Décision

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Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 7 septembre 2022

Référence neutre : 2022 QCTAQ 0969

Dossiers : SAI-M-303316-2012 / SAI-M-303318-2012

Devant les juges administratifs :

VÉRONIQUE PELLETIER

JACQUELINE FRANCOEUR

 

INSTITUT DE TOURISME ET D'HÔTELLERIE DU QUÉBEC

Partie requérante

c.

VILLE DE MONTRÉAL

Partie intimée

et

MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DE L'HABITATION

Partie mise en cause

 


DÉCISION RECTIFIÉE


 

ATTENDU QUE le Tribunal statuait sur le recours de la partie requérante par décision rendue le 16 août 2022.

 

CONSIDÉRANT QUE cette décision est entachée d'une omission de représentant de procureur de la partie requérante à la fin de la décision qui se lit :

 

Beauregard Avocats, s.e.n.c.r.l.

Me Louis Beauregard

Procureur de la partie requérante

 

CONSIDÉRANT QUE cette partie à la fin de la décision devrait se lire :

 

Beauregard Avocats, s.e.n.c.r.l.

Me Louis Beauregard et Me Vanessa Hergett

Procureurs de la partie requérante

 

CONSIDÉRANT QU'une demande de rectification a été présentée par la partie requérante à l’égard de Me Hergett.

 

CONSIDÉRANT QU'il y a lieu de rectifier cette décision.

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal rend la décision suivante, laquelle vient remplacer la décision du 16 août 2022

.


Décision rectifiée


[1]                    Le Tribunal doit décider si la requérante, l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) peut bénéficier de l’exemption de toute taxe foncière prévue à l’article 204 (13) de la Loi sur la fiscalité municipale (LFM)[1] pour l’unité d’évaluation située au 3535, rue St-Denis à Montréal. Cette demande d’exemption vise le rôle triennal 2020-2021-2022[2].

Aperçu

[2]                    L’article 204 (13) LFM prévoit certaines exemptions de toute taxe foncière :

204. Sont exempts de toute taxe foncière, municipale ou scolaire :

[…]

(13) un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un centre de service scolaire, d’une commission scolaire, d’un collège d’enseignement général et professionnel, d’un établissement universitaire au sens de la Loi sur les investissements universitaires (c. I-17) ou du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec;

[3]                    L’ITHQ prétend avoir droit à l’exemption, puisqu’il détient une entente d’affiliation avec l’Université du Québec à Montréal (UQAM) autorisée par le Ministre de l’enseignement supérieur, selon un protocole d’entente conclu en 1991 et renouvelé depuis.

[4]                    L’ITHQ avance également que sa loi constitutive édicte que son objet est de fournir des activités de formation professionnelle, qu’il peut dispenser des programmes d’études techniques de niveau collégial et qu’il peut conclure une entente d’affiliation avec un établissement d’enseignement de niveau universitaire.

[5]                    De plus, en vertu du paragraphe 2 de l’article 4 de la Loi sur les établissements de niveau universitaires (LÉENU)[3], l’ITHQ est habilité à attribuer le qualificatif universitaire à un programme d’enseignement.

[6]                    Subsidiairement, l’ITHQ prétend pouvoir bénéficier d’une exemption totale, car il est assimilable à un établissement d’enseignement universitaire et un collège et que l’ensemble de l’immeuble sert à ces activités en vertu d’ententes avec l’UQAM et divers collèges.

[7]                    La ville prétend pour sa part que l’ITHQ n’est pas un établissement universitaire au sens de la Loi sur les investissements universitaires (LIU) et réfère aux articles 1 et 4 de la LÉENU pour ce faire. Elle avance que d’autres établissements d’enseignement sont spécifiquement exemptés de taxes dans la LFM, soit l’École nationale de police et l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec en vertu de l’article 204, alinéa 2.1 LFM ainsi que le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec en vertu de l’article 204, paragraphe 13 LFM. 

[8]                    Selon la Ville, le fait que le législateur n’a pas nommé l’ITHQ dans la liste des exemptions, alors qu’il a spécifiquement nommé d’autres établissements de même nature est indicatif de l’intention du législateur que l’ITHQ ne puisse pas bénéficier d’une telle exemption. La Ville avance que ces établissements spécifiquement identifiés par le législateur ont pourtant une structure juridique similaire à celle de l’ITHQ. Si le législateur avait voulu exempter l’ITHQ, il l’aurait donc inclus nommément à l’article 204 LFM.

