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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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RÉGION : |
Lanaudière |
JOLIETTE, le 15 janvier 2003 |
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DOSSIER : |
DEVANT LA COMMISSAIRE : |
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ASSISTÉE DES MEMBRES : |
Francine Melanson |
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Associations d’employeurs |
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Éric Lemay |
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Associations syndicales |
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DOSSIER CSST : |
118262039 |
AUDIENCE TENUE LE : |
18 septembre 2002 |
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EN DÉLIBÉRÉ LE : |
18 novembre 2002 |
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À : |
JOLIETTE |
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CLAUDE RIOUX |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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RÉALISATIONS BURMACOM INC. |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
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Et |
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COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE |
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PARTIE INTERVENANTE |
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DÉCISION
[1] Le 6 février 2001, monsieur Claude Rioux (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 25 janvier 2001 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), suite à une révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme une décision que la CSST a initialement rendue le 25 avril 2000 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 février 2000 et qu’il a reçu sans droit la somme de 672.08 $.
[3] À l’audience, le travailleur est présent et représenté. Réalisations Burmacom inc., l’employeur est présent en la personne de madame Hélène Taché et non représenté. La CSST est représentée et accompagnée d’un témoin expert, docteur Jules Boivin, qu’elle entend faire témoigner.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[4] En début d’audience, le représentant du travailleur s’objecte à l’intervention de la CSST et demande qu’elle se retire. Il évoque le fait qu’elle savait que l’employeur serait présent. Il lui reproche de ne pas avoir été informé de la présence de son témoin expert. Il soutient qu’elle doit agir avec impartialité et équité. En ce sens, il rappelle que la CSST ne s’inscrit jamais pour soutenir les décisions rendues en faveur des travailleurs. Enfin, il précise que la décision initiale qu’elle a rendue concernait un aspect factuel et non médical. La preuve médicale qu’elle désire maintenant présenter démontre qu’elle entend bonifier sa preuve.
[5] La représentante de la CSST rappelle que la Commission des lésions professionnelles a reconnu que la CSST avait le droit d’intervenir. Elle rappelle aussi que le représentant du travailleur sait depuis le printemps 2001 qu’un médecin expert donnera son opinion ; il a pu réagir et ne peut se dire surpris de la preuve médicale qui sera fait à l’audience. Elle soutient qu’elle est maître de sa preuve. Quant à la présence de l’employeur, elle rappelle que c’est son droit, en tant que partie, d’être présent. De plus, elle précise qu’elle a préalablement communiqué avec lui dans le but de le faire témoigner. Enfin, elle soutient qu’elle est présente pour faire valoir son point de vue tant sur l’aspect médical que factuel.
[6] L’employeur déclare qu’il est présent parce qu’il a reçu un document lui demandant d’être là.
[7] Le tribunal a autorisé les parties à produire leurs notes et autorités sur la question de l’intervention de la CSST. La dernière réplique a été reçue le 18 novembre 2002 date à laquelle l’affaire a été prise en délibéré.
[8] Dans son argumentation écrite, outre les représentations faites à l’audience, le représentant du travailleur soutient maintenant que la CSST possède un pouvoir d’intervention prévu à l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Toutefois, en référant à l’affaire McKenna c. Commission des lésions professionnelles[2], il rappelle qu’elle doit intervenir avec une grande réserve et faire preuve de retenue de façon à ce qu’elle ne soit pas perçue par les parties comme un adversaire constant et systématique. En ce sens, il soutient que l’expertise du docteur Boivin et son témoignage ne serviront qu’à contrer les prétentions du travailleur ; il estime donc que la CSST doit être considérée comme une partie adverse. Il rappelle que la CSST est à la fois juge et partie. Rien ne justifie une participation aussi active de la CSST qui se substitue à l’employeur. Toujours en référant à l’affaire McKenna, il précise que le juge Baudoin a reconnu le locus standi de la CSST que pour défendre sa compétence et pour intervenir sur le fond du litige lorsqu’il s’agit de décider de l’interprétation à donner à la loi. C’est ainsi que la CSST doit servir la justice. Elle doit rester neutre et impartiale. Enfin, le représentant du travailleur réfère à la décision de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Occhialini c. Usines Giant inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail[3]pour appuyer ses arguments.
