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JG 1421 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-05-064334-012 |
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DATE : |
Le 7 mars 2002 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
JUGE JEAN GUIBAULT, J.C.S. |
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LES CONTENANTS INDUSTRIELS LTÉE |
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Requérante |
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c. |
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LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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et ME LUCIE LANDRIAULT et ME MICHEL DENIS Intimés |
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et MONSIEUR HANSEL BIGGART et LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL |
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Mises en cause |
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JUGEMENT |
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[1] Par requête en révision judiciaire, la requérante, les Contenants Industriels Ltée (CIL) demandait au tribunal de réviser deux décisions; une première rendue le 24 juillet 2000 (B-4) par la Commission des lésions professionnelles (CLP) présidée par le commissaire Me Michel Denis (Commissaire) assisté de deux membres (Mme Pauline Ouellette et M. Claude Jutras) et une seconde, rendue le 17 mai 2001 (B-19) par la CLP alors présidée par la commissaire Me Lucie Landriault assistée des membres Jacques Lesage et Marcel Duhaime.
[2] Cette seconde décision disposait d'une requête en révision présentée conformément à l'article 429.56 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (LATMP)[1] par laquelle CIL demandait à la CLP de réviser la décision rendue par le Commissaire. Ces deux décisions traitent d'une réclamation présentée par le mis en cause, M. Hansel Biggart, employé de la requérante, CIL.
[3] Bien que la requête en révision présentée à la Cour supérieure concerne les deux décisions rendues par la CLP, les procureurs représentant la requérante lors de l'enquête ont convenu que la requête en révision ne devait porter que sur la décision rendue par le Commissaire le 24 juillet 2000 et qu'il n'y avait pas lieu de traiter de la décision rendue par la commissaire Landriault le 17 mai 2001.
[4] En effet, de deux choses l'une, ou bien la décision rendue par le Commissaire est bien fondée et la requête en révision devant la CLP ainsi que devant la Cour supérieure sont sans objet, ou encore, il y a eu manquement de la part du Commissaire aux règles de justice naturelle, ou erreur manifestement déraisonnable et il y a alors lieu, pour le présent tribunal, d'intervenir par voie de révision judiciaire indépendamment de la seconde décision rendue sur la requête en révision présentée à la commissaire Landriault.
LES FAITS
[5] Le mis en cause, M. Hansel Biggart, un employé de CIL, a déposé auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) une réclamation pour surdité qu'il prétend d'origine industrielle.
[6] M. Biggart a été à l'emploi de CIL du 6 novembre 1974 jusqu'à la date du dépôt d'une réclamation auprès de la CSST le 20 juillet 1998.
[7] Originaire de Trinidad, M. Biggart est unilingue anglophone et lors de l'enquête devant le Commissaire, il se représentait seul.
[8] Suite à différentes décisions administratives, la CSST a fait droit à sa réclamation et a reconnu que les problèmes de surdité éprouvés étaient d'origine industrielle.
[9] CIL a contesté la décision rendue par la CSST et deux dossiers ont été ouverts à la CLP. Un premier concernait le pourcentage total du déficit anatomo-physiologique accordé à M. Biggart et le second, concernait le pourcentage d'imputation à être attribué à l'employeur suite au paiement.
[10] Le 24 juillet 2000, le Commissaire rendait une décision rejetant les deux requêtes de CIL, décision qui fait maintenant l'objet de la présente requête en révision.
LA DÉCISION DONT ON DEMANDE LA RÉVISION
[11] Dans le premier dossier dont était saisi le Commissaire, l'employeur demandait qu'il soit reconnu que M. Biggart n'a pas subi de maladie professionnelle à compter du 20 juillet 1998 et en conséquence de déclarer sans objet l'atteinte permanente à son intégrité physique. Subsidiairement, CIL demandait, dans la mesure où le Commissaire reconnaissait que le travailleur avait subi une maladie professionnelle, que le degré d'atteinte permanente à son intégrité physique soit fixé à 15 %.
[12] Dans le second dossier, dans la mesure où le tribunal reconnaissait une atteinte à l'intégrité physique, CIL demandait que les frais relatifs à cette lésion soient imputés à raison de 25 % à l'employeur et 75 % à l'ensemble des unités.
[13] Les conclusions de la décision rendue par le Commissaire se lisent comme suit :
Dossier 132987-62-0003
REJETTE la requête de la compagnie Contenants industriels ltée, l'employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 10 février 2000 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Hansel Biggart a subi une maladie professionnelle, sous forme de surdité bilatérale, le 20 juillet 1998 et que celui-ci conserve une atteinte permanente à son intégrité physique évaluée à 75.60 %.
Dossier 132990-62-0003
REJETTE la requête de la compagnie Contenants industriels ltée, l'employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 3 février 2000 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que les frais relatifs à la lésion professionnelle subie par monsieur Hansel Biggart le 20 juillet 1998 soient imputés à raison de 75.93 % à la compagnie Contenants industriels ltée.
