Décision

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Date :

M.L. c. Université de Montréal

2016 QCCAI 274

 

Commission d’accès à l’information du Québec

Dossier :             1012562

Date :                   Le 13 septembre 2016

Membre:             Me Diane Poitras

 

M... L...

 

Demanderesse

 

c.

 

université de montréal

 

Organisme

DÉCISION

OBJET

REQUÊTE en vertu de l’article 137.2 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1].

[1]          La Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie d’une requête formulée par l’Université de Montréal (l’organisme) en vertu de l’article 137.2 de la Loi sur l’accès, lui demandant de cesser d’examiner le présent dossier au motif que son intervention n’est manifestement plus utile.

[2]          Ce dossier a été renvoyé à la Commission par la Cour du Québec[2] à la suite de l’appel d’une première décision rendue sur l’accessibilité d’un document :

«RENVOIE le dossier à la Commission d’accès à l’information pour qu’elle étudie de nouveau l’application des critères de l’article 88 de la LA [Loi sur l’accès] aux faits et circonstances de l’affaire en motivant sa décision en conséquence;»

HISTORIQUE DU DOSSIER

[3]          Dans le cadre d’un cours de maîtrise qu’elle suit au sein de l’organisme, un conflit survient entre Mme M... L... (la demanderesse) et ses professeurs. Elle formule deux plaintes en vertu des politiques de l’organisme, l’une pour harcèlement psychologique, discrimination et évaluation abusive et l’autre pour manquement à l’éthique en application de la Politique de l’Université de Montréal sur la probité intellectuelle en recherche.

[4]          En 2010, la demanderesse formule une demande d’accès à l’organisme afin d’obtenir « le rapport de Me Pauline Roy relativement à la plainte que j’ai déposée au Bureau d’intervention en matière de harcèlement en date du 16 décembre 2009 » (rapport en litige). L’organisme lui transmet une copie de ce rapport à l’exception de certains passages dont l’accès est refusé en vertu des articles 14, 53 et 88 de la Loi sur l’accès.

[5]          Insatisfaite de cette réponse, la demanderesse s’adresse à la Commission, le 27 janvier 2011, afin qu’elle révise cette décision.

[6]          Le 30 mai 2012, la Commission accueille partiellement cette demande de révision et ordonne à l’organisme de communiquer le rapport en litige à l’exception du nom des personnes rencontrées par l’enquêtrice, auteure de ce rapport[3].

[7]          L’organisme porte cette décision en appel à la Cour du Québec.

[8]          Plusieurs procédures s’ensuivent devant les tribunaux supérieurs, la plupart intentées par la demanderesse. Celle-ci s’adresse à la Cour du Québec (chambre criminelle), à la Cour d’appel et à la Cour suprême.

[9]          Ces procédures visent essentiellement à contester les processus d’examen des plaintes suivis par l’organisme et leurs conclusions. La demanderesse considère être victime d’abus de procédures de la part de l’organisme. Les conclusions recherchées par elle dans ces procédures judiciaires visent essentiellement à déclarer invalide la décision du recteur la concernant parce qu’elle la considère fondée sur de faux rapports (dont le rapport en litige), à dénoncer et à faire cesser les abus de procédures dont elle considère être victime ainsi qu’à obtenir des dommages-intérêts et une compensation financière équivalant au salaire qu’elle recevrait s’il lui était possible de travailler[4].

[10]       Le 29 novembre 2013, la Cour du Québec infirme les conclusions de la Commission concernant l’accessibilité du rapport en litige et lui renvoie le dossier afin qu’elle étudie de nouveau l’application de l’article 88 de la Loi sur l’accès aux passages masqués du document.

[11]       La Commission convoque les parties à une conférence de gestion le 24 mai 2016. Le 18 mai, le procureur de l’organisme avise la demanderesse et la Commission qu’il demandera à la Commission de cesser d’examiner cette affaire et présentera une requête en vertu de l’article 137.2 de la Loi sur l’accès puisqu’il considère que son intervention n’est manifestement plus utile.

[12]       Les parties ont été entendues le 24 mai 2016 au sujet de cette requête et ont produit des documents appuyant leurs prétentions respectives.

Preuve et ARGUMENTS DES PARTIES

[13]       Le procureur de l’organisme, Me Antoine Aylwin, soumet que les conclusions recherchées par la demanderesse ne visent pas l’accès aux parties caviardées du document en litige. Il souligne que le contexte du dossier a changé depuis la décision de la Commission portée en appel et qu’elle devrait cesser d’examiner le présent dossier.