[9]                    Quant au PGQ, il partage l’avis de la Ville et soumet que l’ITHQ ne peut bénéficier de l’exemption réclamée, car il ne figure pas nommément aux paragraphes 1 à 11 de l’article 1 de la LEENU à laquelle réfèrent la LIU et la LFM, et qu’il n’est pas, selon lui, davantage affilié, agrégé ou annexé à l’UQAM ou à tout autre établissement d’enseignement de niveau universitaire au sens du paragraphe 11 de l’article 1 de la LEENU.

[10]               Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal est d’avis que l’ITHQ peut bénéficier de l’exemption prévue au paragraphe 13 de l’article 204 LFM à titre d’établissement universitaire au sens de la LIU.

 

 

Analyse

[11]               L’article 203 LFM établit la règle générale voulant qu’un immeuble porté au rôle est imposable sur la base de sa valeur réelle, telle qu’établie selon les principes prévus aux articles 42 à 46 LFM. Le principe veut donc que tous les immeubles soient portés au rôle, sauf exception.

[12]               Ainsi, le législateur a prévu, à l’article 204 LFM, certaines exceptions à cette règle générale, où une exemption de toute taxe foncière, municipale ou scolaire, peut être appliquée[4].

[13]               La question en litige devant le Tribunal est donc de déterminer si l’ITHQ peut bénéficier de cette exemption soit parce qu’il est :

1- un établissement universitaire au sens de la Loi sur les investissements universitaires (c. I-17)

2- soit parce qu’il est un collège d’enseignement général et professionnel (Cegep).

Description de l’ITHQ

[14]               L’ITHQ est fondé en 1968[5] et relève alors du Ministère du Tourisme[6]. Il est constitué en personne morale sans but lucratif[7] le 30 juin 1988[8], et ses secteurs d’activités déclarés sont « autres services d’enseignement », « maison d’enseignement secondaire, collégial et universitaire formation sur mesure ».

[15]               L’ITHQ relève depuis 2013 du Ministre de l’Enseignement supérieur[9], est un mandataire du gouvernement et ses biens font partie du domaine public[10]. Il est entièrement financé et subventionné par le gouvernement.

[16]               Il exerce ses activités dans son immeuble sur la rue St-Denis, qui comporte 11 étages, deux mezzanines et deux sous-sols[11]. En ce qui a trait à l’enseignement, on y retrouve notamment[12] des salles de cours, un auditorium, des salles informatiques, une médiathèque/bibliothèque, une salle et un atelier de sommellerie, une salle de mixologie, des laboratoires du centre de recherche, une cuisine d’application et un restaurant d’application[13], un hôtel de formation (occupant 2 étages complets), des salles de banquets avec cuisine pédagogique attenante.

[17]               Pour le reste, on y retrouve aussi, mais sans limitations, des bureaux administratifs, de registrariat, de direction, de professeurs et de services aux étudiants, un magasin scolaire, des salles de conférence, une cafétéria et un café étudiant, des chambres froides et d’entreposage, vestiaires et diverses salles mécanique etc.

[18]               L’article 16 de sa loi constitutive[14] (LITHQ) prévoit que l’ITHQ a pour objets de fournir des activités de formation professionnelle dans les domaines de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme, ainsi que de faire de la recherche, d’apporter de l’aide technique, de produire de l’information et de fournir des services dans ces domaines.

[19]               Pour ce faire, l’article 17 prévoit que l’Institut peut notamment :

  • administrer et exploiter des établissements d’hébergement hôtelier et de restauration à des fins pédagogiques  (son hôtel et son restaurant d’application);
  • offrir des services de consultation, de gestion et de recherche dans les domaines de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme;
  • établir un centre collégial de transfert de technologie conformément à la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel (c. C-19);
  • avec l’autorisation du ministre, conclure une entente d’affiliation avec un établissement d’enseignement de niveau universitaire;
  • avec l’autorisation du ministre, conclure une entente avec une commission scolaire ou un cegep en vue de dispenser de l’enseignement professionnel de niveau secondaire ou collégial dans les domaines de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme.

[20]               L’Institut peut ainsi dispenser des programmes de formation professionnelle de niveau secondaire et des programmes d’études techniques de niveau collégial pour lesquels il a reçu les autorisations des ministres concernés[15]. La loi prévoit aussi que le régime des études collégiales prévu à la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel (c. C-29- Cegep) s’applique à l’enseignement de niveau collégial dispensé par l’Institut.