[14] Avant que l'audition ne débute devant le Commissaire, CIL s'était assurée qu'un commissaire bilingue soit assigné à l'audition et tel fut le cas. L'enquête, dans les deux dossiers, a été tenue le 10 juillet 2000 avec comme commissaire Me Michel Denis, assisté de Madame Pauline Ouellette, membre issue des associations syndicales, et M. Claude Jutras, membre issu des associations d'employeurs.
LES PRÉTENTIONS DE LA REQUÉRANTE
[15] À l'appui de sa requête en révision, CIL soutient que de graves irrégularités ont été commises lors de l'enquête et de l'audition tenues par la CLP siégeant en première instance, entraînant ainsi un excès de juridiction justifiant le présent tribunal d'intervenir pour annuler la décision rendue par le Commissaire le 24 juillet 2000.
[16] Dans un premier temps, et c'est là son principal argument, CIL soutient qu'il y a eu violation des règles de justice naturelle en ce que deux témoins, et en particulier un témoin expert, ont été appelés à témoigner en anglais alors que leur langue maternelle était le français.
[17] Ce non-respect des droits linguistiques des deux témoins représentants CIL, aurait causé un très grave préjudice à cette dernière entraînant ainsi un excès de juridiction de la part du Commissaire.
[18] Comme second motif, la requérante soutient qu'il y aurait eu également excès de juridiction suite au refus du Commissaire de siéger avec un assesseur médical alors qu'un tel assesseur avait été prévu par la CLP. Suivant CIL, en omettant de siéger en présence d'un assesseur médical, le Commissaire a commis une erreur juridictionnelle puisqu'il a interféré et qu'il s'est interposé dans l'administration de la justice.
[19] Une décision ayant déjà été prise par la CLP confirmant la présence d'un assesseur médical, le tout tel que prévu aux articles 422 , 423 et 429 de la LATMP, le Commissaire ne pouvait décider de son propre chef de siéger en l'absence d'un tel assesseur.
[20] Il y aurait eu ainsi usurpation de juridiction enlevant toute crédibilité à la justice administrative spécialisée.
[21] Comme troisième motif à l'appui de sa requête en révision, la requérante reproche le caractère expéditif de l'audition en première instance.
[22] Trois témoignages et les plaidoiries se seraient déroulés à l'intérieur de 75 minutes et, suivant la requérante, son procureur aurait été empêché de présenter tous ses arguments contrevenant ainsi à la règle naturelle de l'audi alteram partem.
[23] Il y aurait eu également excès de juridiction lorsque dans sa décision le Commissaire aurait référé à des éléments de preuve extrinsèques au dossier.
[24] En effet, au paragraphe 87 de sa requête, CIL allègue que dans le texte de la décision du 24 juillet 2001, le Commissaire a ajouté une preuve médicale extrinsèque et inexacte lorsqu'il a déclaré :
Le soussigné admet qu'il est reconnu médicalement que lors de l'installation d'une surdité neuro-sensorielle industrielle, la chute s'effectue aux alentours de la fréquence de 4000 hertz avec une remontée dans les 6000 et 8000 hertz. Cependant, avec l'évolution de cette surdité, les hautes fréquences de 6000 et 8000 hertz deviennent aussi atteintes tout en tenant compte d'un phénomène de presbyacousie en raison de l'âge du travailleur.
[25] Selon la requérante, cette preuve n'aurait pas été soulevée par le témoin expert et aurait été introduite dans la décision du Commissaire en contravention des règles de justice naturelle constituant ainsi un excès de juridiction.
[26] Quatrièmement, il y aurait également eu excès de juridiction de la part du Commissaire suivant les prétentions de la requérante parce qu'il a permis aux deux membres issus des associations de siéger lorsqu'il y a eu présentation des arguments relatifs au partage des coûts ainsi qu'en omettant de donner des motifs distincts dans sa décision, le tout en contravention des articles 374 et 429.50 de la LATMP.
[27] Enfin, la requérante reproche à la CSST le paiement d'une somme de 34 311,31 $ au mis en cause M. Biggart et l'imputation de ce montant au dossier financier de la requérante et ce, alors qu'il y avait demande de révision devant la CLP et requête en révision devant la Cour supérieure. En ce faisant, la CSST aurait perturbé les procédures devant la Cour supérieure et ce, alors qu'il n'y avait eu aucune demande de sursis présentée par la CLP ou par la CSST suite à la signification des différentes requêtes.
LES MOTIFS
[28] Le premier point soulevé par la requérante, lors de l'enquête sur la requête en révision, a été le locus standi des deux organismes concernés, la CLP et la CSST. Ces deux organismes, lors de la présentation de la requête, étaient représentés par procureurs et la requérante a insisté sur le fait qu'il était tout à fait inapproprié pour ces deux organismes d'être représentés et d'intervenir pour défendre et tenter de justifier les décisions rendues et pour lesquelles il y avait demande de révision en Cour supérieure.
[29] Le présent dossier présente un aspect tout à fait particulier en ce que la principale personne concernée, M. Biggart, n'était ni présent ni représenté lors de l'enquête sur la requête en révision.
[30] C'est la prétention de la requérante que dans de telles circonstances, le tribunal aurait dû refuser aux deux organismes concernés la permission d'intervenir lors de l'enquête avec, comme résultat, que la requérante aurait tout simplement procédé ex parte.