[14]       Il dépose copie de quelques procédures intentées par la demanderesse depuis la décision rendue par la Commission et certains extraits de transcriptions d’audiences tenues dans le cadre de ces procédures. Il considère que les conclusions recherchées dans ces procédures et les échanges entre la demanderesse et les juges de ces diverses instances démontrent que ce qu’elle recherche se situe en dehors de la compétence de la Commission en matière d’accès aux documents.

[15]       À son avis, ces documents et les observations écrites produites par la demanderesse dans le cadre de la présente requête démontrent que son objectif est de dénoncer des abus de procédure dont elle se dit victime, contester le contenu du rapport en litige et la procédure suivie par l’organisme, faire annuler la décision rendue par l’organisme à la suite de ses plaintes et obtenir une indemnisation et une réparation pour les dommages qu’elle aurait subis.

[16]       Pour sa part, la demanderesse soutient que la Commission est saisie d’un problème d’ordre public qui affecte nos institutions. Elle explique qu’elle subit de graves préjudices depuis plusieurs années et considère que l’organisme l’a utilisée pour régler un problème constitutionnel qui empêche l’appareil judiciaire de bien fonctionner.

[17]       La demanderesse explique qu’elle ne peut exercer de recours à la Cour supérieure parce que l’organisme ne donne pas les vraies informations, le bon rapport. Elle considère que l’organisme était en conflit d’intérêts quand il a fait enquête et qu’il n’aurait pas dû séparer sa plainte de représailles en deux comme il l’a fait.

[18]       Elle ajoute être sans revenu depuis plusieurs années et consacre son temps à tenter de faire valoir ses droits; elle ne peut laisser tomber cette cause. Elle réclame donc des dommages-intérêts et une indemnisation pour les préjudices qu’elle considère avoir subis.

[19]       Elle considère que la Commission ne devrait pas limiter son intervention à l’accès au rapport en litige.

ANALYSE

[20]       La requête de l’organisme est fondée sur l’article 137.2 de la Loi sur l’accès qui se lit comme suit :

137.2. La Commission peut refuser ou cesser d’examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n’est manifestement pas utile.

[21]       Ainsi, la Commission doit décider si son intervention est toujours utile dans le présent dossier.

[22]       Sans reprendre tous les éléments contenus dans la volumineuse documentation produite par les parties, les extraits suivants démontrent clairement que les conclusions recherchées par la demanderesse ne concernent pas l’accès aux parties caviardées du rapport en litige.

  • Extrait d’un échange entre la Cour d’appel et la demanderesse[5] :

Demanderesse :

[…] J’ai envoyé une communication à Mme Petitpas [responsable du rôle de la Commission] pour expliquer pourquoi la Commission d’accès à l’information ne pourrait pas régler un dossier comme celui-là.

Parce que la Commission d’accès à l’information a une compétence limitée.

Elle a une compétence limitée de recommandation, elle n’a pas une compétence de sanction.

Par exemple, s’il y a fraude dans une institution et si les dirigeants d’une institution veulent conserver secrètes des informations, la Commission d’accès à l’information a juste un pouvoir de recommandation.

Donc, on ne peut pas faire avancer les choses dans des conditions comme ça.

Quand il y a eu fraude, quand il y a eu censure abusive - abus - de la part d’un dirigeant d’institution, la Commission ne peut rien faire.

Juge présidant l’affaire :

Ça n’est que sur la disponibilité des documents…

Si la Commission ordonne que les documents vous soient montrés, de la façon dont vous voulez les avoir… faisons une hypothèse, vous avez ce que vous voulez?

Demanderesse :

Ah non, parce que ces documents-là, ce sont de faux documents.

J’en ai maintenant des preuves hors de tout doute, que j’espère pouvoir présenter devant un tribunal compétent, mais à date… mon problème, c’est que je n’ai pas pu.

