Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Billingsley et Commission scolaire Lester B. Pearson

2014 QCCLP 1310

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

28 février 2014

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

460019-71-1201

 

Dossier CSST :

138410394

 

Commissaire :

Marco Romani, juge administratif

 

Membres :

Claude St-Laurent, associations d’employeurs

 

Michel Gravel, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Thomas Billingsley

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission scolaire Lester B. Pearson

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 16 janvier 2012, monsieur Thomas Billingsley (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 22 décembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 octobre 2011 et déclare irrecevable la réclamation du travailleur puisqu’elle a été produite en dehors du délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que le travailleur n’a pas démontré un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut.

[3]           Le 13 décembre 2012, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision de la révision administrative et déclare que la réclamation du travailleur est recevable, mais sans toutefois se prononcer sur son admissibilité.

[4]           L’audience s’est tenue le 5 septembre 2013 à Montréal. Le travailleur est présent et représenté par madame Sophie Bourgeois. Commission scolaire Lester B. Pearson (l’employeur) est également présent et représenté par Me Emilia Nyitrai.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est atteint d’une maladie professionnelle, soit un syndrome du canal carpien bilatéral, et ce, à compter du 8 mars 2011.

LES FAITS

[6]           Le travailleur exerce l’emploi de concierge pour le compte de l’employeur dans divers établissements à compter de 2002.  Depuis le 1er juillet 2010, le travailleur occupe le poste de concierge de jour à l’école Mount Pleasant Elementary; il a initialement débuté comme concierge de soir avant d’occuper le poste de jour.

[7]           Avant d’être employé par l'employeur, il a déjà travaillé comme concierge dans un immeuble à logements pendant un an après avoir œuvré pendant une dizaine d’années pour une compagnie qui produit de l’encre. Il affirme que la nature de ses tâches à cet emploi et les mouvements qu’il devait effectuer n’étaient pas de nature à solliciter ses poignets.

[8]           L’horaire de travail du travailleur est de 6 h 45 à 15 h 30. Il bénéficie de trois pauses durant sa journée : une pause de 15 minutes le matin, une autre de la même durée l’après-midi et une autre de 60 minutes pour le dîner.

[9]           Le travailleur est droitier. Il indique que l’ordre d’exécution de ses tâches dépend de l’heure de la journée et de l’occupation des classes.

[10]        Le travailleur relate que ses tâches consistent à débarrer la porte de l’établissement le matin. Par la suite, il se dirige vers les salles de bain pour en effectuer l’entretien. Il y a cinq salles de bain dans l’immeuble. Ensuite, il doit entretenir les salles de cours, les bureaux et les aires communes. Il passe l’aspirateur quelques fois par semaine et il époussette également.

[11]        Il passe le balai dans les couloirs avant d’utiliser un « speed-scrub » qu’il surnomme « la Zamboni ». Il décrit que cette machine ressemble à une surfaceuse de patinoire et qu’elle sert à nettoyer les planchers. Il doit la pousser le long des couloirs puisqu’elle n'est pas autopropulsée. Elle nettoie et ramasse l’eau de façon simultanée et polit les planchers. Le travailleur ajoute que cette machine est un moyen plus efficace que le balai et la vadrouille pour nettoyer les planchers lorsqu’elle fonctionne bien.

[12]        Le travailleur indique aussi lors de son témoignage que les tâches des postes de concierge de soir et de concierge de jour sont différentes puisque les enfants ne sont pas sur les lieux le soir et qu’il y a donc plus de salles de classe qui peuvent être nettoyées.

[13]        Il ajoute que dans le cadre de ses fonctions, il doit également faire de menus travaux de nettoyage ou de réparation, lesquels impliquent l’utilisation occasionnelle d’une perceuse. Il doit également transporter le papier servant à la reprographie.

[14]        Le travailleur décrit que l’école Mount Pleasant Elementary comporte approximativement 30 à 35 salles individuelles.

[15]        Il précise que durant la période estivale, ses tâches diffèrent puisque les enfants ne sont pas à l’école et qu’il doit effectuer le grand ménage de l’école, ce qui inclut de polir tous les planchers avec une polisseuse. Durant la période hivernale, il doit déblayer la neige autour de l’école avec une souffleuse. Il doit s’assurer que l’accès aux huit entrées et sorties de l’école est dégagé. Il ajoute que son travail de déneigement dépend de la chute de neige et qu’il doit de plus utiliser un épandeur de semences à gazon pour épandre le sel sur les passages extérieurs, mais que celui-ci est fréquemment inutilisable puisque souvent brisé.

