Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés (Ordre professionnel des) c. Breton

2020 QCCDCRHRI 2

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES CONSEILLERS EN RESSOURCES HUMAINES
ET EN RELATIONS INDUSTRIELLES AGRÉÉS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

13-19-00018

 

DATE :

28 octobre 2020

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

M. CAMILLE JOMPHE, CRHA

Membre

M. DENIS MORIN, CRHA

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme VÉRONIQUE EMOND, CRHA, en sa qualité de syndique de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec

Plaignante

c.

M. FRANÇOIS BRETON, autrefois CRHA

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DES NOMS DES VICTIMES DE l’INTIMÉ MENTIONNÉS DANS LA PREUVE, DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, ET CE, POUR ASSURER LA PROTECTION DE LEUR VIE PRIVÉE.

APERÇU

[1]          Le Conseil de discipline de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec s’est réuni, le 21 octobre 2020, pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte disciplinaire portée par la plaignante, Véronique Emond, CRHA, en sa qualité de syndique de l’Ordre, contre l’intimé, François Breton.

[2]          Le 27 juillet 2020, le Conseil déclare M. Breton coupable à l’égard des infractions fondées sur l’article 59.2 du Code des professions sur les chefs 1 et 2 de la plainte portée contre lui[1].

[3]          La plainte disciplinaire modifiée portée par la syndique est libellée ainsi :

1.    À Lévis, le ou vers le 21 février 2019, alors qu’il exerçait sa profession à titre de conseiller en ressources humaines et santé sécurité chez Société Via, a subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à sa collègue de travail, madame A, commettant ainsi une infraction à (…) l’article 59.2 du Code des professions ;

2.    Dans la région de Québec, au cours de la période du 1er au 3 mars 2019, alors qu’il était membre de l’Ordre des CRHA, a commis ou a tenté de commettre des vols d’argent, (…), dans différents commerces de la ville, en menaçant les commis caissiers d’un couteau à chacune de ces occasions, commettant ainsi une infraction à (…) l’article 59.2 du Code des professions.

[Transcription textuelle, sauf anonymisation]

RECOMMANDATION DE LA SYNDIQUE

[4]          L’avocat de la syndique demande au Conseil d’imposer à M. Breton une radiation permanente sur les deux chefs de la plainte modifiée.

QUESTION EN LITIGE

[5]          Quelles sont les sanctions à imposer à M. Breton pour les chefs 1 et 2 en tenant compte des circonstances propres à ce dossier?

CONTEXTE

[6]          La plainte initiale portée par la syndique contre M. Breton est datée du 24 octobre 2019.

[7]          Le 13 novembre 2019, M. Breton signe une comparution personnelle à Bécancour dans laquelle il enregistre un plaidoyer de non-culpabilité aux infractions qui lui sont reprochées dans la plainte.

[8]          Dans le même document, M. Breton autorise le greffe du Conseil de discipline à lui transmettre par courrier électronique tous les documents, les correspondances et les procédures qui lui sont destinés dans le cadre du présent dossier. Il confirme que tout ce qui lui sera transmis à son adresse électronique qu’il précise aura le même effet qu’une signification effectuée par huissier.

[9]          Le 12 mars 2020, lors de l’audience de gestion d’instance, M. Breton est absent. L’avocat de la syndique indique ne pas avoir eu de contact avec lui depuis le mois de janvier.

[10]       L’audience sur culpabilité est fixée pour une durée de deux jours, soit les 28 et 29 mai 2020. Toutefois, cette audience doit être reportée en raison de la pandémie de la COVID-19. Elle est finalement fixée les 14 et 15 juillet 2020.

[11]       Le 23 juin 2020 à 14 h 02, Mme Frédérique Carbonneau-Côté, huissière de justice, signifie l’avis d’audition sur culpabilité des 14 et 15 juillet 2020 par courriel à M. Breton.

[12]       Le 14 juillet 2020, au début de l’audience sur culpabilité, le Conseil constate l’absence de M. Breton. Le Conseil décide de procéder à l’audience sur culpabilité en l’absence de M. Breton conformément à l’article 144 du Code des professions.

