Gauvin et Sécurité-Policiers Ville de Montréal

2014 QCCLP 6140

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

7 novembre 2014

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

525229-62B-1310

 

Dossier CSST :

140869090

 

Commissaire :

Michel Watkins, juge administratif

 

Membres :

Robert Dumais, associations d’employeurs

 

Louise Gileau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Christian Gauvin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Sécurité-Policiers Ville de Montréal

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 25 octobre 2013, monsieur Christian Gauvin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 17 octobre 2013 lors d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 25 juillet 2013 et déclare que le travailleur n’a pas droit, pour l’instant, au remboursement des travaux de teinture extérieure de son domicile.

[3]           L’audience s’est tenue le 28 octobre 2014 à Saint-Hyacinthe en présence du travailleur, représenté par un procureur. L’employeur est absent, bien que dûment convoqué. Le dossier est mis en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût des frais d’entretien encourus pour son domicile, à savoir des frais pour des travaux de teinture extérieure, conformément aux dispositions prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

LES FAITS

[5]           De l’analyse du dossier, des documents produits et du témoignage du travailleur reçu à l’audience, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments pertinents suivants.

[6]           Monsieur Christian Gauvin, le travailleur, occupe un poste de policier chez l’employeur depuis 17 ans. Depuis une douzaine d’années, il est affecté au groupe d’intervention tactique (« l’Anti-émeute »), groupe au sein duquel il est par ailleurs préposé aux irritants chimiques.

[7]           Tel qu’il appert de son témoignage, monsieur Gauvin a participé à l’arrestation d’une personne agitée le 29 mars 2013. Alors qu’il tentait d’installer des menottes aux chevilles de la personne en question, laquelle portait des talons aiguilles, celle-ci lui a asséné deux violents coups de pied directement sur l’avant-bras gauche. Le travailleur a ressenti une vive douleur et a dû quitter le travail pour aller consulter.

[8]           Le même jour, le Dr Dankoff pose le diagnostic de neuropraxie et note une perte de force marquée au bras gauche du travailleur.

[9]           Le 4 avril 2013, le travailleur consulte le Dr Auger, qui le prend en charge. Le médecin pose le diagnostic de paresthésie cubitale gauche et demande un électromyogramme ainsi qu’une échographie pour le travailleur.

[10]        Le 10 avril 2013, l’échographie du bras gauche demandée révèle qu’il n’y a pas de déchirure musculaire, mais qu’il y a une petite hernie trans-aponévrotique sur une distance de 1 X 1.8 cm dans le muscle extenseur ulnarien du carpe. Le radiologiste mentionne qu’il faudra un électromyogramme pour déterminer la cause de la paresthésie décrite par le travailleur.

[11]        Le 11 avril 2013, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour un accident du travail le 29 mars 2013, retenant initialement un diagnostic de « trauma à l’avant-bras gauche »[2].

[12]        Le 24 avril 2013, le Dr Auger pose de nouveau le diagnostic de paresthésie cubitale gauche et note que le travailleur est en attente d’un électromyogramme. Le médecin autorise du « travail léger » pour monsieur Gauvin à compter du 6 mai 2013.

[13]        Monsieur Gauvin témoigne avoir débuté un « travail léger » à cette date, travail qu’il occupe encore au moment de l’audience. Le travailleur précise que ce travail léger a d’abord consisté en divers mandats « d’enquête interne » et ensuite, à faire « la coordination de la formation », puis à agir comme formateur lui-même.

[14]        Le 10 mai 2013, la CSST reconsidère sa décision initiale pour préciser que le diagnostic accepté pour l’événement du 29 mars 2013 est celui de neuropraxie du nerf cubital gauche[3]. Cette décision n’a pas été contestée.

[15]        Le 28 mai 2013, le Dr Auger parle d’une paresthésie cubitale gauche post - traumatique. L’autorisation pour du « travail de bureau » est maintenue pour le travailleur. Le Dr Auger demande à revoir le travailleur dans un mois. À sa note de consultation, le Dr Auger rapporte la persistance de paresthésie à 3 doigts de la main droite[4].

[16]        Le 18 juin 2013, le travailleur passe un électromyogramme[5]. Le Dr Pinard, neurologue, pose le diagnostic de neuropathie cubitale gauche.

[17]        Le 19 juin 2013, le travailleur revoit le Dr Auger. Le médecin, à la suite des résultats de l’échographie et de l’électromyogramme[6], pose les diagnostics d’atteinte du nerf cubital gauche et de hernie trans-aponévrotique. Il demande une consultation en chirurgie orthopédique.

[18]        Le 15 juillet 2013, monsieur Gauvin présente une « demande d’approbation de frais » à la CSST afin qu’il soit autorisé à refaire la teinture extérieure de son domicile. Il écrit :

Objet : demande approbation frais autre

 

Bonjour,

 

Par la présente je vous fais la demande pour un remboursement de frais engendrés pour refaire la teinture de ma maison. Je m’explique, j’ai une maison en pièces sur pièces (style Iog house) et elle fut construite il y a 6 ans. Je suis par le fait même dans mon année critique où le verni est dû pour ma maison (c’est obligatoire, sinon je dois tout sabler et décaper) et j’avais prévu faire cela cet été. Vu la blessure à mon bras je ne peux effectuer cette tâche correctement, sans douleur et sans danger. Je dois nettoyer les murs avec une brosse, sabler légèrement la surface, monter jusqu’à 4 étages d’échafauds et vernir le tout parfois en hauteur.

 

Pour ce qui est du vernis des portes et fenêtres moi et ma conjointe croyons être capable de le faire sois même (et ça ne presse pas si pour cela je saute une année). Comme vous voyez nous ne voulons pas abuser, mais je suis vraiment dans l’impossibilité de vernir les murs (et la tâche est trop difficile pour ma conjointe). Déjà réussir à tondre mon gazon 35 000 pi2, laver mon véhicule sont des tâches difficiles vu ma condition.

 

J’ai trouvé un spécialiste dans mon secteur qui semble être très raisonnable et il m’a fait la soumission suivante (voir document en annexe)[7]. Dans le prix vous pouvez exclure le matériel (c’est à moi de payer cela et je l’ai déjà).

 

Il s’agit vraiment d’une obligation urgente et nécessaire que je ne peux effectuer vu ma condition.

 

Merci de votre attention

 

N.b : j’aimerais avoir une réponse le plus rapidement possible, vu la période de temps où nous pouvons faire effectuer les travaux et la disponibilité limitée de l’entreprise. [sic]

 

 

[19]        Le 17 juillet 2013, la demande du travailleur est reçue par l’agent d’indemnisation Poissant de la CSST, qui la transfère au service de la réadaptation. Le 24 juillet 2013, la conseillère en réadaptation Dorais-Beauregard traite la demande et note :

Titre: Analyse de demande de teinture de maison

 

- ASPECT PSYCHOSOCIAL:

Travailleur non consolidé, travailleur qui pour le moment a de la douleur, mais ne restera peut-être pas avec une atteinte permanente ou des séquelles graves.

La demande ne répond pas aux critères de la loi.

 

Une lettre de refus est envoyée.

