Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Hogue c. Procureur général du Québec

2020 QCCA 1081

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-009920-189

(200-17-021022-140)

 

DATE :

 25 AOÛT 2020

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GUY GAGNON, J.C.A.

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

 

MARIE-CLAUDE HOGUE, en sa qualité de liquidatrice de la succession d’André Hogue

MARIE-CLAUDE HOGUE, personnellement et en sa qualité de tutrice à son enfant mineur Gabriel Hogue-Choquette

SIMON HOGUE-CHOQUETTE

APPELANTS - Demandeurs

c.

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

INTIMÉ - Défendeur

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les appelants se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure, district de Québec, rendu le 20 novembre 2018 qui rejette leur demande en dommages-intérêts contre l’intimé.

[2]           Pour les motifs du juge Levesque, auxquels souscrivent les juges Gagnon et Rancourt, LA COUR :

[3]           REJETTE l’appel, sans les frais de justice.

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

Me Francis Fortin

Me Marc Boulanger

Tremblay, Bois

Pour les appelants

 

Me Jonathan Branchaud

Me Alexie Lafond-Veilleux

Lavoie, Rousseau

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

28 mai 2020


 

 

 

MOTIFS DU JUGE LEVESQUE

 

 

[4]           Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 20 novembre 2018 par la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Catherine La Rosa), qui rejette leur demande en dommages-intérêts compensatoires et punitifs contre l’intimé[1].

APERÇU

[5]           La toile de fond que nous offre le tableau de cette affaire est dramatique. M. André Hogue, père de Mme Marie-Claude Hogue et grand-père de Simon et Gabriel Hogue-Choquette, est victime d’un meurtre à sa résidence. La principale suspecte, Mme Armande Côté, conjointe de la victime, est arrêtée et mise en accusation, mais non sans que les policiers aient systématiquement violé ses droits constitutionnels. Ces violations amènent le juge de l’instance criminelle à exclure la quasi-totalité de la preuve recueillie contre Mme Côté et à l’acquitter de l’accusation. Cette décision sera infirmée par notre Cour, mais rétablie par la Cour suprême du Canada.

[6]           La succession de M. André Hogue, de même que Mme Marie-Claude Hogue et ses deux fils, Simon et Gabriel, intentent une poursuite en dommages-intérêts contre l’intimé en lui réclamant près de 1,9 M$ puisqu’ils estiment avoir été lésés par le comportement incompétent des policiers qui ont mené l’enquête sur le meurtre de M. Hogue.

[7]           Les appelants font valoir que les fautes commises par les policiers ont entraîné l’acquittement de Mme Côté et que cet acquittement leur a causé un important préjudice. Ils estiment avoir été privés de l’apaisement qu’auraient pu apporter la condamnation et l’emprisonnement de Mme Côté, de sorte qu’ils n’ont plus confiance dans les autorités policières ni dans le système de justice. Ils affirment avoir subi des dommages moraux et précisent que leur droit à la sécurité, la sûreté et l’intégrité a été violé. Ils réclament également des dommages punitifs en raison de la conduite négligente des policiers.

[8]           La juge de première instance a rejeté l’entièreté de leur demande en dommages compensatoires principalement pour le motif suivant : il n’existe pas de lien de causalité suffisant entre les fautes des policiers et l’acquittement de Mme Côté. En ce qui concerne les dommages punitifs, la juge a également refusé de les accorder puisqu’elle conclut que les policiers n’avaient pas l’intention délibérée de causer l’acquittement de Mme Côté.

[9]           Pour les motifs qui suivent, je propose de rejeter l’appel.

LE CONTEXTE DE L’AFFAIRE[2]

[10]        Le soir du 22 juillet 2006, Mme Armande Côté effectue un appel 911. Elle demande l’assistance des services d’urgence parce que son conjoint, M. André Hogue, est blessé. Elle dit l’avoir trouvé gisant dans le gazebo adjacent à leur résidence[3].

[11]        À son arrivée à l’hôpital, M. Hogue est inconscient. Le médecin qui le prend en charge constate une blessure à la tête. Un examen plus approfondi révèle la présence de fragments métalliques dans son crâne, lesquels sont compatibles avec ceux d’un projectile. Le médecin communique alors avec la Sûreté du Québec[4].

[12]        À la suite de cette information et de l’appel 911 fait par Mme Côté, une enquête s’enclenche dans la nuit du 22 au 23 juillet.

[13]        Le 23 juillet 2006, peu après minuit, des patrouilleurs se rendent sur les lieux de l’événement[5]. Dans les minutes et les heures qui suivent, les enquêteurs font preuve d’un mépris grave et systématique des droits constitutionnels de Mme Côté.

[14]        Aux fins du présent pourvoi, je ne crois pas utile de revenir longuement sur les fautes commises par les policiers : elles sont admises par l’intimé[6]. Voici donc un bref aperçu des violations constitutionnelles notées par le juge Cromwell de la Cour suprême :

[6]        […] Premièrement, l’introduction des policiers sur la propriété de l’appelante, l’autorisation d’entrer dans la maison, la fouille de celle-ci, la fouille périphérique du terrain et la fouille du gazebo (ou gloriette) constituaient des fouilles, saisies et perquisitions abusives au sens de l’art. 8 de la CharteDeuxièmement, peu de temps après leur arrivée, les policiers ont détenu l’appelante sans lui préciser le motif de la mesure comme l’exige l’al. 10a) de la Charte. Troisièmement, les policiers ont alors — et plus tard pendant leurs échanges avec l’appelante — porté atteinte à son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat et d’être informée de ce droit, tous deux garantis à l’al. 10b) de la Charte. Quatrièmement, ils ont foulé au pied le droit de l’appelante de garder le silence garanti à l’art. 7 de la Charte et, cinquièmement, en posant des questions inappropriées, ils ont obtenu une déclaration qui n’était pas volontaire.  De plus, le juge du procès conclut que les enquêteurs ont induit un officier de justice en erreur dans le but d’obtenir des mandats de perquisition et qu’ils ont témoigné de façon évasive et indigne de foi lors du procès. […].[7]

[Soulignements ajoutés]

[15]        Le 23 juillet 2006, en soirée, M. Hogue décède des suites de ses blessures[8].

[16]        Le 24 juillet 2006, Mme Côté est accusée de meurtre au deuxième degré et prend le chemin de la prison[9]. Elle est toutefois libérée sous condition le 17 octobre 2006 en attente de son procès[10].

[17]        C’est le 19 novembre 2007 que s’engage le procès de Mme Côté. On y présente dès lors une requête en exclusion de la preuve selon le paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés[11]. Cette audience s’étend sur cinq jours et Mme Hogue y assiste. Elle commence alors à se questionner sur le travail des policiers[12]. Elle fait part de ses inquiétudes à l’enquêteur Michel Comeau, qui la rassure. Mme Hogue lui fait confiance, notamment parce qu’ils entretiennent une relation intime. Cette relation a commencé un mois et demi après la fin de l’enquête et s’est terminée en 2011.

[18]        Le 28 novembre 2007[13], le juge chargé d’entendre la requête en exclusion rend sa décision : il accueille la demande et exclut la quasi-totalité de la preuve. Il expose sommairement les motifs au soutien de celle-ci et mentionne que les motifs plus complets seront déposés ultérieurement[14]. C’est l’enquêteur Comeau qui apprend la nouvelle à Mme Hogue par téléphone. Elle est dévastée.