[21]               L’ITHQ a ainsi conclu des protocoles d’entente avec le Cégep de Saint-Hyacinthe[16], le Cégep de Jonquière[17], le Collège de Valleyfield[18] et le Cégep de Sorel-Tracy[19]. Essentiellement ces protocoles d’entente ont tous fait l’objet d’une autorisation par le ministre de l’Enseignement supérieur et sont de durées variables; ils visent à assurer la délocalisation, pour la majeure partie des cours, de certains programmes d’études dispensés par l’ITHQ[20]. Les protocoles prévoient que les diplômes sont décernés par le ministre de l’enseignement supérieur sur recommandation de l’ITHQ. Les diplômes précisent la collaboration entre l’ITHQ et les cégeps.

[22]               Le ministre peut aussi autoriser l’Institut à dispenser des programmes de niveau universitaire, et ce aux conditions qu’il détermine. Par l’adoption du projet de loi 150, adopté et sanctionné le 12 juin 2018, le gouvernement modifiait notamment l’article 19 de sa loi constitutive afin d’autoriser l’Institut à décerner le grade, diplôme, certificat ou autre attestation d’études universitaires auquel conduit un programme d’enseignement de niveau universitaire. À noter que le ministre se réserve le droit de déterminer les renseignements, les analyses et les documents nécessaires devant lui être fournis par l’Institut avant de formuler une demande d’autorisation en vertu du présent article.

[23]               Une autorisation de conclure un protocole d’entente a ainsi été donnée par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Science le 3 juillet 1991[21], lequel a été renouvelé à de nombreuses reprises depuis[22]. Cette affiliation permettait à l’ITHQ d’offrir un programme de niveau universitaire (BAA) pour l’UQAM au sein de son établissement. Ce programme est dispensé par l’UQAM et le diplôme est décerné par l’UQAM[23].

[24]               En résumé, l’ITHQ est autorisé à dispenser une formation professionnelle (de niveau secondaire), une formation technique (de niveau collégial) une formation supérieure (pour lequel l’ITHQ émet un diplôme institutionnel qui n’est pas reconnu par l’État) et une formation universitaire selon le partenariat conclu entre l’UQAM et l’ITHQ[24].

[25]               Mais cela fait-il de l’ITHQ un établissement universitaire ou un cegep au sens de l’article 204 (13) LFM et de la LIU?

L’ITHQ est-il un établissement universitaire au sens de la Loi sur la fiscalité municipale et de la Loi sur les investissements universitaires (LIU)?

[26]               Le paragraphe 13 de l’article 204 LFM prévoit qu’un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un établissement universitaire au sens de la LIU peut bénéficier d’une exemption.

[27]               La LIU définit le terme « établissement universitaire » comme :

1. Dans la présente loi, les expressions et mots suivants signifient:

a) «établissement universitaire» :

1°les établissements d’enseignement de niveau universitaire visés aux paragraphes 1° à 11° de l’article 1 de la Loi sur les établissements d’enseignement de niveau universitaire (chapitre E14.1);

[…]

 (Soulignement du Tribunal)

[28]               Il faut donc se référer à l’article 1 de Loi sur les établissements d’enseignement de niveau universitaire (chapitre E14.1) (LEENU), qui se lit comme suit :

1. Sont des établissements d’enseignement de niveau universitaire:

1° l’Université Laval;

2° l’Institution royale pour l’avancement des sciences (Université McGill);

3° Bishop’s University;

4° l’Université de Montréal;

5° l’École Polytechnique de Montréal;

6° l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal;

7° l’Université Concordia;

8° l’Université de Sherbrooke;

9° l’Université du Québec et ses universités constituantes;

10° toute faculté, école ou institut de l’un des établissements visés aux paragraphes 1° à    9° qui est géré par une personne morale distincte de celle qui administre cet établissement;

11° tout établissement d’enseignement supérieur affilié, agrégé ou annexé à l’un des établissements visés aux paragraphes 1° à 9° en vertu d’une entente approuvée par le ministre;

[29]               Il est acquis que l’ITHQ ne se qualifie pas en vertu des paragraphes 1 à 10 de l’article 1 de la LEENU. 