[20]        En conséquence de cette analyse, la CSST rend le 25 juillet 2013 une décision par laquelle elle refuse la demande du 15 juillet présentée par le travailleur, en ces termes :

Monsieur,

 

En réponse à votre demande, nous vous informons que nous ne pouvons payer les travaux d’entretien suivants : Teinture extérieur [sic] de la maison. En effet, ces travaux sont remboursables uniquement dans les cas où il y a atteinte permanente grave à l’intégrité physique d’une personne en raison d’une lésion professionnelle.

 

 

[21]        Le 9 août 2013, le représentant de l’employeur, monsieur Sylvain Leduc, communique avec madame Laflèche, gestionnaire à la CSST, pour lui faire part de quelques observations. Madame Laflèche note :

Titre: Tél. de E re refus TE

 

- CONTENU:

Tél. reçu de E, Sylvain Leduc, suite au refus d’autoriser des travaux de teinture de maison (cf décision de Mélanie Dorais, 13-07-25).

 

E croit que ceci aurait dû être autorisé. T attend d’être opéré au bras gauche et cette attente risque d’être longue 12 à 18 mois, ajoute-t-il.

 

En attendant, le T éprouve douleurs et il a difficulté à plier doigts de la main gauche. Bien que ce ne soit pas son membre dominant, E indique que le bras gauche est plus important notamment pour le chargeur du revolver.

 

Comme E est déjà convaincu que le T conservera des séquelles graves, il croit ces frais payables. La maison du T est en rondins, elle doit être teinte tous les 5 ans. T effectue toujours cette tâche lui-même, et cette année, sa maison doit être teinte car cela fait 5 ans. Sa maison a commencé à écailler. En outre, T effectuait d’autres teintures de maisons, ce qu’il n’est pas en mesure de faire cette année.

 

Expliquons que nous devons connaître son atteinte permanente et ses limitations fonctionnelles afin de déterminer si T est admissible au remboursement des TE. Nous le saurons quand T sera consolidé. Et nous estimons que l’opération devrait améliorer sa condition.

 

D’ici là, le T pourrait conserver sa facture et, lorsque T sera consolidé, il pourrait nous faire une demande afin que nous évaluions son droit à un tel remboursement.

 

E est déjà convaincu que le T est déjà porteur d’une atteinte permanente grave. Il n’a pas d’argent pour défrayer ces coûts.

 

T est policier à la Ville de Montréal et il reçoit 100% de son salaire net.

 

E conseillera à T de contester. E croit aussi que le T ne pourra refaire son travail de policier. Conseillons à E d’en discuter avec T.

 

[22]        Le 7 août 2013, le Dr Auger prescrit au travailleur une orthèse pour sa main gauche en raison d’une atteinte au nerf cubital gauche. Le 15 août 2013, la CSST donne son autorisation au travailleur pour l’acquisition de cette orthèse[8].

[23]        Monsieur Gauvin a témoigné du fait que dans la semaine du 3 au 9 septembre 2013, il a fait effectuer par l’entreprise Peinture MD Enr. les travaux de teinture extérieure de son domicile. Il dépose à cet égard une facture au montant de 2328,24 $ (pièce T-6) et précise que l’entrepreneur n’a pas compté le coût des produits appliqués, ceux-ci ayant déjà été achetés par le travailleur.

[24]        Le 17 octobre 2013, le travailleur rencontre le Dr Younès, orthopédiste, qui pose le diagnostic de neuropathie cubitale du membre supérieur gauche et de hernie musculaire au bras gauche. Une consultation auprès d’un chirurgien-plasticien est demandée et le Dr Younès recommande des traitements de physiothérapie pour le travailleur. À sa note de consultation adressée au Dr Auger, le Dr Younès rapporte ceci :

Cher Docteur,

 

Il s’agit d’un patient de 38 ans policier actuellement en assignation temporaire suite à un accident de travail suite à une arrestation en date du 29 mars 2013. Il subit un coup de talon sur l’avant-bras gauche. On diagnostiquait une hernie musculaire de la loge postérieure des muscles de l’avant-bras de taille de 2 à 3 cm avec douleur persistante à ce niveau, mais surtout apparition de paresthésies cubitales et de faiblesse intrinsèque au niveau de la main et du poignet gauche, le patient étant droitier.

 

Une électromyographie a déterminé une neuropathie cubitale légère à modérée. L’examen clinique à ce moment démontrait une faiblesse au niveau des fléchisseurs du 4e et 5e doigt ainsi qu’au niveau du poignet de même qu’une hypoesthésie dans la topographie cubitale du membre supérieur gauche.

 

Examen: actuellement, je ne détecte pas d’atrophie évidente interosseuse, mais une légère atrophie de l’avant-bras ainsi qu’une hernie musculaire à la loge des extenseurs et cubitaux. Il y a une faiblesse à la flexion du poignet et du 4e et 5e doigt. Hypoesthésie cubitale. Le Tinel est légèrement positif. Il est négatif au niveau du coude. Il n’y a pas de subluxation du nerf cubital. L’amplitude du coude est adéquate. Le test d’Adson et la manoeuvre de Sandres sont négatives. Il y a une légère douleur cervicale sans plus. Pas de spasme rachidien. Les mouvements de la ceinture scapulaire sont normaux.

 

Traitement: considérant que le test de Tinel est relativement négatif au niveau du coude, considérant qu’il y a une faiblesse intrinsèque de la main, je l’ai référé d’abord en. physiothérapie. Une opinion et transfert en chirurgie plastique a été demandée au CHUS afin de déterminer s’il pourrait bénéficier d’une transposition du nerf cubital du coude. [sic]

 

[25]        Le même jour, la CSST confirme lors d’une révision administrative sa décision du 25 juillet 2013, déclarant que pour l’instant, le travailleur n’a pas droit au remboursement des travaux de teinture extérieure de son domicile, d’où l’objet du présent litige. À sa décision, la réviseure retient notamment ceci :

[…]

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après la loi) prévoit que le travailleur qui subit une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle et qui est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion peut être remboursé, jusqu’à un certain montant, des frais qu’il engage pour faire exécuter ces travaux.

 

Le remboursement de frais engagés pour exécuter les travaux d’entretien courant du domicile est une mesure de réadaptation sociale qui ne peut être accordée que si l’atteinte permanente est grave. La gravité de l’atteinte permanente doit être appréciée en fonction de la capacité résiduelle et non par rapport au pourcentage d’atteinte permanente déterminé. C’est donc dire que la capacité du travailleur à exécuter l’activité pour laquelle il réclame de l’aide doit être évaluée en fonction des limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle. De plus, le travailleur doit démontrer qu’il effectuerait lui-même ces travaux si ce n’était de sa lésion.

 

Les travaux d’entretien courant du domicile réfèrent à des travaux d’entretien habituel, normal, ordinaire qui doivent être faits périodiquement ou selon les saisons et qui sont nécessaires pour conserver les lieux en bon état, tels le déneigement et l’entretien du terrain.

 

Au présent dossier, il appert effectivement que le travailleur effectuait lui-même ces travaux au moment de l’événement.

 

Bien que la lésion ne soit pas consolidée, la Commission, en révision, constate qu’il n’y a aucune information médicale au dossier qui lui permette de confirmer que le travailleur conservera une atteinte permanente grave et des limitations fonctionnelles qui l’empêcheront de faire les travaux de teinture extérieure de son domicile. Le travailleur est actuellement en période de soins et de traitements et sa condition médicale pourrait encore s’améliorer.