[19]        Le 29 novembre 2007, date fixée pour la continuation du procès de Mme Côté, le ministère public déclare ne pas disposer d’autres éléments de preuve et Mme Côté est acquittée. Mme Hogue témoigne s’être écrasée dans un coin à la sortie de la salle d’audience. Elle se dit dévastée par la situation, elle crie et pleure beaucoup[15].

[20]        En février 2008, alors qu’elle était en arrêt de travail depuis le meurtre de son père[16], Mme Hogue entame un retour progressif au travail comme intervenante auprès de la DPJ. Après deux mois, elle se retrouve à nouveau en arrêt de travail. Elle se disait incapable de faire confiance au « système » lorsqu’un dossier faisait l’objet d’une plainte à la police[17].

[21]        Au cours de la relâche scolaire en 2008, Mme Hogue et sa famille prennent des vacances au chalet, qui est en fait l’ancienne résidence de M. Hogue et Mme Côté. Lors d’une sortie à l’épicerie, Mme Hogue, Simon et Gabriel aperçoivent Mme Côté assise dans sa voiture. Cela provoque une forte réaction chez Mme Hogue. Elle est en colère et se dirige vers elle. Ses fils la retiennent et la ramènent à leur voiture. Lorsque les trois sont de retour au chalet, Simon et Gabriel ne vont pas bien; ils pleurent et sont en crise. Mme Hogue décide alors de retourner à la maison[18].

[22]        En juillet 2008, durant les vacances de la construction, Mme Hogue et ses fils retournent au chalet. Gabriel ne réagit pas bien et il a peur que Mme Côté s’en prenne à sa famille. Au début, Simon tente de le consoler, mais finalement une panique générale s’installe et Mme Hogue décide encore une fois de retourner à la maison[19].

[23]        Le 28 août 2008, le juge Cournoyer rend les motifs détaillés de sa décision d’exclure la preuve[20].

[24]        Le 18 février 2010, notre Cour accueille l’appel du ministère public à l’encontre de cette décision et ordonne un nouveau procès[21]. Mme Hogue apprend cette nouvelle en écoutant la télévision; elle est euphorique[22]. Cette joie fut de courte durée puisqu’en avril 2010, Mme Côté dépose une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême[23], qui est accueillie le 8 juillet 2010[24].

[25]        Le 5 septembre 2011, Mme Hogue décide de passer la fin de semaine au chalet. En arrivant, elle croise Mme Côté en voiture. Elle fait demi-tour en essayant de la rattraper. Elle a la fantaisie de lui faire du mal, mais change d’avis en pensant à ses enfants. Elle refait demi-tour et se dirige au chalet. Elle n’est pas dans un bon état et est découragée. Elle attente à ses jours en consommant de l’alcool et des médicaments[25]. Mme Hogue est transportée en ambulance à l’hôpital. Une note à son dossier médical indique ceci :

Mme décrit une « hyper réactivité » dans ses réactions; impulsivité de longue date. Hier, a commencé sa journée par une chicane avec sa sœur qui ne l’avait pas invité à la fête de son fils; ensuite, déçue que des amis qu’elle attendait ne venaient plus; ensuite, dispute avec son ami de cœur (chacun, pour se venger de l’autre, va le tromper avec un autre individu. Mme le trompait souvent; dernière fois la fin de semaine dernière). Sous l’effet de la colère, elle boit, vide bières et c’est à ce moment qu’elle devient suicidaire. Elle écrit une lettre, avale des pilules, envoie des messages textes à des amis qui, eux, avertissent la SQ. Mme, ce jour, regrette son geste. Impulsivité dans la nourriture avec le poids qui varie d’une quinzaine de livres. hallucination. Idées suicidaires chroniques, mais jamais de passage à l’acte. Sommeil acceptable avec [illisible]. Voir un psychologue régulièrement depuis des années. Également hier, Mme a croisé l’ex cjte de son père (celle-ci est celle qui l’a tué, mais procès pour vice de procédure).[26]

[Transcription textuelle]

[26]        Le 14 octobre 2011, la Cour suprême accueille l’appel de Mme Côté et rétablit la décision du juge Cournoyer[27]. Elle est donc acquittée de l’accusation de meurtre au deuxième degré contre M. Hogue. Lorsqu’elle apprend cette nouvelle, Mme Hogue est dévastée et a l’impression de vivre un cauchemar[28].

[27]        Le 10 octobre 2014, les appelants déposent une demande introductive d’instance en dommages-intérêts de 1,9 M$ contre l’intimé puisqu’ils estiment avoir été victimes du comportement incompétent des policiers de la Sûreté du Québec ayant participé à l’enquête sur le meurtre de M. Hogue[29].

[28]        Les appelants suggèrent que les fautes commises par les policiers ont entraîné l’acquittement de Mme Côté et que cet acquittement leur a causé un préjudice. Ils estiment avoir été privés de l’apaisement qu’auraient pu apporter la condamnation et l’emprisonnement de Mme Côté, de sorte qu’ils n’ont plus confiance dans les autorités policières ni dans le système de justice. Ils prétendent avoir subi des dommages moraux et avancent que leur droit à la sécurité, la sûreté et l’intégrité a été violé[30]. Ils réclament également des dommages punitifs en raison de la conduite négligente des policiers[31].

[29]        Je crois opportun de souligner ici que l’amalgame que propose l’appelante en associant enquête policière et système de justice est inapproprié. Le système de justice québécois et canadien tire sa source de la loi et du droit et non pas du travail des policiers. Il en est totalement indépendant.

LE JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEURE

[30]        La juge de première instance reconnaît que les policiers ont adopté un comportement fautif en violant les droits constitutionnels de Mme Côté[32]. Quant aux dommages subis par les appelants, la juge retient que « ces événements ont brisé toute la confiance qu’ils pouvaient avoir envers les autorités policières et qu’ils sont aujourd'hui privés d’un apaisement procuré par une condamnation d’Armande Côté »[33].

[31]        Pour ce qui est du lien de causalité, la juge expose qu’en vertu de l'article 1607 C.c.Q., le dommage doit être une suite immédiate et directe de la faute commise. Ainsi, le préjudice dit « en cascade » n'est pas indemnisable en droit québécois puisqu’il s'agit d'un dommage indirect. La juge ajoute que, pour établir le lien de causalité, il faut se demander si le préjudice découle nécessairement de la faute[34].

[32]        Appliquant ces principes aux faits de l’espèce, elle se questionne à savoir « si n’eût été la faute des policiers ou si les policiers avaient bien conduit leur enquête, y aurait-il nécessairement eu condamnation d’Armande Côté pour le meurtre d’André Hogue »[35]. La juge répond par la négative. Selon elle, il est « impossible de conclure par prépondérance de la preuve qu'un jury en serait venu à un verdict de culpabilité »[36]. Le lien direct entre la faute des policiers et le préjudice allégué des demandeurs n'existe donc pas.

[33]        La juge de première instance choisit ensuite d’évaluer les dommages réclamés par les appelants dans l’éventualité où elle retiendrait un lien de causalité avec l’enquête bâclée des policiers.

