Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Bombardier inc. (Bombardier Aerospace Training Center) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

2013 QCCA 1650

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-021287-107

(500-53-000262-079)

 

DATE :

24 septembre 2013

 

 

CORAM : LES HONORABLES

JACQUES R. FOURNIER, J.C.A.

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

JACQUES VIENS, J.C.A. (AD HOC)

 

 

 

BOMBARDIER INC.

(Bombardier Aerospace Training Center)

APPELANTE - Défenderesse

c.

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE

INTIMÉE - Demanderesse

et

JAVED LATIF

INTIMÉ - Intervenant

 

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit à l’encontre d’un jugement rendu le 29 novembre 2010 par le Tribunal des droits de la personne, district de Montréal (l’honorable Michèle Rivet), qui accueille pour partie la demande, la condamne à indemniser l'intervenant (à lui payer « une somme de trois cent neuf mille sept cent quatre-vingt-dix-huit dollars et soixante-douze cents (309 798,72 $US) en devise américaine, au taux du 27 juillet 2007, de laquelle doit être soustraite la somme de soixante-six mille six cent trente-neuf dollars (66 639 $CAN) en devise canadienne à titre de dommages matériels », « la somme de vingt-cinq mille dollars (25 000 $), à titre de dommages moraux » et « la somme de cinquante mille dollars (50 000 $), à titre de dommages-intérêts punitifs »), lui ordonne « de cesser d'appliquer ou de considérer les normes et décisions des autorités américaines en matière de «sécurité nationale» lors du traitement de demandes de formation de pilote sous une licence de pilote canadienne », le tout avec intérêts, indemnité additionnelle et les entiers dépens.

[2]           Pour les motifs de la juge St-Pierre, auxquels souscrivent les juges Fournier et Viens, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE l’appel, avec dépens;

[4]           INFIRME le jugement entrepris;

[5]           REJETTE la demande avec dépens.

 

 

 

 

JACQUES R. FOURNIER, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES VIENS, J.C.A. (AD HOC)

 

Me Lukasz Granosik

Me Michel Sylvestre

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA

Pour l'appelante

 

Me Athanassia Bitzakidis

Me Pierre-Yves Bourdeau

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE

Pour l'intimée Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

 

Me Catherine Elizabeth McKenzie

Me Mathieu Bouchard

IRVING MITCHELL KALICHMAN

Pour l'intimé Javed Latif

 

Date d’audience :

16 avril 2013


 

 

MOTIFS DE LA JUGE ST-PIERRE

 

 

[6]           Le refus de Bombardier inc. (Bombardier) de donner suite à une demande de Javed Latif (Latif) pour une formation de pilote sous licence canadienne était-il discriminatoire?

[7]           Par jugement du 29 novembre 2010, le Tribunal des droits de la personne (le Tribunal) a conclu que c'était le cas.

[8]           Selon le Tribunal, Latif a établi la preuve prima facie de la discrimination que Bombardier n'a pas réussi à repousser, alors que les raisons pour lesquelles Bombardier a refusé d'aller de l'avant (motif de sécurité et motifs économiques) ne constituent pas une justification légalement acceptable. Le Tribunal retient également que Bombardier a opposé ce refus en toute connaissance de ses conséquences désastreuses sur Latif. Conséquemment, il condamne Bombardier à payer à Latif des dommages punitifs, en plus des dommages compensatoires et moraux.

[9]           Le Tribunal ordonne de plus, à Bombardier, « de cesser d'appliquer ou de considérer les normes et décisions des autorités américaines en matière de "sécurité nationale" lors du traitement de demandes de formation de pilote sous une licence de pilote canadienne ».

[10]        Bombardier en appelle de ce jugement de 450 paragraphes, répartis sur 96 pages, regroupés sous les titres « [l]e préambule », « [l]es faits tels que mis en preuve », « [l]e droit applicable », « [l]'application du droit aux faits », « [l]es réparations » et « [l]e dispositif »[1].

[11]        À titre de proposition principale, Bombardier soutient que le Tribunal erre en concluant à une preuve prima facie de discrimination. Subsidiairement, à titre de propositions secondaires alternatives, elle affirme avoir repoussé toute preuve prima facie ou s'être déchargée de son fardeau de prouver une justification donnant lieu au rejet du recours. Enfin, Bombardier conteste la compétence du Tribunal de rendre l'ordonnance générale que comporte son jugement ainsi que les dommages.

[12]        Évidemment, les intimés supportent l'ensemble des constatations et des conclusions du Tribunal.

[13]        Qu'en est-il?

[14]        Avec beaucoup d'égards pour le Tribunal, je suis d'avis que Bombardier a raison. D'une part, la preuve ne permet pas de conclure au caractère discriminatoire de son refus. D'autre part, le Tribunal n'a pas la compétence de prononcer une ordonnance générale de la nature de celle ici en cause et il ne pouvait pas accorder de dommages punitifs.

Le contexte général

[15]        Latif est citoyen canadien, d'origine pakistanaise et de confession musulmane. Cela dit, et d'entrée de jeu, je précise que le seul motif de discrimination pertinent au débat est celui de la nationalité alors que la religion n'est ni discutée, ni retenue par le Tribunal[2].

