Derosby c. Ashley Furniture Industrie inc. |
2016 QCCQ 8363 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-32-018115-162 |
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DATE : |
2 août 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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CHANTALE DEROSBY, domiciliée et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […] |
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Demanderesse |
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c. |
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ASHLEY FURNITURE INDUSTRIE INC., One Asley Way, Arcadia WI 54612, États-Unis |
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et |
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MEUBLES DENIS RIEL INC., 1470, rue Saint-Paul, Farnham (Québec) J2N 2W8 |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] Invoquant l'usure prématurée survenue en octobre 2015 d’un divan acheté le 3 février 2012, la demanderesse (ci-après « Madame D. ») réclame aux défenderesses 1 586,12 $, soit le prix payé[1].
[2] À l’audience, elle modifie sa demande et réclame 1 460,18 $, soit le montant de la soumission pour le recouvrement du divan[2].
[3] La défenderesse Ashley Furniture Industrie inc., le fabricant, n’a pas contesté la demande.
[4] La défenderesse Meubles Denis Riel inc. (ci-après « le Vendeur ») conteste la réclamation. Elle reconnaît le défaut du produit, mais invoque avoir agi de bonne foi et avoir voulu régler le dossier.
[5] Seul le montant de la réclamation reste en litige. Le Vendeur allègue que le divan a été utilisé sans problème de février 2012 à octobre 2015, ce qu’admet Madame D. Depuis, le meuble demeure utilisable, malgré un problème d’esthétique.
[6] Le Vendeur admet avoir fait une offre de règlement, mais après discussion, Madame D. leur a mentionné qu’ils allaient se revoir en cour et a raccroché subitement la ligne.
[7] Le 4 janvier 2016, Madame D. rédige une mise en demeure que le Vendeur reçoit le 7 janvier 2016[3].
[8] À l’audience, le Tribunal a rejeté la demande de Madame D. de considérer que, après leurs pourparlers, l’offre verbale faite par le Vendeur ait mené à une transaction au sens du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q »)[4].
[9] Le Tribunal doit déterminer le montant de la réclamation.
[10]
La garantie de qualité d’un bien vendu est énoncée à l’article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[11]
Comme il s’agit en l’occurrence d’une vente par un vendeur
professionnel, l’article
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.
[12] À nulle part, la preuve ne révèle que Madame D. aurait fait une mauvaise utilisation du divan.
[13] La Loi sur la protection du consommateur[5] (ci-après « L.P.C. ») trouve également application, puisque le contrat est intervenu entre un consommateur et un commerçant.
[14]
Les articles
37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[15]
Selon l’article
[16]
En vertu de l’article
[17] En l’espèce, Madame D. confirme qu’elle a fait l’usage du bien sans problème pendant plus de trois ans. C’est en octobre2015 qu’elle constate le tissu endommagé.
[18]
Selon l’article
[19] Il n’est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien, mais simplement qu’il en réduise l’utilité de façon importante en regard des attentes légitimes d’un acheteur prudent et diligent[6].
[20] Madame D. pouvait s’attendre à utiliser le bien acheté à l’état neuf, sans problème, pendant plusieurs années, au moins plus longtemps que la période écoulée entre la date d’achat du bien en février 2012 et de la constatation du vice en octobre 2015.
[21] Comme l’admet le Vendeur, le Tribunal considère que le vice est survenu prématurément et entraîne un déficit d’usage.
[22] Madame D. demande 1 270 $ plus taxes, soit 1 460,18 $, correspondant au coût de remplacement du tissu.
[23] Selon la Cour d’appel, même si le choix de la sanction appartient au consommateur, le remède doit être approprié et le Tribunal a discrétion pour accorder un autre remède, si le consommateur ne fait pas un choix approprié[7] :
Le recours choisi par le consommateur, en vertu de l'article 272, doit cependant être approprié puisque le législateur mentionne « selon le cas ». À cet égard, je partage l'opinion de la professeure Nicole L'Heureux (Nicole L'Heureux, droit de la consommation, 4e éd. Cowansville : Y. Blais, 1993, P. 363, no 380.) :
Le
consommateur peut opter pour la sanction de son action parmi une gamme de
recours. Le remède demandé doit être approprié, en ce sens qu'il est soumis aux
règles d'inexécution des obligations du Code civil notamment, celui qui demande
la nullité du contrat doit offrir de remettre ce qu'il a reçu. S'il n'est pas
en mesure de le faire, il doit opter pour une autre sanction. Si le
consommateur ne fait pas une action appropriée, le tribunal a discrétion pour
accorder un autre remède implicitement inclus dans celui demandé par le
consommateur. L'inexécution des obligations légales peut donner lieu à la
réduction des obligations contractuelles du consommateur, à la résolution, à la
résiliation ou à la nullité du contrat (art.
[24] La résolution de la vente constitue un recours approprié lorsque le vice possède une gravité exceptionnelle qui requiert des travaux correctifs majeurs ou lorsqu’il cause un problème chronique et permanent.
[25] La preuve ne démontre pas la gravité exceptionnelle du vice ni la cause du problème au bien acheté.
[26] Selon l’estimation faite, le coût des réparations est de 1 460,18 $, incluant les taxes. Le prix payé initialement est de 1 379,53 $ plus taxes, soit 1 586,12 $[8].
[27] En l'absence d'autre preuve quant à la durée de vie, le Tribunal retient que le Vendeur reconnaît une durée de vie variant de sept jusqu'à douze ans.
[28] Le Tribunal conclut que le remède approprié est une diminution du prix payé qui correspond à 70 %[9] du prix payé, estimant une durée de vie de 12 ans, soit 1 110,28 $[10] et lui accorde les frais de justice de 100 $.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[29] ACCUEILLE en partie la demande;
[30]
CONDAMNE solidairement les défenderesses à payer à la
demanderesse la somme de 1 110,28 $ avec intérêts au taux de 5 %
l'an, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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__________________________________ MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
13 juillet 2016 |
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[1] Pièces P-1 et D-1.
[2] Déclaration pour valoir témoignage de Nathael Gosselin.
[3] Pièce P-4.
[4] « 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.
Elle est indivisible quant à son objet. »
[5] RLRQ, c. P-40.1.
[6] Jeffrey Edwards, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, p. 165.
[7] Beauchamp
c. Relais Toyota inc.,
[8] Pièces P-1 et D-1.
[9] 44 mois (de février 2012 à octobre 2012) ÷ 12 ans (144 mois) = 0,30 x 100 = 30 % d'utilisation, soit 70 % non utilisé.
[10] 1 586,12 $ (prix payé) x 70 % (non utilisé) = 1 110,28 $.
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