Date : 19 février 2002
Jules Brodeur, médecin
Claude Ouellette, avocat
c.
LA SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Suite à la transmission aux parties intéressées de la décision rendue le 13 décembre 2001 dans le cadre du recours logé par la requérante (dossier SAS-Q-056989-9912), le Tribunal a reçu la correspondance suivante, datée du 25 janvier 2002, provenant du procureur de la requérante:
«Nous avons bien reçu, en date du 19 décembre dernier, votre décision du 13 décembre 2001.
Nous constatons après une lecture attentive de votre décision, qu'aucune conclusion n'apparaît quant à la reconnaissance ou non de l'existence d'une relation entre l'accident d'automobile du 3 février 1990 et les problèmes psychologiques de la requérante.
Auriez-vous l'obligeance de bien vouloir nous informer si le Tribunal entend trancher cette question soit par le biais d'une décision amendée ou dans le cadre d'une décision distincte.»
[2] Le Tribunal constate l'omission.
[3] Le Tribunal procédera donc, dans la présente décision, à amender la décision du 13 décembre 2001.
[4] L'amendement consiste en l'ajout des paragraphes 27, 28, 29 et 30 qui apparaissent dans la présente décision sous le titre «La relation entre l'accident et les problèmes psychologiques». Le dispositif de la décision a été modifié en conséquence.
[5] La requérante a formé un recours à l'encontre d'une décision rendue en révision par l'intimée, la Société de l'assurance automobile du Québec, le 22 novembre 1999. Cette décision confirme une décision de première instance portant sur le versement de l'indemnité de remplacement du revenu et statuant que la requérante était capable d'exercer l'emploi de caissière de billetterie à compter du 7 décembre 1998. Par la même occasion, cette décision refuse de reconnaître l'existence d'une relation entre l'accident d'automobile du 3 février 1990 et les problèmes psychologiques de la requérante.
[6] Le 3 février 1990, la requérante est blessée lorsque son véhicule est frappé à l'arrière par un autre véhicule. Il en résulte une entorse cervicale et une entorse lombaire.
[7] Alors que la requérante est sous traitement en physiothérapie, survient un nouvel accident le 3 mars 1990. Cette fois, son véhicule est frappé à une intersection, côté passager, par un véhicule ayant omis de faire l'arrêt obligatoire. Il en résulte une fracture de côtes, une entorse sévère de la cheville droite et des douleurs lombaires accrues.
[8] Une décision de l'agent d'indemnisation de l'intimée, datée du 30 mai 1991, nous apprend qu'au moment de l'accident du 3 février 1990, la requérante était déjà dans l'incapacité d'exercer son emploi habituel de serveuse en raison d'un autre accident d'automobile survenu le 21 novembre 1988.
[9] Les faits relatifs à l'accident de novembre 1988 sont ainsi relatés dans une décision de l'ancienne Commission des affaires sociales, rendue le 10 mars 1995:
«Madame [la requérante] avait été victime d'un premier accident d'auto le 21 novembre 1988 au cours duquel elle s'inflige des douleurs à la main droite, aux régions cervicale et lombaire et au genou droit. Elle est traitée par cylindre plâtré au membre inférieur droit et une arthrographie ultérieure révèle une destruction au condyle fémoral interne. En janvier 1990, l'orthopédiste Maurice Duhaime ne constate qu'un syndrome patello-fémoral pour lequel il recommande de poursuivre la période d'incapacité et de procéder à une nouvelle période de physiothérapie. Des indemnités de remplacement du revenu sont versées jusqu'au 19 juillet 1990.
Alors qu'elle est encore en arrêt de travail pour son genou droit, madame [la requérante] est victime, le 3 février 1990, d'un nouvel accident …»
Le Tribunal reviendra plus loin sur les conclusions de cette décision[1].
[10] Le 25 mai 1992, un agent d'indemnisation de l'intimée informe la requérante qu'elle a droit à des indemnités forfaitaires équivalent à un déficit de 2% pour séquelles permanentes d'entorse cervicale, ceci résultant de l'accident du 3 février 1990.
[11] À ceci s'ajoutera, suite à une décision datée du 10 août 1992, un taux de 2% pour séquelles permanentes d'entorse lombaire.
[12] Le 31 août 1992, l'intimée avise la requérante que son incapacité prend fin le 21 septembre 1991 et qu'elle est désormais capable d'exercer l'emploi de serveuse.
[13] Cette décision, confirmée en révision, sera par la suite contestée devant l'ancienne Commission des affaires sociales.