[31] Le tribunal ne peut retenir cette approche et considère comme tout à fait appropriée l'intervention des deux organismes dans le présent dossier.
[32] Dans une récente décision de la Cour d'appel, Mary McKenna c. Commission des lésions professionnelles[2] celle-ci a été appelée à se prononcer sur le locus standi de la CSST et sous la plume de l'honorable juge Baudouin citant une nombreuse jurisprudence, on peut y lire :
Je suis d'avis que la CSST a le locus standi devant les tribunaux judiciaires, non seulement pour défendre sa compétence lorsque celle-ci est attaquée, mais aussi pour intervenir sur le fond du litige, lorsqu'il s'agit de décider de l'interprétation à donner à la Loi dont elle est chargée de l'application, et ce pour les raisons suivantes.
Tout d'abord, la CSST, à la différence de la CLP, n'est pas seulement un tribunal administratif et n'a pas qu'une seule et unique fonction d'adjudication. Elle a beaucoup d'autres rôles, entre autres, d'élaborer des politiques en matière de santé et sécurité du travail. On consultera à cet égard l'énumération donnée à l'article 166 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.Q., c. S-21) Elle a, entre autres, la responsabilité de voir au financement du régime d'indemnisation (art. 281). En outre, elle gère et administre les fonds requis pour assurer le versement des indemnités prévues par la loi. Elle n'est donc pas dans la situation d'un organisme administratif dont le seul et unique rôle est adjudicatif, mais plutôt, pour reprendre les propos que tenait le juge Gonthier alors à la Cour supérieure, relativement à la Commission des affaires sociales dans Régie de l'assurance automobile au Québec c. Commission des affaires sociales, [1988] R.J.Q. 1020 , «… un administrateur chargé de la perception et de la gestion de certains fonds qui lui sont confiés à des fins définies par la loi, ceci dans l'intérêt public…» (p. 1023).
[…]
Toutefois, il est bien évident que la CSST, face au pouvoir d'intervention que lui donne le législateur, doit faire preuve d'une grande réserve et de retenue, de façon à ne pas être perçue comme un adversaire constant et systématique de la partie qui a perdu sa cause devant la juridiction administrative. Elle doit donc faire abstraction de toute partisanerie. Elle est, finalement, et toutes proportions gardées, un peu dans la même situation qu'un procureur de la Couronne dans une cause pénale dont le premier devoir reste à la justice et qui doit constamment rester neutre et impartial. De toute façon, et si besoin est, les tribunaux judiciaires qui dirigent les débats sont là pour lui rappeler son véritable rôle et ses devoirs.
Sur ce premier point, je suis donc d'avis que la CSST avait le droit d'intervenir comme partie dans le débat judiciaire tel qu'engagé.
[33] Tout comme dans le présent dossier, n'eût été de l'intervention et des représentations faites par la CSST dans le dossier McKenna, la cause aurait procédé ex parte.
[34] L'intervention et les représentations faites au nom de la CLP sont plus problématiques.
[35] En effet, la CLP est exclusivement juridictionnelle.
[36] Dans la cause de Yves Lancup c. Commission des affaires sociales du Québec et la Régie de l'assurance automobile du Québec[3], l'honorable juge Gendreau commentant l'intervention de la Commission des affaires sociales du Québec, laquelle joue un rôle identique à la CLP déclarait :
Avant de conclure, il convient d'aborder le rôle que la Commission s'est attribué devant nous. La Commission, tout décideur qu'elle était des prétentions de M. Lancup et de la Régie, s'est conduite comme une véritable partie, plus encore comme la partie principale. En effet, elle a, à son mémoire, vigoureusement défendu la justesse de ses deux décisions, bien que la Régie soit elle-même, et avec raison, intervenue pour appuyer l'ordonnance qui la favorisait puisqu'elle était, ultimement, avec M. Lancup, la seule partie que l'adjudication pouvait affecter.
À mon avis, la Commission, comme tout tribunal quasi judiciaire, doit faire montre de réserve et de retenue lorsque son ordonnance est attaquée. Pour préserver la nécessaire et indispensable confiance du public dans le système de justice administrative, il convient que le décideur n'exprime ses avis que dans ses jugements, sans chercher à les justifier lorsqu'ils sont attaqués en cour supérieure. C'est pourquoi, lorsque l'une des parties estime qu'une erreur s'est glissée à l'occasion de cette adjudication, le tribunal n'est pas admis à devenir un adversaire du plaideur insatisfait, sauf si le débat porte sur sa compétence et qu'à l'endroit de cette seule question. C'est là le sens des enseignements de la Cour suprême.
[…]
En d'autres termes, la Commission ne peut prétendre que la déclaration d'excès ou d'absence de compétence qui justifie l'intervention de la Cour supérieure, l'autorise toujours à prendre part au débat sur le fond. Ce n'est que dans le cas où sa compétence stricto sensu est en cause qu'elle peut intervenir et, même alors, son intervention ne portera que sur la stricte question de compétence et non sur le bien-fondé de sa décision au fond. Or, c'est exactement cette intervention qu'elle a faite ici.