[16]        En somme, le travailleur déclare que les tâches de son poste sont variées et qu’en plus de devoir faire de l’entretien ménager normal, il peut être appelé à faire des tâches supplémentaires, telle que de la menuiserie, en se servant d’un tournevis ou d’un marteau. Il fait également du nettoyage local s’il y a un dégât particulier causé par un enfant.

[17]        Lors de l’audience, le travailleur décrit les mouvements qu’il doit effectuer avec ses mains pour manipuler les balais, les vadrouilles et la surfaceuse. Concernant la surfaceuse, il déclare que la machine était défectueuse, qu’elle tirait vers la droite et qu’elle vibrait constamment. Le travailleur a ajouté qu’il a demandé que la surfaceuse soit réparée, mais qu’il lui a fallu faire deux demandes auprès de l’administration avant qu’elle le soit le 12 décembre 2012.

[18]        Le travailleur déclare qu’entre les mois de juillet 2010 et mars 2011, il a utilisé la surfaceuse 30 à 40 minutes au moins deux à trois fois par jour. Il ajoute qu’il devait en plus s’en servir trois jours par semaine pour nettoyer le plancher du gymnase et d’autres couloirs.

[19]         Les notes évolutives du dossier révèlent que le 19 octobre 2011, le travailleur a déclaré à la CSST avoir ressenti des douleurs aux mains quatre ans auparavant, en 2007, lorsque l’employeur a changé les balais et que la circonférence de leurs manches était plus grande. Il estime que leurs diamètres étaient d’un demi-pouce et qu’ils ont été remplacés par des manches comportant un diamètre d’un pouce.

[20]        Le travailleur déclare à l’audience qu’il n’a jamais manqué de travail à cause de sa douleur aux mains en 2007. Il a continué à travailler et la douleur s’est estompée au bout d’un moment. Il n’a pas consulté de médecin lors de la manifestation de cette douleur.

[21]        Le travailleur relate que les douleurs et les engourdissements sont réapparus au mois d’octobre 2010, mais qu’il a continué à travailler. Il a consulté son médecin de famille, le docteur Vitiya Pou, à l’Hôpital général de Hawkesbury le 4 janvier 2011 puisqu’il ressentait beaucoup de douleurs. Le docteur Pou l’a dirigé en neurologie, car il soupçonnait un syndrome du canal carpien.

[22]        Le 28 février 2011, le travailleur est évalué par le docteur Gary S. Dvorkin, neurologue, qui conclut ce qui suit :

Impression : Bilateral carpal tunnel syndrome chronic moderately severe. Patient is most definitely a candidate for surgical decompression. Dr. Arbour has been consulted. [sic]

 

 

[23]        Le docteur Dvorkin dirige le travailleur vers le docteur Réjean Arbour, chirurgien orthopédiste, afin qu’il soit évalué pour une intervention chirurgicale.

[24]        Le 21 mars 2011, le travailleur voit le docteur Arbour, qui l’évalue et lui décrit la chirurgie de décompression du canal carpien qu’il recommande pour traiter son syndrome.

[25]        Le 4 juillet 2011, le travailleur subit une première intervention chirurgicale pratiquée par le docteur Arbour qui effectue une décompression du canal carpien droit. Le dossier révèle que le travailleur est retourné à son poste habituel de travail le 9 août 2011 après une période de convalescence.

[26]        Le 27 juillet 2011, le travailleur rédige une déclaration d’accident de l’employeur (Worker’s Claim) dans laquelle il décrit son état et indique un événement le 8 mars 2011 de la façon suivante : 

Hands go numb when sweeping and moping classes

Hands get pins and needles when I use broom & dust pan

Hands get pins and needles when I start to use floor scrubber

than they go numb

Get pain when I use dry mop on wet floor arms & hands.   

hard time to open doors in morning without pain [sic]

 

 

[27]        Le 10 avril 2012, le travailleur subit une seconde intervention chirurgicale pratiquée par le docteur Arbour pour effectuer une décompression du canal carpien gauche. Le travailleur effectue un retour au travail le 22 mai 2012.

[28]        Le 5 juillet 2012, le travailleur est évalué par le docteur Pierre Legendre, chirurgien orthopédiste et médecin désigné de l’employeur, qui rédige un rapport d’expertise le même jour dans lequel il confirme le diagnostic de syndrome du canal carpien. Il est cependant d’avis que ce diagnostic est d’origine personnelle.

[29]        Lors de l’audience, le tribunal a entendu le témoignage de monsieur Fred Dunk, un des deux superviseurs de concierges chez l’employeur. Il témoigne que l’employeur emploie environ 70 concierges.