  • Requête de la demanderesse à la Cour d’appel pour remédier aux abus de procédure et aux abus de pouvoir judiciaire[6] :

[…] POUR CES MOTIFS ET EN AYANT À L’ESPRIT LES RÈGLES IMPÉRATIVES DE DROIT HUMANITAIRE, VEUILLEZ :

ACCUEILLIR la présente requête;

DÉCLARER que des abus de procédure et des abus de pouvoir ont été commis à la Cour du Québec;

DÉCLARER que des désordres ont été causés dans d’autres organismes et tribunaux;

DÉCLARER que ces abus et ces désordres ont résulté principalement des manœuvres stratégiques qu’ont employés des juristes engagés aux frais publics pour défendre l’impunité et les privilèges des hauts dirigeants de l’Université de Montréal;

DÉCLARER que ces abus et ces désordres m’ont visés personnellement en tant que victime et témoin-clef, et qu’ils ont notamment empêché que je puisse agir efficacement en justice pour défendre mes droits fondamentaux;

DÉCLARER qu’il doit être remédié complètement et urgemment à ces abus et à ces désordres;

ORDONNER la réparation intégrale des dommages m’ayant été causés en tant que victime ciblée de ces abus de pouvoir;

ORDONNER les correctifs requis pour le retour de l’ordre public.

[23]       Dans ses observations écrites déposées dans le cadre de la présente requête, la demanderesse s’exprime ainsi :

(Page 3) : Ma demande à la CAI

En janvier 2011, j’ai demandé l’intervention urgente de la Commission d’accès à l’information pour obtenir des preuves indispensables à mes recours judiciaires.

Je devais obtenir les informations qui permettraient de démystifier publiquement, devant une cour de justice compétente, les irrégularités préjudiciables ayant été commises lors des enquêtes que la haute direction de l’Université de Montréal avait faites à l’interne à la suite de ma plainte de représailles déposée en 2009.

Les deux documents que m’a remis la direction de l’université en plus d’être caviardés ne correspondaient pas à ce qu’une institution doit fournir à la suite d’une enquête selon les règles et les procédures applicables en pareil cas.

[…] C’est ce qui m’a amené à demander l’intervention de la Commission d’accès à l’information, qui est réputée spécialiste pour les enquêtes de cette nature.

[24]       La demanderesse poursuit en rappelant l’historique des différentes procédures qu’elle a entreprises en lien avec l’organisme ou d’autres organisations (contestation d’une contravention de vitesse, procédures d’expropriation, fraude foncière, démarches relatives au remboursement d’une bourse d’études ou pour dénoncer certaines pratiques de l’organisme qu’elle considère inadéquates en matière de recherche, démarches auprès d’organismes de respect des droits de l’homme, etc.)[7].

[25]       Puis, elle décrit comme suit « les problèmes qui se posent » devant la Commission :

(Page 14) : Comme cela appert à la simple lecture des articles 88 et 59 précités, il est évident que la compétence judiciaire de la CAI a été abusivement restreinte par la Cour du Québec.

Par ailleurs, il est indispensable que la CAI trouve une manière compétente d’intervenir de nouveau, mais cette fois en respectant les règles impératives de droit universel qui sont réputées applicables ici.

Je souhaite donc que la Commission d’accès à l’information, soit par sa fonction judiciaire, soit par sa direction de l’Analyse et de l’Évaluation ou par un autre moyen, organise sans retard les enquêtes publiques qui s’imposent pour résoudre le chaos affectant actuellement les tribunaux et les organismes publics.

[…] Je rappelle qu’à la suite de la demande d’accès à l’information, la direction de l’université ne m’a pas fourni les documents qui s’avéraient indispensables pour qu’un tribunal public compétent puisse vérifier la qualité de l’enquête qu’elle prétendait avoir faite à la suite de ma plainte de représailles ni en l’occurrence si celle-ci respectait les droits fondamentaux.

La direction m’a plutôt remis de faux « rapports d’enquêtes » démontrant notamment : a) un caviardage rendant leur contenu incompréhensible et inutilisable devant les tribunaux; b) un clivage stratégique du phénomène de représailles en deux sous-phénomènes dont les descriptions deviennent du verbiage parcellaire et fumeux, tout aussi opaque et inemployable pour éclairer les enjeux du procès.

[…] Je requiers que mes recours en réparation soient enfin débloqués afin de pouvoir bientôt bénéficier de la réhabilitation que j’ai notamment exposée dans l’offre de médiation.

Je rappelle que je me suis consacrée depuis six ans, selon un rythme de travail très astreignant, à documenter les outrages aux droits fondamentaux, à chercher les causes susceptibles de les expliquer, ainsi qu’à trouver les recettes de leurs panacées.

[…] Je demande donc une indemnisation suffisante pour combler les pertes salariales et les dépenses accrues que j’ai encourues du fait d’avoir dû me consacrer à cette cause. […]

Je demande aussi d’être désormais protégée des représailles et des menaces que pourraient être tentées de m’infliger les personnes qui abusent de leur autorité et qui chercheraient à me faire taire alors que je dénonce leurs méfaits et que j’exige auprès d’eux réparation.