[16]        En 2004-2005, au moment où surviennent les événements qui donnent éventuellement lieu au litige, Latif exerce le métier de pilote de ligne depuis 25 ans. Il possède une licence de pilotage américaine et une licence de pilotage canadienne valides à vie, sous réserve d'examens médicaux périodiques. Ces licences ne confèrent pas toutefois le droit de piloter un appareil en particulier : en effet, pour chaque appareil, une formation spécifique et récurrente est requise. Ces formations spécifiques peuvent être suivies sous licence canadienne ou américaine.

[17]        Bombardier, qui œuvre dans le domaine des transports et de l'aéronautique, offre de tels services de formation aux pilotes. À cette fin, elle possède deux centres de formation nommés Bombardier Aerospace Training Center (BATC). L'un d'eux est situé à Montréal et l'autre à Dallas, aux États-Unis.

[18]        À la suite des événements du 11 septembre 2001, les États-Unis créent le Department of Homeland Security (DHS), dont l'une des divisions est l'United States Transport Safety Administration (TSA). Ils instaurent également un programme, nommé Alien Flight Students Program (AFSP), aux termes duquel les personnes qui ne détiennent pas la citoyenneté américaine et qui désirent suivre une formation de pilote sous licence américaine, aux États-Unis ou ailleurs, sont tenues de se soumettre à une vérification de sécurité. Au début, ce processus de vérification est administré par l'United States Department of Justice (DOJ), mais il passe éventuellement sous la responsabilité du TSA et du DHS.

[19]        Au fil des ans, Latif a travaillé pour diverses compagnies aériennes et il a piloté de nombreux appareils.

[20]        En octobre 2003, à la suite d'une vérification de sécurité par les autorités américaines à laquelle il se soumet dans le cadre du programme AFSP, Latif obtient l'autorisation de suivre une formation de pilote sous licence américaine. L'autorisation de formation obtenue le 31 octobre 2003 prévoit notamment ce qui suit :

(…)

Based on information available at this time, the US Department of Justice does not deny training to:

Javed none Latif

2892

Scheduled Training: 2003-11-06   00:00:00.0   to   2003-12-15   00:00:00.0

Training may commence at any time you choose.

Should derogatory information regarding the individual come to light at any point during the training, the Department of Justice has the right to suspend this training at any time.

(…)

(Je souligne.)

[21]        En 2004, Latif reçoit une offre d'emploi qu'il souhaite accepter. Cette offre provient de la compagnie ACASS qui requiert ses services pour piloter un appareil de type Challenger 604. Latif demande alors au BATC de lui dispenser la formation requise sous licence américaine, car il ne pourra piloter ce type d'appareil qu'après avoir reçu et réussi cette formation. Bombardier l'inscrit à sa liste de formation débutant le 22 mars 2004 au BATC de Dallas (alors qu'elle n'a pas de place à Montréal à cette date), mais elle doit attendre que Latif obtienne l'accord des autorités américaines avant de pouvoir la lui dispenser.

[22]        Comme il est requis de le faire, Latif soumet donc une demande de vérification de sécurité par les autorités américaines dans le cadre du programme AFSP : cette fois, il encaisse un refus.

[23]        En effet, le 21 avril 2004, au motif qu'il constitue une menace pour l'aviation et la sécurité nationale, les autorités américaines refusent l'approbation de sécurité requise. Bombardier reçoit le message écrit suivant à propos de Latif :

You have previously identified the following individual as a potential candidate for flight training.

The U.S. Department of Justice has determined that you may NOT provide training to:

(…)

This determination is made in accordance with the Aviation and Transportation Security Act. (…)

[24]        Alors qu'il a obtenu une réponse positive en 2003, quelques mois plus tôt, Latif assume que ce refus résulte d'une erreur administrative. Il entreprend diverses démarches pour faire corriger cette erreur, mais sans succès.

[25]        Dans une communication écrite du 6 mai 2004, le Flight Training Candidate Checks Program du DOJ lui écrit ce qui suit :

On 4/23/2004, we explained to you that you were denied flight training in the U.S.. We receive new information constantly on foreign flight candidates and base our decisions on all of the information we have at the time of the request for training. In October 2003, we based our decision to allow you to train based on the information we had at that time. In March 2004, we again based our decision on all the data we collected, which included new information. In your opinion the circumstances had not changed in six months; we disagree. The denial decision was made after extensive analysis of the data received. This process is in place to protect the national security of the U.S. There is no appeals process for non-U.S. citizens.

[26]        Malgré le contenu de cette réponse, Latif poursuit ses démarches car il croit être victime d'une erreur d'identité. Dans des communications écrites adressées au DOJ à cette fin, en août et en octobre 2004, il écrit notamment :

août 2004

After six months of utter despair I see a ray of hope now that you have allowed me to submit the document which gives clear evidence of the most likely identity theft in my case (Fedex AWB  #847137212411).