 

La Commission, en révision, est donc d’avis que le travailleur ne peut, pour l’instant, bénéficier de cette mesure de réadaptation professionnelle.

 

 

[26]        Le 1er novembre 2013, une lettre du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) informe le travailleur qu’il a été inscrit sur une liste d’attente de cet établissement pour une consultation en plastie. On explique à la lettre les modalités applicables en la matière et il est mentionné au travailleur que si son état devait s’aggraver, il doit communiquer avec son médecin référent pour que celui-ci communique à son tour avec le CHUS.

[27]        Le 14 novembre 2013, au rapport médical produit pour la CSST, le Dr Auger pose de nouveau les diagnostics de neuropathie cubitale gauche sévère et de hernie trans-aponévrotique. Le médecin indique qu’une consultation en plastie a été faite, des traitements de physiothérapie sont prescrits et le travail « léger » est maintenu pour le travailleur, le médecin ajoutant « pas de travail répétitif bras gauche; pas de charge ».

[28]        Le 27 novembre 2013, un rapport de physiothérapie indique : « Aucun changement depuis début de traitement en physio le 17 octobre 2013 ». Le physiothérapeute ajoute : « Plateau thérapeutique- aucun changement significatif » et il recommande ceci : « Vu le manque d’amélioration, pouvons-nous référer ce pt plus rapidement sur neurologue ? ».

[29]        Le 19 décembre 2013, le Dr Auger note que le travailleur « accuse une douleur augmentée au bras gauche depuis l’arrêt des traitements de physiothérapie, ainsi qu’une sensation de froideur ». Il demande à ce que les traitements de physiothérapie reprennent[9]. Le même jour, une note de physiothérapie fait état chez le travailleur d’une diminution de la sensation des 4e et 5e doigts, de froideur et de cyanose à la main gauche et de perte d’amplitude au 5e doigt gauche. Le physiothérapeute note : « détérioration significative a/n de la mobilité/sensation et force doigts 4 et 5 main gauche » et demande que l’on réfère le travailleur le plus rapidement possible à un neurologue/plasticien pour « éviter + détérioration ».

[30]        Le 13 février 2014, le Dr Auger pose les mêmes diagnostics de neuropathie cubitale gauche et de hernie trans-aponévrotique auxquels il ajoute celui de possible algodystrophie, pour lequel il demande une scintigraphie. À sa note de consultation, le Dr Auger indique : « Attente plastie CHUS; Physio Ok; douleur quasi constante avant-bras g.; chocs électriques avec décoloration blanchâtre; atrophie musc. avant-bras et face dorsale main ».

[31]        Le 17 février 2013, le physiothérapeute rapporte que « suite aux compensations liées à sa neuropathie, M. Gauvin se plaint de douleurs dorsales ». Il est recommandé que celui-ci se procure et utilise un « rouleau de foam » afin « d’augmenter sa mobilité et pour gérer sa douleur quotidiennement ».

[32]        À cet égard, monsieur Gauvin indique qu’il s’est procuré ce rouleau de « foam » et ajoute que la CSST a accepté d’en défrayer le coût.

[33]        Le 22 avril 2014, le Dr Auger parle toujours de neuropathie cubitale gauche et de hernie trans-aponévrotique. À sa note clinique, il rapporte un examen superposable à celui du 13 février 2014. Il note une paresthésie constante des doigts, une douleur au membre supérieur avec chocs électriques et une « main moite ». Les travaux « légers » sont maintenus, tout comme les traitements de physiothérapie. Il demande à revoir le travailleur dans deux mois, si celui-ci n’a toujours pas été vu en « plastie ».

[34]        Le 12 mai 2014, le physiothérapeute rapporte que la neuropathie du travailleur « ne semble pas s’améliorer » et que celui-ci se plaint d’anesthésie complète des 4e et 5e doigts gauches le matin avec engourdissement constant le jour. Il note de plus que « la motricité et la force ne s’est pas amélioré » [sic].

[35]        Le 15 mai 2014, le Dr Auger fait toujours les mêmes constats, tout comme le 19 juin 2014, alors qu’il rapporte : « douleur idem et faiblesse ».

[36]        Entre-temps, le 20 mai 2014, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que le diagnostic de hernie trans-aponévrotique de l’avant-bras gauche, posé chez le travailleur depuis le 19 juin 2013, est en relation avec l’événement du 29 mars 2013.

[37]        Le 23 juin 2014, le Dr Auger écrit la lettre suivante adressée au CHUS :

Bonjour,

 

Comme vous le savez, monsieur Gauvin est en attente de consultation en plastie depuis novembre 2013.

 

Comme déjà envoyé avec la consultation il présente un syndrome cubital gauche prouvé à I’EMG, suite à un coup sur l’avant-bras gauche. L’évènement est survenu au travail le 29 mars 2013. Monsieur est policier au sein de l’équipe tactique et ne peut exercer son métier depuis cet événement. Il présente des paresthésies sévères à la main gauche ainsi qu’une atrophie des muscles de la main.

 

Donc, je crois que sa condition est devenue urgente. J’espère qu’elle est encore réversible et qu’un geste chirurgical pourrait améliorer sa condition.

 

Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette demande.

 

 

[38]        Le 25 juin 2014, le CHUS écrit au travailleur pour l’informer qu’il est toujours sur la liste d’attente pour la consultation demandée en plastie.

[39]        Le 17 juillet 2014, le Dr Auger parle d’un état de « statu quo pour le bras gauche ».

[40]        Le 22 août 2014, le physiothérapeute écrit ceci à l’attention du Dr Auger :

Bonjour Dr Auger,

 

Nous traitons ce patient depuis octobre 2013 pour symptôme de neuropathie cubitale gauche. Les traitements en physio sont purement palliatifs et n’affecte [sic] pas ses symptômes à long terme. Envisagez-vous une consolidation ?

 

Nous avons atteint un plateau thérapeutique et suggérons un suivi en douleur chronique au besoin.

 

Merci de partager votre avis.

[41]        Le 25 août 2014, le Dr Auger note : « bras gauche idem. Douleur près omoplate gauche X mois parce que force différemment avec msg ». Le médecin demande de cesser les traitements de physiothérapie car un plateau est atteint. Au rapport médical produit pour la CSST, le Dr Auger pose toujours le diagnostic de neuropathie cubitale gauche, mais il ajoute celui de « tendinite du rhomboïde gauche secondaire qui persiste ». Le 2 octobre 2014, le Dr Auger fait les mêmes constats.

[42]        Monsieur Gauvin a longuement témoigné lors de l’audience. En sus des quelques éléments mentionnés précédemment, le tribunal retient de ce témoignage les éléments pertinents suivants.

[43]        D’emblée, le tribunal tient à préciser qu’il accorde une très grande crédibilité aux propos tenus par le travailleur. En aucun moment celui-ci n’a-t-il cherché à exagérer les symptômes qu’il ressent depuis la survenue de sa lésion professionnelle ou tenté d’en exagérer les conséquences quant au déroulement de ses activités tant personnelles que professionnelles.

[44]        Monsieur Gauvin indique que dans le cadre de son travail de policier affecté à l’équipe d’intervention tactique, avec affectation particulière à l’équipe dite « des irritants chimiques », il doit présenter une excellente condition physique dans la mesure où il doit porter et manipuler du matériel et de l’équipement lourd. Il ajoute qu’une dextérité accrue est requise pour la manipulation de tels produits irritants.