[13]       Le 27 juillet 2020, le Conseil rend sa décision sur culpabilité.

[14]       Le 29 juillet 2020, Mme Frédérique Carbonneau-Côté, huissière de justice, signifie la décision sur culpabilité par voie de courriel conformément à l’arrêté no 4267 de la juge en chef du Québec et de la ministre de la Justice du Québec du 27 mars 2020.

[15]       Le 8 octobre 2020, la secrétaire du Conseil de discipline, Me Isabelle Désy, notaire, transmet par courriel aux parties un avis d’audition sur sanction à distance.

[16]       Le 21 octobre 2020, au début de l’audience sur sanction, le Conseil constate de nouveau l’absence de M. Breton.

[17]       Le Conseil décide de procéder à l’audience sur culpabilité en l’absence de M. Breton conformément à l’article 144 du Code des professions.

[18]       M. Breton est inscrit au tableau de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec du 8 mai 2014 au 31 mars 2019. Il est radié du tableau de l’Ordre le 1er avril 2020 pour son défaut d’acquitter la cotisation annuelle 2019-2020 dans le délai prescrit.

[19]       Dans sa décision sur culpabilité du 27 juillet 2020, le Conseil a reconnu la culpabilité de M. Breton pour avoir subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à une collègue de travail, le ou vers le 21 février 2019, alors qu’il était membre de l’Ordre des CRHA et qu’il exerçait sa profession à titre de conseiller en ressources humaines et santé sécurité chez la Société VIA.

[20]       Le Conseil a également reconnu la culpabilité de M. Breton pour avoir commis ou avoir tenté de commettre des vols d’argent, entre le 1er et le 3 mars 2019, dans différents commerces de la Ville de Québec, en menaçant les commis-caissiers à l’aide d’un couteau.

[21]       En agissant ainsi, le Conseil a déterminé que M. Breton avait contrevenu aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions libellé ainsi :

59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.

[22]       M. Breton n’a pas d’antécédents disciplinaires.

ARGUMENTATION DE l’AVOCAT DE LA SYNDIQUE

[23]       L’avocat de la syndique souligne que ce n’est pas tous les jours qu’un conseil de discipline a devant lui un professionnel qui a été accusé de vols.

[24]       Il souligne que le comportement de M. Breton en février et mars 2019 s’écarte de beaucoup de la conduite dont le public est en droit de s’attendre d’un CRHA.

[25]       Il rappelle que M. Breton a été reconnu coupable d’avoir subtilisé et utilisé une carte de crédit appartenant à une collègue de travail en plus d’avoir commis ou tenté de commettre des vols d’argent dans différents commerces en menaçant les caissiers à l’aide d’un couteau.

[26]       L’avocat de la syndique souligne que la conduite de M. Breton est extrêmement sérieuse et que la situation est très inquiétante puisqu’il a commis des actes graves.

[27]       À son avis, M. Breton n’a aucun respect pour le Conseil de discipline puisqu’il a décidé d’être absent bien qu’il ait été dûment convoqué.

[28]       M. Breton a de plus cessé de payer sa cotisation professionnelle pour l’exercice 2019-2020 et n’a aucun contact avec le bureau de la syndique. Il est tout simplement absent.

[29]       Or, plus d’une année et demie s’est écoulée depuis les événements qui ont donné lieu aux deux chefs de plainte modifiée.

[30]       L’absence de M. Breton a pour conséquence que le Conseil n’est pas en mesure de savoir s’il a amorcé une réflexion, une démarche ou encore s’il a des regrets.

[31]       De la même manière, le Conseil ne sait pas si M. Breton a présenté des excuses à sa collègue ou aux victimes à la suite de ses comportements.

[32]       Citant les paragraphes 85 et 86 de la décision du Conseil sur culpabilité, l’avocat rappelle que les gestes commis par M. Breton sont incompatibles avec les qualités requises par les CRHA, soit l’intégrité, la probité, l’honnêteté, le respect d’autrui et le professionnalisme.

