Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière d'indemnisation

 

 

Date : 10 septembre 2012

Référence neutre : 2012 QCTAQ 0925

Dossier  : SAS-M-171608-1005

Devant les juges administratifs :

SOLANGE TARDY

MARTINE LAVOIE

 

M… S…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION



 


[1]              Il s’agit d’un recours à l’encontre d’une décision rendue par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) le 24 mars 2010. Cette décision confirme l’indemnité pour perte de qualité de vie évaluée à une gravité 1 pour le Déplacement et maintien du membre supérieur gauche ainsi qu’à une gravité 1 pour la dextérité manuelle gauche.

 

[2]              Le 3 août 2008, la requérante (madame) circule à pied et se fait frapper par un scooter. On la transporte en ambulance à [l’Hôpital A] où sur des radiographies, on diagnostique une fracture de l’humérus gauche.

 

[3]              Dirigée en orthopédie, le spécialiste diagnostique une fracture de l’humérus gauche avec déficit neurologique du nerf médian et radial. Madame est dirigée en physiothérapie.

 

[4]              Le 21 octobre 2008, devant la persistance des symptômes neurologiques, madame est dirigée en EMG. Voici la conclusion de l’EMG :

« Conclusion : Nerve conduction studies and EMG are compatible with a traction injury above the elbow. This preferentially affected the median nerve with evidence of denervation and some re-innervation above the anterior interosseous nerve, the anterior interosseous nerve proper (affected predominantly), the recurrent branch. There is also evidence of increased irritability of the left ulnar and radial nerve. It is likely that sympathetic branches to the hand were also affected. [...]

[5]              Le 14 août 2009, docteur John Moini complète un rapport à la SAAQ dans lequel il indique que madame présente des paresthésies aux doigts 1, 2 et 3.

[6]              Le 15 octobre 2009, le docteur Serge Tohmé, orthopédiste, expertise madame. Au questionnaire subjectif, il écrit ceci :

« […] Elle note des dysesthésies dans le territoire distal du médian de type hyperesthésie au niveau du pouce, de l’index, du majeur et de la moitié de l’auriculaire gauche. […]

[…]

Dans le questionnaire sur l’effet des plaintes subjectives sur les activités de la vie quotidienne, madame [la requérante] rapporte une très légère difficulté à s’habiller, à se laver et à se peigner les cheveux, à prendre un bain, à lire un livre et conduire l’automobile. Elle a une plus grande difficulté à prendre un sac de lait, à ouvrir les portes de la maison, ranger la vaisselle, faire le ménage, travailler les bras dans les airs et faire la lessive. Elle a une plus grosse difficulté encore à ouvrir les bouteilles et les conserves, à faire du jardinage, à tendre ou tordre le linge, à faire les lits ou écrire et taper à la machine.

Madame [la requérante] connaît aussi un problème de préhension tridigital à cause de son engourdissement. »

[7]              À l’examen physique, le docteur Tohmé note ceci :

« On note une hypoesthésie dans le territoire du médian distal et on note une atrophie de l’éminence thénar du côté gauche. […] »

[8]              L’expert recommande une séquelle de gravité 1 (par analogie) à la fonction dextérité manuelle gauche, une séquelle de gravité 1 à la fonction sensibilité cutanée membre supérieur gauche ainsi qu’une séquelle sous le seuil minimal à la fonction Déplacement et maintien du membre supérieur gauche.

[9]              Le 29 octobre 2009, la SAAQ rend une décision qui reconnaît à madame les séquelles recommandées par le docteur Tohmé. Madame conteste cette décision devant le Service de la révision administrative qui la confirme par une décision du 24 mars 2010.

[10]           Madame conteste cette décision devant le Tribunal administratif du Québec d’où le présent recours.

[11]           Le 2 novembre 2010, madame obtient un nouvel EMG des membres supérieurs qui démontre une atteinte du nerf médian gauche par une atteinte motrice et sensitive du nerf médian gauche, proximale au tunnel carpien.

[12]           À l’audience, madame témoigne que l’hyperesthésie persiste dans trois doigts et demi et qu’elle a de la difficulté à se servir de sa main gauche. Elle trouve insuffisante l’indemnité reçue.

[13]           La procureure de la SAAQ souligne que les séquelles ont été accordées conformément à l’expertise disponible au dossier.

 

[14]           Le Tribunal doit déterminer si les séquelles permanentes que madame garde de l’accident du 3 août 2008 ont été accordées correctement.

[15]           Madame a subi une fracture de l’humérus avec atteinte du neurologique par traction. Elle garde une atteinte neurologique motrice et sensitive mais a regagné toute la mobilité de son épaule.

[16]           La séquelle Déplacement et maintien du membre supérieur gauche évaluée sous le seuil minimal d’indemnisation est donc d’abord confirmée.

Sensibilité cutanée membre supérieur gauche

[17]           Depuis son accident, madame mentionne une atteinte de la sensibilité des trois premiers doigts de sa main gauche. Un premier EMG a documenté une atteinte du nerf médian gauche tant au plan moteur que sensitif.