[30]               Ainsi, seul le paragraphe 11 de l’article 1 de la LEENU pourrait permettre de qualifier l’ITHQ comme un établissement d’enseignement de niveau universitaire. La requérante estime avoir démontré d’une part que l’ITHQ est un établissement d’enseignement supérieur affilié, agrégé ou annexé à l’un des établissements visés aux paragraphes 1o à 9o (en l’espèce l’UQAM)[25] et, que, d’autre part, cette entente d’affiliation est approuvée par le ministre[26].

[31]               La preuve démontre sans contredit que l’ITHQ se qualifie à titre d’établissement d’enseignement supérieur. Nous avons vu qu’il est autorisé à dispenser un enseignement de niveau collégial (art. 18 LITHQ) et universitaire (art. 19 LITHQ) pour lesquels il a reçu les autorisations ministérielles requises par sa loi. Ainsi, en date de référence, l’ITHQ décerne en partenariat avec l’UQAM un baccalauréat. Bien que postérieure à notre date de référence, l’ITHQ a aussi depuis l’automne 2021 son propre baccalauréat, pour lequel il décernera lui-même le diplôme.

[32]               Comme indiqué, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la science autorisait l’ITHQ, le 3 juillet 1991, à conclure une entente d’affiliation avec l’UQAM pour la mise sur pied d’une concentration en gestion hôtelière et de restauration à l’intérieur du baccalauréat en gestion et intervention touristique décernée par l’UQAM. L’autorisation ainsi accordée s’appuie sur le fait que la gestion pédagogique et l’octroi du baccalauréat en administration des affaires seront soumis aux règles en vigueur à l’UQAM et que le baccalauréat sera décerné par l’UQAM[27].

[33]               Le protocole initial d’entente concrétisant cette affiliation est signé le 11 novembre 1991[28]; il est intéressant d’y lire les considérants en préambule de l’entente qui se lisent comme suit :

CONSIDÉRANT la loi sur les établissements d’enseignement de niveau universitaire qui habilite l’ITHQ à dispenser un enseignement de niveau universitaire;

CONSIDÉRANT la loi sur l’ITHQ qui autorise l’Institut à conclure une entente d’affiliation avec un établissement de niveau universitaire ainsi qu’à dispenser des programmes d’enseignement de niveau universitaire;

CONSIDÉRANT l’autorisation accordée par la ministre de l’enseignement supérieur et de la science.

[34]               Ce premier « considérant » fait ainsi référence à l’article 4 LEENU, qui précise que nul ne peut attribuer le qualificatif « universitaire » à un programme d’enseignement ou le présenter comme étant dispensé par un établissement de niveau universitaire, qui pourrait laisser croire que l’enseignement dispensé au Québec est de niveau universitaire à moins que cet enseignement ne soit dispensé par :

1o un établissement visé à l’article 1;

2o l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec;

2.1o l’École nationale de police du Québec;

3o une personne morale ou un organisme à qui le pouvoir de décerner des grades, diplômes, certificats ou autres attestations d’études universitaires est conféré par une loi du Parlement.

[35]               L’ITHQ peut ainsi attribuer le qualificatif universitaire à son programme d’enseignement et le présenter comme étant dispensé par un établissement de niveau universitaire, mais le baccalauréat sera décerné par l’UQAM.

[36]               Est-ce que le fait de pouvoir présenter un programme comme étant dispensé par un établissement de niveau universitaire, comme le permet l’article 4, fait de l’ITHQ un établissement universitaire au sens de la LIU et LFM ? Car notons que cet article 4 ne vise que la présentation du programme et non l’établissement qui le fournit.

[37]               En effet, l’article 3 LEENU énonce pour sa part que nul ne peut désigner un établissement du titre université ou lui attribuer le qualificatif universitaire de façon à laisser croire qu’est tenu ou exploité au Québec un établissement d’enseignement de niveau universitaire à moins que cet établissement ne soit visé à l’article 1.  

[38]               Le Tribunal note que lors de l’adoption de la LEENU, le 19 juin 1989, l’ITHQ existait déjà mais était alors intégré au sein du Ministère du Tourisme et que 11 jours plus tard, soit lors de la même session législative, il y avait la création de l’ITHQ comme étant une personne morale à but non lucratif (LITHQ)[29]. 