I believe in the fairness of the American System. All along this period since the first denial of flight training I have hoped to get a chance to clear my name because I am completely innocent of any wrong doing or even the remotest intent thereof. Moreover, even though you have reason to suspect me because of the wrong doings of this other person who has possibly assumed my identity, however I have full faith in your humane self that you will give my case an impartial review since without ever harbouring intentions of any wrongdoing I have been reduced to destitution for no fault of mine.

(…)

octobre 2004

I strongly endorse the FTCCP since it has instituted measures to protect aviation and the national security of the United States. I also believe in the fairness of your screening process especially in the light of the fact that recently you have reviewed and reversed the decision on a denied training request for an ex-colleagues, which has given me hope to make this humanitarian appeal and request a review of my denied training request also which resulted in loss of employment and has put me under grave financial strain.

(…)

I am fully willing, ready and able to provide any information or evidence required to prove that I have never had any affiliations to any organization or ever engaged in any unlawful activity (I even have documentary evidence provided to me by the German Embassy in Riyadh on application for visa, to prove that I was not to be confused with another Pakistani national with similar particulars who was listed in their records in Germany as an undesirable offender).

(…)

[27]        En mars 2005, dans un courriel qui lui est communiqué par TSA, Latif est informé de ce qui suit :

Pursuant to Title 49, Code of Federal Regulations (CFR) §1552.3, an individual may not receive flight training at a U.S. flight school if the Transportation Security Administration (TSA) determines that the individual is a threat to aviation or national security.

Based upon materials available to TSA, which I have personally reviewed, I have determined that you pose a threat to aviation or national security. Accordingly, your training request is denied.

[28]        Il n'obtiendra une réponse de contrôle de sécurité positive qu'en août 2008.

[29]        Entretemps, à la suite de ce refus, voyant que les autorités américaines ne modifient pas leur position malgré ses démarches, Latif demande au BATC de l'inscrire à la formation sous licence canadienne à Montréal, pour le même type d'appareil.

[30]        Indiquant qu'il n'a d'autre choix que de se soumettre à la décision des autorités américaines, même si la formation demandée est sous licence canadienne, le BATC refuse de donner suite à la formation demandée.

[31]        Jugeant que ce refus de Bombardier est discriminatoire au sens de la Charte des droits et libertés de la personne (la Charte)[3], la Commission entreprend, le 30 mai 2007, un recours devant le Tribunal des droits de la personne (le Tribunal)[4]. Le 27 juillet 2007, se prévalant de l'article 116, alinéa 1 de la Charte, Latif dépose une Intervention by victim and personal exercice of remedies.

[32]        L'audition du recours se déroule les 21, 22, 23, 26 avril 2010, les 7 et 22 juin 2010 et le 18 août 2010.

[33]        Le Tribunal rend jugement le 29 novembre 2010[5].

[34]        Le 29 décembre 2010, Bombardier dépose une requête pour permission d'appeler laquelle est accueillie par le juge Doyon de notre Cour, le 17 février 2011[6].

[35]        Bombardier, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la Commission) et Latif déposent des mémoires, celui de Latif ne portant que sur les dommages.

[36]        Je ne crois pas utile d'énumérer maintenant les autres faits de cette affaire : je le ferai plutôt en cours d'examen des questions en litige, le moment venu.

[37]        Cela dit, puisque portant sur l'essentiel, je signale cependant les admissions dont les parties ont convenues que je reproduis intégralement :

1.         Bombardier Aerospace Training Center (ci-après « BATC ») est un centre de formation accrédité par la US Federal Aviation Administration (ci-après « US F.A.A. »).

2.         Ainsi, BATC offre de la formation qui mène à l’obtention de licences de vol : des licences canadiennes et des licences américaines reconnues par la US F.A.A.

3.         Monsieur Javed Latif est un citoyen canadien, d’origine pakistanaise et de confession musulmane.

4.         Lorsque monsieur Javed Latif a contacté BATC pour la première fois en début d’année 2004, c’était pour y suivre une formation pour la mise à jour de sa licence américaine de pilote auprès de la US F.A.A.

5.         Suivant la procédure prévue, la demande de monsieur Latif a été soumise à la US F.A.A., afin que BATC obtienne son autorisation pour donner la formation à monsieur Latif.

6.         La demande de monsieur Latif a été refusée par la US F.A.A., suite à une vérification de sécurité par les autorités américaines (le United States Department of Justice « DOJ », remplacé plus tard par le Transport Security Administration, ci-après « TSA »).

7.         Ces vérifications de sécurités ont été mises en place suite aux événements du 11 septembre 2001.

8.         Le refus des autorités américaines n’offre aucune explication, ni justification en avril 2004, mais elles fournissent un motif en mars 2005.

9.         Par la suite, monsieur Latif a fait une demande de formation, par téléphone, auprès de BATC, cette fois pour l’obtention d’une licence canadienne.

10.       Cette demande n’est pas soumise au processus d’approbation des autorités américaines, puisque la licence ne relève pas de la US F.A.A. mais de Transport Canada.

11.       BATC a refusé la formation à monsieur Javed Latif pour l’obtention d’une licence canadienne, basé sur le refus des autorités américaines pour la licence américaine.

12.       BATC ignorait et ignore à ce jour la procédure suivie et le fondement de la décision des autorités américaines.