[37] Dans le présent dossier, l'intervention des deux organismes s'est faite avec grande réserve, sobriété et retenue. Elle n'avait comme objectif que d'éclairer le tribunal sur les divers points soulevés par la requérante sans agressivité et dans un esprit de collaboration.
[38] Compte tenu des nombreux points soulevés par la requérante incluant la compétence juridictionnelle de la CLP et l'interprétation des récents amendements apportés à la LATMP, le tribunal considère comme tout à fait appropriées, les interventions faites par les deux organismes lors de l'enquête dans le présent dossier et leurs interventions doivent être reçues.
[39] En effet, les procureurs représentant les deux organismes ont respecté les balises et les limites imposées par les deux arrêts majeurs ayant analysé la position des organismes dont les décisions font l'objet d'une requête en révision soit les arrêts Paccar[4] et Bibeault[5].
[40] En conclusion sur ce point, le tribunal se permet de citer les propos de l'honorable juge Tessier tenus lors d'une conférence traitant du contrôle judiciaire et de la participation du tribunal administratif à l'instruction devant la Cour :
Bref, il ressort de Paccar que le tribunal peut présenter des arguments devant la Cour, comme toute autre partie, sur sa compétence initiale, acquise avant le début de l'instruction, de même que sur la raisonnabilité de la décision rendue à la fin de l'audition eu égard au fond de l'affaire, à l'instar d'un pourvoi en appel, et aussi, mais de façon limitée, sur certains incidents survenus durant l'instruction, relevant de la justice fondamentale.
LE REFUS DE RESPECTER LES DROITS LINGUISTIQUES DES TÉMOINS
[41] Tel que précédemment mentionné, le principal reproche adressé au Commissaire de la CLP est à l'effet qu'il y aurait eu non-respect des chartes, des droits constitutionnels et violation des droits fondamentaux et des règles de justice naturelle lorsque deux témoins francophones ont témoigné en anglais.
[42] Un bref résumé des faits s'impose. Le réclamant, M. Biggart, était unilingue anglophone et il se représentait seul. Avant l'audition, la requérante a demandé qu'un banc bilingue soit assigné pour entendre le dossier. Conformément à cette demande, un banc bilingue a été nommé par la CLP. Dans sa lettre du 4 décembre 2000, Me Moreau, représentant la requérante, ajoutait en autant que la présence d'un interprète pouvait être requise, le paragraphe suivant :
Dans l'avènement où la Commission des lésions professionnelles décide que « le déroulement équitable de l'audience rend nécessaire le recours à un interprète » (article 27 des Règles de preuve, de procédure et de pratique) nous demandons que cette question soit réglée et décidée par la Commission après enquête auprès des deux (2) parties, mais avant l'audition, afin d'éviter des délais et des remises la journée de l'audition.
[43] Aucune entente n'est intervenue entre les parties relativement à la présence ou non d'un interprète.
[44] Cette présence n'a pas été rediscutée en début d'enquête devant le Commissaire et les échanges ont débuté en anglais entre le Commissaire et Me Moreau, représentant la requérante. Suivant les représentations faites, il appert que la CLP n'assure pas la présence automatique d'un interprète comme le font certaines autres juridictions et chaque dossier est traité au cas par cas lorsqu'une partie ou des témoins doivent témoigner dans une langue autre que le français.
[45] Le premier témoin entendu a été le Dr Daniel Larochelle qui a été interrogé par Me Moreau. Cette dernière a immédiatement traduit en anglais les premières questions posées en français de même que les réponses données par le Dr Larochelle et ce, afin que M. Biggart puisse bien comprendre ce qui se disait.
[46] Après quelques questions et comme le Dr Larochelle avait confirmé avoir fait des études en Grande-Bretagne, le Commissaire lui a demandé s'il voyait un inconvénient à témoigner en anglais. Le Dr Larochelle a répondu non, ajoutant que la spontanéité ne serait peut-être pas aussi bonne et le Commissaire ajoutait les commentaires suivants :
LE COMMISSAIRE
Q.11 À ce moment-là, Docteur… what I'm saying, Mr. Biggart, I'm asking the doctor if he would agree to testify in English. What I want to add is that if at certain points you feel that your thought is better rendered in French, feel at ease to switch in French.
MR. HANSEL BIGGART :
Perfect
LE COMMISSAIRE :
Ça va, Docteur? Si jamais vous avez l'impression que vous devez aller en français, allez-y.
[47] Et par la suite, le témoignage du Dr Larochelle s'est poursuivi en anglais et ce, afin de permettre à M. Biggart de bien comprendre ce qui se disait tout en évitant la lourdeur d'une traduction simultanée des questions et réponses.
[48] Il n'y a eu aucune objection à cette façon de procéder de la part de la requérante et les droits du témoin de témoigner dans la langue de son choix, n'ont fait l'objet d'aucune représentation.
[49] Le second témoin appelé par la requérante était M. David Léon, son surintendant. Une fois assermenté, le Commissaire a demandé à M. Léon s'il voyait quelque inconvénient à témoigner en anglais. Les notes sténographiques reproduites par la requérante se lisent comme suit :
LE COMMISSAIRE :
Q.140 Avez-vous objection à témoigner en anglais, Monsieur David?