[14] La décision de la Commission, rendue le 10 mars 1995, infirme la décision en révision et déclare que le 21 septembre 1990, la requérante était incapable de reprendre son emploi de serveuse.
[15] Dans sa décision, la Commission cite le docteur Roger Tremblay, orthopédiste, qui avait examiné la requérante le 5 avril 1994, en ce qui a trait aux limitations fonctionnelles dont la requérante était désormais porteuse:
«Éviter les efforts de plus de 10 kg pour tirer, soulever ou pousser.
Éviter les positions statiques soit debout ou assises pour plus de 20 à 25 minutes.
Éviter les mouvements répétitifs de flexion-extension et de flexion-rotation du rachis lombaire.»
[16] Suite à la décision de la Commission, l'intimée fait appel à un service d'ergothérapie et demande à la requérante de se soumettre à une évaluation globale de ses capacités résiduelles de travail.
[17] Une première intervention débute le 28 septembre 1995 et prend fin le 4 octobre suivant. On y lit, en conclusion, que la requérante possède les capacités physiques pour occuper un emploi de type sédentaire à temps partiel, à condition de respecter une série de limitations de même nature, essentiellement, que celles déjà énoncées par le docteur Tremblay.
[18] Une deuxième intervention débute le 13 mai 1996 et prend fin le 14 juin suivant. Il convient de citer les passages pertinents suivants du rapport:
«… La tolérance assise, la tolérance debout et la tolérance à l'activité n'ont pu être augmentées comme souhaité pendant le programme de développement. Madame présente cependant les mêmes limitations et les mêmes restrictions à la position assise et debout que celles mentionnées dans le rapport d'évaluation des capacités de travail déjà effectuée.
[…]
Conclusion:
Madame a suivi un programme de développement des capacités de travail d'une durée de 20 sessions augmentant graduellement d'une fréquence de trois fois par semaine à une fréquence de 5 fois par semaine en 5 semaines.
L'analyse des résultats obtenus suite au programme de développement des capacités de travail permet de dire que madame [la requérante] ne peut effectuer un travail sédentaire à temps partiel de manière stable, productive et compétitive.
L'exécution du programme de développement a causé une augmentation significative de la symptomatologie douloureuse objectivée par des spasmes musculaires importants, une persistance des symptômes pour une plus longue période, une augmentation de la boiterie gauche, une consommation plus importante de médicaments, des signes objectifs de fatigue excessive soit blancheur du visage, yeux cernés, petits et vitreux, une altération de son cycle menstruel, une détérioration de sa vie familiale, une incapacité d'assister aux tâches domestiques, une diminution de son attention et de sa concentration. Le tout occasionnant une diminution significative de sa productivité la rendant non fonctionnelle.
Tout ceci nous indique que la condition physique de madame [la requérante] est détériorée et qu'en regard de ses capacités physiques présentes, des limitations mentionnées précédemment et de la symptomatologie développée, elle ne peut effectuer un travail sédentaire à temps partiel de façon fonctionnelle, stable, compétitive et productive.»
[19] À compter du 15 novembre 1996 et ce, toujours à la demande de l'intimée, la requérante est suivie en ergothérapie et en physiothérapie au Centre de réadaptation du dos. Le rapport de fermeture du dossier, produit le 6 novembre 1997, constate que suite aux traitements, les intervenants ont remarqué peu d'amélioration au niveau des capacités physiques et fonctionnelles de la requérante, ajoutant toutefois avoir observé une bonne amélioration au niveau de la maîtrise de la douleur et de la capacité à composer avec celle-ci. Le rapport se termine comme suit:
«… Nous suggérons donc l'arrêt des traitements au Centre de réadaptation du dos et que Mme [la requérante] soit redirigée vers des traitements d'ostéopathie.»
[20] Le 7 décembre 1998, l'intimée rend une décision par laquelle elle statue que la requérante est désormais capable d'exercer l'emploi de caissière de billetterie à temps plein. C'est cette décision qui sera confirmée en révision, d'où le présent recours.
[21] Entre-temps, soit le 27 mai 1997, le docteur Christophe Nowakowski, psychiatre, avait examiné la requérante à la demande de docteure Luce Beaudry, médecin traitant. Le docteur Nowakowski exprime l'opinion suivante:
«… En conclusion, il s'agit donc d'une dame avec des conflits psychodynamiques non résolus qui étaient sans doute présents avant les accidents de la route et qu'elle réussissait à fuir dans l'activité. Depuis les accidents, avec les limitations fonctionnelles physiques, elle est forcément beaucoup moins active et ses problèmes sont remontés à la surface … »
[22] Sollicité à nouveau par docteure Beaudry, le docteur réexamine la requérante le 15 mars 1999, soit un peu plus de trois mois après la date de la décision en révision. Il convient de citer de larges extraits des observations découlant de cet examen:
«… Aujourd'hui, madame [la requérante] a une attitude beaucoup plus ouverte. Il a donc été possible de confirmer certaines intuitions provenant de l'examen de 1997 et de compléter certaines données.