Le jugement dont appel

[38]        Le Tribunal a entendu huit témoins, dont deux témoins experts.

[39]        Aux paragraphes 11 à 180 du jugement, le Tribunal explique ce qu'est le BATC, il décrit l'expérience professionnelle de Latif et il énonce la chronologie des événements qui ont donné lieu au litige ainsi que les justifications fournies par le BATC. Cette partie de son exposé des faits n'est pas remise en cause devant nous de sorte qu'il y a lieu de s'y référer.

[40]        Aux paragraphes 182 à 216 du jugement, le Tribunal examine les deux rapports d'expertise présentés : celui de Reem Anne Bahdi (Bahdi), reconnue comme experte en profilage racial et celui de Bernard R. Siskin (Siskin), reconnu comme expert en statistiques appliquées, mais pas en profilage racial.

[41]        Puisque la qualification des experts ainsi que l'évaluation des inférences ou conclusions à tirer de leurs expertises est au cœur du débat devant nous, il convient de reproduire intégralement ce qu'écrit le Tribunal à ce propos.

1.5.1 L'expertise de madame Reem Anne Bahdi

[182]    Madame Bahdi témoigne à la demande de la Commission à titre d'experte en profilage racial, plus particulièrement dans le contexte de l'application de mesures anti-terrorisme et de programmes reliés à la sécurité nationale après le 11 septembre 2001.

[183]    Elle est professeure associée à la Faculté de droit de l'Université de Windsor où elle enseigne notamment un cours sur la sécurité nationale et la torture. Elle détient une maîtrise en droit de l'Université de Toronto. Elle est l'auteure de plusieurs publications en matière de droits de la personne et de lutte anti-terrorisme.

[184]    L'objet principal de la première partie du rapport de madame Bahdi porte sur une analyse des programmes adoptés aux États-Unis afin de contrer la menace terroriste après les attentats du 11 septembre 2001. L'examen de ces différents programmes l'amène à conclure qu'ils constituent du profilage racial, plus spécifiquement de la part des instances gouvernementales, en ce qu'ils ont pour effet de cibler de façon discriminatoire les personnes d'origine arabe et les musulmans.

[185]    Madame Bahdi a d'abord identifié les programmes créés par le gouvernement américain qui avaient pour cibles les personnes arabes et/ou musulmanes. Elle a appuyé son analyse sur différentes sources, commissions instaurées par le gouvernement lui-même, organisations internationales reconnues comme Amnistie internationale et l'American Civil Liberties Union, lesquelles ont souvent été impliquées dans la contestation de programmes constituant du profilage racial.

[186]    Madame Bahdi définit le concept de discrimination raciale comme étant l'utilisation, dans un contexte de sécurité nationale, de la race ou de la religion en tant que facteurs de risque vis-à-vis d'un groupe composé de personnes ayant ces caractéristiques.

[187]    Elle distingue dans son rapport deux catégories de programmes. Une première catégorie de programmes visant la surveillance des actions de groupes explicitement identifiés en tant que musulmans ou personnes arabes. Une deuxième catégorie de programmes qui étant considérés plus neutres à leur face même créent néanmoins un effet discriminatoire dans leur application.

[188]    Tout au long de son rapport, madame Bahdi fait référence au concept de stéréotypes qu'elle décrit comme étant l'utilisation de certains préjugés discriminatoires à travers le prisme duquel les faits sont analysés.

[189]    Elle analyse dans son rapport comment, depuis septembre 2001, plusieurs programmes visant particulièrement les arabes et les musulmans en tant que groupes à risque pour la sécurité nationale ont été adoptés par le gouvernement.

[190]    The Interview Project and Surveillance of Arabs, adopté deux mois après le 11 septembre 2001, dans lequel plusieurs milliers de personnes à prédominance arabe et musulmane ont été interrogées dans le but de recueillir des informations sur le réseau d'al Queda. Malgré les prétentions du DOJ à l'effet que le projet avait permis de démanteler des réseaux terroristes, plusieurs groupes, comme l'American Civil Liberties Union, ou instances américaines, telle le United States General Accounting Office ont dénoncé le fait que ces programmes constituaient une « expédition de pêche » dont les rapports se rapprochaient plus de l'anecdote et de la spéculation quant aux résultats réels.

[191]    Le programme Twenty-Day Hold and Visa Condor adopté en novembre 2001, fait en sorte de stopper l'émission de visas américains aux hommes de 16 à 45 ans de 29 pays à prédominance arabe et musulmane. Toutes les personnes visées sont alors soumises à un programme d'approbation de sécurité stricte, qui aura une incidence sur plusieurs milliers d'étudiants des pays à prédominance arabe et musulmane ont perdu leurs bourses d'études et leurs offres d'admission. Le 9/11 Commission Staff Report, conclut à l'inefficacité de ces programmes dans la lutte anti-terrorisme. En 2002 la CIA retire ce programme inefficace. Le 9/11 Commission Staff Report conclut que des 130 000 vérifications, aucune n'est reliée à des motifs anti-terroristes.