R. Non, mais (inaudible) ça va être un peu…
Q.141 Si c'est court on peut traduire, par exemple, si vous préférez en français.
R. Je pense que vous avez…
INTERROGÉ PAR Me ANNE M. MOREAU :
Q.142 He should be okay. What is your job at the company, Mr. Léon?
[50] D'autre part, les notes sténographiques reproduites par la CSST se lisent comme suit :
THE CHAIRMAN :
Q- Avez-vous objection à témoigner en anglais, monsieur David?
A- Non, mais je voudrais pas trop écorcher vos oreilles, ça va être un peu (inaudible)
Q- Si c'est court, on peut traduire, par exemple, si vous préférez, (inaudible)
Me ANNE M" MOREAU :
Oh no, he's good… he…
A- Je pense que vous avez…
Q- He'll be okay.
A- (inaudible)
[51] Tout comme dans le cas du Dr Larochelle, il n'y a eu aucune objection de la part de la requérante à ce que M. Léon témoigne en anglais, bien au contraire. Et c'est avec l'accord des parties et des procureurs, afin d'alléger le processus, qu'il a été convenu que les deux témoins, s'ils n'y voyait aucun inconvénient, témoigneraient en anglais avec possibilité, en cas de difficulté, de passer au français.
[52] La requérante reproche maintenant au Commissaire cette façon de procéder et il y aurait eu, selon elle, violation des droits fondamentaux reconnus par les Chartes et par la Constitution.
[53] Une très nombreuse jurisprudence a été produite par la requérante à l'appui de ses prétentions, jurisprudence avec laquelle le tribunal est en complet accord. Cependant, dans le présent dossier, cette jurisprudence n'a, selon le tribunal, aucune application. Il s'agit essentiellement d'une question de fait.
[54] Compte tenu que M. Biggart se représentait seul et comprenait peu ou pas le français, toutes les parties présentes ont convenu de procéder en anglais. Si par souci d'efficacité les parties, le Commissaire et la procureure, sans exprimer la moindre réserve ou objection, ont convenu de procéder de cette façon sans même souligner les difficultés que pouvait présenter une telle approche, elles ne peuvent, par la suite, après l'avoir acceptée, soulever ce motif pour demander la nullité de la décision.
[55] Suivant la requérante, les témoignages rendus en anglais n'avaient pas la même spontanéité et les témoins n'ont pu faire les nuances qu'ils auraient pu faire s'ils avaient rendu leurs témoignages en français. C'est fort possible, mais ce seul fait ne peut justifier le tribunal d'intervenir pour annuler la décision du Commissaire au motif qu'il y aurait eu violation des droits fondamentaux des témoins. En effet, si un témoin accepte volontiers de témoigner dans une autre langue que sa langue maternelle sans soulever la moindre objection à cet égard et alors qu'il peut sans problème utiliser sa langue maternelle à la moindre difficulté, il ne pourra par la suite prétendre que son témoignage est incomplet, moins précis ou entaché d'irrégularités justifiant une demande de révision au motif que son droit d'utiliser la langue de son choix a été bafoué.
[56] Au-delà des grands principes de droit, il y a les faits propres à chaque dossier et le tribunal n'a pu relever, de la part du Commissaire, le moindre abus ou encore la moindre contravention aux règles de justice naturelle ainsi qu'au droit d'un témoin de s'adresser à un tribunal dans la langue de son choix.
[57] Il est très fréquent, pour de multiples raisons, qu'un procureur, une partie ou un témoin choisissent de s'adresser au tribunal dans une langue autre que leur langue maternelle.
[58] À moins que le motif de ce choix soit le refus du président du tribunal de reconnaître à ces personnes le droit de s'adresser dans leur langue maternelle, on ne pourra, par la suite, prétendre à l'invalidité du processus en soutenant que la personne concernée était inconfortable et que toutes les nuances souhaitées n'ont pu être apportées.
[59] L'intervention du Commissaire dans le présent dossier dans les circonstances ci-haut décrites, ne saurait, comme le prétend la requérante, constituer un abus de droit.
[60] Le tribunal écarte donc l'argument voulant qu'il y ait eu excès de juridiction de la part du Commissaire lorsqu'il a demandé aux témoins s'ils voyaient quelque inconvénient à poursuivre en anglais tout en leur confirmant qu'ils pouvaient, au besoin, répondre en français pour apporter les nuances qu'ils jugeaient appropriés dans les circonstances et ce, sans la moindre objection de la requérante ou de sa procureure.
L'ABSENCE D'ASSESSEUR MÉDICAL
[61] Suivant les prétentions de la requérante, un assesseur médical avait été prévu par la CLP et le Commissaire a procédé à l'enquête dans le présent dossier sans qu'aucun assesseur médical ne soit appelé à siéger pour l'assister bien que le principal point en litige soulevé par la requérante ait été un problème médical, soit l'origine de la surdité éprouvée par le réclamant, M. Biggart.
[62] C'est la prétention de la requérante que la prérogative de nommer un assesseur pour assister le Commissaire sur des questions d'ordre médical relève du président de la CLP et que le Commissaire ne pouvait, une fois que la CLP avait déterminé qu'un assesseur serait présent, de son propre chef et sans une intervention spécifique de cette dernière, procéder hors de la présence d'une telle personne.