[39]               Montréal et PGQ allèguent que si le législateur, qui ne parle jamais pour rien dire[30],  prend la peine de mentionner l’ITHQ au deuxième paragraphe de l’article 4 LEENU (afin de l’autoriser à attribuer le qualificatif universitaire à un programme d’enseignement ou le présenter comme étant dispensé par un établissement de niveau universitaire), c’est que l’ITHQ n’est pas couvert par son paragraphe 1, qui réfère à tout établissement visé à l’article 1 LEENU, nommément au paragraphe 11 du premier alinéa.

[40]               Or, c’est cet article qui reconnaît comme établissements d’enseignement de niveau universitaire tout établissement d’enseignement supérieur affilié à l’un des établissements visés aux paragraphes 1 à 9 en vertu d’une entente approuvée par le ministre. 

[41]               Pourquoi avoir le besoin de présenter un programme comme étant dispensé par un établissement de niveau universitaire par l’effet du deuxième paragraphe de l’article 4 LEENU, si l’ITHQ était lui-même reconnu comme un établissement de niveau universitaire au sens du paragraphe 1 de l’article 4 LEENU. 

[42]               En d’autres mots, selon Montréal et PGQ, l’ITHQ ne pourrait être à la fois visé par le paragraphe 1 et le paragraphe 2 de l’article 4 LEENU, puisqu’on prend la peine de le nommer au paragraphe 2 de cet article.

[43]               Le Tribunal ne partage pas cette analyse.

[44]               Il faut relever que lors de l’adoption de la LEENU en 1989, l’ITHQ n’avait pas encore conclu aucune entente d’affiliation avec l’UQAM, ce qui ne se concrétisera qu’en 1991. Avant la conclusion de cette entente d’affiliation, l’ITHQ était donc simplement autorisé à attribuer le qualificatif universitaire à un programme d’enseignement et le présenter comme étant dispensé par un établissement d’enseignement de niveau universitaire. L’UQAM est autorisée de la même manière, mais par le paragraphe 1 de cet article 4.

[45]               Il faut surtout noter le deuxième « considérant » du protocole de 1991 qui autorise l’Institut à conclure une entente d’affiliation avec un établissement de niveau universitaire ainsi qu’à dispenser des programmes d’enseignement de niveau universitaire.

[46]               Dès lors que l’ITHQ, à titre d’établissement d’enseignement supérieur, ce qu’il est sans contredit, conclut une entente d’affiliation avec l’UQAM, avec l’autorisation du ministre, l’ITHQ peut se qualifier comme établissement d’enseignement de niveau universitaire par l’effet du paragraphe 11 de l’article 1 de la LEENU. Au surplus, il peut toujours attribuer le qualificatif universitaire à son programme d’enseignement et le présenter comme étant dispensé par un établissement d’enseignement de niveau universitaire, tant par l’effet du paragraphe 1 que du paragraphe 2 de l’article 4 LEENU.

[47]               D’un autre point vu, il faut prendre acte que l’entente d’affiliation, qui a été renouvelée à plusieurs reprises depuis 1991, pourrait éventuellement être annulée ou non reconduite.  Si tel était le cas, l’ITHQ ne pourrait plus être considéré comme un établissement d’enseignement de niveau universitaire par l’effet du paragraphe 11 de l’article 1 LEENU, mais pourrait tout de même continuer d’attribuer le qualificatif universitaire à un programme d’enseignement et le présenter comme étant dispensé par un établissement d’enseignement de niveau universitaire, par l’effet du paragraphe 2 de l’article 4 LEENU.

[48]               Le Tribunal ne voit pas dans la LENNU un empêchement à ce que l’ITHQ puisse conclure une entente d’affiliation simplement parce qu’il est autorisé à présenter son programme comme un programme de niveau universitaire. En effet, la lecture combinée des articles 3 et 4 LEENU nous conduit ainsi à faire la distinction entre la présentation du programme et la qualification de l’établissement.

[49]               En conséquence logique, il faut donc conclure que l’ITHQ peut dispenser un programme d’enseignement de niveau universitaire (article 4 LEENU), et qu’il peut aussi se qualifier comme un établissement universitaire au sens de la LIU et la LFM, puisque qu’il remplit toutes les conditions prévues au paragraphe 11 de l’article 1 LENNU, à savoir :

  • Est un établissement d’enseignement supérieur;
  • Est affilié à l’un des établissements visés, soit en l’espèce l’UQAM;
  • En vertu d’une entente approuvée par le ministre.

[50]               Les textes législatifs sont clairs et n’ont pas à être interprétés en matière fiscale[31];  or, aucune disposition n’interdit l’ITHQ de se qualifier comme établissement d’enseignement de niveau universitaire au sens de la LIU. 