[30]        Monsieur Dunk indique qu’il travaille chez l’employeur depuis 20 ans, dont les 15 premières années comme concierge, et qu’il occupe la fonction de superviseur depuis cinq ans. Monsieur Dunk mentionne que les tâches n’ont pas changé depuis qu’il a occupé le poste et il affirme que le concierge de jour à l’école Mount Pleasant Elementary couvre une superficie moins grande que le concierge de soir étant donné l’achalandage. Il estime que le concierge de jour s’occupe d’environ 40 % de la superficie de l’école et que le concierge de soir s’occupe de 60 %. Il ajoute que le concierge de jour reçoit beaucoup plus de demandes spontanées durant une journée normale, ce qui explique pourquoi il est assigné à l’entretien d’une moins grande superficie de l’école.

[31]        Monsieur Dunk affirme que le rythme de travail n’est pas imposé et que le travailleur organise sa journée de travail. La charge de travail est telle qu’on s’attend à ce que les tâches soient complétées avant la fin de la journée. Monsieur Dunk déclare être d’accord avec la description de tâches données par le travailleur. Il ajoute qu’il n’a pas eu connaissance d’un événement concernant le travailleur avant sa réclamation.

[32]        De plus, monsieur Dunk dit qu’il a agi à titre de « cobaye » lors de la réalisation d’une évaluation des exigences physiques du poste de concierge de l’école Mount Pleasant Elementary préparée par Yves Montpetit, ergonome professionnel certifié, à la demande de l’employeur. Cette évaluation a été faite en l’absence du travailleur.

[33]        Concernant cette évaluation, le travailleur précise qu’il y a des vadrouilles de plusieurs longueurs, soit de 24, 48 et 60 pouces de long, alors que seule une vadrouille de 64 pouces y est mentionnée. Il ajoute que l’épandeur de sel indiqué ne fonctionne jamais bien et qu’il fait lui-même un mélange de sel et de gravier qu’il épand à main. De plus, il note que la souffleuse qu’il utilise l’hiver n’est pas mentionnée dans le rapport. En outre, il indique qu’il utilisait la surfaceuse trois fois par jour, plutôt qu’une fois tel qu’indiqué dans le rapport.

[34]        Lors de l’audience, le tribunal a également entendu le témoignage du docteur Legendre qui a référé à son évaluation du 5 juillet 2012. Il déclare qu’il y a deux catégories de trouble de canal carpien, soit une condition de nature aigüe et une condition chronique. Il est d’avis que dans le présent dossier, il ne s’agit pas d’un cas de canal carpien d’origine aigüe qui serait dû à une cause aigüe de compression qui comprime le poignet, telle une fracture.

[35]        Il s’agit plutôt d’un cas chronique et comportant plusieurs catégories d’étiologies possibles, soit idiopathiques, anatomiques ou systémiques. En l’espèce, le docteur Legendre est d’avis que le travailleur est porteur d’une condition personnelle d’obésité, qui est une étiologie systémique, puisque son indice de masse corporelle est au-delà de 30 et que c’est cette condition qui contribue à l’apparition d’un syndrome du canal carpien tel que présenté par le travailleur.

[36]        De plus, en se fiant au rapport de l’ergonome, le docteur Legendre ajoute qu’à son avis, il est improbable que la condition du travailleur soit d’origine professionnelle puisqu’il exécute des tâches variées durant ses journées de travail. Il n’a pas de cadence imposée et la quantité de mouvements exécutés lors des tâches effectuées ne rencontre pas la définition de mouvements fréquents. De plus, il ajoute que tout au plus, dans n’importe laquelle de ses tâches, le travailleur n’exerce qu’occasionnellement un effort modéré et rarement un effort « sévère ».

[37]        Par ailleurs, le docteur Legendre a produit deux articles scientifiques[2] auxquels il réfère pour venir étayer son avis selon lequel le travailleur n’a pas exercé suffisamment d’efforts lors de ses tâches pour avoir développé un syndrome du canal carpien au travail. Il ajoute que l’exposition aux différents facteurs de risque est également insuffisante pour inférer qu’il s’agit d’une maladie professionnelle. Selon le docteur Legendre, il n’y a aucun doute que la condition du travailleur est purement d’origine personnelle.

[38]        La représentante du travailleur a produit une étude de l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail (l’IRSST)[3] de Michel Rossignol comme étant une étude épidémiologique qui démontre que les préposés à l’entretien ménager ont des excès significatifs d’incidence de syndrome du canal carpien. Ce rapport conclut que près de la moitié des cas de syndrome du canal carpien chez des travailleurs ayant des tâches manuelles, dont les préposés à l’entretien ménager, sont attribuables au travail.

[39]        Le docteur Legendre a commenté lors de son témoignage que cette étude est une étude rétrospective qui a été réalisée à la suite d’un sondage téléphonique effectué auprès de plusieurs personnes qui ont subi des interventions chirurgicales pour un syndrome du canal carpien sur l’Île de Montréal. Cette étude révèle que 11 cas ont été observés appartenant au secteur de l’entretien ménager.