Je requiers de bénéficier de la présomption d’innocence, de retrouver l’usage de ma voiture et de ne plus subir de représailles ou de sanctions alors que je suis toujours en attente d’un procès compétent pour analyser toutes les preuves.

[26]       Dans l’ensemble de sa documentation, la demanderesse aborde dans de rares passages la question de l’accès aux documents. Lorsque c’est le cas, elle en parle de manière générale ou indique vouloir avoir accès à une information différente de celle qui demeure en litige : elle considère qu’elle doit avoir accès à toutes les preuves lui permettant de démontrer notamment que l’enquête menée par l’organisme n’était pas adéquate et ne respectait pas ses droits fondamentaux.

[27]       À de très rares occasions, la demanderesse mentionne dans ses documents que le caviardage du rapport en litige est l’un des éléments qui l’empêche d’exercer un recours en Cour supérieure (« a besoin de toutes les informations et les preuves afin de faire la lumière sur la situation devant un tribunal compétent »). Toutefois, selon les échanges qu’elle a eus avec la demanderesse et reproduits ci-après, la Commission est convaincue que cette dernière semble plutôt rechercher un autre document que le rapport en litige lorsqu’elle formule ces affirmations. Elle souhaite que la Commission ordonne à l’organisme de produire un rapport différent, à l’issue d’un nouveau processus d’enquête.

[28]       En effet, lors de l’audition de la présente requête de l’organisme, la soussignée a expliqué à plusieurs reprises à la demanderesse les limites de la compétence de la Commission, surtout dans le contexte où la Cour du Québec lui renvoie le dossier uniquement pour « qu’elle étudie de nouveau l’application des critères de l’article 88 de la Loi sur l’accès aux faits et circonstances de l’affaire en motivant sa décision en conséquence ».

[29]       La Commission a expliqué les prétentions de l’organisme au soutien de cette requête et a invité la demanderesse à lui indiquer si elle est toujours intéressée à obtenir les parties caviardées du rapport en litige :

Commission : Vous avez entendu la requête que formule Me Aylwin ce matin. En fait, pour résumer, il soumet que vos… dans plusieurs documents sur lesquels il a attiré mon attention ce matin et que vous avez eu l’occasion aussi de regarder rapidement, dont certains, plusieurs émanent de vous, il soutient que ce que vous recherchez n’est pas l’accès au document, au rapport qui était à l’origine quand vous avez fait votre demande d’accès. Je comprends qu’il y a tout un contexte et que […] les demandeurs d’accès formulent parfois des demandes pour avoir accès à certains documents dans un contexte X, mais, vous… pour avoir pris connaissance aussi de certains documents, notamment de la lettre que vous avez fait parvenir à la Commission qui concernait la médiation […], est-ce que vous comprenez que tout ce que je peux faire, moi, avec la Cour du Québec qui nous retourne le dossier, c’est décider: est-ce que le rapport d’enquête de harcèlement psychologique que vous avez demandé, est-ce qu’il est accessible ou non? […] est-ce que vous avez accès aux passages qui ont été masqués? C’est la seule décision que je dois rendre à la lumière de l’article 88 qui avait été invoqué par l’Université de Montréal. […]

Me Aylwin, ce qu’il dit, c’est que la Commission ne devrait même pas se prononcer sur cet élément là puisque ce que vous recherchez c’est ultimement…, dépasse de beaucoup la compétence de la Commission, ou l’accès au document ou à ces parties masquées. Vous recherchez plusieurs conclusions qui ne sont pas de la compétence de la Commission. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.

[…]

Demanderesse : […] Je n’ai pas pu renoncer à cause des connaissances que j’ai du problème. C’est un problème d’ordre public qui affecte nos institutions. […] L’hypothèse que j’émets c’est peut-être l’université m’aurait utilisé pour régler un grave problème constitutionnel qui empêche l’organisation judiciaire de bien fonctionner et qui cause à des personnes comme moi, des préjudices très graves, qui brise des vies. […] Je savais pas en fait comment me préparer pour venir ici, parce que je me suis dit : ça vas-tu être encore de la petite cuisine avec la loi sur la Commission d’accès à l’information au lieu d’affronter le problème de fond qui est un problème où l’État québécois n’a pas de droit constitutionnel qui permet de protéger les victimes d’abus de pouvoir face aux abus des institutions. C’est ça le problème de fond dans cette cause-là.