[34]        Lorsqu’elle considère les dommages réclamés par la succession de M. Hogue, la juge expose qu’une atteinte au droit, à la sécurité et à la sûreté implique un état de conscience de la victime. Or, la preuve révèle que M. Hogue est arrivé inconscient à l'hôpital et qu'aucune cellule saine de son cerveau n'a été découverte suivant les examens effectués peu après son entrée. Il était certes vivant à son arrivée, mais n'a jamais repris connaissance et il est décédé quelques heures plus tard. En conséquence, les dommages-intérêts exigés par sa succession doivent être rejetés[37].

[35]        À l’égard de la réclamation de Mme Hogue, la juge précise que la compensation s’analyse en fonction du préjudice qui découle de la faute et ne vise pas à indemniser le préjudice préexistant[38]. Or, plusieurs séquelles dont se plaint Mme Hogue étaient déjà présentes avant l’acquittement de Mme Côté[39]. À ce sujet, elle compare l’expertise du Dr Édouard Beltrami, l’expert de Mme Hogue, et celle du Dr Frédéric Benoît, l’expert de l’intimé, et retient la seconde[40]. Elle conclut aussi que la condition dont se plaint Mme Hogue ne découle pas entièrement de l’acquittement de Mme Côté, mais d’une condition préexistante[41]. En présence d’un lien de causalité avec la faute des policiers, la juge aurait accordé 40 000 $ à Mme Hogue[42].

[36]        En ce qui concerne Simon Hogue-Choquette, la juge de première instance retient également la thèse du Dr Benoît[43]. Ainsi, si elle avait conclu à un lien de causalité, elle lui aurait accordé 2 000 $ pour les dommages subis[44].

[37]        Pour ce qui est de Gabriel Hogue-Choquette, la juge retient encore une fois l’avis du Dr Benoît et conclut à l’absence de lien entre l’acquittement de Mme Côté et les diagnostics retenus[45]. Incidemment, elle ne lui aurait accordé aucune indemnité, peu importe sa conclusion sur le lien de causalité[46].

[38]        La juge analyse enfin les dommages punitifs réclamés. Elle considère que si les policiers « ont fait preuve d’une négligence extrême »[47], ils n’ont pas « voulu délibérément provoquer l’acquittement d’Armande Côté »[48]. Ils n’avaient pas non plus l’intention de causer un préjudice aux proches de M. Hogue. Par conséquent, elle aurait rejeté la demande en dommages punitifs[49].

QUESTIONS EN LITIGE

[39]        Les appelants font valoir cinq moyens qu’il y a lieu de reformuler pour répondre aux questions qui suivent :

1)    La juge de première instance a-t-elle erré en concluant à l’absence de lien de causalité entre les fautes des policiers et le préjudice subi par les appelants? (Questions 1 et 3)

2)    La juge de première instance a-t-elle erré en omettant de considérer les dommages qui pouvaient être octroyés aux appelants en violation de leurs droits publics et sociaux prévus dans les chartes des droits et libertés? (Question 4)

3)    La juge de première instance a-t-elle erré en omettant de se prononcer sur la question de savoir si l’enquêteur Michel Comeau a commis une faute professionnelle, un abus de pouvoir et causé des dommages en entretenant une relation intime avec Mme Marie-Claude Hogue durant les procédures? (Question 2)

4)    La juge de première instance a-t-elle erré en refusant d’octroyer des dommages punitifs alors qu’elle qualifie les fautes des policiers de « négligence extrême »? (Question 5)

L’ANALYSE

-       La juge de première instance a-t-elle erré en concluant à l’absence de lien de causalité entre les fautes des policiers et le préjudice subi par les appelants? (Questions 1 et 3)

[40]        Les appelants prétendent que la juge de première instance n’aurait pas dû se demander s’il existe un lien causal entre les fautes des policiers et l’acquittement de Mme Côté, mais bien s’il existe un tel lien entre ces fautes et les dommages subis par les appelants. Ils soutiennent qu’ils n’avaient pas le fardeau de démontrer que Mme Côté aurait été condamnée, n’eût été les fautes des policiers. Par contre, si tel était leur fardeau, la juge a tout de même commis une erreur en leur imposant de prouver cette condamnation selon un standard de certitude alors que la norme applicable est celle de la prépondérance des probabilités.

[41]        Les appelants font aussi valoir que la théorie du préjudice en « cascade » ne trouve pas application en l’espèce dans la mesure où l’acquittement, induit par les fautes des policiers, a directement causé le préjudice pour lequel ils demandent compensation. De plus, même si les appelants étaient porteurs d’une condition préexistante, il ne s’agit pas d’un obstacle à l’établissement du lien de causalité puisque les fautes des policiers ont exacerbé leur condition.

a)    Observations préliminaires

[42]        Il existe, en droit civil québécois, plusieurs théories permettant d’établir l’existence d’un lien de causalité entre une faute et un préjudice. Dans le récent arrêt Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé (« Imperial Tobacco »), notre Cour détaille de façon exhaustive quatre de ces théories, à savoir l’équivalence des conditions, la causalité adéquate, la causalité immédiate et la prévisibilité raisonnable des conséquences. Aux fins du présent pourvoi, je ne reproduis que les passages concernant les deux premières :

[662]    La théorie de l’équivalence des conditions consiste essentiellement « à rechercher tous les faits sans la présence desquels le dommage ne se serait pas produit ». En vertu de celle-ci, une valeur causale identique est conférée à tous les faits nécessaires à l’existence du préjudice. Aucun tri n’est donc effectué entre les éléments qui ont pu contribuer à sa réalisation. Établir la cause d’un préjudice selon cette théorie équivaut ainsi à identifier toutes les conditions sine qua non de sa réalisation.

[663]    À la différence de la théorie précédente, la doctrine de la causalité adéquate opère une sélection parmi l’ensemble des circonstances, des comportements ou des événements qui ont pu mener à la réalisation du préjudice. La causalité adéquate cherche ainsi à distinguer la cause véritable du préjudice de la simple occasion de sa réalisation ou des circonstances qui ont coïncidé avec celle-ci. Née « du désir de trouver un critère permettant de discriminer entre toutes les conditions sine qua non » du préjudice, cette théorie fait appel, selon certains, au critère de la possibilité objective du résultat, ou encore, selon d’autres, à celui de l’expérience usuelle. En vertu du premier critère, la cause adéquate est « l’événement qui, par sa simple existence, rend objectivement possible la réalisation du dommage »; en vertu du second, elle est « le fait qui, dans le cours ordinaire des choses, accroît sensiblement la possibilité de [celui-ci] ».[50]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[43]        La doctrine observe que les tribunaux n’ont pas développé de méthode uniforme afin d’établir le lien de causalité dans une situation donnée[51]. Tous s’entendent néanmoins sur le point suivant : le dommage doit être la conséquence directe, logique, immédiate de la faute[52]. Comme l’explique l’arrêt de notre Cour dans l’affaire Imperial Tobacco :

[666]    De manière générale, les tribunaux québécois concluent à l’existence d’un lien de causalité lorsqu’il est démontré que le dommage est la conséquence logique, directe et immédiate de la faute. Cette conception de la causalité se traduit le plus souvent par le rejet des théories de l’équivalence des conditions et de la causalité immédiate. La théorie de la prévision raisonnable des conséquences est parfois appliquée de concert avec celle de la causalité adéquate, mais c’est cette dernière qui a le plus largement cours en jurisprudence.