[40]        Le docteur Legendre a témoigné que la prémisse de l’étude est que le syndrome du canal carpien des travailleurs peut être en relation avec le travail. Il n’y a eu aucune objectivation des efforts exercés aux tâches et de l’exposition aux facteurs physiques. À son avis, la portée de cette étude doit être prise avec une certaine retenue puisque le sondage téléphonique a simplement recueilli les impressions des personnes interrogées sur l’origine de leur syndrome du canal carpien et que les conclusions ont été retenues de façon subjective. Il ajoute que cette étude rapporte simplement des taux d’incidence sur le nombre de cas rapportés. En somme, les conclusions de l’étude s’inspirent uniquement de données subjectives qui n’ont aucune corrélation sur le plan objectif.

[41]        De plus, la représentante du travailleur a également produit un document intitulé : Le syndrome du tunnel carpien : Résumé des risques sur le plan professionnel[4]. Cette étude soutient que les tâches de frottage sont liées au syndrome du canal carpien chez les concierges. Par ailleurs, cette étude donne une description des facteurs professionnels et non professionnels qui peuvent être liés au syndrome du canal carpien :

[...]

 

4.     FACTEURS PROFESSIONNELS

 

Le syndrome du canal carpien est particulièrement lié à certaines tâches dont voici quelques exemples :

 

•  mouvements répétitifs de la main

•  positions incommodes de la main

•  préhension forte

•  stress mécanique sur la paume

•  vibration

 

Les caissiers, les coiffeurs, les tricoteurs ou les opérateurs de machine à coudre sont des exemples de personnes dont le travail comporte des mouvements répétitifs du poignet liés au syndrome du canal carpien. Les boulangers qui fléchissent ou qui étendent les poignets pour pétrir la pâte et les personnes qui fléchissent les doigts et les poignets pour exécuter des tâches comme traire des vaches, utiliser un pistolet à peinture et désherber à la main en sont d’autres exemples. L’utilisation excessive d’outils manuels vibrants peut aussi provoquer le syndrome du canal carpien.

 

[...]

 

5.     FACTEURS NON PROFESSIONNELS

 

Le syndrome du canal carpien peut être attribué à plusieurs maladies et situations, par exemple :

 

•  arthrite

•  diabète

•  goutte

•  amylose (infiltration du foie, des reins, de la rate par une substance qui ressemble à l’amidon)

•  hypothyroïdie (insuffisance de l’activité thyroïdienne)

•  tumeurs des gaines des tendons

•  fractures et luxations du poignet

•  kystes du poignet

•  grossesse

•  usage de contraceptifs oraux

•  ménopause

•  chirurgie gynécologique

 

Ces maladies et situations entraînent toutes l’expansion du contenu du canal carpien, causant la compression du nerf médian. De plus, certains facteurs personnels comme la grosseur et la forme du poignet et la forme du nerf médian peuvent favoriser la manifestation du syndrome du canal carpien.

 

[...]

 

 

[42]        À cet effet, le docteur Legendre a également témoigné que cette étude n’est pas très probante puisqu’elle ne réfère à aucun ouvrage de référence. Selon lui, il s’agit tout simplement de l’avis de l’auteur.

[43]        Le docteur Legendre déclare que le travailleur ne souffre pas d’une maladie professionnelle puisque, selon le rapport de l’ergonome et les faits qui lui ont été présentés, il effectue plusieurs tâches variées sans cadence imposée, que les tâches assignées ne rentrent pas dans la définition des mouvements fréquents et que de façon occasionnelle, il effectue un effort modéré et rarement un effort « sévère ».

[44]        Le docteur Legendre est d’avis qu’il est improbable que le travailleur ait développé un syndrome du canal carpien par le fait de son travail, en fonction des caractéristiques de son travail et de la littérature médicale actuelle.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[45]        La représentante du travailleur plaide que la littérature médicale produite par la représentante de l’employeur est celle qui privilégie la théorie de sa cause. Elle soutient que le syndrome du canal carpien bilatéral du travailleur est clairement en relation avec son travail puisque la preuve a démontré qu’il utilise, dans le cadre de ses fonctions, plusieurs outils qui vibrent, tels que la surfaceuse, une perceuse électrique, la souffleuse à neige, l’aspirateur et la polisseuse à plancher. Selon elle, le travailleur ne présente aucune condition personnelle qui milite en faveur d’une manifestation d’origine systémique. La seule probabilité serait d’origine professionnelle.