[63] Bien que la requérante ait noté avant le début de l'enquête qu'un assesseur, selon ses dires, avait été prévu dans le dossier, il n'a été nullement question de la présence d'un assesseur lorsque l'enquête a débuté devant le Commissaire et en aucun moment durant toute l'enquête la requérante n'a-t-elle soulevé le problème de l'absence d'un assesseur médical pour conseiller le Commissaire dans le présent dossier.
[64] Le silence de la requérante ne constitue-t-il pas de sa part une renonciation? La réponse à cette question est fort probablement positive mais au-delà de cette réponse, il y a plus!
[65] Suivant la preuve présentée par la requérante, il appert qu'un assesseur avait été initialement prévu par la CLP pour l'enquête que devait tenir le Commissaire.
[66] Pour des motifs que l'on ignore et qui n'ont fait l'objet d'aucune discussion en début d'enquête, le Commissaire a procédé sans qu'un assesseur médical ne soit présent. Y a-t-il dans les circonstances motif à révision pour excès de juridiction de la part du Commissaire? Le tribunal ne le croit pas.
[67] Dans la cause de Lilianne Lortie c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles[6], on peut y lire ce qui suit :
Quant au premier argument, la Cour est d'avis que la décision du commissaire Brassard de procéder sans assesseur médical n'est pas d'ordre juridictionnel puisque la présence ou l'absence de cet assesseur est étrangère à la compétence que la loi confère au commissaire. En effet, la loi donne pleine compétence au commissaire pour entendre et décider seul d'un appel (art. 403). L'assesseur ne participe pas à la décision; sa fonction en est plutôt une de conseil auprès du commissaire (art. 378 et 403). La décision du commissaire de procéder sans un assesseur médical était donc d'ordre intrajuridictionnel, celui-ci ayant tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence (art. 407).
[68] Entre la cause précitée et le présent dossier, le législateur a apporté des amendements à la LATMP et les articles pertinents sont ci-après reproduits :
ANCIENNE LOI |
NOUVELLE LOI |
SECTION II - JURIDICTION Art. 403 Un commissaire est compétent pour instruire et décider seul d'un appel qui relève de la juridiction de la Commission d'appel. La décision du commissaire constitue la décision de la Commission d'appel. |
SECTION II - COMPÉTENCE Art. 373 Dans chacune des divisions de la Commission des lésions professionnelles, les recours sont instruits et décidés par un commissaire. Art. 374 Dans la division de la prévention et de l'indemnisation des lésions professionnelles, deux membres, l'un issu des associations d'employeurs et l'autre des associations syndicales, siègent auprès du commissaire et ont pour fonction de le conseiller. Le membre issu des associations d'employeurs est nommé conformément au quatrième alinéa de l'article 385. Le membre issu des associations syndicales est nommé conformément au cinquième alinéa de cet article. Art. 375 Les commissaires peuvent siéger dans l'une et l'autre des divisions. Art. 376 Un commissaire est compétent pour décider seul de toute requête ou demande préalable à l'audition d'une affaire. |
Art. 400 La Commission d'appel peut confirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance porté devant elle; elle peut aussi l'infirmer et doit alors rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, selon elle, aurait dû être rendu en premier lieu. |
SECTION III - FONCTIONS, DEVOIRS ET POUVOIRS Art. 377 La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence. Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, |
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SECTION XV - RÈGLES DE PREUVE ET DE PROCÉDURE Art. 429.13 Avant de rendre une décision, la Commission des lésions professionnelles permet aux parties de se faire entendre. |
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SECTION XVII - DÉCISION Art. 429.49 Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions. |
Art. 404 Le président peut, s'il l'estime utile, adjoindre un ou plusieurs assesseurs à un commissaire.
Il peut aussi, s'il l'estime utile en raison de la complexité ou de l'importance d'un appel, désigner trois commissaires pour l'entendre, dont un qui préside l'enquête et l'audition. Dans ce dernier cas, la décision de la Commission d'appel est prise à la majorité de ces commissaires et si l'un d'eux est dissident, les motifs de son désaccord doivent y être consignés. |
SECTION XII - DIRECTION ET ADMINISTRATION Art. 422 Le président peut, s'il l'estime utile, adjoindre à un commissaire un ou plusieurs assesseurs nommés en vertu de l'article 423.
Il peut, aussi, s'il l'estime utile en raison de la complexité ou de l'importance d'un recours, désigner trois commissaires pour l'instruire et en décider, dont un qui préside l'enquête et l'audition. |
SECTION I - CONSTITUTION DE LA COMMISSION D'APPEL Art. 378 Le président peut nommer des assesseurs à plein temps qui ont pour fonction de conseiller les commissaires et de siéger auprès d'eux.
Art. 380 Le président peut, pour la bonne expédition des affaires de la Commission d'appel, nommer des assesseurs à vacation ou à titre temporaire et déterminer leurs honoraires.