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[44]        En vertu de la théorie de l’équivalence des conditions, « est considéré comme causal tout fait sans lequel le dommage n'aurait pas eu lieu »[53]. Or, bien qu'une faute puisse être une cause sine qua non du dommage, elle n'en constitue pas nécessairement la cause adéquate et immédiate. En effet, comme l’explique l’auteur Frédéric Levesque, cette théorie « est difficilement applicable en pratique, car elle aboutirait à reconnaître un rôle causal à des événements n'ayant qu'un rapport très lointain avec le dommage »[54]. Le rejet de cette théorie peut alors s’expliquer par le fait qu’elle ouvre la porte à l’indemnisation d’un préjudice qui résulte indirectement de la faute, ce qui est contraire à l’article 1607 C.c.Q.[55].

[45]        Pour la même raison, le dommage par ricochet[56], également appelé préjudice en cascade, n’est pas indemnisable : il ne constitue pas une conséquence directe, logique et immédiate de la faute. À titre d’illustration, l’auteur Daniel Gardner propose l’exemple suivant :

68Le préjudice en cascade. En fait, lorsque les tribunaux réfèrent à la notion de « dommage indirect » pour écarter une partie de la réclamation, ils cherchent à éviter que, par un effet de cascade, le défendeur se trouve tenu de supporter toutes les conséquences, au sens commun du terme, de sa faute. Un dirigeant de P.M.E. est blessé dans un accident de ski : son entreprise doit cesser d'accepter de nouveaux contrats, ce qui a pour effet de freiner son développement et de réduire les dividendes futurs, tout en faisant perdre des contrats lucratifs à ses fournisseurs. L'entreprise est incapable, pendant un certain temps, de payer ses dépenses, ce qui implique des frais de crédit et, dans le pire des cas, une liquidation de l'entreprise qui se répercute sur le niveau de vie des membres de la famille, entraînant une dépression pour le conjoint de la victime. S'il existe bel et bien un lien entre le préjudice initial et tous ces évènements postérieurs, ce lien sera jugé insuffisant en droit pour permettre l'octroi d'une indemnité couvrant les conséquences de tous ces évènements aux « victimes » identifiées ci-dessus. Comparant la situation en droit civil et en common law en matière de causalité, la juge McLachlin affirme avec raison :

Le mécanisme de contrôle qui permet d'éviter le préjudice illimité en droit civil réside non pas dans le genre de préjudice subi, mais dans la question de savoir si, dans les faits, le préjudice est une conséquence directe, certaine et immédiate de la négligence. Il semble que cela a permis d'éviter les réclamations futiles et la menace de responsabilité illimitée.[57]

[Soulignements ajoutés]

[46]        Malgré ce qui précède, les tribunaux empruntent régulièrement à la théorie de l’équivalence des conditions le critère de la « condition sine qua non »[58], également appelé « test du facteur déterminant »[59],  critère de la cause nécessaire[60] ou test du « n’eût été »[61] (« but-for test », en common law[62]) afin d’établir la causalité factuelle entre la faute et le préjudice. Cela consiste à se demander ce qu’il serait advenu du préjudice, n’eût été la faute.

[47]        Toutefois, et c’est là le point le plus important, les tribunaux reconnaissent que ce « test » n’est pas suffisant en soi pour établir le lien de causalité selon la norme juridique applicable. Effectivement, encore faut-il que le dommage soit la conséquence directe, logique et immédiate de la faute[63].

[48]        Je résume : le test du « n’eût été » permet de déterminer si une faute est susceptible d’avoir occasionné le préjudice « lorsque l’absence de faute n’aurait absolument rien changé au cours des choses, le lien de causalité est évidemment exclu »[64]. Par contre, ce test n’est pas suffisant pour établir le lien de causalité, puisqu’il ne permet pas nécessairement de conclure que le dommage est une conséquence directe, logique et immédiate de la faute.

[49]        La théorie de la causalité adéquate, conjuguée à l’occasion avec celle de la prévisibilité raisonnable des conséquences, peut s’avérer efficace puisqu’elle « opère une sélection parmi l’ensemble des circonstances, des comportements ou des événements qui ont pu mener à la réalisation du préjudice »[65]. Elle permet ainsi de discriminer, parmi toutes les conditions sine qua non du préjudice, celle ou celles qui en constituent véritablement la cause directe, logique et immédiate. La causalité adéquate cherche ainsi à « distinguer la cause véritable du préjudice de la simple occasion de sa réalisation ou des circonstances qui ont coïncidé avec celle-ci »[66].

[50]        En ce qui a trait à la norme d’intervention, la Cour suprême enseigne que la détermination du lien de causalité est une question de fait. Cela étant, notre Cour doit faire preuve de déférence envers les conclusions du juge de première instance à moins d’une erreur manifeste et déterminante[67].

b)    Application aux faits de l’espèce

[51]        Il est important de rappeler brièvement les composantes de la faute reprochée aux policiers et du préjudice subi par les appelants.

[52]        Les policiers, par leurs actions et omissions, ont violé systématiquement les droits constitutionnels de Mme Côté, et ce, à partir de leur arrivée à sa résidence vers 00 h 15 min le 23 juillet 2006 jusqu’à la fin de son interrogatoire vers 20 h le même jour. Ils ont contrevenu à son droit contre les fouilles et les saisies abusives, son droit d’être informée des motifs de sa détention, son droit à l’avocat et son droit au silence[68]. Les fautes des policiers sont admises par l’intimé.

[53]        En ce qui a trait au préjudice subi, les appelants soutiennent avoir perdu confiance dans le système de justice puisqu’ils se trouvent privés de l’apaisement que leur aurait offert la condamnation de Mme Côté. Cela se traduit par des troubles psychiatriques ou psychologiques subis en réaction à l’acquittement de Mme Côté.

[54]        Comme le souligne l’intimé, il est important de noter que les appelants ne remettent pas en cause l’évaluation des dommages de la juge de première instance. Ainsi, même s’ils reprennent les conclusions de leur demande introductive d’instance dans leur mémoire d’appel, soit l’octroi de 900 000 $ à titre de dommages compensatoires, à aucun moment les appelants n’avancent-ils l’idée que la juge de première instance aurait commis une erreur manifeste et déterminante dans l’évaluation des dommages. Le préjudice subi par les appelants se trouve donc circonscrit par les conclusions de la juge de première instance.

*  *  *

[55]        Abordons maintenant la question du lien de causalité.

[56]        Les appelants soutiennent que, dans la mesure où l’acquittement de Mme Côté a contribué de façon appréciable à leurs dommages, le lien direct entre la faute des policiers et leur préjudice est établi. Ils appuient cette prétention sur les enseignements de l’arrêt Athey c. Leonati rendu par la Cour suprême du Canada[69], une affaire de common law, où la Cour écrit qu’en certaines circonstances « les tribunaux ont reconnu que la causalité était établie si la négligence du défendeur avait "contribué de façon appréciable" au préjudice »[70].