[46]        Elle ajoute que la preuve a également démontré que la surfaceuse était défectueuse et qu’elle a nécessité un entretien afin d’être en bon état de fonctionnement. Le travailleur a dû pousser la surfaceuse durant des mois puisque celle-ci tirait toujours d’un côté. Selon elle, l’article 30 de la loi s’applique et le syndrome du canal carpien bilatéral du travailleur est caractéristique du travail qu’il exerce et il est relié directement aux risques particuliers de ce travail.

[47]        Concernant l’étude de l’IRSST, la représentante du travailleur demande au tribunal de retenir de cette étude qu’il est caractéristique du travail d’un concierge d’école de développer un syndrome du canal carpien. Selon elle, cette étude retient le poste de préposé à l’entretien ménager comme étant la première profession reconnue à risque pour générer un syndrome du canal carpien.

[48]        Pour sa part, la représentante de l’employeur fait valoir que la preuve présentée par le travailleur n’est pas suffisamment précise pour démontrer que le syndrome du canal carpien bilatéral présenté par celui-ci est une maladie professionnelle au sens de la loi.

[49]        Selon elle, la jurisprudence produite par la représentante du travailleur ne peut combler le manque de preuve objective qui démontrerait que la condition du travailleur est en relation avec son travail. De plus, elle réfère au fait qu’il a développé une symptomatologie en 2007 et que celle-ci est disparue jusqu’en 2011 malgré l’exposition continue au travail.

L’AVIS DES MEMBRES

[50]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête du travailleur puisqu’il n’a pas fait la preuve de l’effort exercé lors de ses mouvements au travail et qu’il n’a pas démontré la fréquence de ses mouvements durant l’exécution de ses tâches. Par ailleurs, aucune autre étude ergonomique n’a été produite, hormis celle déposée par l’employeur concernant une évaluation du poste du travailleur.

[51]        Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur puisqu’il y a une relation de cause à effet. Il est d’avis que les mouvements décrits par le travailleur dans le cadre de ses fonctions ont contribué à la survenance d’un syndrome du canal carpien bilatéral.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[52]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est victime d’une maladie professionnelle sous la forme d’un syndrome du canal carpien bilatéral.

[53]        Les notions « lésion professionnelle » et « maladie professionnelle » sont définies à l'article 2 de la loi, qui se lit comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[54]        Le travailleur ne prétend pas avoir été victime d’une blessure ou d’un accident du travail. Il soumet que le syndrome du canal carpien bilatéral diagnostiqué résulte de l’accomplissement des diverses tâches que comporte son travail de concierge.

[55]        En matière de maladie professionnelle, outre l’article 2 de la loi, les articles 29 et 30 de la loi sont applicables.

[56]        Dans le but de faciliter la preuve d’une maladie professionnelle, l’article 29 édicte une présomption de « maladie professionnelle » qui se lit comme suit :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[57]        Le tribunal constate que le diagnostic de syndrome du canal carpien bilatéral n’a pas fait l’objet d’une contestation en respect de la procédure d’évaluation médicale. Conséquemment, eu égard à l’article 224 de la loi, le tribunal est lié par ce diagnostic.

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[58]        Le diagnostic de syndrome du canal carpien bilatéral ne constitue pas une maladie énumérée à l’annexe I de la loi. Par conséquent, le travailleur ne peut bénéficier de la présomption prévue à l’article 29 de la loi.

[59]        Considérant la teneur de l’article 30, le fardeau incombe donc au travailleur de démontrer que la condition dont il souffre, à savoir un syndrome du canal carpien bilatéral, est caractéristique de son travail de concierge ou qu’elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[60]        Le degré de preuve requis est celui de la prépondérance et non d’une preuve irréfutable à caractère scientifique. Le tribunal doit analyser la réclamation du travailleur en appréciant la preuve factuelle et médicale prépondérante.

[61]        Afin de démontrer que le syndrome du canal carpien bilatéral est « caractéristique d’un travail qu’il a exercé », le travailleur doit faire la preuve qu’un nombre significatif de personnes travaillant dans des conditions semblables à celles retrouvées dans son emploi de concierge en est également affecté ou que cette maladie se retrouve plus fréquemment dans ce type d’emploi que dans la population en général.

[62]        Dans l’affaire Maurice Charlebois Alimentation ltée et  Dambremont[5], le tribunal énonce ce qui suit concernant la preuve qu’une maladie est caractéristique d’un travail :

[94]      En somme, il s'agit de démontrer que le type de travail effectué a cette particularité que la maladie s'y trouvera présente plus fréquemment qu'ailleurs. Cette preuve peut être faite de plusieurs façons, notamment par des études statistiques et épidémiologiques, mais elle doit nécessairement porter sur un nombre significatif de personnes tendant ainsi à éliminer une simple association fortuite2.