[51]               Il en découle que l’ITHQ peut bénéficier de l’exemption prévue au paragraphe 13 de l’article 204 LFM  à titre d’établissement universitaire au sens de la LIU.

L’ITHQ est-il un collège d’enseignement général et professionnel?

[52]               Le paragraphe 13 de l’article 204 rajoute que peut bénéficier de l’exemption totale un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un collège d’enseignement général et professionnel (Cegep).

[53]               Nous avons vu que l’ITHQ peut, avec l’autorisation du ministre, conclure une entente avec une commission scolaire ou un cegep en vue de dispenser de l’enseignement professionnel de niveau secondaire ou collégial dans les domaines de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme.

[54]               Nous avons vu que l’ITHQ a effectivement conclu de telles ententes[32], dont les diplômes sont décernés par le ministre de l’enseignement supérieur sur recommandation de l’ITHQ. 

[55]               Mais cela fait-il de l’ITHQ un Cegep ?

[56]               Le paragraphe 13 de l’article 204 LFM nous semble clair et ne pas se prêter à une difficulté d’interprétation; l’immeuble doit être inscrit au nom d’un cegep.

[57]               De l’avis du Tribunal, l’autorisation du ministre donnée à l’ITHQ de conclure des ententes, ententes par ailleurs temporaires et limitées dans le temps, ne font pas l’ITHQ un cegep au sens de la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel [33] (LCEGEP).

[58]               Les articles 2 à 5 de cette loi établissent qui peut être qualifié de collège au sens de cette loi et se voir émettre des lettres patentes à cet effet. L’ITHQ n’y est pas mentionné et ne rencontre pas ces critères. Subsidiairement, même si l’ITHQ souhaitait invoquer l’alinéa 3 de l’article 17.2 de cette même loi, qui établit qu’un collège peut, avec l’autorisation du ministre, établir un centre collégial de transfert de technologie et confier la gestion du centre à une personne morale qui désigne, force est de constater que l’ITHQ ainsi que l’ITAQ, qui y sont mentionnés à l’alinéa 3, sont assimilés à un collège mais uniquement aux fins de cet article et non pas au sens de la LCEGEP. 

[59]               Il faut aussi prendre acte que le législateur vient tout juste de modifier la LFM pour exempter l’ITAQ de toute taxe en vertu du paragraphe 13 de l’article 204 LFM; ce faisant, il aurait pu faire de même pour l’ITHQ mais ne l’a pas fait.

[60]               L’ITHQ ne peut donc être considéré comme un cegep au sens de la LCEGEP et ne peut, en conséquence, bénéficier de l’exemption prévue au paragraphe 13 de l’article 204 LFM, l’immeuble n’étant pas inscrit au nom d’un cegep.

Pièces P-20, P-21 et P-22 sous objection

[61]               La pièce P-20 est une lettre de la directrice générale de l’ITHQ, Madame Lizza Frulla aux sous-ministres du Ministère des Finances, du Ministère de l’Éducation et du Ministère de l’enseignement supérieur en date du 5 novembre 2020. Elle a pour objet principal de demander à ce que l’ITHQ ne soit pas assujetti à la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État.

[62]               La pièce P-21 est une lettre de la ministre de l’Enseignement supérieur au ministre des Finances en date du 26 janvier 2021 demandant que l’ITHQ soit exclu de l’application de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État.

[63]               La pièce P-22 est la réponse du ministre des Finances à la ministre de l’Enseignement supérieur en date du 6 avril 2021 et par laquelle le ministre des Finances confirme le retrait de l’ITHQ de la liste des organismes soumis à l’application de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État, puisqu’il se qualifie comme un établissement du réseau de l’éducation et que ces derniers ne sont pas assujettis à cette loi.

[64]               La ville de Montréal ainsi que le PGQ se sont objectés au dépôt en preuve de ces documents au motif principal qu’ils visent une situation juridique postérieure à la date de référence du rôle triennal 2020, qui correspond au 1er juillet 2018 et qu’ils concernent l’application d’une autre loi, soit la Loi sur la gouvernance des sociétés d’état.

[65]               Pour ces motifs, le Tribunal maintient l’objection et retire donc de la preuve les pièces P-21 et P-22, soit parce quelles visent une période postérieure à la date de référence et puisquelles visent l’application d’une autre loi.