[192]    L'un des plus importants programmes adoptés, le National Security Exit and Entry Registration System (NSEERS), requiert des non citoyens américains des pays identifiés comme arabes et musulmans de s'inscrire auprès du ministère de l'immigration des États-Unis à leur entrée au pays et périodiquement par la suite. Les contraintes de ce programme exigeaient, notamment, les prises de photographie et d'empreintes digitales, des entrevues obligatoires au départ comme à l'arrivée, la vérification de plusieurs banques de données à leurs sujets.  Les autorités américaines ont justifié ce programme par la présence possible de membres d'al Queda dans les pays ciblés. Selon madame Bahdi, cela a fait dire à plusieurs critiques que l'on présumait que les musulmans étaient réputés être à risque pour la sécurité nationale.

[193]    Le programme a commencé en septembre 2002 pour les étrangers des pays de l'Iran, l'Irak, le Soudan, la Libye, la Syrie, le Pakistan, l'Arabie Saoudite, pour ensuite s'étendre à d'autres pays. En avril 2003, le programme s'étendait aux citoyens américains dont le lieu de naissance était l'un de ces pays. Les pays visés étaient alors l'Iran, l'Irak, la Libye, le Soudan, l'Afghanistan, l'Algérie, le Bahrain, l'Érythrée, le Liban, le Maroc, la Corée du Nord, Oman, le Quatar, la Somalie, la Tunisie, les Émirats Arabes, le Yémen, le Pakistan, l'Arabie Saoudite, le Bangladesh, l'Égypte, l'Indonésie, la Jordanie, le Koweït. Au total, 83 909 personnes ont été inscrites, dont 16% ont été expulsées en raison de violation à la loi sur l'immigration. Toutefois, aucune d'entre elles n'a été accusée ou soupçonnée d'actes terroristes. Madame Bahdi met en relief le fait que, si ce programme n'a pas eu les résultats escomptés en ce qui concerne la lutte anti-terrorisme, l'ampleur des effets discriminatoires sur des personnes innocentes, par l'application des lois de l'immigration, a été sans précédent.

[194]    Madame Bahdi explique d'ailleurs que le risque que des Canadiens puissent être soumis au programme NSEERS amène le ministère des Affaires étrangères du Canada à émettre l'avis suivant:

Canadians who were born in the above countries or who may be citizens of these countries to consider carefully whether they should attempt to enter the United States for any reason, including transit to or from third countries.

An amendments to the United States National Security Entry Exit Registration System, or NSEERS, adds Pakistan, Saudi Arabia and Yemen as countries whose citizens could attract special attention.

[195]    Madame Bahdi ajoute qu'un porte-parole du ministère, Reynald Foiron, a étiquetté le programme NSEERS comme étant discriminatoire, précisant que «If the United States does not have a reasonable doubt about someone's activities, country of birth should not be taken into account.»

[196]    Madame Bahdi explique que le risque d'erreur s'ajoute à la difficulté que pose, pour les personnes d'origine arabe et/ou de foi musulmane, l'application de ces programmes. Une fois que la personne a été classée en tant que personne à risque pour la sécurité nationale, il devient presque impossible de faire rétablir la situation en cas d'erreur. Cela s'explique, dit-elle, par l'absence de procédures pouvant permettre de rectifier l'erreur. D'autre part, il devient difficile de contester la décision des autorités puisque l'information ayant mené au refus d'approbation de sécurité demeure secrète.

[197]    Un autre aspect analysé par madame Bahdi concerne le «Terrorist listing», par lequel le gouvernement américain confectionne des listes de noms de «terroristes» à partir de différents critères, dont l'application est arbitraire et discriminatoire. Ces listes sont utilisées à différentes fins par diverses instances. Les instances gouvernementales remettent au FBI's Terrorist Screening Center (TSC) les noms d'individus potentiellement reliés au terrorisme afin que celui-ci crée une liste consolidée. Cette liste est rendue accessible à l'ensemble des instances gouvernementales qui jouent une fonction de filtre. Le TSC indique que la liste contient environ 700 000 dossiers (avril 2007) auxquels s'y ajoutent quelque 20 000 autres entrées par mois.

[198]    Une vérification menée par le Office of the Inspector General en date de septembre 2007, évalue le niveau de rigueur procédurale associé à cette liste comme «faible». Par exemple, la vérification révèle que sur 105 dossiers examinés, 38% de ceux-ci comportent des contradictions et des erreurs non identifiées dans les standards de qualité. Une autre vérification, en mars 2008, démontre que des déficiences dans le processus de confection de la liste font en sorte de créer, tantôt une sur-inclusion, tantôt une sous-inclusion, et ce, en raison du manque de coordination des instances et des lacunes au niveau du partage de l'information. Madame Bahdi indique un extrait du rapport de 2007:

In addition to its watchlist nomination activities, the FBI prepares terrorist-related intelligence reports that it disseminates throughout the Intelligence Community. Although the FBI did not intend for these reports to be official nominations, NCTC [National Counterterrorism Center] officials informed us that they considered this information from the FBI to constitute official watchlist records from these reports and sourced them to the FBI. However, because the FBI was not aware of this NCTC practice, the FBI was not monitoring the records to ensure that they were updated or removed when necessary.