En résumé, madame [la requérante] est issue d'un milieu familial dysfonctionnel où elle a été victime de diverses formes d'abus.
[…]
Comme autres mécanismes de défense particulièrement importants dans la vie de madame [la requérante], elle a toujours essayé d'être le plus autonome possible, ne pas être obligée de dépendre ni de sa famille ni de personnes autres, et ceci a pris de telles proportions qu'elle a intégré le marché du travail avant l'âge de 12 ans.
Ainsi, pour madame [la requérante], sa capacité de travailler représentait beaucoup plus que pour la majorité des individus. C'était le gage d'une autonomie qui lui procurait une certaine sécurité psychologique, et qui empêchaient son anxiété de devenir trop débordante.
Suite aux accidents de travail, madame [la requérante] a perdu son autonomie dont elle avait absolument besoin pour préserver son équilibre psychique. Il s'en est suivi une décompensation psychologique caractérisée par une grande anxiété qui se révèle surtout dans ses interactions avec les autres.
[…]
Il y a donc actuellement chez madame [la requérante] une anxiété importante et qui est invalidante, même si elle est moindre qu'elle ne l'était en 1997. La principale limitation fonctionnelle qui en découle et que madame [la requérante] est incapable de fournir une prestation de travail satisfaisante à cause de son trouble de concentration, et cette difficulté est amplifiée par toutes les situations où elle doit interagir avec les autres. Elle a d'ailleurs essayé de retourner sur le marché du travail pendant quelques mois, dans un emploi de bureau, et était manifestement incapable de donner un rendement satisfaisant, de telle sorte qu'on lui a demandé de partir.
Cette condition dépend des accidents d'automobile, du moins dans l'acception usuelle de la notion de causalité dans un contexte médico-administratif. En effet, n'eût été des accidents d'automobile, madame [la requérante] aurait probablement pu continuer à fonctionner normalement, comme elle le faisait avant ces accidents. Il est évident que déjà avant les accidents elle utilisait le travail comme moyen de fuite, mais grâce à cela elle pouvait rester asymptomatique et fonctionnelle. Les accidents l'ayant privée de son autonomie, elle est devenue anxieuse au point d'être dysfonctionnelle.
[…].»
[23] Entendue lors de l'audience, la requérante livre le témoignage suivant:
- Elle a été victime de trois accidents de la circulation.
- Suite au troisième, le 3 mars 1990, sa mémoire des faits post-accidentels est fragmentaire: elle dit que ses premiers souvenirs clairs remontent à deux semaines après l'accident. Depuis, elle éprouve des difficultés de mémoire et de concentration.
- Les trois accidents sont à l'origine, chez elle, de beaucoup de frustration, surtout depuis qu'elle a réalisé qu'elle ne pourrait plus fonctionner comme auparavant. Elle a accepté un emploi de secrétaire-réceptionniste, peu exigeant sur le plan physique, vers les années 1993-1994. Elle n'a pas été capable de compléter un contrat d'une durée de 10 mois, devant quitter après environ 4 à 6 mois parce qu'elle sentait trop de pression. Sa frustration origine du fait qu'elle éprouve un sentiment d'échec et qu'ainsi elle se sent nulle.
- Sur le plan psychologique, elle dit être devenue agressive. Elle a tendance à s'isoler. Elle se sent fatiguée. Elle n'a pas d'activités de loisirs. Il arrive qu'une amie lui «brasse la cage» pour l'encourager à sortir.
- Sur le plan physique, elle se dit incapable d'exercer l'emploi de caissière en billetterie: elle ressent des douleurs au cou et au haut du dos aussitôt qu'elle reste en position de tête fléchie pendant plus de dix minutes; elle ne peut rester assise ni debout pendant plus de 20 à 30 minutes. À ceci s'ajoute le fait qu'elle éprouve des difficultés de concentration, ce qui lui fait craindre de faire des erreurs.