[33]       De même, comme le rappelle le Conseil dans sa décision sur culpabilité, il souligne que le bien-être des employés, la sécurité dans les relations de travail et le maintien d’un climat de travail serein font partie des missions de la profession.

[34]       L’avocat de la syndique souligne que le comportement de M. Breton a entraîné un choc aux employés, ce qui a pu entraîner des conséquences pour leur santé.

[35]       Pour lui, la preuve démontre que M. Breton est un individu qui n’a pas hésité à recourir à de la violence pour commettre ses vols ou ses tentatives de vols.

[36]       Il rappelle que le dossier de M. Breton ne présente qu’un seul facteur atténuant, soit le fait de ne pas avoir d’antécédents disciplinaires.

[37]       L’avocat de la syndique soumet que M. Breton a déshonoré sa profession et que son comportement a eu pour conséquence de faire perdre la confiance du public envers la profession de CRHA.

[38]       Il plaide que dans le contexte, il serait illogique de permettre que soit réadmis au sein de la profession de CRHA un individu qui a eu un tel comportement, lequel a eu pour conséquence d’éroder la confiance du public en entrant en collision frontale avec les valeurs des CRHA.

[39]       Il rappelle que M. Breton a choisi de se retirer et de tourner le dos à sa profession au lieu de faire face au Conseil de discipline.

[40]       L’avocat de la syndique dépose et commente des autorités[2].

[41]       Il soumet que puisque M. Breton est absent, le Conseil ignore quelle est la situation de M. Breton. A-t-il été traité, prend-il de la médication? Il y a absence complète de preuve à cet égard.

[42]       Tout ce que le Conseil a devant lui est un homme qui a fait fi des limites du vivre ensemble, ce qui est particulier pour quelqu’un dont le bien-être des employés, la sécurité dans les relations de travail et le maintien d’un climat de travail serein font partie des missions de la profession.

[43]       Il invite donc le Conseil à  ordonner la radiation permanente de M. Breton sous chacun des deux chefs de la plainte modifiée.

ANALYSE

[44]       Le Conseil souligne les enseignements du juge Chamberland de la Cour d’appel dans Pigeon c. Daigneault : « […] il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession […] »[3].

[45]       Au sujet de la protection du public, le Tribunal des professions nous enseigne ce qui suit dans l’affaire Chevalier[4] :

[18] Le Tribunal note que le juge Chamberland a parlé « au premier chef » de la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, puis l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession et enfin le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession. Ainsi, ce droit du professionnel ne vient qu'en quatrième lieu, après trois priorités.

[46]       La protection du public est le premier critère à évaluer lors de l’imposition d’une sanction. Toutefois, « chaque cas est un cas d’espèce »[5].

[47]       Le Conseil rappelle que son rôle n’est pas de punir le professionnel, mais de s’assurer que la sanction aura, sur M. Breton et les autres membres de la profession, un effet dissuasif tout en atteignant les objectifs d’exemplarité pour la profession et la protection du public.

[48]       La jurisprudence est constante concernant le fait que le rôle du conseil de discipline, lorsqu’il impose une sanction, est d’assurer la protection du public. Ce critère englobe également celui de la perception du public[6].

[49]       La sanction est déterminée proportionnellement à la gravité de la faute commise et elle doit atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité enseignés en jurisprudence.

[50]       Le Conseil doit aussi respecter le principe de l’individualisation de la sanction et soupeser l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants, pertinents à la détermination de la sanction de chaque affaire.

Les facteurs objectifs

[51]       Les facteurs objectifs qui doivent être considérés au moment d’imposer une sanction disciplinaire sont ceux reliés à l’infraction elle-même et visent particulièrement : la protection du public, la gravité de l’offense et l’exemplarité.

[52]       Le 27 juillet 2020, le Conseil déclare M. Breton coupable d’avoir, en février 2019, subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à une collègue de travail, alors qu’il exerçait sa profession à titre de conseiller en ressources humaines et santé-sécurité.