[199]    Madame Bahdi cite en exemple un jugement de la Cour d'appel fédérale du Canada dans laquelle le juge Zinn indique combien il est difficile pour un individu de faire la preuve négative qu'il n'est pas associé à un groupe terroriste, dans le cas d'erreurs d'information ou d'erreurs d'identité. Elle indique combien il est difficile d'être retiré d'une telle liste, compte tenu des problèmes d'accès à la justice en contexte de sécurité nationale.

[200]    Puisque la plupart des listes de terroristes sont tenues secrètes, il devient difficile de faire la preuve qu'elles touchent de façon disproportionnée les personnes arabes et/ou les musulmans. Cependant, selon madame Bahdi, il suffit d'examiner la liste confectionnée par le Treasory Department's Office of Foreign Assets Control (OFAC) qui prépare une liste publique afin de contrecarrer le financement terroriste, pour se rendre compte qu'elle contient un nombre disproportionné de noms d'origines arabe et musulmane.

[201]    Madame Bahdi explique que l'application de programmes gouvernementaux visant directement ou de façon disproportionnée les personnes arabes ou de foi musulmane, exacerbe le sentiment de crainte, de non confiance et de préjugés de la société américaine à leur égard. Elle mentionne que ce sentiment est véhiculé par les médias et la culture populaire qui présentent trop souvent une image négative, violente et diabolisée des personnes arabes et/ou des musulmans, d'autant plus amplifiée par les attentats de septembre 2001. Ces préjugés, selon madame Bahdi, influencent les décideurs, lesquels filtrent les informations qu'ils reçoivent à travers leurs perceptions préconçues et empreintes de stéréotypes. Il s'ensuit que ceux-ci sont plus souvent enclins à rendre des décisions que l'on pourrait qualifier d'arbitraires ou d'injustes.

[202]    Madame Bahdi soulève aussi que ces préjugés font en sorte que malgré leur diversité, les personnes arabes et les musulmans sont perçus comme un groupe homogène. Renvoyant aux auteurs qui ont écrit sur la question, elle explique que cela a pour conséquence d'exposer sous un éclairage négatif l'ensemble d'une communauté. 

[203]    Madame Bahdi explique comment les programmes anti-terrorisme décrits ci-haut ont eu pour effet d'introduire une dimension discriminatoire aux décisions prises dans le cadre de la sphère publique ou gouvernementale. Cette évidence a été portée à l'attention de tous sur la scène internationale dans les rapports d'Aministie internationale, et ce, depuis 2002. Dans une logique paradoxale, l'émergence d'une nouvelle tolérance aux stéréotypes et au profilage racial des personnes arabes et des musulmans apparaît clairement à travers les politiques adoptées en juin 2003 par le DOJ. Ainsi, malgré que le Policy Guidance to Ban racial Profiling ait comme objectif d'interdire aux décideurs publics d'exercer du profilage racial, cette politique prévoit par ailleurs une exception expresse pour les questions de sécurité nationale. Or, il est reconnu que le profilage racial dont font l'objet les personnes arabes et les musulmans concernent principalement les questions de sécurité nationale. Par conséquent, le résultat final fait en sorte d'exclure cette catégorie de personnes de la protection de la loi.

[204]    Reconnaissant l'existence de problèmes créés par le profilage racial après les attentats de 2001, 14 sénateurs démocrates ont présentés un projet de loi visant à contrer ce phénomène. Le paragraphe 16 de projet de loi Bill 2481, The End of Racial Profiling Act of 2007 prévoyait ce qui suit:

In the wake of the September 11, 2001, terrorist attacks, many Arabs, Muslims, Central and South Asians, and Sikhs, as well as other immigrants and Americans of foreign descent, were treated with generalized suspicion and subjected to searches and seizures based upon religion and national origin without trustworthy information linking specific individuals to criminal conduct. Such profiling has failed to produce tangible benefits, yet has created a fear and mistrust of law enforcement agencies in these communities.

[205]    Ce projet loi ne sera jamais adopté.

[206]    Selon madame Bahdi, la présence d'attitudes et de préjugés discriminatoires à l'endroit des personnes arabes et des musulmans est par ailleurs particulièrement évidente au sein de la sphère privée, notamment dans le domaine de l'emploi. Une étude par testing des préjugés discriminatoires à l'embauche, menée en 2003, a démontré que pour des qualifications égales, les candidats ayant un nom identifiable aux personnes arabes ou personnes d'Asie du Sud étaient moins susceptibles de recevoir une réponse positive que les autres candidats. Une autre étude menée par le Arab Anti-Discrimination Committee démontre que, même si le problème de discrimination dans l'emploi a atteint son paroxysme juste après les attentats de 2001, ce phénomène demeure très important au cours des années subséquentes.

[207]    En résumé, madame Bahdi explique que dans le contexte américain, compte tenu de la déférence des tribunaux envers les impératifs de sécurité nationale, et par conséquent du caractère secret des informations, il sera très difficile pour un individu de faire la preuve de l'existence de profilage racial à son égard.  La situation est différente au Canada, dit-elle, où les tribunaux ont fait montre de plus de souplesse en déterminant que les individus ont droit, dans une certaine mesure, à la divulgation des informations qui sont détenues à leur encontre.