[9] La représentante de la CSST rappelle que la décision dans l’affaire Occhialini[4] a fait l’objet par la CSST d’une requête en révision judiciaire devant la Cour supérieure pour nullité. Dans un jugement rendu le 23 mai 2002, la juge Suzanne Courteau a rejeté la requête en irrecevabilité de la Commission des lésions professionnelles. Ce jugement autorise la CSST à continuer sa procédure afin d’obtenir la nullité de la décision initialement attaquée et de débattre de son droit d’intervention devant la Commission des lésions professionnelles. De plus, la représentante de la CSST soutient que l’allégation du représentant du travailleur à l’effet que l’arrêt McKenna[5] de la Cour d’appel circonscrit le droit d’intervention de la CSST est non fondée puisque la juge Courteau précise justement que cet arrêt décide du droit d’intervention de la CSST mais non de l’étendue de son droit d’intervenir. Elle rappelle que la Cour d’appel a confirmé le droit de la CSST d’agir activement comme véritable partie sur une question d’admissibilité d’une preuve. Elle rappelle aussi que la Cour d’appel a comparé le rôle de la CSST à celui d’un procureur de la Couronne qui, en vertu des pouvoirs qui lui sont dévolus par le législateur, peut notamment administrer une preuve, voir à l’assignation des témoins, produire les documents pertinents, agir et plaider devant les tribunaux. Elle réclame donc, en tant que partie à la contestation, son droit d’être entendue en pleine égalité lors d’une audition publique et impartiale conformément à l’article 23 de la Charte des droits et liberté de la personne. Enfin, elle rappelle, qu’outre la décision dans l’affaire Occhialini[6], la jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles a reconnu ce droit d’intervention à part entière.
L'AVIS DES MEMBRES
[10] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter l’objection du représentant du travailleur et d’accepter l’expertise et le témoignage du docteur Boivin parce qu’il estime que la CSST a le droit d’intervenir en vertu de l’article 429.16 de la loi. Ce droit lui confère la possibilité d’interroger, de contre-interroger, de produire de la preuve et une argumentation.
[11] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la CSST a le pouvoir d’intervenir en vertu de l’article 429.16 de la loi. Toutefois, selon l’affaire McKenna précitée, elle doit le faire avec grande réserve et retenue pour ne pas être perçue comme un adversaire constant et systématique. Dans le présent dossier, il estime que la CSST agit tardivement pour obtenir une preuve médicale. En ce sens, elle cherche à bonifier sa preuve ce qui déroge à son devoir d’agir avec réserve et retenue. Elle se devait de limiter son intervention au contre-interrogatoire des témoins.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[12] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST peut intervenir dans le présent dossier et si elle peut présenter une nouvelle preuve.
[13] La Commission des lésions professionnelles estime que la CSST peut intervenir devant elle et peut présenter une nouvelle preuve. Elle s’explique.
[14] Dans un premier temps, il importe de rappeler que l’article 429.16 de la loi permet l’intervention de la CSST. Cette disposition se lit ainsi :
429.16. La Commission peut intervenir devant la Commission des lésions professionnelles à tout moment jusqu'à la fin de l'enquête et de l'audition.
Lorsqu'elle désire intervenir, elle transmet un avis à cet effet à chacune des parties et à la Commission des lésions professionnelles; elle est alors considérée partie à la contestation.
Il en est de même du travailleur concerné par un recours relatif à l'application de l'article 329.
________
1997, c. 27, a. 24.
[15] Cet article édicte clairement que la CSST acquiert le statut de «partie à la contestation». En tant que partie, la CSST a un pouvoir d’intervention devant les tribunaux. Ce pouvoir d’intervention a fait l’objet d’une décision de la Cour d’appel dans l’affaire McKenna précitée. Sous la plume du juge Baudouin, la Cour d’appel précise ce qui suit :
42. Je suis d’avis que la CSST a le locus standi devant les tribunaux judiciaires, non seulement pour défendre sa compétence lorsque celle-ci est attaquée, mais aussi pour intervenir sur le fond du litige, lorsqu’il s’agit de décider de l’interprétation à donner à la Loi dont elle est chargée de l’application, et ce pour les raisons suivantes.