[53]       De même, il a été reconnu coupable d’avoir commis ou avoir tenté de commettre des vols d’argent, entre le 1er et le 3 mars 2019, dans différents commerces de la Ville de Québec, en menaçant les commis-caissiers à l’aide d’un couteau.

[54]       En agissant ainsi, M. Breton a contrevenu aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions libellé ainsi :

59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.

[55]       Ainsi, M. Breton a contrevenu à des obligations déontologiques qui se situent au cœur même de l’exercice de sa profession.

[56]       En matière de gravité objective, la conduite reprochée à M. Breton est extrêmement grave et porte ombrage à l’ensemble de la profession.

[57]       Il a été déclaré coupable d’infractions qui minent la confiance du public à l’égard de la profession de CRHA pour laquelle le bien-être des employés, la sécurité dans les relations de travail et le maintien d’un climat de travail serein font partie des missions de la profession.

[58]       Ainsi, la conduite de M. Breton contraste avec le comportement attendu d’un CRHA tant à l’égard d’une collègue de travail (chef 1) qu’à l’endroit d’employé(e)s au cours de leur travail (chef 2).

[59]       Le volet d’exemplarité doit être reflété par les sanctions que le Conseil doit imposer. Il s’agit de l’un des objectifs reconnus dans le cadre de l’imposition d’une sanction en droit disciplinaire. Pour les chefs d’infraction à l’étude, cette notion d’exemplarité trouve son fondement dans la gravité des infractions et dans la nécessité d’assurer la protection du public.

[60]       Les sanctions à être imposées doivent être significatives afin d’avoir un caractère dissuasif. En effet, une sanction qui se veut généralement dissuasive est celle qui vise à décourager ou à empêcher les autres membres de la profession de se livrer aux mêmes gestes que ceux posés par M. Breton[7].

Les facteurs subjectifs

[61]       À titre de facteurs subjectifs, M. Breton n’est plus membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec depuis le 1er avril 2020 à la suite de son défaut d’acquitter la cotisation annuelle 2019-2020 dans le délai prescrit.

[62]       Dans ce contexte, le risque de récidive de M. Breton est nul du moins pour le moment.

[63]       M. Breton ne bénéficie que de peu de circonstances atténuantes outre son absence d’antécédents disciplinaires et le fait qu’il ne soit plus membre de l’Ordre des CRHA.

[64]       Or, les circonstances du présent dossier permettent au Conseil d’accorder peu de poids à ces éléments.

[65]       Toutefois, le dossier de M. Breton présente plusieurs facteurs aggravants importants.

[66]       M. Breton est membre de l’Ordre des CRHA depuis le mois de mai 2014. C’est donc dire qu’au moment de la commission des infractions en février et en mars 2019, il avait près de cinq ans d’expérience comme CRHA.

[67]       M. Breton est absent tant lors de l’audition sur culpabilité que celle sur sanction. La preuve présentée permet au Conseil de conclure que la conduite de M. Breton contraste avec le comportement attendu d’un CRHA tant à l’égard d’une collègue de travail (chef 1) qu’à l’endroit d’employé(e)s au cours de leur travail (chef 2).

[68]       Le Conseil juge que la protection du public exige que des sanctions importantes et sévères soient imposées à M. Breton afin d’éviter la répétition de ses inconduites déontologiques.

[69]       La présente analyse des facteurs objectifs et subjectifs est applicable à chacun des chefs sans que le Conseil ne reprenne celle-ci sous chacun des chefs.

Chef 1

[70]       Au chef 1, M. Breton a été reconnu coupable d’avoir, en février 2019, subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à une collègue de travail alors qu’il exerçait sa profession à titre de conseiller en ressources humaines et santé-sécurité.

[71]       La syndique demande au Conseil d’imposer à M. Breton une radiation permanente sous le chef 1.

[72]       Tout comme lors de l’audience sur culpabilité, M. Breton est absent lors de l’audience sur sanction. Par conséquent, le Conseil ignore sa position.