[45]        Par ailleurs, monsieur Gauvin indique que depuis la survenue de sa lésion professionnelle le 29 mars 2013, il a toujours présenté les mêmes symptômes, lesquels n’ont jamais diminué : douleur au site lésé (avant-bras gauche), mais également à la main gauche, incluant les doigts, alors qu’il montre au tribunal que le 5e doigt de sa main gauche demeure en flexion de façon permanente.

[46]        Le travailleur explique qu’au fil des mois qui ont passé depuis son accident du travail, il s’est vu prescrire des orthèses de jour et de nuit pour sa main gauche. Par ailleurs, il décrit que des douleurs et des engourdissements se sont propagés vers la main et les doigts gauches, mais également jusqu’à l’épaule gauche. À cet égard, son médecin a diagnostiqué il y a quelques mois une tendinite du rhomboïde gauche et le travailleur précise que la CSST doit éventuellement statuer sur l’admissibilité de ce dernier diagnostic.

[47]        Monsieur Gauvin ajoute avoir reçu des traitements de physiothérapie pendant de nombreux mois pour sa main et avant-bras gauches et avoir atteint un plateau thérapeutique. Il précise qu’en cours de traitements, il a été noté l’apparition de problèmes au niveau de son rhomboïde gauche et on lui a également prodigué des traitements à ce niveau.

[48]        À l’heure actuelle et après un suivi médical de plus de 18 mois depuis son accident du travail, monsieur Gauvin constate que la force de sa main gauche a énormément diminué, celle-ci ayant été évaluée à une perte de 40 % par son entraîneur physique, l’empêchant d’exécuter de nombreuses activités de la vie courante.

[49]        Interrogé plus avant par le tribunal, le travailleur indique qu’à son avis, il ne pourrait effectuer son travail régulier de policier affecté à l’escouade d’intervention tactique notamment parce que, bien que droitier :

1) il ne pourrait tirer correctement, car l’état de sa main gauche, qui sert de support au tir et en permet le contrôle, ne le permet tout simplement pas, notamment en raison de la perte importante de force dans cette main;

 

2) il ne pourrait tenir son bouclier lors d’une intervention, précisant qu’il doit tenir celui-ci de sa main gauche;

 

3) il ne pourrait recharger son arme après avoir ouvert son ceinturon pour en extraire les balles, ayant perdu de la dextérité à sa main gauche;

 

4) il ne pourrait fouiller un prévenu, car il n’a pas de sensation à sa main gauche;

 

5) il ne peut apposer des menottes à un prévenu, ce qui nécessite notamment l’usage de son petit doigt gauche, vu l’état de flexion de ce doigt.

 

 

[50]        Monsieur Gauvin explique par ailleurs qu’il est en attente d’une consultation en plastie depuis le mois d’octobre 2013, alors qu’il a rencontré le Dr Younès, orthopédiste, en vue de subir une chirurgie pour une hernie trans-aponévrotique, mais également en vue d’une transposition du nerf cubital. Il ajoute que le Dr Auger, en juin 2014, a fait une relance de cette demande « en urgence » et que son employeur a même tenté d’obtenir « au privé », sans succès, une telle consultation.

[51]        Quant à sa demande de remboursement pour les travaux de teinture extérieure de son domicile, le travailleur explique qu’il possède une résidence en « pièces sur pièces » en bois, construite il y a environ 7 ans (une photo est produite sous T-4) et que la teinture extérieure protectrice doit être refaite à une période fixe d’environ 5 ans.

[52]        Il ajoute que cette application de teinture doit absolument être faite au terme de cette période, car sinon, la protection apportée au bois par la teinture diminue rapidement, ce qui implique une dégradation rapide de la teinture en place par écaillement, requérant par la suite des travaux additionnels importants de sablage. Au surplus, un manque de protection adéquate du bois permet l’infiltration d’eau et laisse place aux fourmis charpentières, augmentant d’autant le coût d’une éventuelle réfection.

[53]        Monsieur Gauvin indique qu’il a procédé lui-même à l’application initiale de la teinture extérieure de sa résidence et qu’il projetait de refaire lui-même ce travail au printemps 2013, soit avant l’été, période qui n’est pas propice pour ce type de travail. Pour ce faire, il a acheté les gallons de teinture nécessaires. D’ailleurs, il ajoute avoir déjà fait de semblables travaux pour d’autres résidences lui ayant appartenu dans le passé.

[54]        Toutefois, il a été blessé au travail le 29 mars 2013 de sorte qu’il ne pouvait plus effectuer les travaux de teinture extérieure projetés, étant notamment incapable de grimper dans des échafaudages, de sabler le bois à l’aide d’une sableuse ou même de manipuler gallons de teinture ou pinceaux.

[55]        Aussi en juillet 2013, il s’est informé auprès de son agent d’indemnisation pour savoir si la CSST acceptait de défrayer le coût de tels travaux dans une situation comme la sienne. Le travailleur affirme que l’agent d’indemnisation à qui il s’est adressé lui a dit que dans un cas comme le sien, il pourrait avoir droit à un tel remboursement et qu’on lui a alors conseillé de produire une demande écrite à cet égard, ce qu’il a fait.

[56]        Monsieur Gauvin précise que même si sa demande a été refusée par la CSST, il a fait effectuer les travaux par l’entrepreneur qui lui avait précédemment donné une soumission, précisant que les travaux en question ne pouvaient attendre si l’on ne voulait pas que le passage du temps ne complique la situation. À ce sujet, le travailleur a obtenu de l’entrepreneur Peinture MD une courte lettre explicative, confirmant l’à-propos de procéder immédiatement aux travaux de teinture extérieure de la résidence du travailleur. On peut y lire ceci :

Objet : Lettre de recommandation pour CSST

 

La présente est pour confirmer que suite à une demande d’estimation de l’état des murs extérieurs de la maison de M Gauvin, je lui ai fortement recommandé d’appliquer une couche de vernis (Sikkens, cetol 23) sur tous les murs avant l’hiver. Comme M. Gauvin ne pouvait exécuter les travaux lui-même, il m’a confié le projet. Les travaux ont été exécutés conformément à l’estimation, sans délai ni surplus.

 

Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec moi.

Mathieu Desrosiers

 

L’AVIS DES MEMBRES

[57]        Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales partagent le même avis et croient que la requête du travailleur doit être accueillie.

[58]        Pour les membres, la preuve présentée démontre que le travailleur était incapable en juillet 2013 d’effectuer lui-même les travaux de teinture extérieure de son domicile, travaux qu’il aurait effectués lui-même, n’eût été sa lésion professionnelle subie en mars 2013 et qu’il en serait toujours incapable encore aujourd’hui.

[59]        Les membres sont également d’avis que la CSST pouvait autoriser le remboursement du coût de tels travaux d’entretien courant du domicile du travailleur même si sa lésion n’était pas consolidée puisqu’il est manifeste, de l’analyse du dossier, que le travailleur, en raison de limitations fonctionnelles temporaires, ne pouvait effectuer lesdits travaux et que, par ailleurs, il était également prévisible que le travailleur conserverait, ultimement, des séquelles permanentes de sa lésion professionnelle.