[16] Sans reprendre tout le jugement, la Commission des lésions professionnelles note que le juge Baudouin réfère aux nombreux rôles de la CSST dont celui d’administrateur chargé de la perception et de la gestion de certains fonds dans l’intérêt public. En référence à l’article 429.16 de la loi, il est d’avis que la CSST n’a pas uniquement un simple rôle d’intervenante mais bien celui de « véritable partie aux contestations ». Il ajoute :
48. Toutefois, il est bien évident que la CSST, face au pouvoir d’intervention que lui donne le législateur, doit faire preuve d’une grande réserve et de retenue, de façon à ne pas être perçue comme un adversaire constant et systématique de la partie qui a perdu sa cause devant la juridiction administrative. Elle doit donc faire abstraction de toute partisanerie. Elle est, finalement, et toutes proportions gardées, un peu dans la même situation qu’un procureur de la Couronne dans une cause pénale dont le premier devoir reste la justice et qui doit constamment rester neutre et impartial. De toute façon, et si besoin est, les tribunaux judiciaires qui dirigent les débats sont là pour lui rappeler son véritable rôle et devoirs.
[17] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le rôle de véritable partie à la contestation implique qu’elle puisse jouer le même rôle que toute autre partie au litige. Elle estime qu’elle peut notamment produire de la preuve nouvelle, assigner des témoins, les interroger, les contre-interroger et plaider. La référence du juge Baudouin dans l’affaire McKenna précitée à l’effet que la CSST se retrouve dans une situation analogue à un procureur de la Couronne où son premier devoir reste la justice est intéressante. La Commission des lésions professionnelles comprend que la CSST doit, pour servir la justice, éclairer le tribunal concernant le litige introduit devant elle et pour ce faire, elle joue un rôle de partie à part entière.
[18] Cet aspect a été analysé par la Cour supérieure dans l’affaire Les contenants industriels ltée et C.L.P. et Briggart et CSST[7]. Le juge Guilbault précise, outre le fait que l’intervention de la CSST est appropriée, que l’objectif poursuivi est «d’éclairer le tribunal sur les divers points soulevés par la requérante».
[19] Dans l’affaire 3089-32342 Québec inc. et CSST[8] où trois commissaires de la Commission des lésions professionnelles se prononcent sur le locus standi de la CSST, il est également confirmé que le rôle de la CSST dépasse le simple rôle d’ami de la cour. Ils concluent ainsi :
[21] (…)
En effet, il ressort des propos tenus par la Cour d’appel que le rôle de la CSST dépasse celui d’un ami de la cour, même devant les tribunaux de droit commun, puisque cette Cour lui permet d’intervenir sur le fond du litige. Considérant l’opinion de la Cour d’appel et le libellé de l’article 429.16 de la loi, la Commission des lésions professionnelles ne peut que reconnaître à la CSST le droit de soumettre des éléments de preuve lors des audiences tenues devant elle.
[20] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a eu, à d’autres occasions, à se prononcer sur le pouvoir d’intervention de la CSST et le fait qu’elle puisse présenter de la preuve. La commissaire Marie Langlois dans l’affaire Ross et Gouvernement du Québec- Ministère de la sécurité publique[9] a permis à la CSST d’intervenir. Elle considère, à partir du jugement McKenna précité, que ce droit doit être d’autant plus reconnu qu’une disposition législative le prévoit explicitement. La commissaire Zigby dans l’affaire Gauthier et Établissements de détention Québec et CSST[10] en vient à la même conclusion tout comme la commissaire Bergeron dans l’affaire Lapointe et AR/BEC enr. et CSST[11] .
[21] Certes, à l’effet contraire, il y a eu l’affaire Occhialini précitée. Toutefois, cette décision ne constitue pas le courant majoritaire à la Commission des lésions professionnelles. Le 20 décembre 2002, dans ce dossier, les parties ont conclu à une déclaration de règlement hors cour.