[…] Depuis le début, depuis 2011, la date où j’ai fait ma demande ici, j’ai jamais prétendu que le problème était seulement du caviardage de document, j’ai toujours expliqué que ce sont de faux documents qui m’ont été remis. […]

Commission : […] Je comprends que votre démarche à la Commission d’accès à l’information s’inscrit… vous considérez qu’il y a un problème plus grand que l’accès aux documents que vous demandez. Est-ce que vous êtes consciente que, tout ce que vous allez obtenir ici, au bout du compte, si jamais la requête est écartée, […] si la requête est pas acceptée et qu’on procède, tel que nous le demande la Cour du Québec, que la seule décision que la Commission va rendre, c’est : est-ce que les parties qui ont été masquées dans le rapport qui vous a été transmis, sont accessibles ou non? Est-ce que l’université avait le droit de masquer ces parties-là? Point. C’est la seule décision que vous allez obtenir, au bout du compte, ici.

Demanderesse : Mais moi je trouve pas ça normal, parce que ce que vous êtes en train de m’expliquer c’est que vraiment les juges de la Commission d’accès à l’information ne respectent pas les règles impératives de droit universel s’ils agissent comme ça. […]

Commission : Mais vous souhaitez toujours avoir accès au rapport?

Demanderesse : Mais c’est parce que c’est un faux rapport. Je reviens avec ça. Même s’il est caviardé, c’est pas un rapport sur les représailles. Moi je me suis plainte de représailles. […] Donc moi, ce que j’ai besoin, par le recours, c’est tout le processus d’enquête de l’université ou l’absence de processus d’enquête de l’université, que l’université avoue qu’il y a pas eu de processus d’enquête dans le respect des règles universelles. […] Au lieu de ça, ils ont fait des faux documents pour empêcher tous mes recours, même mes recours au criminel/pénal. Parce que la Commission d’accès est incapable de sévir au niveau criminel/pénal. Donc on a un gros, gros problème. La Commission d’accès se pose comme un tribunal obligatoire, spécialisé en accès à l’information. Mais elle a pas le pouvoir de sanctionner quand un organisme ne remet pas un rapport alors que le rapport est indispensable pour démontrer qu’il y a eu un crime dans une institution par exemple. […]

Commission : Notre compétence est limitée dans notre loi. La loi dit qu’est-ce que la Commission peut rendre comme décision. […]

Demanderesse : Il y a une section qui s’appelle analyse et évaluation si j’ai bien compris.

Commission : […] Il y a une section de surveillance, ça Me Desbiens l’a bien expliqué dans les passages qui ont été cités de la transcription. Mais moi, je suis dans la section juridictionnelle. Ma décision, le cas échéant, ne porterait que sur l’accessibilité du rapport.

Demanderesse : Mais moi je trouve que vous devriez pas décider là-dessus, vous devriez refuser de décider là-dessus et envoyer le dossier à la section analyse et évaluation.

Commission : Vous voulez pas que je statue sur l’accessibilité du document? Je veux que vous compreniez Madame que, ce que dit Me Aylwin, c’est que, ce que vous recherchez, c’est pas l’accès au document, c’est : vous contestez le processus, vous dites que c’est un faux document, que l’université a mal respecté le processus, que vous contestez les conclusions du rapport. Mais, il dit donc : Commission d’accès, […] ce serait pas utile que vous vous prononciez parce que c’est pas ce que veut la demanderesse.

Demanderesse : En fait je suis d’accord.

Commission : Là vous êtes en train de lui donner raison. […] Je veux juste vous souligner, moi j’ai une compétence limitée. Je ne pourrai, à la limite, que déterminer de l’accessibilité ou non des passages qui ont été masqués.

Demanderesse : Bon, ben c’est ça qu’on est venu vérifier aujourd’hui. Si vraiment c’est votre position, il va falloir faire quelque chose. Parce que c’est pas normal. […] Moi ce que je vous demande c’est de faire quelque chose d’autre que ça. […]

Commission : Vous voulez pas que la Commission se prononce sur l’accessibilité du rapport. C’est ça qu’on nous demande à la Cour du Québec.

Demanderesse : C’est pas ça que je comprends moi. Moi ce que je demande, c’est que la Commission se prononce sur le fait que, un rapport compétent, un rapport digne de ce nom, produit par une institution à la suite d’une plainte de représailles, devrait être bien différent de celui qui a été remis.