[60]        À cet égard, les membres constatent que la jurisprudence du tribunal confirme le droit d’un travailleur au remboursement de frais relatifs à des travaux d’entretien courant de son domicile dans des situations analogues à celle du travailleur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[61]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement qu’il réclame, au titre de frais d’entretien de son domicile, pour des travaux de teinture extérieure qu’il a fait exécuter en septembre 2013 à sa résidence.

[62]        L’article 165 de la loi prévoit ceci :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

[63]        La décision de la CSST repose sur une interprétation stricte de l’article 165 de la loi. Avec égards, le soussigné est d’avis que la position adoptée par la CSST est mal fondée, et ce, pour les motifs suivants.

[64]        L’article premier de la loi prévoit ceci :

1.  La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

[65]        La  jurisprudence des tribunaux supérieurs[10], confirmant en cela celle de la Commission des lésions professionnelles[11], rappelle le caractère social de la loi et son objet visant la réparation des conséquences qu’entraîne une lésion professionnelle.

[66]        Parmi les mesures prévues par le législateur pour répondre aux obligations édictées à l’article 1 de la loi, un chapitre entier est consacré à la « réadaptation ». L’article 145 de la loi prévoit ceci :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

[67]        Les articles 148 à 151 de la loi déterminent ce que peut inclure un programme de réadaptation physique alors que les articles 152 à 165 traitent de réadaptation sociale et les articles 166 à 178 s’intéressent à la réadaptation professionnelle d’un travailleur.

[68]        Les articles 151 et 152 de la loi prévoient ceci :

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 


152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

[69]        Le présent litige découle expressément d’une demande formulée par le travailleur pour qu’on lui rembourse les frais de teinture extérieure de son domicile. Une telle demande relève directement du 5e alinéa de l’article 152 précité.

[70]         La jurisprudence a défini que la notion de « travaux d’entretien courant du domicile » vise des travaux qui sont exécutés pour maintenir en bon état le domicile et dont la nature même de ces travaux fait qu’ils sont habituels, ordinaires et banals[12], en opposition à des travaux inhabituels ou extraordinaires[13].

[71]        Ainsi, il a notamment été déterminé que des travaux de peinture[14], ou de teinture[15], peuvent constituer de tels travaux d’entretien courant du domicile.

[72]        En l’espèce, le soussigné retient du témoignage éloquent du travailleur que sa résidence, une maison en bois de type « log house », pièce sur pièce, requiert un entretien extérieur nécessitant l’application d’une teinture de type vernis environ tous les cinq ans et qu’à défaut de respecter cette échéance, la teinture en place aura tendance à s’écailler ce qui, à terme, entraînera des travaux de mise à niveau beaucoup plus exigeants et dispendieux. De l’avis du soussigné, de tels travaux de teinture extérieure constituent indubitablement des travaux d’entretien courant du domicile du travailleur, étant donné les caractéristiques propres de sa résidence.

[73]        Ceci étant, l’article 165 de la loi, cité précédemment, prévoit que pour qu’un travailleur puisse se voir rembourser le coût de travaux d’entretien courant de son domicile, les conditions suivantes doivent également être remplies :

1) le travailleur a subi une atteinte permanente grave en raison de sa lésion professionnelle;

 

et

 

2) le travailleur doit démontrer qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, travaux qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion professionnelle.

 

[74]        En l’espèce, la preuve présentée par le travailleur à l’audience quant à la seconde condition édictée à l’article 165 de la loi est patente.

[75]        Avant même de se blesser au travail en mars 2013, le travailleur avait acheté les gallons de teinture nécessaires à l’entretien extérieur de son domicile et il prévoyait effectuer lui-même ces travaux « avant l’été », cette saison n’étant pas propice en raison de la chaleur à l’application de teinture. Par ailleurs, le travailleur avait lui-même effectué la première application de teinture extérieure de sa résidence, quelques années auparavant, travaux qu’il avait déjà faits pour d’autres résidences lui ayant également appartenu.

[76]        De l’avis du tribunal, il est manifeste que, n’eût été la survenue de sa lésion professionnelle en mars 2013, le travailleur aurait effectué lui-même les travaux de teinture extérieure de son domicile, seconde condition requise pour l’application de l’article 165 de la loi.

[77]        Ceci étant, qu’en est-il de la première condition, soit que le travailleur « ait subi une atteinte permanente grave en raison de sa lésion professionnelle » ?

[78]        La notion d’atteinte permanente grave a donné lieu à une abondante jurisprudence du tribunal, et ce, depuis fort longtemps. Dans l’affaire Chevrier et Westburne ltée et CSST[16], la Commission d’appel en matière de lésion professionnelle énonçait les principes suivants, principes toujours applicables :

« La Commission d’appel considère que l’article 165 doit s’interpréter à la lumière de l’objet de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et du but envisagé par la réadaptation sociale. Or, la loi, tel que le prévoit son article 1, a comme objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. La réadaptation sociale a, selon l’article 151, pour but d’aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

 

Dans cette optique, le mot grave qui qualifie l’atteinte permanente à l’article 165, ne doit pas être considéré isolément. L’article doit être lu dans son ensemble et dans le contexte de l’objet de la loi et du but recherché par la réadaptation sociale. Il y a donc lieu d’analyser le caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Donc, pour avoir droit au remboursement de frais d’entretien pour une chose particulière, il faut que le travailleur ait une atteinte permanente qui est suffisamment grave pour l’empêcher d’accomplir ce travail d’entretien courant particulier de son domicile vu que le but d’une telle mesure de réadaptation est de rendre le travailleur autonome. »

 

[Le soulignement est du soussigné]

 

[79]        Dans l’affaire Grenier et Manac inc.[17], le tribunal ajoutait que la gravité de l’atteinte permanente doit être appréciée en fonction de chacun des travaux particularisés pour lesquels le travailleur demande le remboursement :

[49]  De ces nombreuses décisions, le tribunal retient que le caractère grave d’une atteinte permanente s’analyse en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Ce faisant, le pourcentage de l’atteinte permanente n’est pas le seul critère d’analyse. Cette analyse doit tenir compte de la situation particulière et réelle du travailleur. Et ce, tant en ce qui concerne sa condition physique qu’en ce qui a trait aux activités d’entretien courant réalisées. La notion d’atteinte permanente grave peut donc s’avérer être une notion très relative. En fait, comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc13 pour un même travailleur, il est possible de conclure à l’existence d’une atteinte permanente grave eu égard à certaines activités visées par l’article 165 alors qu’il peut en être autrement pour d’autres activités.

______________________

(13) Voir note 8.

 

[Les soulignements sont du soussigné]

 

 

[80]        De ces principes, le soussigné retient que la notion d’atteinte permanente grave édictée par l’article 165 de la loi est somme toute, comme le dit le tribunal dans l’affaire Grenier et Manac inc. précitée, une notion « très relative » qui ne se définit pas nécessairement en raison d’un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique d’un travailleur qui pourrait être établi au terme de la consolidation de sa lésion professionnelle, mais bien davantage en terme de perte d’autonomie par le travailleur, et ce, en raison de la présence de limitations fonctionnelles qui l’empêchent d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, travaux pour lesquels il doit s’astreindre à les faire exécuter par un tiers.