[22] La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis que le rôle de la CSST en tant que véritable partie lui est acquis tant par la loi que par la jurisprudence. La CSST peut intervenir. Concernant la «grande réserve et retenue dont elle doit faire preuve» tel qu’édicté dans l’affaire McKenna précitée, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que cette obligation ne saurait nier le droit de la CSST d’intervenir mais elle encadre davantage la façon dont elle le fait.
[23] « Faire preuve de grande réserve et de retenue afin de ne pas être perçue comme un adversaire constant et systématique de la partie qui a perdu sa cause » est une obligation qui réfère notamment à la perception d’une partie face à une autre, en l’instance, l’organisme public qu’est la CSST qui administre un régime face au travailleur. La Commission des lésions professionnelles estime néanmoins que la CSST, comme toute autre partie, ne peut se permettre d’avoir une attitude arrogante ou déplacée à l’endroit d’une partie. Comme l’a précisé le juge Guilbault dans l’affaire Les contenants industriels ltée précitée, elle doit faire preuve de discrétion, de sobriété et agir sans agressivité, dans un esprit de collaboration.
[24] La Commission des lésions professionnelles estime que le fait que la CSST ait rendu une décision défavorable à une partie ne traduit pas systématiquement qu’elle fait preuve de partisanerie ou qu’elle déroge à son devoir de neutralité et d’impartialité. Pour en convenir, chaque cas doit être apprécié à partir des faits propres à la cause.
[25] Dans la présente affaire, à cette étape-ci où la CSST n’a cherché qu’à introduire l’expertise et le témoignage du docteur Boivin, la Commission des lésions professionnelles estime qu’elle a fait preuve de réserve, de retenue et n’a pas a agi de manière à déroger à son devoir de neutralité et d’impartialité.
[26] La Commission des lésions professionnelles constate que le représentant du travailleur s’est objecté à l’intervention de la CSST dès le début de l’audience quand il a su que cette dernière ferait témoigner un médecin, soit docteur Jules Boivin. Il est clair du dossier que la CSST désirait faire une preuve de nature médicale puisque dès le 16 mai 2001, elle a signifié qu’elle voulait que le travailleur se prête à un examen médical dans le but de préparer sa preuve pour l’audience. Le litige en est un d’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle, tant une preuve factuelle que la preuve médicale s’avèrent pertinentes en la matière. La Commission des lésions professionnelles estime donc non fondés les arguments du représentant du travailleur.
[27] Bref, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la CSST doit être considérée comme une véritable partie à la contestation. Elle a donc le droit de soumettre toute preuve pertinente au litige dont l’expertise du docteur Jules Boivin et son témoignage.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la question préliminaire de monsieur Claude Rioux, le travailleur.
DÉCLARE que l’expertise du docteur Jules Boivin et son témoignage à l’audience sont recevables en preuve ;
RETOURNE le dossier au greffe du tribunal afin que les parties soient convoquées pour être entendues sur le fond du litige.
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Me Diane Beauregard |
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Commissaire |
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LAPORTE & LAVALLÉE (Me André Laporte) |
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Représentant de la partie requérante |
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PANNETON LESSARD (Me Myriam Sauviat) |
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Représentante de la partie intervenante |
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[1] L.R.Q., c.A-3.001.
[2] [2001] C.L.P. 491 .
[3] C.L.P. 129820-71-0001, 15 janvier 2001, Me Suzanne Mathieu.
[4] Précitée à la note 3.
[5] Précitée à la note 2.
[6] Précitée à la note 3.
[7] [2001] C.L.P. 851 ; requête pour permission d’appeler rejetée sur le banc par le juge Dalphond, C.A., Mtl : 500-09-012105-029, le 8 mai 2002.
[8] CLP 138065-31-0005 et ss., 27-05-02, Me Marie Lamarre, Me Neuville Lacroix et Me Carmen Racine.
[9] CLP 155247-07-0102, 05-04-02, Me Marie Langlois.
[10] CLP 135814-62C-0004, 27-03-02, Me Mireille Zigby.
[11] CLP 135823-62C-0004, 23-08-02, Mme Véronique Bergeron.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.