Décision

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Cloutier c. Vallée Automobile inc.

2015 QCCQ 7361

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUCE

LOCALITÉ DE

ST-JOSEPH-DE-BEAUCE

« Chambre civile »

No :

350-32-009503-147

 

DATE :

19 août 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. [JG 2320]

______________________________________________________________________

 

 

RENÉ CLOUTIER

[…]St-Ephrem (Québec) […]

 

Demandeur

c.

VALLÉE AUTOMOBILE INC.

375, 136ième Rue

St-Georges (Québec) G5Y 2N7

 

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           La carte privilège qu’a émise Vallée automobile inc. (« Vallée ») à son client René Cloutier. pour un prix de 399 $ plus taxes, est-elle une garantie supplémentaire au sens de l’article 228.1 de la Loi sur la protection du consommateur[1] (« L.p.c. »)?

Les faits :

[2]           Le 6 mai 2014, M. Cloutier achète de Vallée une Jetta 2014 neuve pour un prix total de 21 717,55 $. M. Cloutier finance son achat au moyen d’un contrat de vente à tempérament avec Volkswagen Finance.

[3]           En plus de signer un contrat de vente-Véhicule neuf (« contrat d’achat »), et un contrat de vente à tempérament, M. Cloutier signe aussi :

Ø  Un formulaire de garantie de réparation de pare-brise numéro EM-400320;

Ø  Un formulaire de garantie hasard de route pour les pneus d’origine de sa voiture.

[4]           Le prix d’achat comprend les accessoires additionnels suivants au prix de 476 $, détaillés au contrat d’achat :

Accessoires additionnels et autres

Prix

-  Recyc-Québec - droits sur pneus neufs

15.00

-  Frais de RDPRM pour véhicule d’échange

0.00

-  Frais d’enregistrement au RDPRM (s’il y a lieu)

 

-  Frais de services - Immatriculation

0.00

(re : Prod. F&A Total = 399.00)

399.00

Sous-total

414.00

TPS applicable 5.00%

20.70

TVQ applicable 9.975%

41.30

Total

476.00

[5]           M. Cloutier reçoit une carte privilège de Vallée numéro 21670 (la « carte privilège »), laquelle comporte les avantages suivants :

ü  Véhicule de courtoisie garantie, avec prise de rendez-vous

ü  Plein d’essence gratuit à la livraison de votre voiture

ü  Rabais de 10% sur le service d’esthétique (lavage intérieur et extérieur exclus)

ü  Rabais de 10% sur les accessoires d’origine Volkswagen pendant la première année

ü  Garantie sur votre pare-brise

[6]           À l’audience, Vallée explique que la carte privilège comprend également une garantie « hasard de route » sur les pneus d’origine pendant les 4 premières années.

[7]           Le 20 mai 2014, M. Cloutier transmet à Vallée une demande de remboursement de la somme de 476 $ pour les « accessoires additionnels », que Vallée lui a facturée par erreur.

[8]           Le 23 mai 2014, Vallée répond que M. Cloutier a signé les documents de plein gré et en toute connaissance de cause. Elle refuse alors tout remboursement.

[9]           Malgré tout, Vallée offre à M. Cloutier un remboursement de 100 $ qu’il refuse le 4 juin 2014, en retournant la carte privilège 21670 à Vallée.

[10]        Constatant que M. Cloutier lui retourne la carte privilège, Vallée lui offre de lui rembourser 402,41 $, soit le prix de la carte privilège moins la valeur du plein d’essence fait à la livraison. Alors que M. Cloutier prétend avoir refusé cette offre, Vallée prétend au contraire qu’il l’a acceptée et qu’elle a émis, en conséquence, un chèque d’une somme de 402,41 $ à son ordre.

[11]        Dans sa demande déposée le 26 juin 2014, M. Cloutier allègue qu’il n’a pas consenti à acheter la carte privilège et que Vallée ne lui a pas transmis les informations obligatoires lorsqu’un commerçant vend une « garantie prolongée ». Il réclame de Vallée la somme totale de 586,52 $ correspondant à ce qui suit :

Ø  Remboursement de tous les frais additionnels facturés, soit 476 $;

Ø  Remboursement des frais d’envoi des mises en demeure, soit 10,50 $;

Ø  Remboursement des frais de déplacement, troubles et inconvénients, soit 100 $.

Analyse et motifs :

[12]        L’article 228.1 de la L.p.c. dispose :

228.1. Le commerçant doit, avant de proposer au consommateur de conclure, à titre onéreux, un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien, l'informer verbalement et par écrit, de la manière prescrite par règlement, de l'existence et du contenu de la garantie prévue aux articles 37 et 38.

Dans un tel cas, il doit également, le cas échéant, l'informer verbalement de l'existence et de la durée de la garantie du fabricant offerte gratuitement à l'égard de ce bien. À la demande du consommateur, il doit aussi l'informer verbalement de la façon pour lui de prendre connaissance de l'ensemble des autres éléments de cette garantie.

Le commerçant qui propose à un consommateur de conclure un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien sans lui transmettre préalablement les informations prévues au présent article est réputé passer sous silence un fait important et, par voie de conséquence, se livrer à une pratique interdite visée à l'article 228.