[18]           Le docteur Tohmé écrit qu’au plan subjectif, madame se plaint de dysesthésie de type hyperesthésie dans le territoire distal du nerf médian. Son examen met en évidence une hypoesthésie.

[19]           L’EMG obtenu en novembre 2010, soit un an plus tard, démontre la persistance de l’atteinte sensitive du nerf médian gauche.

[20]           Le territoire sensitif du nerf médian gauche comprend la moitié de la paume de la main ainsi que la surface palmaire du pouce, index et majeur. Cette zone correspond clairement à plus de 50 % de la face palmaire de la main.

[21]           À la fonction sensibilité cutanée, le Règlement sur l’indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire[1] prévoit une gravité 5 pour toute atteinte sensitive affectant un territoire cutané équivalent à plus de 50% de la face palmaire de la main.

[22]           Le Tribunal estime donc que madame mérite une gravité 5 pour la fonction sensibilité cutanée du membre supérieur gauche.

Dextérité manuelle gauche

[23]           Le docteur Tohmé accorde une gravité 1 par analogie. Le Règlement sur l’indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire[2] prévoit l’utilisation de l’analogie pour des situations qui ne sont décrites dans aucune classe de gravité.

[24]           La situation de la requérante correspond toutefois aux descriptions prévues au chapitre de la dextérité manuelle. Le docteur Tohmé se devait d’examiner l’atteinte de la dextérité manuelle selon la règlementation en vigueur par les tableaux présents à ce chapitre et non faire une simple analogie arbitraire.

[25]           La description subjective des atteintes de la requérante telle rapportée par le docteur Tohmé est d’ailleurs confirmée tant par sa constatation objective de l’atrophie de l’éminence thénar que par le témoignage de madame à l’audience.

[26]           Le Tribunal estime donc que madame présente une atteinte de la préhension fine et forte des objets telle le prévoit la fonction dextérité manuelle du règlement applicable. Le Tribunal estime que le Tableau A aurait dû être évalué comme suit :


«TABLEAU A

Préhensions fine et forte des objets

La qualité de la prise est appréciée en fonction de la précision, de la force et de la vitesse d'exécution dans la saisie des objets, leur maintien et leur relâchement.

 

8      Difficulté légère

La qualité de la prise est légèrement diminuée mais la prise demeure possible et efficace sans intervention des autres éléments de la main.

8      Difficile, mais demeure           efficace

La qualité de la prise est diminuée mais la prise demeure possible et efficace en faisant intervenir l’action synergique compensatoire des autres éléments de la main.

8      Difficile, peu efficace

Malgré l’action synergique compensatoire des autres éléments de la main, la qualité de la prise est très diminuée. La prise demeure cependant d’une certaine utilité.

8      Inefficace

          ou impossible

Malgré l’action synergique compensatoire des autres éléments de la main, la réalisation de la prise est inefficace ou impossible avec cette main.

 

 

Dans les limites de la normale

Difficulté légère

Difficile

Inefficace ou impossible

demeure efficace

peu efficace

Prises fines

Bipulpaire/unguéale

(feuille de papier/trombone)

0

1

3

12

20

Tridigitale (stylo)

0

1

3

12

20

Pollici-latérodigitale (clé)

0

1

3

12

20

Prises de force

Crochet (sceau, mallette)

0

1

3

12

20

Cylindrique/sphérique

(marteau/balle, bouteille)

0

1

3

12

20

Directionnelle (tournevis)

0

1

3

12

20

 

 

 

 

Total du tableau A = __12____ points

 

[27]           Le Tribunal estime que la requérante se plaint surtout de la prise de force qui apparaît difficile mais demeure efficace. Le Tribunal accorde donc 3 points à chacune des prises de force.

[28]           Quant aux prises fines, madame présente une difficulté légère, ce qui lui vaut un point pour chacune des prises fines.

[29]           Ceci amène un total de 12 points qui correspond à une gravité 2 du membre non dominant à la dextérité manuelle gauche.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACCUEILLE le recours;

RECONNAÎT une séquelle permanente de gravité 5 à la fonction sensibilité cutanée du membre supérieur gauche sur un état antérieur normal ainsi qu’une gravité 2 à la fonction dextérité manuelle gauche sur un état antérieur normal;

CONFIRME  la séquelle permanente sous le seuil minimal d’indemnisation à la fonction Déplacement et maintien du membre supérieur gauche; et,

ORDONNE à la SAAQ d’indemniser la requérante avec les intérêts prévus à la loi.


 

SOLANGE TARDY, j.a.t.a.q.

 

 

MARTINE LAVOIE, j.a.t.a.q.


 

Me Maryse Drapeau

Procureure de la partie intimée


 



[1]           L.R.Q., c. A-25, r.10.

[2]           L.R.Q., c. A-25, r.10.

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