[73]       Le Conseil juge que l’imposition d’une radiation permanente pour ce chef serait punitive pour M. Breton, ce qui n’est pas le but du droit disciplinaire.

[74]       Dans l’affaire Massé[8], le conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec impose une radiation de deux ans à cette infirmière dans le cadre d’une plainte fondée sur l’article 149.1 du Code des professions. Dans ce cas, cette dernière a volé des médicaments et de la nourriture dans un centre d’hébergement. Elle éprouvait des difficultés reliées à la consommation de narcotiques depuis plusieurs années.

[75]       Dans l’affaire Lecompte[9], le comité de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec fait droit à la recommandation du syndic et impose une radiation temporaire d’un an à cette infirmière auxiliaire qui plaide coupable d’avoir subtilisé plusieurs cartes de crédit appartenant à divers bénéficiaires et en obtenant frauduleusement par la suite le numéro d’identification personnelle desdites cartes, de manière à les utiliser à des fins personnelles. Elle a de plus subtilisé des chèques appartenant à divers bénéficiaires en les falsifiant et en les utilisant à des fins personnelles.

[76]       Dans sa décision, le comité de discipline souligne le fait que l’infirmière auxiliaire qui pratique depuis 20 ans n’a aucun antécédent disciplinaire. Elle a eu de nombreux problèmes personnels dans sa vie et notamment ceux reliés à l’alcoolisme de son conjoint. Elle a également souffert de la maladie du jeu pathologique, ce qui l’a vraisemblablement amenée à voler les bénéficiaires dont elle avait la responsabilité.

[77]       Le comité de discipline a tenu compte des démarches entreprises par l’intimée afin de se sortir de son problème de jeu et notamment la thérapie qu’elle a complétée à la Maison Jean Lapointe, ainsi que de sa volonté de requérir l’aide nécessaire afin de ne pas recommencer à jouer. Il a également considéré qu’elle a collaboré à l’enquête tant du syndic que de la police, elle a reconnu sa culpabilité, elle a manifesté ses regrets ainsi que son intention de rembourser les bénéficiaires.

[78]       Dans le présent cas, le Conseil n’est pas en mesure de connaître les mesures prises par M. Breton pour s’amender et se reprendre en mains.

[79]       Le Conseil juge que l’imposition d’une courte période de radiation pour une infraction de cette nature lancerait un message négatif au sein de la profession et risquerait de banaliser des manquements à des devoirs qui sont au cœur de l’exercice même de la profession de CRHA.

[80]       En l’espèce, le Conseil croit qu’il est nécessaire d’imposer une période de radiation significative pour donner un caractère dissuasif auprès des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de suivre la conduite de M. Breton.

[81]       Le Conseil rappelle que chaque sanction doit être évaluée en fonction des éléments propres à chaque dossier et au professionnel à qui elle est imposée.

[82]       Afin de respecter le caractère dissuasif que doit comporter une sanction, le Conseil décide d’imposer une période de radiation de trois ans sous le chef 1 et est d’avis que celle-ci est juste et proportionnée.

Chef 2

[83]       Au chef 2, M. Breton a été reconnu coupable d’avoir, entre le 1er et le 3 mars 2019, commis ou avoir tenté de commettre des vols d’argent dans différents commerces de la Ville de Québec en menaçant les commis-caissiers à l’aide d’un couteau.

[84]       La syndique demande au Conseil d’imposer à M. Breton une radiation permanente sous le chef 2. Le Conseil ignore la position de M. Breton.

[85]       De l’avis du Conseil, l’infraction commise par M. Breton au chef 2 est plus sérieuse que l’infraction du chef 1.

[86]       En effet, le vol qualifié constitue une infraction violente qui contredit l’essence de la profession et contraste avec le comportement attendu d’un CRHA tant à l’endroit d’employé(e)s au cours de leur travail.

[87]       La jurisprudence reconnaît depuis longtemps qu’un acte criminel peut avoir des effets sur le plan professionnel même s’il a été commis en dehors de l’exercice de la profession comme c’est le cas en l’espèce[10].

[88]       Ceci s’explique par le fait que l’acte criminel crée un doute sur la moralité du professionnel.