Ces assesseurs ne sont pas membres du personnel de la Commission d'appel. Art. 383 Le président peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un vice-président ou à un commissaire responsable de l'administration d'un bureau de la Commission d'appel. Au cas d'absence ou d'incapacité d'agir du président, il est remplacé par le vice-président que désigne le ministre. |
Art. 423 Le président nomme des assesseurs à temps plein, qui ont pour fonctions de siéger auprès d'un commissaire et de le conseiller sur toute question de nature médicale, professionnelle ou technique. Art. 424 Le président peut, pour la bonne expédition des affaires de la Commission des lésions professionnelles, nommer des assesseurs à vacation ou à titre temporaire et déterminer leurs honoraires Ces assesseurs ne sont pas membres du personnel de la Commission des lésions professionnelles. Art. 429 Le président peut déléguer tout ou partie de ses attributions aux vice-présidents ou à un commissaire responsable de l'administration d'un bureau régional. |
[69] L'article 403 analysé par la Cour d'appel dans cette cause a été remplacé par l'article 373 de la nouvelle Loi.
[70] Selon le tribunal, l'article 373 est, à toutes fins pratiques, au même effet que l'article 403 et l'amendement n'a pas comme effet de modifier la compétence d'un commissaire, lequel a complète juridiction pour décider des dossiers qui lui sont soumis. Suivant l'article 374, les deux membres issus des associations d'employeurs et des associations syndicales qui se sont ajoutés, siègent auprès du commissaire et ont comme fonction de le conseiller. Ainsi, même si le mot « seul » a été omis dans l'article 373, il n'y a aucun doute que le commissaire appelé à décider prend seul la décision après s'être fait conseiller par les personnes appelées à siéger avec lui.
[71] Quant à la présence d'un assesseur médical, l'article 422 de la nouvelle loi est au même effet et dans les mêmes termes que l'ancien article 404 à la seule différence qu'il y a maintenant référence à l'article 423 qui prévoit la nomination d'assesseur à temps plein ce qui ne semblait pas exister en vertu de l'ancienne loi.
[72] Selon le tribunal, le nouvel article 423 n'ajoute absolument rien au présent litige. Il n'est que d'ordre administratif et le raisonnement suivi par la Cour d'appel dans l'arrêt précité est encore tout aussi pertinent.
[73] Si le commissaire ne peut maintenant siéger en l'absence des deux membres issus des associations d'employeurs et de syndicats, vu les nouvelles dispositions de l'article 373, la présence d'un assesseur médical n'est que facultative et son absence, bien qu'initialement prévue ou encore son désistement tout comme dans la cause de Lortie, ne peut affecter la juridiction du commissaire et il pouvait procéder comme il l'a fait, sans pour autant perdre sa juridiction.
LE CARACTÈRE EXPÉDITIF DE L'AUDITION EN PREMIÈRE INSTANCE
[74] Dans sa requête, CIL souligne que l'enquête n'a duré que 75 minutes pour entendre trois témoins et l'argumentation. Elle ajoute que le Commissaire aurait coupé court aux droits de la requérante d'argumenter, contrevenant ainsi à la règle de justice naturelle de l'audi alteram partem.
[75] Une analyse de la preuve nous confirme que la procureure de la requérante a eu toutes les opportunités pour questionner les témoins. Les interrogatoires se sont terminés lorsque Me Moreau a confirmé n'avoir aucune autre question à poser.
[76] Le tribunal n'a non plus noté aucune intervention de la part du Commissaire pour accélérer et couper court aux questions qui ont été posées par le procureur de la requérante. A la fin du témoignage de M. Biggart, le Commissaire a demandé à Me Moreau si sa preuve était complète et cette dernière a répondu par l'affirmative. Il s'est également enquis auprès de M. Biggart si ce dernier avait quelque chose à ajouter et la réponse a été négative.
[77] Le tribunal n'a relevé aucune intervention de la part du Commissaire afin d'accélérer le processus ou encore afin de couper court aux représentations de la procureure de la requérante comme elle le prétend.
[78] Le tribunal écarte donc comme motif de révision le caractère expéditif de l'audition en première instance.
ÉLÉMENT DE PREUVE EXTRINSÈQUE AU DOSSIER
[79] Dans sa requête, CIL soutient que le Commissaire, dans son jugement, réfère à une preuve extrinsèque qui n'a fait l'objet ni du témoignage du témoin expert, ni des rapports déposés de part et d'autres, ni de la jurisprudence ou des auteurs soumis et en ce faisant, le Commissaire contreviendrait aux règles de justice naturelle et commettrait un excès de juridiction.
[80] Cette affirmation de la part du Commissaire n'apparaît pas, selon le tribunal, comme déterminante dans le présent dossier et il appartenait à la requérante d'en démontrer le caractère manifestement déraisonnable.
[81] Non seulement n'a-t-elle pu le faire, mais il appert de la preuve et des arguments présentés que le Commissaire avait tout au moins une grande partie des éléments requis pour écrire l'énoncé qui lui est maintenant reproché.
[82] Peut-être a-t-il commis une erreur en ce faisant, mais cette erreur ne saurait justifier, suivant les critères maintenant bien établis, l'intervention de la Cour supérieure par voie de révision.