[208]    La nature même du profilage racial implique nécessairement des résultats faux- positifs.  Cette acceptation de faux positifs a pour effet de mener à l'érosion des valeurs de la société et, partant, à l'érosion de la confiance et du respect envers l'autorité institutionnelle en plus d'être la source d'une mauvaise utilisation des ressources. Selon madame Bahdi, cette érosion des valeurs entraîne un sentiment de cynisme.

1.5.2 L'expertise de monsieur Bernard R. Siskin

[209]    Monsieur Siskin témoigne à la demande de Bombardier à titre d'expert en statistiques appliquées.

[210]    Monsieur Siskin est détenteur d'un doctorat en statistiques appliquées de  l'Université de Pennsylvanie de la Wharton School. Il a enseigné par la suite au Temple University in Philadelphia, en Pennsylvanie, où il est devenu directeur du département de statistiques.

[211]    Une partie importante du rapport et du témoignage de monsieur Siskin concerne les différentes formes de discrimination aux États-Unis. Or, monsieur Siskin ne témoignant pas à titre d’expert en discrimination mais en sa qualité d’expert en statistiques appliquées, les longues explications qu’il a fournies relatives aux aspects juridiques du droit à l’égalité ne peuvent être retenues par le Tribunal.

[212]    Commentant la première partie du rapport de madame Bahdi, monsieur Siskin indique qu'il est improbable que la décision de refuser l'autorisation de sécurité à M. Latif soit basée sur son origine ethnique ou nationale. À son avis, le rapport de madame Bahdi ne démontre pas que la décision du TSA de refuser à monsieur Latif une approbation de sécurité était fondée en partie ou dans l'ensemble sur sa religion ou son origine nationale. La religion et l'origine nationale de monsieur Latif n'ont pas changé entre le moment où il a obtenu son certificat de sécurité en mai 2003, celui où il a été refusé en octobre 2004 et le renversement de cette décision de refus en août 2008. Conséquemment, la décision des autorités américaines ne peut être basée sur l'origine ethnique et nationale.

[213]    Selon monsieur Siskin, il est peu probable qu'il y ait eu un changement dans la politique du gouvernement américain durant ces années. Il est plus probable qu'un fait ou une condition dans la situation personnelle de monsieur Latif qui n'était pas présent ou apparent ait été remarqué par les autorités en 2004 et que ce même facteur ou cette condition ait été contrebalancé ou corrigé en 2008.

[214]    Monsieur Siskin explique que la preuve statistique peut être utilisée pour déterminer si la race, l'origine nationale ou la religion constitue un facteur pris en considération dans la décision. L'analyse statistique constitue un processus complexe puisque plusieurs variables doivent être prises en considération pour déterminer quel est l'impact de la race, de l'origine ethnique ou de la religion dans la prise de décision. Plus il existe de facteurs de contrôle dans l'analyse, plus elle est fiable d'un point de vue statistique et légal.

[215]    La preuve statistique démontre qu'il n'y a pas eu de profilage racial dans le processus décisionnel visant à déterminer que des personnes étaient des terroristes ou de personnes affiliées aux terroristes. En effet, aucun de ces programmes n'a conduit à des condamnations pour terrorisme. Bien que cela démontre à son avis que ces programmes n'étaient pas justifiés, cela prouve aussi que l'origine ethnique ou la religion n'a pas eu d'impact pour juger si une personne était ou non un terroriste.

[216]    Monsieur Siskin indique que, dans son rapport, la professeure Bahdi ne démontre à aucun moment que les personnes qui se sont fait refuser leur certificat de sécurité aux États-Unis l'ont été simplement parce qu'ils étaient d'origine arabe ou musulmane.

(Références omises, je souligne.)

[42]        Par la suite, aux paragraphes 217 à 266 de son jugement, le Tribunal expose le droit applicable.

[43]        Premièrement, il formule quelques remarques sur sa compétence pour entendre le litige, puisque ce dernier concerne incidemment l'aéronautique. Il retient que la Charte s'applique à Bombardier, même si les éléments essentiels de ses activités relèvent de la législation fédérale, puisque le litige porte sur la formation professionnelle (l'éducation) et le refus de conclure un acte juridique à l'extérieur du cadre des relations et conditions de travail. Cette conclusion du Tribunal n'est pas, non plus, remise en cause devant nous.

[44]        Deuxièmement, il énonce les trois éléments dont l'analyse est requise dans le cas d'une discrimination alléguée au sens de l'article 10 de la Charte : (1) une distinction, exclusion ou préférence; (2) fondée sur l'un des motifs énumérés; (3) qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance ou l'exercice d'un droit.

[45]        Troisièmement, il rappelle les règles pertinentes au fardeau de la preuve et aux moyens de preuve : le fardeau de présenter ces éléments repose sur le demandeur alors que la preuve de la discrimination peut être établie prima facie, notamment par présomption.

[46]        Quatrièmement, il expose le contexte international au sein duquel s'inscrit l'interdiction québécoise d'exercer de la discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale.