_________________________

2                      Versabec inc. et Levasseur, C.A.L.P. 39198-60-9204, 29 juin 1994, L. Thibault; Entreprises d'émondage LDL inc. et Rousseau, C.L.P. 214662-04-0308, 4 avril 2005, J.-F. Clément; Hébert et SNOC (1992) inc., C.L.P. 397532-62B-0911, 4 août 2010, M. Watkins.

 

 

[63]        Le travailleur a produit une étude de l’IRSST ainsi qu’un document qui résume les risques inhérents au syndrome du canal carpien afin de démontrer que le syndrome du canal carpien bilatéral est une maladie caractéristique du travail qu’il exécute.

[64]        Le tribunal a entendu le témoignage du docteur Legendre critiquant cette étude et retient qu’il s’agit effectivement d’une étude qui porte sur un recensement de données de personnes ayant souffert d’un syndrome du canal carpien. Le tribunal est d’avis qu’en l’espèce, on ne saurait retenir de cette étude que le syndrome du canal carpien est caractéristique de son travail de concierge d’école primaire. En effet, cette étude apporte une perspective, mais l’on ne saurait considérer cette étude comme étant concluante pour démontrer que le syndrome du tunnel carpien bilatéral est caractéristique du travail de concierge qu’il exerce chez l’employeur.

[65]        Le tribunal s’est déjà prononcé sur la portée de l’étude de l’IRSST et le soussigné fait siens les commentaires exprimés dans Bélisle et Restaurant Mikes[6], et plus particulièrement quant à l’appréciation de cette preuve :

[24]    Le tribunal estime qu’il ne peut conclure, sur la base de cette étude, que le syndrome du canal carpien bilatéral dont madame Bélisle est atteinte est une maladie caractéristique du travail de serveuse qu'elle a exercé chez l'employeur.

 

[25]    Effectivement, l'étude invoquée au soutien de cette thèse souligne, certes, une problématique chez les préposés au service du secteur des aliments et boissons, mais elle n'est pas suffisamment précise pour permettre à la Commission des lésions professionnelles de conclure que les tâches qui y sont évaluées correspondent à celles effectuées par madame Bélisle.

 

[26]    Le tribunal remarque, premièrement, qu'il s'agit d'une enquête téléphonique réalisée auprès de patients qui ont subi une chirurgie pour un syndrome du canal carpien et que le questionnaire sur l'histoire professionnelle portait sur les tâches « perçues comme exigeantes pour les poignets ». 

 

[27]    Les auteurs indiquent que les questions portaient sur des éléments comme la durée moyenne de ces tâches dans une journée de travail, la force, la posture ainsi que l'exposition aux vibrations et au froid.  Toutefois, le tribunal ne retrouve pas dans cette étude de description relative à la façon dont les participants au sondage s'acquittaient de leur travail — mouvements, achalandage, horaire, poids, etc.  Les auteurs indiquent qu'une « validation partielle des questions sur l'exposition en milieu de travail » est proposée à titre exploratoire à l'annexe 2 de leur rapport.  Cependant, cette annexe n'a pas été déposée en preuve. 

 

[28]    Le tribunal note, de plus, qu’il n'y a aucune indication relativement à la période de temps durant laquelle l'emploi a été occupé par les participants.

 

[29]    Le tribunal ne dispose donc d'aucune donnée de comparaison pour établir si la catégorie nommée « préposés au service, secteur aliments et boissons » est composée d'un nombre significatif de personnes travaillant dans des conditions semblables à celles de madame Bélisle.

 

 

[66]        Ce qui ne veut pas dire que l’étude de l’IRSST n’apporte pas d’éléments qui méritent d’être considérés, mais dans le cas qui nous concerne, il s’agit de l’étude principale sur laquelle le travailleur se base pour argumenter que le syndrome du canal carpien dont il souffre est caractéristique de son travail. Le tribunal est d’avis que la portée cette étude n’est pas suffisante pour faire cette démonstration.

[67]        En effet, de l’avis du tribunal, l’étude de l’IRSST n'est pas suffisamment détaillée pour démontrer que les tâches du travailleur dans le poste qu’il occupe font qu’il est caractéristique pour un concierge d’école primaire de développer un syndrome du canal carpien.

[68]        Le tribunal est d’avis que cette même logique doit être retenue concernant le second document produit au soutien de la réclamation du travailleur qui résume les risques inhérents au syndrome du canal carpien. En effet, bien que ce document indique qu’un métier de concierge est lié au syndrome du canal carpien particulièrement pour les tâches de frottage, lors de son témoignage, le travailleur a expliqué une variété de mouvements, mais n’a jamais indiqué qu’il devait frotter de façon continue sur une période de temps considérable. Le tribunal retient notamment du témoignage du travailleur que ses fonctions impliquent diverses tâches et que la tâche de frottage ne représente pas une partie substantielle du travail qu’il doit accomplir.