[57]        Toutefois, le critère de « contribution appréciable » au préjudice n’est pas une théorie de la causalité qui est utilisée en droit civil québécois. Comme l’écrit l’auteure Lara Khoury :

15.  « Material contribution »

- Certaines décisions font référence, pour évaluer la causalité, au test de la « contribution appréciable » (material contribution) au préjudice appliqué par la Cour suprême dans la décision de common law Athey c. Leonati. L’approche à laquelle ce terme renvoie s’est cependant développée en common law pour remédier à des difficultés très particulières engendrées par l’utilisation prédominante du but-for test comme méthode d’évaluation de la causalité factuelle. En effet, ce test, qui nécessite la démonstration que le préjudice ne serait pas survenu en l’absence du comportement fautif du défendeur, se bute à des problèmes lorsque le préjudice résulte de la combinaison d’une faute et d’un facteur non fautif dans un contexte où chacun aurait pu isolément causer l’ensemble du préjudice. On peut douter de l’utilité de cette approche en droit civil qui accepte déjà comme suffisant pour engendrer la responsabilité le fait qu’un fait fautif soit une des causes ayant contribué directement au préjudice, sous réserve des règles concernant la rupture du lien de causalité. De plus, la Cour suprême du Canada s’est récemment distancée du test de la contribution appréciable au préjudice.[71]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[58]        De plus, il convient de constater que, même en common law, le critère de « contribution appréciable » n’est pas la principale norme juridique employée pour établir le lien de causalité. C’est plutôt le « test du facteur déterminant » qui est le plus souvent utilisé.

[59]        Notre Cour, dans l’arrêt Imperial Tobacco, souligne que le test du « facteur déterminant » ou du « but-for test » émane de la common law et constitue une application de la théorie de l’équivalence des conditions, telle que détaillée précédemment. Cet arrêt décrit également dans quelles circonstances le critère de la « contribution appréciable » pourra néanmoins être utilisé pour établir le lien de causalité[72] :

[667]    En comparaison, dans les provinces de common law, le critère de la causalité qui est le plus fréquemment utilisé est celui du « facteur déterminant » (qu’on désigne parfois par l’expression « n’eût été » ou, en langue anglaise, « but-for test »). Ce critère constitue une application de la théorie de l’équivalence des conditions. Il impose de se demander si, n’eût été de la faute du défendeur, le préjudice serait malgré tout survenu. S’il est établi que le préjudice se serait concrétisé même en l’absence de la faute du défendeur, ce dernier ne pourra en être tenu responsable.

[668]    Exceptionnellement, et en présence de conditions particulières, les tribunaux canadiens de common law se montrent prêts à atténuer la rigueur de ce critère en lui substituant celui de « la contribution appréciable »material contribution test »). Dans l’arrêt Resurfice Corp. c. Hanke, la juge en chef McLachlin écrivait à ce sujet :

[…] De manière générale, il convient d’appliquer le critère de la « contribution appréciable » dans les causes qui satisfont à deux exigences.

Premièrement, il doit être impossible pour le demandeur de prouver au moyen du critère du « facteur déterminant » que la négligence du défendeur lui a causé un préjudice. Cette impossibilité doit être attribuable à des facteurs qui échappent au contrôle du demandeur; par exemple, les limites de la science. Deuxièmement, il doit être clair que le défendeur a manqué à une obligation de diligence envers le demandeur, l’exposant ainsi à un risque de préjudice déraisonnable, et que le demandeur doit avoir subi le type de préjudice en question. En d’autres termes, le préjudice causé au demandeur doit pouvoir découler du risque créé par le manquement du défendeur. […]

[669]    Plus récemment, la juge en chef revenait, dans l’arrêt Clements c. Clements, sur la prééminence du « facteur déterminant » comme critère de causalité - les neuf juges de la Cour étaient unanimes sur ce point - tout en apportant les précisions suivantes :

[43] Il importe de réaffirmer que le critère traditionnel du facteur déterminant continue de s’appliquer dans les affaires ordinaires mettant en cause plusieurs agents ou auteurs. Comme je l’ai expliqué précédemment, la question consiste à déterminer si le demandeur a établi que la négligence d’un ou de plusieurs des défendeurs a constitué une cause nécessaire du préjudice. Les degrés de faute respectifs de ceux-ci sont pris en compte lors des calculs effectués en application des dispositions législatives sur la négligence contributive. En revanche, c’est le critère de la contribution appréciable au risque qui s’applique dans les cas où il est impossible de prouver la causalité suivant le critère du facteur déterminant à l’égard d’aucun des différents défendeurs — qui ont par ailleurs tous fait preuve de négligence d’une manière susceptible d’avoir effectivement causé le préjudice du demandeur —, parce que chacun peut « montrer du doigt » les autres et ainsi empêcher l’établissement d’un lien de causalité suivant la prépondérance des probabilités.

[Soulignements ajoutés]

[60]        Je conclus de ce qui précède qu’en plus d’appuyer leur position sur un arrêt de common law, les appelants l’appliquent incorrectement. En effet, dans ce système juridique, ce n’est qu’exceptionnellement que le critère de « contribution appréciable » au préjudice peut trouver application, c’est-à-dire lorsqu’il est impossible pour le demandeur de prouver au moyen du « facteur déterminant » que la négligence du défendeur lui a causé un préjudice. Dans les autres cas, c’est bien le « but-for test » qui s’applique. En l’espèce, comme je l’expliquerai plus longuement dans quelques instants, il n’était pas impossible de faire la démonstration que, n’eût été la faute des policiers, Mme Côté aurait pu être condamnée. Les appelants ont simplement omis de la faire.

[61]        Selon le droit québécois, comme je l’ai déjà exposé, le test du « facteur déterminant » est cependant insuffisant pour établir que le dommage est une conséquence directe, logique et immédiate de la faute. Néanmoins, si la preuve révèle que, n’eût été la faute, le dommage serait tout de même survenu, il est possible de conclure à l’absence de lien de causalité.

[62]        Les appelants prétendent aussi que la juge a commis une erreur en leur imposant de prouver la culpabilité de Mme Côté selon la norme de la certitude.

[63]        Voici comment la juge expose ses motifs à ce sujet :

[30]      Ainsi, la question consiste à savoir si n’eût été la faute des policiers ou si les policiers avaient bien conduit leur enquête, y aurait-il nécessairement eu condamnation d’Armande Côté pour le meurtre d’André Hogue.

[31]      La réponse est sans contredit négative. Il est en effet impossible de conclure par prépondérance de preuve qu’un jury en serait venu à un verdict de culpabilité d’Armande Côté. Elle aurait pu être acquittée pour des motifs de défense qui ne peuvent évidemment être précisés, mais qui auraient pu être, par exemple, la légitime défense, la défense de provocation ou la non-responsabilité pour troubles mentaux. Le lien direct entre la faute des policiers et le préjudice n’existe donc pas.[73]

[Soulignement ajouté]

[64]        Aux yeux des appelants, cette formulation peut paraître erratique puisqu’elle met en parallèle l’absence de faute des policiers et la condamnation possible de Mme Côté, plutôt que cette absence de faute et le préjudice subi par les appelants. En effet, la vraie question à se poser est celle de savoir si, n’eût été la faute des policiers, le préjudice serait tout de même survenu?

[65]        C’est aux appelants qu’il revenait de démontrer la causalité factuelle entre la faute des policiers et les dommages qu’ils ont subis. Comme je l’ai expliqué précédemment, si la preuve révèle que, n’eût été la faute, le dommage serait tout de même survenu, il est possible de conclure à l’absence de lien de causalité.