LE PARTAGE DES COÛTS ET LA PRÉSENCE DES DEUX MEMBRES ISSUS DES ASSOCIATIONS
[83] C'est la prétention de la requérante que les deux membres issus des associations d'employeurs et syndicaux auraient dû se retirer lorsqu'il a été question de partage des coûts et que leur seule présence aurait entaché tout le processus et qu'il y aurait eu violation aux principes d'impartialité et d'apparence de justice.
[84] Il n'y a pas la moindre preuve au dossier que les deux membres soient intervenus de quelque façon que ce soit ou encore qu'ils aient influencé ou même qu'il y ait eu consultation de la part du Commissaire lorsqu'il a décidé du partage des coûts.
[85] L'argumentation de la part de la requérante s'est faite sans interruption et le tribunal ne peut accepter qu'il y aurait eu violation aux règles les plus élémentaires de justice naturelle du seul fait que les deux membres ne se soient pas retirés en cours d'argumentation alors qu'il était question du partage des coûts. Si pour quelque motif que ce soit la procureure de la requérante avait quelque objection à ce que les deux membres assistent à ses représentations sur le partage des coûts, elle aurait pu facilement interrompre son argumentation et demander aux deux membres de se retirer.
[86] Il est très important de noter que la question des coûts n'a été abordée qu'à la toute fin des représentations et que le tout a duré tout au plus de deux à trois minutes. Prétendre que les deux membres auraient dû se retirer à ce moment précis est nettement excessif et même irréaliste et il était tout à fait logique et même souhaitable que les deux membres demeurent à leurs postes jusqu'à la fin même si la nouvelle loi ne prévoit aucune participation ou consultation pour cet aspect du dossier.
[87] Quant à l'absence de motifs distincts, le tribunal détermine que la décision du Commissaire est suffisamment motivée et conforme à la législation. Cette absence ne peut constituer, tel que suggéré par la requérante, un excès de juridiction ou encore une erreur manifestement déraisonnable.
[88] Le tribunal écarte donc comme motif de révision l'absence de motifs distincts relativement au partage des coûts ainsi que la présence des deux membres, appelés à conseiller le Commissaire sur les aspects indemnisations, jusqu'à la fin de l'enquête et de l'audition.
PAIEMENT PAR LA CSST D'UNE SOMME DE 34 311,31 $
[89] Le tribunal détermine qu'il n'y a absolument aucune relation entre ce paiement et la décision dont on demande l'annulation au motif d'excès de juridiction ou d'erreur manifestement déraisonnable.
[90] Compte tenu des conclusions auxquelles en arrive le tribunal sur la validité de la décision rendue par le Commissaire, il n'y a donc pas lieu d'élaborer plus longuement sur ce point, lequel aurait peut-être eu une certaine pertinence si le tribunal avait accueilli la requête en révision.
[91] En terminant, est-il besoin de rappeler que suivant les grands principes énoncés par la Cour suprême du Canada, entre autres dans Ville de Montréal c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301[7] ainsi que dans Denis Blanchard c. Control Data Limited[8], le tribunal doit faire preuve de grande retenue lorsqu'il entend intervenir dans les décisions rendues par un tribunal administratif mieux placé et mieux formé pour apprécier l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise et pour interpréter les textes législatifs pertinents.
[92] Comme aucun excès de juridiction non plus qu'aucune erreur manifestement déraisonnable n'a pu être démontré à l'encontre de la décision rendue par le Commissaire dans le présent dossier, le tribunal;
POUR CES MOTIFS :
[93] REJETTE avec dépens la requête en révision judiciaire présentée par la requérante, les Contenants Industriels Ltée.
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__________________________________ JEAN GUIBAULT, J.C.S. |
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Me Anne Moreau MOREAU, AVOCATE Me Marc-André Fabien et Me Jean-François Hébert |
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FASKEN MARTINEAU DUMOULIN |
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procureurs de Contenants industriels Ltée |
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Me Claude Verge |
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LEVASSEUR VERGE |
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procureur de la Commission des lésions professionnelles |
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Me Benoit Boucher PANNETON LESSARD procureur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail
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Date d’audience : |
19 octobre 2001 |
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[1] L.R.Q. ch. A3.001.
[2] Mary McKenna c. Commission des lésions professionnelles et Commission de la santé et de la sécurité du travail et JM Asbestos inc., C.A. 200-09-003233-001, le 26 octobre 2001, juges Baudouin, Rousseau-Houle et Robert.
[3] [1993] R.J.Q. 1679 .
[4] Paccar of Canada Ltd. c. Association canadienne des travailleurs des industries mécaniques et assimilées, section locale 14 et British Columbia Hydro & Power Authority et Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 213 et Industrial Relations Council of British Columbia, autrefois la Labour Relations Board of British Columbia, [1989] 2 R.C.S. 983 .
[5] Réal Bibeault, Marc Brière, Tribunal du travail et Kenneth McCaffrey et Travailleurs unis de l'alimentation et d'autres industries, local P-405 et NDG Meat Market et als, [1984] 1 R.C.S. 176 .
[6] [1998] C.L.P. 1468 .
[7] [1997] 1 R.C.S. 793 .
[8] [1984] 2 R.C.S. 476 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.