[24] Le docteur Nowakowski témoigne également, à titre de témoin-expert:
- Il commente son évaluation du 15 mars 1999. Cette évaluation l'a amené à poser un diagnostic de trouble de l'adaptation découlant de la présence d'éléments stresseurs:
- les douleurs et les limitations fonctionnelles physiques secondaires aux accidents;
- la rupture de la structure défensive qu'elle avait réussi à ériger, rupture qui a conduit à une perte d'autonomie et de sécurité psychologique, ceci découlant également des accidents.
- Le docteur Nowakowski ajoute, à l'occasion de son témoignage, un nouveau diagnostic: celui de commotion cérébrale probable à l'origine de certaines manifestations d'un syndrome organique. Il base ce diagnostic sur le questionnaire effectué auprès de la requérante (épisode d'amnésie post-accidentelle, diminution de la tolérance à l'alcool), ainsi que sur certains signes observés à l'examen, lesquels suggèrent une atteinte cognitive.
- Pour le docteur Nowakowski, c'est l'atteinte cognitive qui est la plus incapacitante pour un emploi de caissière: diminution de la mémoire et de la concentration, difficulté à manier avec dextérité des concepts abstraits et à traiter de façon efficace des informations multiples. Quant au trouble de l'adaptation, il n'entraîne pas, selon lui, de limitations fonctionnelles importantes chez la requérante, sinon un certain inconfort avec le public.
[25] La décision en révision ici contestée conclut que la requérante était capable d'exercer l'emploi de caissière en billetterie à compter du 7 décembre 1998. Accessoirement, la même décision refuse de reconnaître l'existence d'une relation entre l'accident du 3 février 1990 et les problèmes psychologiques de la requérante.
[26] Il a été mis en preuve que la requérante a été victime de trois accidents de la circulation, dont celui du 3 février 1990, tous déclarés et reconnus comme tel par l'intimée. Il n'est pas contesté que les séquelles et les limitations fonctionnelles dont la requérante est maintenant porteuse résultent de l'ensemble des blessures subies dans l'un ou l'autre de ces accidents. C'est donc sous cet angle que le Tribunal analysera le présent dossier, ainsi que l'a déjà fait l'ancienne Commission des affaires sociales lorsqu'elle a été appelée à statuer, le 10 mars 1995, sur la capacité de la requérante à exercer son emploi habituel de serveuse.
LA RELATION ENTRE L'ACCIDENT ET LES PROBLÈMES PSYCHOLOGIQUES
[27] Selon le témoignage de la requérante, celle-ci s'est adressée à la clinique psychiatrique de ville A en 1992 où elle a d'abord rencontré le docteur Cassan. La même année, elle a commencé à être suivie par docteur Luce Beaudry, qui continue encore aujourd'hui à la suivre.
[28] À l'examen de la preuve médicale disponible, le Tribunal note ce qui suit:
- La requérante a subi une pré-évaluation à la clinique psychiatrique de ville A le 9 mars 1992; on a alors proposé un rendez-vous avec le docteur Cassan pour avril 1992[2].
- En octobre 1993, docteure Luce Beaudry de la même clinique pose le diagnostic de trouble de l'adaptation avec anxiété et réfère la requérante à un psychologue, demandant à ce dernier d'initier une thérapie de relaxation. Durant la thérapie, qui s'étend d'octobre 1993 à janvier 1994, il est question d'anxiété et de douleurs physiques[3].
- De novembre 1996 à janvier 1997, puis de juin 1997 à octobre 1997, la requérante participe au programme de la Classe du dos[4] en raison de douleurs chroniques du dos.
- C'est à la demande de docteure Beaudry que la requérante est examinée par le docteur Nowakowski en mai 1997 et en mars 1999.
[29] Selon le témoignage du docteur Nowakowski, les accidents de 1990 sont à l'origine chez la requérante d'un trouble de l'adaptation découlant à la fois des douleurs secondaires aux faits accidentels et à la rupture de la structure défensive que la requérante avait érigée suite à des événements vécus dans son milieu familial durant sa jeunesse. Sur ce dernier point, le médecin explique que le travail était devenu pour la requérante un moyen de gérer efficacement ses relations interpersonnelles; l'incapacité physique consécutive aux accidents a entraîné la rupture d'une équilibre psychologique jusque là suffisamment solide.
[30] À la lumière de l'ensemble de la preuve testimoniale et documentaire, le Tribunal en arrive à conclure qu'il existe une relation entre l'accident du 3 février 1990 et les problèmes psychologiques de la requérante se présentant sous la forme d'un trouble de l'adaptation et ce, pour les motifs suivants:
- Tant la preuve testimoniale que documentaire établit clairement que la requérante a commencé à être suivie pour trouble de l'adaptation dès 1992.
