il y a lieu de se demander s’il est injuste pour Bombardier d’assumer le coût des prestations à la suite de la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu découlant d’une cessation d’une assignation temporaire causée par une mise à pied le 6 octobre 2001 en relation avec les événements du 11 septembre 2001 ?

[66]           En l’instance, tous les travailleurs ont été victimes d’une lésion professionnelle, avant la survenance de leur mise à pied le 6 octobre 2001, leur donnant droit aux versements de l’indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article 44 de la loi.

[67]           Au moment de la mise à pied le 6 octobre 2001, puisque les lésions professionnelles n’étaient pas consolidées, ces travailleurs étaient donc présumés incapables d’exercer leur emploi en vertu de l’article 46. Au surplus, la preuve révèle qu’à la suite de leur lésion professionnelles mais avant la consolidation de la lésion les travailleurs concernés ont été assignés temporairement selon les articles 179 et 180 de la loi  jusqu’à leur mise à pied le 6 octobre 2001. Or, tel que souligné plus tôt, l’article 180 prévoit que l’employeur verse à ses travailleurs assignés temporairement les salaires et avantages reliés à leur emploi. À compter de la mise à  pied, le 6 octobre 2001, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu a repris, car les travailleurs y ayant droit, puisque leurs lésions professionnelles n’étaient pas encore consolidées à cette époque. La reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu est alors imputé au dossier financier de l’employeur selon le principe général prévu à l’article 326, 1er alinéa.

[68]           Or, dans les six dossiers, l’employeur demande de retirer de son dossier financier l’indemnité de remplacement du revenu versée, au motif que cela a pour effet de l’obérer injustement, en vertu de l’exception prévue à l’article 326 au 2e alinéa. Son argument repose sur le fait que les événements du 11 septembre ont apporté des conséquences financières importantes pour l’employeur et ont eu un impact important dans l’imputation de ces six dossiers puisque cela a précipité les mises à pied. Il soutient qu’en raison de l’impossibilité pour les travailleurs de poursuivre les assignations temporaires, que Bombardier a dû assumer un pourcentage des coûts réels pour les six lésions professionnelles de 82 306.51 $ (pièce E-1).  À l’appui de ses prétentions, il dépose un tableau faisant état des différents calculs lui permettant de relever les coûts réels et total de chacune des six lésions professionnelles.

[69]           La Commission des lésions professionnelles est toutefois d’avis que la cessation d’une assignation temporaire, peu importe le motif, bien qu’elle engendre des coûts additionnels au dossier financier d’un employeur, vu la reprise des versements de l’indemnité de remplacement du revenu, ne constitue pas une injustice. À ce sujet, la soussignée considère qu’une mise à pied ne constitue une situation étrangère aux risques que l’employeur doit assumer, considérant les aléas économiques et les conjonctures mondiales relativement aux sources d’instabilité pour les constructeurs dans le domaine aéronautique, les grandes compagnies aériennes ou les transporteurs  aéronautiques.

[70]           En effet, l’application et l’interprétation des dispositions législatives prévoient qu’il y ait mise à pied ou non, peu importe le motif, ces travailleurs avaient toujours droit aux versements de l’indemnité de remplacement du revenu en relation avec une lésion professionnelle. En d’autres termes, qu’il y ait eu ou non survenance des événements du 11 septembre 2001, ne changeait en rien le droit de ces travailleurs au versement d’indemnité de remplacement du revenu, puisque ce droit était né et actuel avant ces évènements et avant la mise à pied massive du 6 octobre 2001 dans le cas des six travailleurs. Dans un tel contexte, l’employeur ne peut prétendre que l’application de la loi constitue une injustice a son égard. L’imputation des coûts ne crée aucune injustice.

[71]           De ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que Bombardier ne peut se prévaloir de l’exception prévue au 2e alinéa de l’article 326, puisque l’imputation des coûts des prestations versées dans tous les dossiers n'a pour effet de l’obérer injustement. Sa demande en vertu du 2e alinéa de l’article 326 de la loi est également rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE les requêtes déposées par Bombardier inc. aéronautique les 7 et 8 novembre 2002;

CONFIRME les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d'une révision administrative, le 25 septembre 2002;

DÉCLARE que la totalité des coûts des prestations dus en raison des lésions professionnelles subies par les travailleurs concernés dans les six dossiers doit être imputée au dossier financier de Bombardier inc. aéronautique.

 

 

 

__________________________________

 

Doris Lévesque

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

Me Marie Pedneault

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Dominique Trudel

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intéressée

 

 

 



[1]          Dossiers C.L.P. 193847-72-0211, 193849-72-0211, 194173-72-0211 et 194174-72-0211.

[2]          Dossiers C.L.P. 193910-63-0211 et 194126-04B-0211.

[3]          L.R.Q. c. A-3.001.

[4]          Les coûts réels représentent le résultat du montant de l’indemnité de remplacement du revenu versée par Bombardier x Facteur de chargement pour dossier inactif (1,1) x Facteur pour dépenses non imputées à l’employeur (1,9).

[5]          Le coût total de la lésion inclut les périodes d’arrêt de travail, les frais d’assistance médicale et les frais de traitements s’il y a lieu.

[6]          Coût total estimé à 12 551,73 $ vs. Coûts réels estimés à 18  842,46 $.

[7]          Coût total estimé à 8 956,21 $   vs. Coûts réels de 8 674,25 $.

[8]          Coût total estimé à 51 393,06 $ vs.  Coûts réels de 6 277, 42 $.

[9]          Coût total estimé à 1 225.61 $   vs.  Coûts réels de 2 286, 35 $.

[10]        Coût total estimé à 9 049,12 $  vs. Coûts réels estimé à 9 896,67 $.

[11]        Coût total estimé à 20 276,86 $ vs. Coûts réels estimés à 36 329,36 $.

[12]        [1999] C.L.P. 1049 (révision rejetée, 25 octobre 2000, C.L.P. 119665-72-9907, C.-A. Ducharme).

[13]        C.L.P. 164160-64-0106, 27 mars 2002, M. Montplaisir.

[14]        C.L.P. 104635-73-9807, 3 mars 1999, B. Roy.

[15]        C.L.P. 148267-62B-0010, 8 janvier 2001, Alain Vaillancourt (révision rejetée le 15 avril 2002, G. Godin).

[16]        C.L.P. 148249-62B-0010, 9 janvier 2001, Alain Vaillancourt  (révision rejetée le 17 avril 2002, G. Godin).

[17]        Voir note précitée 12.       

[18]        C.L.P. 128258-02-9912 et autres,  21 septembre 2000, A. Gauthier.

[19]        C.L.P. 130622-02-0001, 14 novembre 2000, A. Gauthier.

[20]        C.L.P. 117026-72-9905, 30 octobre 2000, N. Lacroix.

[21]        C.L.P. 164160-64-0106, 27 mars 2002, M. Montplaisir.

[22]        C.L.P. 178025-61-0202, 24 juillet 2002, G. Morin.

[23]        Respectivement dans les dossiers C.L.P.  193847-72-0211 et 194173-72-0211.

[24]        Dossiers C.L.P.  194174-72-0211; 193849-72-0211; 193910-63-0211 et 194126-04B-0211.

[25]        C.L.P. 152387-62-0012, 28 août 2001, L. Vallières.

[26]        C.L.P. 193027-03B-0210, 5 mars 2003, P. Brazeau.

[27]        [1995] C.A.L.P. 1911 , (C.S.) l’honorable j. Tellier (appel accueilli à la Cour d’appel 500‑09‑001634-955) .

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