[81]        En l’espèce, il est manifeste de l’analyse de la décision rendue par la CSST le 25 juillet 2013 que le refus de la demande, présentée par le travailleur pour que lui soient remboursés les frais d’entretien de sa résidence, soit pour des travaux de teinture extérieure, repose sur le fait qu’au moment où cette demande a été présentée, la lésion professionnelle du travailleur n’était manifestement pas consolidée et, par voie de conséquence, l’on n’avait toujours pas déterminé si celui-ci en conserverait une « atteinte permanente grave ».

[82]        De même, dans sa décision rendue le 17 octobre 2013 lors d’une révision administrative, la CSST reconnaît que le travailleur aurait effectué lui-même les travaux d’entretien de son domicile en question, mais précise qu’il ne peut se faire rembourser le coût de tels travaux, pour l’instant, puisque de l’avis de la réviseure, « il n’y a aucune information médicale au dossier qui permette de confirmer que le travailleur conservera une atteinte permanente grave et des limitations fonctionnelles qui l’empêcheront de faire les travaux de teinture extérieure de son domicile », alors que « le travailleur est actuellement en période de soins et traitements et sa condition médicale pourrait encore s’améliorer ».

[83]        Le tribunal constate que l’approche retenue par la CSST à l’égard de la demande présentée par le travailleur se résume essentiellement à ceci : tant qu’on ne connaît pas l’atteinte permanente, et surtout la nature et/ou l’existence de limitations fonctionnelles chez le travailleur, qui seront déterminées au terme de la consolidation de la lésion professionnelle, il est dès lors impossible de déterminer si le travailleur a subi une atteinte « permanente grave » et partant, aucune demande formulée par le travailleur en vertu de l’article 165 de la loi ne peut lui être accordée.

[84]        De l’avis du soussigné, il est certes plus aisé, comme le laisse voir la CSST à sa décision, avant de déterminer si un travailleur a droit au remboursement de frais d’entretien courant de son domicile, d’attendre que la lésion professionnelle soit consolidée et qu’au terme de cette consolidation, l’on ait évalué si le travailleur en conserve une atteinte permanente et/ou des limitations fonctionnelles. L’on peut ainsi mieux définir si le travailleur « a subi une atteinte permanente grave » au sens de l’article 165 de la loi.

[85]        Toutefois, le soussigné estime qu’une telle approche peut amener une importante injustice pour un travailleur qui, comme en l’espèce, est en attente d’une chirurgie, retardant d’autant la consolidation de sa lésion professionnelle et la détermination des séquelles permanentes qu’il pourrait conserver de sa lésion professionnelle alors même qu’il doit faire face à la nécessité d’effectuer des travaux qui, comme le nom l’indique, sont des travaux d’entretien « courant » pour son domicile, alors qu’il est visiblement incapable d’effectuer ceux-ci lui-même.

[86]        Dans un tel cas, le travailleur n’a d’autre choix que de se résoudre à faire effectuer les travaux par un entrepreneur, à défrayer lesdits coûts et à supporter ces frais tout en espérant qu’un jour, la CSST consentira à les lui rembourser une fois qu’il aura pu établir qu’il conserve de sa lésion une atteinte permanente grave de sa lésion.

[87]        Avec égards, une telle approche de la CSST ne respecte pas l’esprit social de la loi et son objet même, à savoir la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour le travailleur, l’incapacité d’un travailleur d’effectuer des travaux courants d’entretien de son domicile, en raison de limitations fonctionnelles à tout le moins temporaires, étant certes l’une des conséquences possibles découlant d’une lésion professionnelle.

[88]        Pour le soussigné, cette approche de la CSST ne respecte pas davantage l’esprit de l’article 151 de la loi qui précise que la réadaptation sociale, dont la mesure prévue à l’article 165 fait partie, a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle.

[89]        Le tribunal souligne que le droit à la réadaptation édicté à l’article 145 de la loi requiert que le travailleur ait « subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ». Néanmoins, la jurisprudence du tribunal enseigne que ce droit peut être reconnu à un travailleur, avant même que ne soit établie chez lui l’existence d’une telle atteinte permanente au terme de la consolidation de sa lésion, s’il est manifeste de l’analyse du dossier que celui-ci conservera une telle atteinte permanente[18].

[90]        De l’avis du soussigné, par analogie avec le principe mentionné précédemment, rien n’empêche par ailleurs la CSST de déterminer qu’un travailleur a droit au remboursement de frais pour l’entretien courant de son domicile, et ce, même si sa lésion professionnelle n’est pas consolidée, contrairement à ce qu’a déterminé la CSST en l’espèce.

[91]        Telle est d’ailleurs la conclusion à laquelle la Commission des lésions professionnelles en est arrivée dans l’affaire Nadeau et Meubles J.P Giguère et CSST[19], affaire présentant de grandes analogies avec le présent cas, notamment en raison du fait que dans cette affaire, tout comme dans le présent cas, le travailleur était en attente d’une chirurgie en lien avec sa lésion professionnelle.

[92]        Dans cette affaire Nadeau, le tribunal, après avoir déterminé que la lésion professionnelle du travailleur n’était pas consolidée (il s’agissait de l’un des litiges dont le tribunal était saisi), devait déterminer si le travailleur pouvait occuper un emploi convenable (autre litige) et enfin se prononcer sur le droit du travailleur au remboursement de frais de déneigement, soit des frais d’entretien courant du domicile au sens de l’article 165 de la loi. Le tribunal énonce alors ceci :

[131]   Dans de telles circonstances, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que la preuve médicale établit, de manière probante, que la lésion du travailleur n’est pas consolidée en date du 7 août 2006.

 

[132]    Aussi, doit-elle conclure, par la même occasion, que cette lésion requiert des soins ou traitements additionnels, soit la nécessité de la pratique d’une chirurgie décompressive, telle que recommandée par le docteur Jean-Marc Lépine.

 

[133]  Compte tenu de cette première conclusion, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il s’avère prématuré de déterminer si la lésion professionnelle permet l’octroi d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles.

 

[134]   La Commission des lésions professionnelles doit ensuite déterminer si le travailleur est capable, en date du 10 janvier 2007, d’exercer l’emploi convenable de cuisinier et ce, en référence à la décision rendue par la CSST, le 23 mars 2006, à la suite d’une révision administrative.

 

[135]      Or, compte tenu de la conclusion ci-haut à laquelle est parvenue la Commission des lésions professionnelles, il y a lieu de déclarer qu’il s’avère prématuré de déterminer, en date du 10 janvier 2007, un emploi convenable.

 

[136]      La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer si le travailleur a droit, pour la saison hivernale 2006-2007, au remboursement de frais de déneigement.

 

[137]      La loi prévoit que la réadaptation sociale peut inclure notamment le remboursement des frais engendrés pour des travaux d’entretien courants du domicile.

 

[138]      L’article 165 de la loi prévoit les conditions de remboursement de ces frais :

 

               […]

 

[139]      Le législateur a ainsi prévu qu’un travailleur peut être remboursé de tels frais dans la mesure où il démontre qu’une atteinte permanente grave à son intégrité physique résulte de sa lésion professionnelle, que les travaux qu’il est incapable de faire en raison de cette atteinte permanente constituent des travaux d’entretien courant du domicile et qu’il aurait normalement lui-même effectué ces travaux si ce n’était de sa lésion professionnelle.