[66]        Contrairement à ce que prétendent les appelants, l’emploi du mot « nécessairement » dans la phrase « y aurait-il nécessairement eu condamnation d’Armande Côté pour le meurtre d’André Hogue »[74], ne doit pas être lu comme établissant le fardeau des appelants de prouver la condamnation de Mme Côté selon un standard de certitude. Je note qu’au paragraphe suivant de ses motifs, la juge ajoute qu’il « est en effet impossible de conclure par prépondérance de preuve qu’un jury en serait venu à un verdict de culpabilité d’Armande Côté »[75]. Cet argument n’est donc pas fondé.

[67]        Il revenait donc aux appelants de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Côté aurait été reconnue coupable à l’issue de son procès étant donné que c’est cette absence de condamnation qui leur a causé des dommages. Aucune preuve en ce sens n’a été présentée en Cour supérieure.

[68]        En effet, les appelants ont choisi de ne pas faire témoigner l’enquêteur Michel Comeau[76]. Ils n’ont pas non plus déposé les éléments de preuve matérielle recueillis lors de l’enquête menée chez Mme Côté. La juge n’a donc pas pu apprécier elle-même les éléments de preuve qui auraient pu être présentés dans le cadre du procès criminel, n’eût été la faute des policiers.

[69]        Les appelants tentent également de démontrer que l’acquittement de Mme Côté dans le cadre du processus criminel n’était pas probable en produisant pour la première fois dans le cadre de cet appel des statistiques sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada. S’appuyant sur celles-ci, ils soutiennent que plus des deux tiers des personnes accusées au criminel sont reconnues coupables des infractions qui leur sont reprochées à l’issue du processus criminel[77].

[70]        Il n’y a pas lieu de s’attarder longuement à cet argument. Même si l’on devait conclure que notre Cour peut prendre connaissance d’office de données statistiques[78], elles ne sont d’aucune utilité en l’espèce. En effet, elles ne permettent pas à elles seules d’inférer la culpabilité de Mme Côté selon la prépondérance des probabilités.

[71]        Ceci étant dit, puisque la juge de première instance conclut à l’absence de lien de causalité en raison du fait que les appelants ne se sont pas déchargés de leur fardeau de prouver que, n’eût été la faute, le dommage serait tout de même survenu, et que les appelants ne démontrent pas qu’il s’agit d’une erreur manifeste et déterminante, il n’y a pas lieu de réformer cette conclusion.

*  *  *

[72]        Même si cela suffit pour trancher cette première question, je crois opportun d’apporter quelques précisions supplémentaires.

[73]        En effet, il est possible d’envisager que, même si les appelants étaient parvenus à démontrer la culpabilité de Mme Côté selon la prépondérance des probabilités, il aurait été difficile de conclure que le préjudice subi constitue une conséquence directe, logique et immédiate de la faute des policiers.

[74]        C’est avec raison que la juge de première instance qualifie les dommages subis par les appelants de préjudice en cascade.

[75]        C’est à Mme Côté seulement que la violation des droits constatés cause un préjudice. En effet, la conséquence directe, logique et immédiate de cette violation est de compromettre son droit à une défense pleine et entière, et son droit à un procès juste et équitable. Pour réparer cette violation, il a été ordonné que soit exclue la preuve recueillie contre elle, ce qui a mené à son acquittement vu l’absence d’autres éléments de preuve admissibles. Cet acquittement a exacerbé les séquelles des appelants, plus précisément celles de Mme Hogue et de son fils Simon, comme l’a retenu la juge de première instance.

[76]        Si ces séquelles peuvent être considérées comme étant une conséquence des fautes commises par les policiers, elles ne peuvent pas être considérées comme étant une conséquence directe, logique et immédiate de celles-ci. En effet, la réparation ordonnée en raison de la violation des droits constitutionnels de Mme Côté et son acquittement interfèrent avec le préjudice subi. Or, « la suite immédiate et directe vise ce qui découle, sans interférence, de la faute ou du fait accidentel »[79].

[77]        Autrement dit, c’est l’acquittement de Mme Côté qui est la cause adéquate du préjudice subi par les appelants, et non la faute des policiers.

[78]        Je suis donc d’avis que ce moyen d’appel n’est pas fondé.

-       La juge de première instance a-t-elle erré en omettant de considérer les dommages qui pouvaient être octroyés aux appelants en violation de leurs droits publics et sociaux prévus dans les chartes des droits et libertés? (Question 4)

[79]        Les appelants soutiennent l’argument que la juge ne s’est pas prononcée sur les dommages qui pouvaient leur être accordés en raison de la violation de leurs droits publics et sociaux prévus dans les chartes des droits et libertés. Selon eux, les articles 7 et 11 de la Charte canadienne et l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne[80] créent un droit d’être assuré que ceux qui transgressent la loi soient traduits en justice et traités selon la loi. En raison d’une enquête bâclée, les appelants considèrent qu’ils ont été privés de ce droit. Cette privation a directement causé les dommages allégués.

[80]        Ils ajoutent que, contrairement à la conclusion de la juge de première instance, les droits de M. Hogue ont été transmis à sa succession puisqu’il a survécu près de 24 heures après avoir reçu une balle dans la tête et qu’il avait un certain niveau de conscience. Par conséquent, la succession de M. Hogue peut également obtenir compensation pour la violation de ses droits constitutionnels par les policiers.

[81]        Comme je l’ai exposé lors de l’analyse de la première question, les appelants prétendent, dans un premier temps, que la violation des droits constitutionnels de Mme Côté leur a causé un préjudice. Dans un second temps, ils soutiennent que les policiers ont également violé leurs propres droits constitutionnels, soit ceux prévus aux articles 7 et 11 de la Charte canadienne et l’article 1 de la Charte québécoise.

[82]        Il est vrai que la juge de première instance ne traite pas de cet aspect dans le jugement entrepris. Par contre, pour les raisons qui suivent, j’estime que les appelants échouent à démontrer un quelconque fondement juridique à cet argument.

[83]        Selon les appelants, les droits reconnus dans les différentes chartes leur permettraient de bénéficier d’un droit afin que ceux qui transgressent la loi soient traduits en justice. Ils fondent cette prétention sur les articles 7 et 11b) de la Charte canadienne et l’article 1 de la Charte québécoise.

[84]        Il convient d’écarter d’emblée l’argument relatif à l’alinéa 11b) de la Charte canadienne, soit le droit d’être jugé dans un délai raisonnable, puisque ce dernier ne peut être invoqué que par un « inculpé », c’est-à-dire une personne faisant l’objet d’une dénonciation[81]. De plus, les appelants se méprennent sur la portée et l’objet de cette disposition, laquelle ne prévoit pas l’obligation d’être jugé, mais d’être jugé dans un délai raisonnable.

[85]        En effet, bien que « les droits protégés par l’alinéa 11b) s’étendent au-delà de ceux des inculpés »[82], notamment parce que « les procès instruits en temps utile ont des répercussions sur les autres personnes qui interviennent dans les procès criminels et qui sont touchées par eux »[83], cela ne signifie pas que la victime ou ses proches peut en invoquer la violation. Ainsi, cette disposition ne garantit pas à la victime, sa famille ou la société en général que l’inculpé doit être traduit en justice, mais qu’il le sera dans un délai raisonnable, le cas échéant.