[89]       Le bien-être des employés, la sécurité dans les relations de travail et le maintien d’un climat de travail serein font partie des missions de la profession.

[90]       Pour le Conseil, à l’évidence, les actes décrits au chef 2 démontrent que M. Breton n’a pas agi dans le respect ni avec l’intégrité nécessaire à la préservation de la dignité de sa profession.

[91]       Le Conseil considère que les faits dans cette affaire ne justifient pas l’imposition d’une période de radiation permanente comme le suggère la syndique.

[92]       Pour le Conseil, une telle sanction serait punitive à l’égard de M. Breton, ce qui n’est pas le but du droit disciplinaire. Une telle sanction doit également considérer le droit du professionnel d’exercer sa profession[11].

[93]       La sanction disciplinaire doit avoir un objectif éducatif auprès du professionnel fautif tout en comportant un volet dissuasif auprès de l’ensemble des membres de la profession.

[94]       Dans l’affaire David[12], un infirmier est accusé de vol qualifié avec usage d’une arme à feu. C’est une infraction avec violence et une radiation temporaire de cinq ans lui est imposée. Cette décision est confirmée par le Tribunal des professions.

[95]       Le Conseil rappelle que chaque sanction doit être évaluée en fonction des éléments propres à chaque dossier et au professionnel à qui elle est imposée.

[96]       Afin de respecter le caractère dissuasif que doit comporter une sanction, le Conseil est d’avis qu’une période de radiation temporaire de six ans sous le chef 2 est juste et proportionnée.

[97]       Enfin, M. Breton sera condamné au paiement de tous les déboursés prévus par le quatrième alinéa de l’article 151 du Code des professions.

POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL :

Sous le chef 1

[98]       IMPOSE à l’intimé, François Breton, une période de radiation de trois ans.

Sous le chef 2

[99]       IMPOSE à l’intimé, François Breton, une période de radiation de six ans.

[100]    ORDONNE que les périodes de radiation temporaire soient purgées de façon concurrente.

[101]    DÉCLARE que les périodes de radiation temporaire ne deviendront exécutoires que lorsque l’intimé, François Breton, le cas échéant, redeviendra membre en règle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec.

[102]    ORDONNE à la secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec de publier un avis de la présente décision, conformément à l’article 156 du Code des professions, dans un journal circulant dans le lieu où l'intimé, François Breton, a son domicile professionnel, ledit avis ne sera publié qu’au moment où les périodes de radiation temporaire deviendront exécutoires.

[103]    CONDAMNE l’intimé, François Breton, au paiement des déboursés mentionnés au quatrième alinéa de l’article 151 du Code des professions ainsi que des coûts de publication de l’avis mentionné ci-haut, le cas échéant.

 

__________________________________

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

 

 

 

__________________________________

M. CAMILLE JOMPHE, CRHA

Membre

 

 

 

__________________________________

M. DENIS MORIN, CRHA

Membre


 

Me Jacques Prévost

Avocat de la plaignante

 

M. François Breton (absent)

Intimé

 

Date d’audience :

21 octobre 2020

 



[1]     Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés (Ordre professionnel des) c. Breton, 2020 QCCDCRHRI 1.

[2]     Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Massé, 2009 CanLII 48534 (QC CDOII); Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Lecompte, 2006 CanLII 81769 (QC OIIA); David c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 1998 QCTP 1600; Tribunal - Avocats - 5, [1987] D.D.C.P. 251.

[3]     Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[4]     Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 137.

[5]     Pigeon c. Daigneault, supra, note 3.

[6]     Salomon c. Comeau, 2001 CanLII 20328 (QC CA); Choquette c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 165.

[7]     Cartaway Ressources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672.

[8]     Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Massé, supra, note 2.

[9]     Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Lecompte, supra, note 2.

[10]    Tribunal - Médecin - 6, 1976 D.D.C.P. 164.

[11]    Pigeon c. Daigneault, supra, note 3.

[12]    David c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 1998 QCTP 1600, supra, note 2.

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