 

[140]      Suivant la jurisprudence bien établie du tribunal, l’analyse du caractère «grave» d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ne doit pas se faire uniquement en regard du pourcentage de cette atteinte permanente, mais en tenant également compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les travaux visés par l’article 165, compte tenu des limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.

 

[141]     Sur cet aspect, la Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit dans l’affaire Lalonde et Mavic Construction et CSST5 :

 

« […]

 

[46] La jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a établi que l’analyse du caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique doit s’effectuer en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi2. Dès lors, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas le critère unique et déterminant à tenir compte. Il faut s’interroger sur la capacité du travailleur à effectuer lui-même les travaux en question compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Soulignons que les limitations fonctionnelles mesurent l’étendue de l’incapacité résultant de la lésion professionnelle.

 

[…]

_____________

(2) Chevrier et Westburne ltée, CALP 16175-08-8912, 1990-09-25, M. Cuddihy; Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] CALP 605; Gastier inc. et Landry, CLP 118228-63-9906, 1999-11-03, M. Beaudoin; Dorais et Développement Dorais enr., CLP 126870-62B-9911, 127060-62B-9911, 2000-07-11, N. Blanchard; Allard et Plomberie Lyonnais inc., CLP 141253 04B-0006, 2000-12-11, H. Thériault; Thibault et Forages Groleau (1981), CLP 131531 08-0001, 130532-08-0001, 2001-03-23, P. Simard.

_____________________________

(5) 46710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.

 

 

[142]    Par conséquent, le travailleur doit être en mesure de démontrer qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien concernés et qu’il effectuerait lui-même de tels travaux, n’eut été de sa lésion professionnelle.

 

[143]       Dans le cas soumis, la lésion subie par le travailleur, au niveau lombaire, n’est pas consolidée et ce, en référence à l’une des conclusions énoncées ci-haut par la Commission des lésions professionnelles. Aussi, ce n’est que lorsque son médecin aura complété un rapport d’évaluation médicale, aux fins d’évaluer les séquelles de la lésion et après consolidation de cette dernière, qu’il sera possible d’apprécier le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique résultant de cette lésion et la nature des limitations fonctionnelles permanentes qui pourront en résulter. Certes, ce rapport d’évaluation médicale ne sera complété que lorsque la lésion aura été consolidée.

 

[144]    Toutefois, bien qu’il s’avère prématuré d’apprécier le caractère de gravité de l’atteinte permanente qui pourra résulter de la lésion, il n’en demeure pas moins que la Commission des lésions professionnelles considère que la chirurgie qui sera effectuée permet tout de même de prévoir l’octroi d’un certain pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et ce, en conformité avec le barème.

 

[145]      La difficulté qui subsiste réside dans le fait que ce n’est qu’au moment que le médecin du travailleur aura complété le rapport d’évaluation médicale qu’il sera possible de savoir s’il y a lieu d’octroyer également des limitations fonctionnelles permanentes.

 

[146]      Pour le moment et ce, en référence au rapport du BEM du 1er novembre 2006, il n’en demeure pas moins que l’évaluation effectuée par le docteur Bouchard permet d’envisager minimalement un déficit anatomophysiologique de 2 % et ce, pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées.

 

[147]      De plus, dans l’attente de connaître la nature même de ces limitations fonctionnelles, il n’en demeure pas moins que la blessure en cause n’est toujours pas consolidée et que la capacité résiduelle du travailleur est assurément diminuée et ce, d’autant plus qu’il est en attente d’une chirurgie.

 

[148]    Dans de telles circonstances, la Commission des lésions professionnelles croit que les limitations fonctionnelles temporaires dont le travailleur est assurément porteur sont certes incompatibles avec la nature des travaux requis pour effectuer le déneigement de l’entrée de sa résidence et ce, pour la saison hivernale 2006-2007.

 

[Tous les soulignements sont du soussigné]

 

[93]        Au terme de son analyse, le tribunal dans cette affaire Nadeau, en arrive à la conclusion que la preuve présentée permet de retenir que dans l’état actuel de son dossier, le travailleur était incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, soit des travaux de déneigement, et qu’il avait droit au remboursement des frais encourus pour ces travaux.

[94]        Le soussigné partage entièrement l’analyse proposée dans cette affaire et estime que dans le présent dossier, une semblable conclusion s’impose, et ce, pour les motifs suivants.

[95]        D’une part, l’analyse du suivi médical du travailleur, suivi largement documenté lors de l’audience, révèle une nette dégradation de la condition du travailleur depuis la survenue de sa lésion professionnelle, et ce, malgré les traitements de physiothérapie reçus, le tout en attente d’une chirurgie prescrite au travailleur depuis plus d’un an maintenant.

[96]        À cet égard, le tribunal constate qu’au diagnostic initialement reconnu par la CSST de neuropraxie cubitale gauche, s’est ajouté celui de hernie trans-aponévrotique, lésions pour lesquelles la chirurgie a également été demandée. Par ailleurs, en cours de suivi médical, le diagnostic  « algodystrophie possible » a été posé par le médecin du travailleur ainsi que celui de « tendinite du rhomboïde gauche secondaire », diagnostics qui devraient éventuellement faire l’objet d’une décision de la part de la CSST.

[97]        Mais surtout, le tribunal retient des éléments médicaux produits, ainsi que du témoignage du travailleur, qu’il a été noté chez le travailleur des signes cliniques objectifs d’atrophie et de perte de sensibilité au niveau de la main gauche ainsi que de perte de force importante à cette main, tout comme le tribunal a pu constater que le 5e doigt de la main gauche du travailleur demeure en flexion, signes clairement annonciateurs d’une éventuelle atteinte permanente ou d’éventuelles limitations fonctionnelles permanentes chez celui-ci.

[98]        Et ce, sans compter les très probables séquelles qui résulteront de la chirurgie que devra subir le travailleur, espérons-le pour lui, sous peu. À cet égard, le tribunal retient que dans sa lettre du 23 juin 2014, le médecin traitant du travailleur, le Dr Auger, réitère l’urgence de la chirurgie requise et laisse voir qu’il espère qu’il ne soit pas trop tard ce qui, de l’avis du soussigné, milite fortement à penser qu’à l’heure actuelle, il est déjà « probable » que le travailleur conservera de sa lésion professionnelle une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles.

[99]        Ceci étant, le tribunal constate qu’au demeurant, lorsque le travailleur a présenté sa demande à la CSST pour se voir rembourser les travaux de teinture extérieure de son domicile, il était à ce moment clairement porteur de limitations fonctionnelles temporaires, ne pouvant effectuer son travail régulier et occupant alors un « travail léger ». Cette condition de limitations fonctionnelles temporaires a persisté par la suite et encore aujourd’hui, monsieur Gauvin ne pouvant toujours pas occuper son poste de policier.

[100]     Dans l’affaire J.L. et Compagnie A[20], affaire présentant également de grandes analogies avec le présent litige, le tribunal énonce ceci :

[29] La CSST avait-elle besoin de sursoir au paiement des frais de tonte du gazon seulement parce que la dernière des rechutes n’était pas encore consolidée ? 

 

[30] Le tribunal estime qu’il faut répondre par la négative lorsque la preuve permet de conclure que le travailleur a déjà des restrictions physiques, même temporaires, en attendant une chirurgie, restrictions qui l’empêchent de s’occuper lui-même de la tonte du gazon.