[66]               Quant à la pièce P-20, le Tribunal rejette l’objection et en retient surtout certains éléments factuels et historiques sur l’évolution de l’ITHQ. 

Conclusion

[67]               En conclusion, le Tribunal n’entretient aucun doute sur l’interprétation des textes et il n’est pas de son rôle de se substituer à une volonté du législateur quant à l’octroi d’une exemption de taxe quand les dispositions législatives lui apparaissent claires.

[68]               L’immeuble de l’ITHQ est compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un établissement universitaire au sens de la LIU et peut donc bénéficier de l’exemption du paragraphe 13 de l’article 204 LFM.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACCUEILLE le recours;

DÉCLARE exempt de toute taxe foncière sous l’autorité de l’article 204 (13) LFM l’unité d’évaluation 9942-40-3311-8 pour l’immeuble situé au 3535, rue St-Denis, à Montréal.

LE TOUT avec frais de justice, incluant les sommes d’argent exigées pour le dépôt de la requête introductive du recours.


 

VÉRONIQUE PELLETIER, j.a.t.a.q.

 

 

JACQUELINE FRANCOEUR, j.a.t.a.q.


 

Beauregard Avocats, s.e.n.c.r.l.

Me Louis Beauregard et Me Vanessa Hergett

Procureurs de la partie requérante

 

Gagnier, Guay, Biron

Me Louise Boutin

Procureure de la partie intimée

 

Bernard, Roy (Justice-Québec)

Me Marie-Hélène Léveillée

Procureure de la partie mise en cause


 


[1]  RLRQ, chapitre F-2.1.

[2]  La requérante contestait également l’exactitude de la valeur inscrite au rôle triennal 2020-2021-2022, et cette portion du recours a déjà fait l’objet d’une recommandation acceptée et d’une décision du Tribunal.

[3]  RLRQ, chapitre E-14.1

[4]  Il est utile de citer au long certaines des exceptions afin de les mettre en contexte les unes par rapport aux autres.

[5]  P-20.

[6]  L.Q. 1988, projet de loi 18, articles 35 et suivants- dispositions transitoires.

[7]  P-1.

[8]  P-1 : État de renseignement d’une personne morale au Registre des entreprises.

[9]  Loi sur l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (RLRQ, c. I-13.02), article 42 L’ITHQ relevait du Ministre du Tourisme de 1988 à 1994 et du Ministre de l’Éducation de 1994 à 2013.

[10]  Le Tribunal passera largement sous silence son mode de fonctionnement interne pour ne mentionner que les aspects pertinents au présent litige.

[11]  Il n’est pas utile à la solution du litige de donner une description complète et détaillée de l’immeuble.

[12]  Répartis sur divers étages.

[13]  Ainsi nommé car c’est là que les étudiants mettent en application la théorie apprise.

[14]  RLRQ, chapitre I-13.02. Ci-après la LITHQ.

[15]  RLRQ, chapitre I-13.02, article 18.

[16]  P-14.

[17]  P-15.

[18]  P-16.

[19]  P-17.

[20]  Technique de gestion hôtelière, Gestion d’un établissement de restauration notamment.

[21]  P-2.

[22]  P-3 : Protocole initial en date du 11 novembre 1991 et renouvellements ou amendements en P-4 à P-12.

[23]  Comme mentionné au paragraphe précédent, il y a eu amendement à la loi constitutive l’ITHQ en juin 2018 afin de l’autoriser à décerner son propre diplôme universitaire; avant cette date, le diplôme était décerné par l’UQAM. Aussi, une nouvelle entente cadre négociée avec l'UQAM et qui entrera en vigueur en septembre 2022 prévoit une co-diplomation. 

[24]  P-19.

[25]  P-3 à P-17.

[26]  P-2.

[27]  P-2 : Lettre du 3 juillet 1991 par la ministre de l’enseignement supérieur et de la science en réponse à une lettre du ministre du Tourisme qui formulait une demande d’affiliation avec l’UQAM.

[28]  P-3 : Protocole initial ITHQ-UQAM 11-11-1991.

[29]  L.Q. 1988, c. 11 adoptée le 14 juin, sanctionnée le 15 juin et entrée en vigueur le 30 juin 1988.

[30]  Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4è éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, p. 318.

[31]  CUQ c. Notre-Dame du Bon-Secours, 1994 3 RCS 3.

[32]  P-14 à P-17.

[33]  RLRQ, chapitre C-29.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.