[13]        Les articles 37 et 38 de la L.p.c. auxquels l’article 228.1 de la L.p.c. réfère visent les garanties qui s’appliquent au contrat de vente :

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[14]        Le paragraphe e.1) de l’article 1 de la L.p.c. définit le « contrat de garantie supplémentaire » ainsi :

e.1)  «contrat de garantie supplémentaire»: un contrat en vertu duquel un commerçant s'engage envers un consommateur à assumer directement ou indirectement, en tout ou en partie, le coût de la réparation ou du remplacement d'un bien ou d'une partie d'un bien advenant leur défectuosité ou leur mauvais fonctionnement, et ce autrement que par l'effet d'une garantie conventionnelle de base accordée gratuitement à tout consommateur qui achète ou qui fait réparer ce bien;

[15]        Le législateur a adopté l’article 228.1 de la L.p.c. en raison de la pratique de commerce fort répandue de vendre à fort prix des « garanties prolongées » qui, parfois, font double emploi avec les garanties légales. Le législateur vise avant tout à ce que le consommateur soit bien informé des garanties pouvant exister sur le bien, tant celles prévues aux articles 37 et 38 de la L.p.c. que celles qu’offre le fabricant, avant d'acheter une garantie supplémentaire pour ce même bien.

[16]        En 2008, la Cour d’appel commente la définition de la garantie supplémentaire que l’on retrouvait à l’époque à l’article 260.6 L.p.c. :

[40]  La garantie supplémentaire est celle pour laquelle une contrepartie monétaire spécifique est exigée; elle n'est pas nécessairement offerte par le fabricant puisque la LPC décrit l'offrant comme un « commerçant ».  L'art.  260.6 LPC précise qu'elle a pour objet la prise en charge du coût de la réparation ou du remplacement d'un bien advenant sa défectuosité ou son mauvais fonctionnement, et ce, autrement que par l'effet de la garantie conventionnelle de base.  Elle est offerte dans le cadre de l'achat d'un bien, se rattache à une défectuosité de ce dernier et ne vise que sa réparation ou son remplacement; elle n'existe que si l'acheteur accepte de payer la contrepartie exigée par le garant.  Comme la garantie de base, elle n'est pas dépendante de l'existence d'un vice caché. 

[41]  La garantie supplémentaire est donc purement conventionnelle et non légale.  L'art 150.11 LPC reconnaît d'ailleurs cette réalité en la décrivant ainsi : « toute garantie conventionnelle disponible à l'option d'un consommateur ».[2]

[17]        Ainsi, la garantie supplémentaire « se rattache à une défectuosité du bien ou à son mauvais fonctionnement ». Elle s’applique lorsque le commerçant garantit le produit contre les risques découlant de son défaut de fabrication. Autrement, il s’agit plutôt d’assurance. La Cour d’appel cite avec approbation l’auteur Jean-Guy Bergeron qui explique ce principe ainsi :

Nous croyons que la distinction faite par les tribunaux nous amène à ceci : certaines assumations de risques accessoires à un contrat d'écoulement des biens ou de services peuvent être des contrats d'assurance; quand on garantit un produit contre quelques risques que ce soit, il s'agit d'assurance; quand on garantit un produit contre les risques découlant de son défaut de fabrication, il s'agit d'une garantie.

Appliquons ce principe.  Si le pneu que vous achetez est garanti contre tous les hasards de la route, il s'agit d'un contrat d'assurance.  Si au contraire le pneu n'est garanti que pour les risques découlant d'un défaut de fabrication, il s'agit d'une garantie.  D'ailleurs, il est normal qu'un bien ou un service puissent satisfaire les normes de sa finalité.[3]

[18]        En l’espèce, la carte privilège de Vallée n’est pas une garantie supplémentaire au sens de la L.p.c.

[19]        La carte privilège offre à son détenteur des privilèges qui n’ont pas de lien avec la défectuosité et le mauvais fonctionnement de la voiture. Par exemple, un rabais de 10% sur des services d’esthétique ou sur l’achat d’accessoires d’origine Volkswagen. De même, un véhicule de courtoisie garanti avec prise de rendez-vous.

[20]        Par ailleurs, la garantie sur le pare-brise et la garantie sur les pneus s’appliquent en cas de hasard de route et non d’une défectuosité.

[21]        Bref, Vallée n’avait pas à respecter les obligations de l’article 228.1 de la L.p.c. puisque la carte privilège n’est pas une garantie supplémentaire.

[22]        Par ailleurs, M. Cloutier a bel et bien consenti à la garantie de réparation de pare-brise et à la garantie hasard de route puisqu’il a signé les deux documents qui en attestent. Toutefois, il est loin d’être clair que M. Cloutier a consenti à payer 399 $ plus taxes pour la carte privilège. En effet, le contrat d’achat décrit la carte privilège comme étant « Prod F & A Total : 399 $ ». M. Cloutier témoigne qu’il ne savait pas ce que signifiait cette mention à son contrat d’achat.

[23]        Par contre, la mention « Recyc-Québec - droits sur pneus neufs » de 15 $ est très claire. Tous les acheteurs de pneus neufs au Québec doivent payer un droit à Recyc-Québec, et M. Cloutier n’a pas droit à une exception.

 

 

[24]        Dans ce contexte, l’offre de Vallée de rembourser le prix d’achat de la carte privilège moins la valeur d’un plein d’essence, soit 402,41 $, est raisonnable et le Tribunal y donne acte, chaque partie devant assumer ses propres frais.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE Vallée Automobile inc. à payer à M. René Cloutier la somme de 402,41 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de ce jugement, le tout chaque partie payant ses frais judiciaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

PIERRE A. GAGNON, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

16 juin 2015

 



[1]     RLRQ, c. P-40.1.

[2]     Association pour la protection des automobilistes inc. c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 761.

[3]     Association pour la protection des automobilistes inc. c. Toyota Canada inc, précitée note 2, paragr. 60, page 14.

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