[69]        Le tribunal conclut que le travailleur n’a pas démontré, par une preuve prépondérante, que le syndrome de canal carpien bilatéral dont il souffre est caractéristique du travail de concierge qu’il exerce chez l’employeur.

[70]        En conséquence, le travailleur doit démontrer que le syndrome du canal carpien bilatéral est relié aux risques particuliers de son emploi de concierge.

[71]        Une maladie est considérée reliée aux risques particuliers d’un travail lorsque l’exercice de celui-ci, de par sa nature ou ses conditions d’exercice, fait encourir à une personne le risque de contracter cette maladie[7].

[72]        Dans l’affaire Chiasson[8], le tribunal analyse la preuve requise afin d’établir que le syndrome du canal carpien dont souffre un travailleur est relié aux risques particuliers du travail qu’il exerce :

[88]      La Commission des lésions professionnelles a eu à déterminer la preuve requise lorsque les risques particuliers du travail sont invoqués au soutien de l’admissibilité d’une réclamation pour maladie professionnelle6.

 

[89]      Selon les paramètres ainsi établis, il faut d’abord procéder à une analyse des structures anatomiques atteintes par la maladie afin d’identifier les facteurs biomécaniques, physiques ou organisationnels sollicitant ces structures. Il faut par ailleurs regarder l’importance de l’exposition, que ce soit en matière de durée, d’intensité ou de fréquence ainsi que la relation temporelle. Le tribunal fait siens ces paramètres qui s’appliquent au présent dossier.

 

[90]      Quant aux facteurs biomécaniques ou facteurs de risque généralement en cause reconnus par la littérature médicale comme étant à l’origine d’un syndrome du canal carpien, le tribunal prend note que la littérature récente à laquelle réfère le docteur Pantel semble remettre en cause l’existence même d’un lien de causalité entre tout travail et le syndrome du canal carpien. Il s’agit là d’un nouveau courant de pensée prévalant dans la communauté médicale, mais ne faisant pas consensus pour l’instant.

 

[91]      Dans ce contexte, le tribunal base plutôt son analyse sur les facteurs de risque généralement reconnus, soit l’utilisation de la force, la répétitivité et les postures contraignantes. Plus précisément, les gestes de flexion, d’extension, de déviation radiale ou cubitale du poignet, de flexion des doigts et de préhension de la main sont habituellement considérés à risque. Une combinaison de ces facteurs de risque est requise pour conclure à l’existence d’une relation causale.

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6           Industries de Moulage Polytech inc. et Pouliot, C.L.P. 144010-62B-0008, 20 novembre 2001, N. Blanchard; voir au même effet : Cadieux et B.O.L.D., C.L.P. 216395-64-0309, 1er juin 2004, R. Daniel.

 

 

[73]        Le document produit par le travailleur qui résume les risques d’entraîner un syndrome du canal carpien identifie plus particulièrement les tâches qui impliquent des mouvements répétitifs de la main, des positions incommodes de la main, une préhension forte, un stress mécanique sur la paume ainsi que la présence de vibrations.

[74]        Or, le tribunal retient que le travailleur exécute une grande variété de mouvements pendant de courtes périodes de temps. Selon la preuve présentée à l’audience et contenue au dossier, il n’y a pas de cadence imposée dans les différentes tâches effectuées par le travailleur et ce dernier exerce une multitude de tâches variées qui ne sollicitent pas nécessairement les poignets.

[75]        Par ailleurs, le travailleur n’a pas présenté une preuve faisant état que ses mouvements étaient particulièrement contraignants ou qu’il exerce une grande force sur une longue période de temps.

[76]        La preuve prépondérante ne démontre pas que le travailleur effectue des mouvements répétitifs des mains ou des poignets, que l’accomplissement de ses tâches implique d’adopter des positions contraignantes des mains ou des poignets ou l’utilisation d’une force significative.

[77]        Malgré le témoignage du travailleur voulant que la surfaceuse ait été défectueuse, faisant en sorte qu’elle tirait vers la droite et entraînait la présence de vibrations, aucune preuve n’a été produite quant à la force additionnelle requise pour pallier son désalignement et, le cas échéant, la posture contraignante du poignet ayant pu en résulter ainsi que le degré de vibration en résultant.

[78]        Par ailleurs, l’employeur a produit une expertise ergonomique pour laquelle le travailleur s’est dit d’accord avec la majorité du contenu.