[86]        Les appelants prétendent également que les policiers ont violé leur droit à la sûreté, à la sécurité et à l’intégrité de leur personne, soit les droits prévus à l’article 7 de la Charte canadienne et à l’article 1 de la Charte québécoise. Selon eux, puisque la personne ayant assassiné M. Hogue est toujours en liberté, cette personne est, à tout moment, susceptible de porter atteinte à leur sécurité, sûreté et intégrité. Cela leur procure également un sentiment d’insécurité constant.

[87]        Je ne crois donc pas qu’il soit nécessaire d’analyser plus longuement ce moyen d’appel puisqu’à sa face même, il m’apparaît voué à l’échec.

[88]        En ce qui concerne la réclamation de la succession de M. Hogue pour une atteinte à son droit à l’intégrité et à la sécurité de sa personne, il n’est évidemment pas possible de conclure que les policiers sont responsables de cette atteinte. Seule la personne ayant causé la mort de M. Hogue peut l’être.

[89]        J’estime que ce moyen d’appel doit être rejeté.

-       La juge de première instance a-t-elle erré en omettant de se prononcer sur la question de savoir si l’enquêteur Michel Comeau a commis une faute professionnelle, un abus de pouvoir et causé des dommages en entretenant une relation intime avec Mme Marie-Claude Hogue durant les procédures? (Question 2)

[90]        Les appelants soutenaient que la juge a commis une erreur en omettant de se prononcer sur la question de savoir si le fait que l’enquêteur Michel Comeau a entretenu une relation intime avec Mme Hogue durant les procédures dirigées contre Mme Côté constitue une faute professionnelle et un abus de pouvoir. Ils soutiennent pourtant avoir plaidé que cette faute a causé des séquelles psychologiques à Mme Hogue et que des dommages-intérêts auraient dû lui être accordés pour ce motif.

[91]        Aussi inappropriée que puisse paraître cette relation particulière, Mme Hogue n’a pas témoigné sur un quelconque préjudice subi en raison de celle-ci[84]. Même l’expertise produite par son propre expert, le Dr Édouard Beltrami, n’en traite pas[85]. Selon lui, le diagnostic de choc post-traumatique - par ailleurs rejeté par la juge de première instance - a été causé par l’acquittement et la libération de Mme Côté.

[92]        De plus, comme l’expose l’intimé, cette relation n’était que vaguement alléguée dans la demande introductive d’instance[86] et ne faisait pas partie des questions soumises par les appelants dans leur déclaration de dossier complet[87]. S’ils affirment avoir abordé le sujet en plaidoiries, il est impossible de le savoir puisque celles-ci ne sont pas reproduites en appel.

[93]        Considérant le caractère secondaire de cet argument, on peut difficilement reprocher à la juge d’avoir omis d’en discuter. Comme l’écrit la Cour suprême dans l’arrêt Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, « [l]es juges de première instance ne sont pas non plus tenus d’analyser chaque argument ou problème allégué pour arriver à une conclusion en particulier »[88].

[94]        J’estime donc que la juge n’a pas commis d’erreur en omettant de traiter de la relation entre Mme Hogue et M. Comeau. Ce moyen d’appel doit être rejeté.

-       La juge de première instance a-t-elle erré en refusant d’octroyer des dommages punitifs alors qu’elle qualifie les fautes des policiers de « négligence extrême »? (Question 5)

[95]        Les appelants prétendent que la juge a commis une erreur en refusant de leur accorder des dommages punitifs alors qu’elle a qualifié les fautes commises par les policiers de « négligence extrême ». De plus, ils soutiennent aussi que la juge pouvait leur octroyer de tels dommages nonobstant ses conclusions sur l’existence de dommages moraux.

[96]        Le récent arrêt de notre Cour dans l’affaire Imperial Tobacco expose aussi une revue du droit applicable en matière de dommages punitifs[89]. Même s’il est établi que « les dommages punitifs peuvent être octroyés sans la nécessité d’un recours principal en dommages compensatoires qui soit couronné de succès »[90] et qu’un « lien de causalité n’est pas nécessaire à proprement parler dans le cas de l’octroi [de tels] dommages »[91], il n’en demeure pas moins qu’il doit exister une certaine relation entre la victime de l’atteinte illicite et cette même atteinte :

[1005]  Malgré l’autonomie des dommages punitifs, il n’en demeure pas moins nécessaire d’établir un lien, qui n’est pas celui de la causalité, entre le comportement du défendeur et l’atteinte au droit ou à la liberté de la victime. Une fois la preuve de ce lien établie, seul reste à être déterminé le caractère intentionnel de l’atteinte illicite, quoique ses conséquences sur la victime de l’atteinte ne soient pas quantifiées ou quantifiables.[92]

[Soulignements et caractères gras ajoutés; renvois omis]

[97]        Il n’est pas ici nécessaire de se demander si la juge a commis une erreur en ne qualifiant pas la faute des policiers d’atteinte illicite et intentionnelle.

[98]        En effet, il convient de considérer que c’est la victime de l’atteinte illicite qui est susceptible d’obtenir une compensation. En l’espèce, la seule victime des violations constitutionnelles réalisées par des policiers est Mme Côté. Même s’il fallait conclure que la faute des policiers devait se qualifier d’atteinte illicite et intentionnelle, force est de constater que les appelants n’ont pas l’intérêt requis pour obtenir une telle réparation.

[99]        Par conséquent, je suggère de rejeter ce moyen d’appel.

CONCLUSION

[100]     Pour tous ces motifs, je propose de rejeter l’appel sans les frais de justice.

 

 

 

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

 



[1]     Succession de Hogue c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 4993 [jugement entrepris].

[2]     Aucun policier n’est venu témoigner des événements entourant l’enquête sur le meurtre d’André Hogue. La présente trame factuelle est donc principalement tirée des décisions rendues dans l’instance criminelle : Jugement du juge Cournoyer, j.c.s. rendu le 26 août 2008 (R. c. Côté, 2008 QCCS 3749); Jugement de la Cour d’appel rendu le 18 février 2010 (R. c. Côté, 2010 QCCA 303); Jugement de la Cour suprême du Canada rendu le 14 octobre 2011 (R. c. Côté, 2011 CSC 46, [2011] 3 R.C.S. 215).

[3]     Jugement de la Cour d’appel rendu le 18 février 2010 (R. c. Côté, 2010 QCCA 303), paragr. 7.

[4]     Id., paragr. 8.

[5]     Id., paragr. 10.

[6]     Procès-verbal d’audience, 29 mai 2018, 10 h 08 min.

[7]     Jugement de la Cour suprême du Canada rendu le 14 octobre 2011 (R. c. Côté, 2011 CSC 46, [2011] 3 R.C.S. 215), paragr. 6.

[8]     Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 42.

[9]     Plumitif de l’instance criminelle, dossier no 765-01-015583-061.

[10]    Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 65 à p. 67. Voir aussi le jugement sur la requête pour remise en liberté rendu par la juge Bourque, j.c.s : Côté c. R., 2006 QCCS 8035.

[11]    Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 [« Charte canadienne »].

[12]    Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 117, ligne 19 à p.122, ligne 15.