 

[31] Il s’agit d’une solution simple et éminemment logique au problème d’un travailleur qui est en droit de s’attendre à ce que la CSST l’indemnise pour les conséquences de sa lésion professionnelle.  Il s’agit-là de l’objet de la Loi :

 

[…]

 

[32] La Commission des lésions professionnelles a d’ailleurs déjà accepté le remboursement de travaux d’entretien pour des limitations fonctionnelles temporaires qui sont incompatibles avec la nature des travaux4.  Et ceci, même si une chirurgie était prévue et qu’il était encore prématuré d’apprécier le caractère de gravité de l’atteinte permanente.  De plus, lorsqu’il est possible de prévoir qu’une atteinte grave au sens de l’article 165 de la Loi résultera de la lésion professionnelle, et même avant la date de consolidation d’une lésion, le remboursement des frais d’entretien peut être accordé5.

_____________________

(4) Nadeau et Meubles J.P. Giguère inc., C.L.P. 305778-31-0612, 19 novembre 2007, C. Lessard, (07LP 208).

(5) R…L… et Compagnie A, C.L.P. 261471-62C-0505, 20 février 2009, I. Therrien, (08LP-287).

 

[101]     Par analogie avec les principes énoncés dans les affaires Nadeau et Meubles J.P. Giguère inc. et CSST, et J.L. et Compagnie A, précitées, le soussigné est donc d’avis que la demande présentée par le travailleur à la CSST le 17 juillet 2013 était recevable et en conséquence, le tribunal est d’avis que la présente requête du travailleur doit être accueillie.

[102]     Pour le tribunal, la preuve présentée permet de conclure que le travailleur était, au moment où il a présenté sa demande à la CSST, tout comme encore aujourd’hui, incapable d’effectuer lui-même les travaux d’entretien courant de son domicile soit les travaux de teinture extérieure, travaux qu’il aurait effectués n’eut été l’atteinte grave qu’il a subie de sa lésion professionnelle, et ce, même si la CSST ne pouvait précisément définir la teneur des limitations fonctionnelles et de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur lors de la demande, sa lésion n’étant pas consolidée[21].

[103]     Pour l’ensemble de ces motifs, la requête du travailleur doit être accueillie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Christian Gauvin déposée le 25 octobre 2013;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 octobre 2013 lors d’une révision administrative;


DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien courants de son domicile, soit des travaux de teinture extérieure effectués en septembre 2013, sur production de pièces justificatives.

 

 

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Michel Watkins

 

 

 

 

Me Julien David Hobson

TRUDEL, NADEAU AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 

Mme Sylvie Whittom

SERVICE DU CAPITAL HUMAIN

Représentante de la partie intéressée

 



[1]          RLRQ, c. A-3.001

[2]        Note du tribunal : tel qu’il appert de la note de l’agente Provencher de la CSST du 10 avril 2013.

[3]        Décision de la CSST du 10 mai 2013.

[4]        Note du tribunal : il s’agit manifestement d’une erreur, le médecin décrivant un examen du membre supérieur gauche et non droit.

[5]        Note du tribunal : on ne retrouve pas au dossier les résultats de ce test. Toutefois, le Dr Auger commente ce rapport à sa note de consultation du 19 juin 2013.

[6]        Note du tribunal : à sa note de consultation, le Dr Auger indique : « EMG : Rapport verbal hier; atteinte n. cubital g modérée ».

[7]        Note du tribunal : une « proposition de service » du 10 juillet 2013 par l’entreprise Peinture MD Enr. est jointe à cette demande. Une estimation pour un total de 2700 $ y apparaît, incluant 450 $ pour le coût de gallons de teinture.

[8]        Note du tribunal : tel qu’il appert de la note de l’agent Poissant du 15 août 2013.

[9]        Note du tribunal : tel qu’il appert de la note de consultation du Dr Auger. On ne retrouve pas au dossier d’attestation médicale pour la CSST pour cette consultation du 19 décembre 2013.

[10]       Voir par exemple : Chaput c. S.T.C.U.M., [1992] C.A.L.P. 1253 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993 ; Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés des services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345; Lajoie c. CLP, [2002] C.L.P. 476 (C.A.); Provigo inc. c. Lachapelle, [2006] C.L.P. 505 (C.A.).

[11]       Voir par exemple : W. Laframboise ltée et CSST, [2000] C.L.P. 881; S...S... et Compagnie A, C.L.P. 330179-63-0710, 8 mars 2010, J.-P. Arsenault; Ladora et Hôpital Rivière-des-Prairies, C.L.P. 262039-64-0505, 13 mars 2007, J.-F. Martel.

[12]       Voir par exemple : Champagne et Métallurgie Noranda inc. (Horne), C.L.P. 144899-08-0008, 1er mars 2001, P. Prégent; Rouette et Centre hospitalier Cooke, C.L.P. 141411-04-0006, 31 mai 2001, S. Sénéchal;

[13]       Voir par exemple : Lévesque et Mine Northgate, [1990], CALP 683; Pelletier et CSST, C.L.P. 145673-08-0008, 25 septembre 2001, S. Lemire.

[14]       Voir par exemple : Ouimet et Revêtements Polyval inc., C.L.P. 157104-61-0103, 26 septembre 2001, L. Nadeau ; Jean et Lambert Somec inc., C.L.P. 122765-71-9909, 31 janvier 2000, M. Bélanger; Thériault et Minnova inc., C.L.P. 113468-02-9903, 27 février 2001, R. Deraiche; Castonguay et St-Bruno Nissan inc., C.L.P. 137426-62B-0005, 21 novembre 2001, Alain Vaillancourt; Piché et Forage Dominik (1981) inc., C.L.P. 322769-08-0707, 21 janvier 2008, F. Daigneault.

[15]       Voir par exemple : Claveau et industrie GMI Inc. et CSST, 2008 QCCLP 7445; Cartier et Transport Laurentien Ltée, C.L.P. 367033-63-0901, 22 mars 2010, M. Gauthier;

[16]       C.A.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy; Voir également : Boileau et Les Centres jeunesse de Montréal, C.L.P. 103621-71-9807, 1er février 1999, Anne Vaillancourt; FilIion et PE Boisvert Autos ltée, C.L.P. 110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier.

[17]       C.L.P. 297919-04-0608, 26 novembre 2007, S. Sénéchal.

 

 

[18]       Voir par exemple : Langelier et Entreprises André et Ronald Guérin ltée, C.L.P. 126249-01B-9910, 15 mars 2001, L. Desbois; Labelle et Labelle, [2008] C.L.P. 874; Pagé et Fromagerie de Corneville, C.L.P. 390803-62B-0910, 6 avril 2010, M. Watkins.

[19]       C.L.P. 305778-31-0612 et al, 19 novembre 2007, C. Lessard. Voir dans le même sens : Leblanc et Edwin Aucoin, 2011 QCCLP 5917.

[20]         2012 QCCLP 7173. Voir aussi : Laurencelle et Entreprises Presqu'île inc., 2013 QCCLP 1157.

 

[21]       Voir sur cet aspect l’intéressante analyse faite par le tribunal dans l’affaire Fraser et Arrondissement St-Léonard, 2011 QCCLP 8339. Voir aussi : Léonard et Asphalte Béton, Carrières Rive-Nord inc. C.L.P. 362512-64-0811, 1er octobre 2009, J-D Kushner.

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