[79]        Le tribunal constate que cette évaluation énumère les divers outils de travail utilisés par le concierge, indique leurs poids, leurs dimensions et apporte des précisions, lesquelles sont cependant très sommaires, quant à leur utilisation et à la fréquence de celle-ci. Cependant, l’évaluation ne contient aucune description ni précision quant aux postures et aux mouvements des mains et des poignets. De plus, le rapport est muet quant à la force requise pour la manipulation de ces outils de travail.

[80]        Les précisions apportées par le travailleur lors de son témoignage ne révèlent pas que l’accomplissement de ses tâches de concierge requiert l’utilisation d’une force significative, une répétitivité de mouvements et des postures contraignantes.

[81]        La preuve a également démontré que le travailleur a été symptomatique en ce qui concerne ses poignets quatre ans avant sa réclamation et que sa condition s’était résorbée d’elle-même. La seule preuve ayant été présentée pour illustrer un changement a été que l’employeur avait changé les balais et les vadrouilles, lesquelles comportaient des manches d’un plus gros diamètre. Cependant, puisque la douleur s’est résorbée, on ne pourrait pas parler d’un élément pertinent dans le présent cas.

[82]        Enfin, bien que la preuve révèle que le travailleur présente un bon état de santé générale et qu’il ne souffre pas de diabète ou de problèmes thyroïdiens, le docteur Legendre formule l’opinion que sa condition personnelle d’obésité constitue un facteur pouvant contribuer à la compression du nerf médian.

[83]        La représentante du travailleur a produit de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles dans laquelle on peut lire que certaines réclamations ont été acceptées pour le diagnostic de syndrome du canal carpien lorsque les travailleurs ont fait une variété de mouvements contraignants avec leurs poignets pour une période de temps considérable. En réponse à celle-ci, le tribunal remarque que contrairement aux faits établis dans ces décisions, la diversité des mouvements du travailleur dans l’exercice de ses fonctions de façon contemporaine ne permet pas de démontrer qu’il effectue une répétition de mouvements pouvant être à l’origine du syndrome du canal carpien.

[84]        Le tribunal estime donc que le travailleur n’a pas établi, par une preuve prépondérante, que son emploi de concierge implique d’effectuer de façon répétitive des mouvements susceptibles d’engendrer un syndrome du canal carpien, à savoir des mouvements de flexion, d’extension, de déviation radiale ou cubitale du poignet, de flexion des doigts ou de préhension de la main avec l’utilisation d’une force dans des postures contraignantes.

[85]        Le tribunal conclut que le travailleur n’a pas démontré, par une preuve prépondérante, que le syndrome de canal carpien bilatéral dont il souffre est relié aux risques particuliers des tâches de l’emploi de concierge qu’il exerce chez l’employeur.

[86]        En conséquence, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle sous forme d’un syndrome du canal carpien bilatéral et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues à la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Thomas Billingsley, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 22 décembre 2011 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle sous forme d’un syndrome du canal carpien bilatéral et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

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Marco Romani

 

 

 

 

Me Sophie Bourgeois

U.T.I.S. - FTQ

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Émilia Nyitrai

LE CORRE & ASSOCIÉS, AVOCATS

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           P. A. NATHAN, J. A. ISTVAN, K. D. MEADOWS, « A longitudinal study of predictors of research-defined carpal tunnel syndrome in industrial worders: findings at 17 years », Journal of Hand Surgery (British and European Volume 2005), pp. 593-598; S. LOZANO-CALDERON, S. ANTHONY et D. RING, « The Quality and Strength of Evidence for Etiology : Example of Carpal Tunnel Syndrome », (2008) 33 Journal of Hand Surgery, American Volume,pp. 525-538.

[3]           Michel ROSSIGNOL et al., Incidence du syndrome du canal carpien selon la profession sur l'île de Montréal et distribution des facteurs de risque : rapport, coll. « Études et recherches, R-130 », Montréal, IRSST, 1996.

[4]           R. BERTOLINI et CENTRE CANADIEN D'HYGIÈNE ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL, Le syndrome du canal carpien : résumé des risques sur le plan professionnel, Ottawa, Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail, 1990.

[5]           C.L.P. 420056-07-1009, 29 mai 2012, S. Séguin.

[6]           [2007] C.L.P. 1443, révision rejetée, [2008] C.L.P. 780.

[7]           Colligan et Tricots d’Anjou inc., C.L.P. 172289-63-0111, 18 mars 2002, M. Gauthier; Gagné et Cormier & Gaudet (fermé), C.L.P. 177087-04B-0201, 23 avril 2003, J.-F. Clément; Lefebvre et Desjardins Sécurité Financière, compagnie d’assurance vie, 2013 QCCLP 2515.

[8]           Chiasson et United Parcel Service Canada ltée, 2011 QCCLP 6220.

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