[13]    Selon le mémoire des appelants, la date est plutôt le 29 novembre 2007. Par contre, selon la décision écrite du juge Cournoyer et le plumitif, la décision a été rendue oralement le 28 novembre 2007. Une version écrite des motifs sommaires a ensuite été envoyée aux parties le 30 novembre 2007 : Plumitif de l’instance criminelle, dossier no 765-01-015583-061; R. c. Côté, 2007 QCCS 6503.

[14]    R. c. Côté, 2007 QCCS 6503.

[15]    Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 131, lignes 9 à p. 24.

[16]    Id., p. 83, lignes 7 à 11.

[17]    Id., p. 146, ligne 4 à p. 154, ligne 20.

[18]    Id., p. 156, ligne 20 à p.161, ligne 8.

[19]    Id., p. 161, ligne 17 à p.166, ligne 11.

[20]    Jugement du juge Cournoyer, j.c.s., rendu le 26 août 2008 (R. c. Côté, 2008 QCCS 3749).

[21]    Jugement de la Cour d’appel rendu le 18 février 2010 (R. c. Côté, 2010 QCCA 303).

[22]    Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 182, ligne 7 à p. 184, ligne 23.

[23]    Id., p. 185, ligne 21 à p.186, ligne 14.

[24]    Armande Côté c. Sa Majesté la Reine, 2010 CanLII 37847.

[25]    Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 185, ligne 21 à p. 195, ligne 3 à p. 199, ligne 17.

[26]    Dossier médical de Marie-Claude Hogue auprès de l’Hôtel-Dieu de Sorel, 5 septembre 2011.

[27]    Jugement de la Cour suprême du Canada rendu le 14 octobre 2011 (R. c. Côté, 2011 CSC 46, [2011] 3 R.C.S. 215).

[28]    Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 199, ligne 18 à p.202, ligne 5.

[29]    Demande introductive d’instance, 10 octobre 2014.

[30]    Demande introductive d’instance, 10 octobre 2014, paragr. 54-77.

[31]    Id., paragr. 78-88.

[32]    Jugement entrepris, paragr. 24.

[33]    Id., paragr. 25.

[34]    Id., paragr. 27-29.

[35]    Id., paragr. 30.

[36]    Id., paragr. 31.

[37]    Id., paragr. 35-54.

[38]    Id., paragr. 60.

[39]    Id., paragr. 62-64.

[40]    Id., paragr. 70-79.

[41]    Id., paragr. 80.

[42]    Id., paragr. 83.

[43]    Id., paragr. 97.

[44]    Id., paragr. 98.

[45]    Id., paragr. 111-112.

[46]    Id., paragr. 113.

[47]    Id., paragr. 118.

[48]    Id., paragr. 118.

[49]    Id., paragr. 119.

[50]    Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358, [Imperial Tobacco], paragr. 662-663.

[51]    Lara Khoury, « Lien de causalité », dans Pierre-Claude Lafond (dir.), JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », vol. « Responsabilité civile et professionnelle », fasc. 6, Montréal, Lexis Nexis, 2011 (en ligne, mise à jour au 15 décembre 2017), no 13; Daniel Gardner, Le préjudice corporel, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2016, no 69.

[52]    Salomon c. Matte-Thompson, 2019 CSC 14, paragr. 84; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, paragr. 50; Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 1-683; Vincent Karim, Les obligations, 4e éd., vol. 1 « Articles 1371 à 1496 », Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, no 2849, p. 1215; Maurice Tancelin, Des obligations en droit mixte du Québec, 7e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, no 791, p. 565.

[53]    J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 52, no 1-670.

[54]    Frédéric Levesque, Précis de droit québécois des obligations, Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 466.

[55]    Au sujet du rejet de la théorie de l’équivalence des conditions, voir : J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 52, nos 1-670 et 1-685.

[56]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, [2013] 3 R.C.S. 600, paragr. 142-144; J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 52, nos 1-683 et 1-684.

[57]    D. Gardner, supra, note 51 no 68, citant Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Norsk Pacific Steamship Co., [1992] 1 R.C.S. 1021, p. 1144.

[58]    J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, supra, note 52, no 1-685;

[59]    Imperial Tobacco, supra, note 50, paragr. 667; L. Khoury, supra, note 51, no 14.1.

[60]    D. Gardner, supra, note 51, no 69.

[61]    Constructions Concreate ltée c. Procureure générale du Québec, 2020 QCCA 570, paragr. 53-56; Imperial Tobacco, supra, note 50, paragr. 667.

[62]    Imperial Tobacco, supra, note 50, paragr. 667-669.

[63]    Constructions Concreate ltée c. Procureure générale du Québec, supra, note 61, paragr. 53-55; Imperial Tobacco, supra, note 50, paragr. 667.

[64]    L. Khoury, supra, note 51, no 13.

[65]    Imperial Tobacco, supra, note 50, paragr. 663.

[66]    Ibid.

[67]    Salomon c. Matte-Thompson, supra, note 52, paragr. 32-33.

[68]    Jugement de la Cour suprême du Canada rendu le 14 octobre 2011 (R. c. Côté, 2011 CSC 46, [2011] 3 R.C.S. 215), paragr. 6.

[69]    Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458.

[70]    Id., paragr. 15.

[71]    L. Khoury, supra, note 51, no 15.

[72]    Imperial Tobacco, supra, note 50, paragr. 667-669.

[73]    Jugement entrepris, paragr. 30-31.

[74]    Id., paragr. 30.

[75]    Id., paragr. 31.

[76]    Transcription des représentations de Me Francis Fortin, 19 mars 2018, p. 10, lignes 2-6.

[77]    Centre canadien de la statistique juridique, Statistiques sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adulte au Canada, 2013-2014.

[78]    Voir par exemple : R. c. Clayton, 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725, paragr. 109-110.

[79]    D. Gardner, supra, note 51, no 69.

[80]    Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 [« Charte québécoise »].

[81]    R. c. Kalanj, [1989] 1 R.C.S. 1594, p. 1602-1608. À la page 1608, le juge McIntyre écrit, entre autres, que lorsqu’ « on analyse l'art. 11, il faut d'abord reconnaître que, de par son texte même, il ne s'applique qu'à un groupe particulier de personnes, soit les personnes "inculpées".  Il traite principalement de questions liées au procès ».

[82]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, paragr. 22.

[83]    Ibid.

[84]    Transcription du témoignage de Marie-Claude Hogue, 19 mars 2018, p. 49, ligne 23 à p. 50, ligne 24; p. 228, ligne 15 à p. 231, ligne 16.

[85]    Rapport d’expertise du Dr Beltrami pour Marie-Claude Hogue, 27 juin 2016. Le Dr Beltrami mentionne la relation entre Mme Hogue et M. Comeau, mais sans plus : « Madame a eu plusieurs relations dont une avec l’enquêteur dans le dossier concernant Armande Côté et qui s’est terminée ».

[86]    Demande introductive d’instance modifiée, 29 avril 2016, paragr. 50-53.

[87]    Déclaration de dossier complet des appelants, 29 avril 2016.

[88]    Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30, [2013] 2 R.C.S. 357, paragr. 60. Voir aussi : Société immobilière du Massif de Charlevoix inc. c. Collin, 2018 QCCA 235, paragr. 37.

[89]    Imperial Tobacco, supra, note 50, paragr. 999-1005.

[90]    Id., paragr. 1001.

[91]    Id., paragr. 1004.

[92]    Id., paragr. 999-1005.

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