Commission : La Commission d’accès ne rendra pas cette décision-là. Que vous ayez raison ou tort, je ne peux pas, comme Commission d’accès à l’information, décider du contenu ou du processus qui a été respecté. Je ne peux que décider de l’accessibilité des passages qui ont été masqués. C’est ça l’objectif aujourd’hui de la conférence de gestion, c’est de savoir : il y a eu une première décision là-dessus, elle a été contestée par l’Université de Montréal à la Cour du Québec. La Cour du Québec nous retourne la décision, le dossier en disant : examiner à nouveau la question à la lumière de la preuve parce que la première décision n’était pas suffisamment motivée pour permettre de comprendre les motifs qui ont amené à la décision qui a été rendue. Bref, la deuxième décision qui va être rendue, ici, si décision il y a, c’est : est-ce que les passages masqués sont accessibles ou non. Point.

[30]       Tel qu’indiqué à la demanderesse, la seule question que la Commission aurait à trancher, en l’espèce, concerne l’accessibilité des parties caviardées dans le rapport en litige à la lumière de l’article 88 de la Loi sur l’accès. Il s’agit de la seule question que la Cour du Québec demande à la Commission de trancher et de motiver et qui relève de sa compétence.

[31]       Or, à la lumière de l’ensemble des documents déposés par les parties et de leurs observations respectives et surtout de l’échange reproduit ci-avant, la Commission conclut que la demanderesse souhaite que la Commission se prononce sur des questions autres qui ne relèvent pas de sa compétence. Elle recherche un rapport différent que celui qui est en litige, elle requiert que l’organisme procède à une nouvelle enquête, ou encore, elle demande réparation pour des dommages qu’elle prétend avoir subis. Elle souhaite également faire la lumière sur des situations qu’elle qualifie «d’abus de pouvoir et de corruption», obtenir une protection contre d’éventuelles représailles, etc.

[32]       En conséquence, la Commission conclut que la demanderesse s’est désintéressée de la seule question en litige dans le présent dossier qu’elle devrait trancher selon la décision de la Cour du Québec, soit l’accessibilité des parties caviardées du rapport en litige. Questionnée spécifiquement sur la pertinence d’une décision concernant uniquement l’accès aux parties caviardées du rapport en litige, la demanderesse indique que la Commission devrait refuser de rendre une décision à ce sujet. Dans ce contexte, elle considère que son intervention n’est manifestement plus utile.

[33]       La Commission a bien pris acte de la décision de la Cour du Québec lui ordonnant «d’étudier de nouveau l’application des critères de l’article 88 de la Loi sur l’accès aux faits et circonstances de l’affaire». Néanmoins, dans le cadre de l’instance visant à donner suite à cette ordonnance, la Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence (art. 141 de la Loi sur l’accès) et doit exercer ses fonctions et pouvoirs de façon diligente et efficace (art. 141.1 de la Loi sur l’accès).

[34]       En l’espèce, à la lumière de la preuve au dossier, la seule décision raisonnable que peut rendre la Commission est d’accueillir la présente requête et cesser d’examiner la présente affaire, car son intervention serait manifestement inutile.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[35]       ACCUEILLE la requête de l’organisme formulée en vertu de l’article 137.2 de la Loi sur l’accès;

[36]       CESSE d’examiner la présente demande de révision et ferme le dossier.

Diane Poitras
Juge administratif

Fasken Martineau DuMoulin

(Me Antoine Aylwin)

Avocat de l’organisme



[1]    RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.

[2]    Université de Montréal c. L…, 2013 QCCQ 15889.

[3]    Université de Montréal c. L…, 2012 QCCAI 262.

[4]    Voir le cahier des documents produits en preuve par l’organisme devant la Commission, notamment les onglets 2 (plainte privée en vertu de l’article 504 du Code criminel), 4 (requête reconventionnelle pour la déclaration d’outrages et pour la sanction des abus de procédures), 5 (requête pour remédier aux abus de procédures et aux abus de pouvoir judiciaire), 7 (avis d’appel de l’ordonnance rendue par la Cour du Québec le 17 septembre 2013), 8 (demande d’autorisation d’appel d’un jugement final de la Cour d’appel du Québec et requête à un juge pour remédier aux abus de pouvoir), 9 (réplique de la demanderesse - Cour suprême du Canada), 10 (formulaire 47 - avis de demande de réexamen à la Cour suprême du Canada).

[5]    Cahier des documents produits par l’organisme, onglet 13b, p.6-7.

[6]    Cahier des documents produits par l’organisme, onglet 5.

[7]    Voir pages 3 à 11 des observations écrites de la demanderesse.

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