- Dès le départ de ce suivi, la requérante présentait sur le plan physique une composante de douleurs au rachis; des stratégies de soulagement de ces douleurs ont été mises en place: d'abord exercices de relaxation, puis, plus tard, classe du dos.
- Le docteur Nowakowski a fourni au Tribunal une explication cohérente et crédible des mécanismes ayant conduit, après l'accident et en relation avec l'accident, aux problèmes psychologiques dont la requérante est maintenant porteuse: mécanismes physiques de douleurs au rachis et mécanismes psychologiques de rupture d'une structure défensive protectrice.
- L'opinion du docteur Nowakowski n'a été aucunement contredite.
LA CAPACITÉ À EXERCER L'EMPLOI DE CAISSIÈRE EN BILLETTERIE
[31] À la lumière de l'ensemble de la preuve documentaire et testimoniale qui lui a été soumise, le Tribunal conclut, en prépondérance, que la requérante était incapable, le 7 décembre 1998, d'exercer l'emploi de caissière de billetterie.
[32] Ce n'est toutefois pas en raison de l'existence de limitations fonctionnelles d'ordre psychique que le Tribunal en arrive à cette conclusion.
[33] En effet, la preuve médicale disponible, provenant exclusivement des observations du docteur Nowakowski, ne permet pas de conclure, de façon probable, que des limitations fonctionnelles de cet ordre contribuent à l'incapacité de la requérante. Certes, d'une part, le docteur Nowakowski émet le diagnostic de trouble de l'adaptation secondaire aux événements traumatiques, mais il reconnaît que cette atteinte est peu limitante chez la requérante en regard de l'emploi déterminé. Par ailleurs, d'autre part, le Tribunal ne saurait retenir comme étant probable l'autre diagnostic, survenu bien tardivement dans le cours de l'évaluation du docteur Nowaskowski, de syndrome cérébral organique post-commotionnel résultant d'un traumatisme survenu lors de l'accident du 3 mars 1990. En effet, il n'existe pas, dans le dossier médical disponible, d'éléments permettant de conclure que la requérante a alors été victime d'un traumatisme crânien avec commotion cérébrale[5].
[34] Pour le Tribunal, ce sont bien les limitations fonctionnelles d'ordre physique qui sont à l'origine de l'incapacité de la requérante. C'est ce qui ressort nettement des rares éléments de preuve documentaire disponibles, lesquels ont été produits à la demande de l'intimée elle-même.
[35] En effet, il est bien établi qu'en raison de séquelles permanentes d'entorse cervicale et d'entorse lombaire la requérante doit éviter, entre autres choses, les positions statiques, soit debout ou assise, pendant plus de 20 à 25 minutes[6].
[36] Or, les conséquences néfastes de ces limitations fonctionnelles sur l'employabilité de la requérante ont par la suite été constatées lors d'une étude durant laquelle celle-ci a été mise en situation réelle d'emploi sédentaire et ce, à temps partiel.
[37] À ceci s'ajoute le fait qu'une intervention thérapeutique en ergothérapie et en physiothérapie s'est avérée être un échec sur le plan de l'amélioration des capacités physiques et fonctionnelles de la requérante.
[38] Ainsi donc, dans la mesure où l'une des exigences de l'emploi de caissière, préposée à la billetterie, est que, sur le plan des capacités physiques, une personne soit «capable de rester assise et debout ou en marche durant de longues périodes[7]», le Tribunal ne saurait conclure, à la lumière de la preuve qui lui a été soumise, que la requérante était capable, le 7 décembre 1998, d'exercer l'emploi de caissière de billetterie.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
- INFIRME la décision en révision;
- ACCUEILLE le présent recours;
- DÉCLARE qu'il existe une relation entre l'accident et les problèmes psychologiques de la requérante se présentant sous la forme d'un trouble de l'adaptation;
- DÉCLARE que la requérante était incapable, le 7 décembre 1998, d'exercer l'emploi de caissière en billetterie.
JULES BRODEUR
CLAUDE OUELLETTE
19 février 2002
Me André Laporte
Procureur de la requérante
Me Carole Arav
Procureure de l'intimée
/ab
[1] Voir paragraphe 10 de la présente décision.
[2] Voir document R-1.
[3] Voir document R-1.
[4] Voir dossier page 141 et page 154 et suivantes.
[5] Voir, entre autres documents, celui déposé sous la cote I-1.
[6] Voir évaluation du docteur Roger Tremblay, 5 avril 1994, page 60 et suivantes.
[7] Code CNP 6611-002 du système Repères, voir documents en liasse, cote R-1.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.