[47]        Cinquièmement, il énonce le constat voulant que la discrimination que peut subir une personne en raison de son origine ethnique ou nationale porte atteinte à son droit à la dignité protégé par l'article 4 de la Charte, principe consacré également par son préambule.

[48]        Sixièmement, il procède à une analyse de l'article 12 de la Charte qui prohibe la discrimination dans la conclusion d'un acte juridique. Il affirme que cet article doit recevoir une interprétation large et généreuse : ainsi, il retient que la formation de pilote constitue un service ordinairement offert au public au sens de la Charte, même si ce service n'est pas offert à tous.

[49]        Septièmement, une fois les trois éléments constitutifs de la discrimination établis par le demandeur, il rappelle que le fardeau de preuve se déplace sur le défendeur qui doit alors démontrer une justification rationnelle et raisonnable de la mesure reprochée.

[50]        À ce propos, le Tribunal applique une méthode en trois étapes issue du domaine de la discrimination en emploi, mais qu'il adapte à l'analyse de l'article 12 de la Charte. Au paragraphe 260 de son jugement, le Tribunal décrit ainsi ce que le défendeur doit prouver pour se disculper :

[260]    Ainsi, lorsqu'une preuve prima facie de discrimination aura été prouvée, celui contre qui cette preuve a été établie pourra justifier la norme discriminatoire qu’elle a adoptée, en prouvant:

1)   qu’il a adopté la norme dans un but ou objectif rationnellement lié aux fonctions exercées;

2)   qu’il a adopté la norme de bonne foi, en croyant qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif;

3)   que la norme est raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but ou objectif, en ce sens que le défendeur ne peut pas composer avec les personnes qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que cela lui impose une contrainte excessive.

[51]        Aux paragraphes 261 à 266 de son jugement, il explique comment procéder à cette analyse, ce qu'il doit rechercher dans la preuve administrée. En raison de leur pertinence particulière au débat devant nous, il convient de reproduire intégralement ces paragraphes.

[261]    À la première étape de l’analyse, il s’agit de démontrer l’existence d’un lien rationnel entre l’objet général de la norme contestée et les exigences objectives qu’imposent les fonctions. Il s’agit de se demander si la norme ou la décision a été adoptée dans un but rationnellement lié à la finalité des fonctions. Il s’agit en fait d’un test de légitimité et de pertinence.

[262]    Quant à la deuxième étape du test, celle-ci ne trouve pas application au Québec compte tenu des spécificités propres du droit en vigueur au Québec et des amendements apportés à la Charte en 1982 lesquels prévoyaient notamment le remplacement de l’expression « sur les aptitudes et qualités exigées de bonne foi par un emploi » par « les aptitudes ou qualités requises par un emploi ».

[263]    Il convient de préciser que cet amendement à la Charte visait à éliminer le facteur subjectif qui est nécessairement requis lorsqu’il s’agit de déterminer si la qualité requise déterminée par l’employeur avait été prise de bonne foi. Ainsi, avec l’adoption de cet amendement législatif, seul l’élément objectif doit être pris en considération. Tout ceci nous indique, à tout le moins, que le fardeau de preuve de cette deuxième étape n'incombera qu'à celui qui invoque la mauvaise foi.

[264]    Au stade de la troisième étape, il faut déterminer si les mesures prises ou les normes adoptées afin de réaliser l’objectif de la norme plus générale déterminée à la première étape de l’analyse sont raisonnablement nécessaires. Il s'agit en fait d'un test de proportionnalité. En d’autres mots, à moins qu’aucun accommodement ne soit possible sans imposer une contrainte excessive, la norme adoptée ne sera pas considérée comme une justification réputée non discriminatoire. Il s’agit donc d’un test de proportionnalité servant à délimiter les situations où l’accommodement devient impossible sans remettre en question les objectifs visés par une norme par ailleurs légitime.

[265]    Le concept de protection contre la discrimination sans contrainte excessive a d’abord été développé par la Cour suprême du Canada en 1985, dans l’arrêt Simpsons-Sears. La Cour suprême a établi et développé la portée du concept de discrimination dans l'emploi en établissant qu'une discrimination pourrait être exercée par un employeur, soit de façon directe, soit de façon indirecte, par une norme d'application générale qui entraîne des effets préjudiciables sur certaines personnes en raison de caractéristiques qui leur sont propres.

[266]    Afin de contrer les effets préjudiciables de la discrimination indirecte, la Cour suprême établit une obligation d’accommodement qui a pour objet d’empêcher que des personnes invoquant des caractéristiques protégées par les lois sur les droits de la personne ne soient injustement exclues, alors que les normes pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive.

(Référence omise.)

[52]        Le droit exposé, le Tribunal l'applique aux faits de l'espèce. Cette partie de son analyse se trouve aux paragraphes 267 à 358 du jugement.

[53]        Sous la rubrique « [l]a preuve prima facie de discrimination », le Tribunal pose la première question à laquelle répondre et il énonce les éléments à vérifier pour ce faire.

[267]    En refusant de lui offrir une formation sous licence canadienne, le BATC a-t-il porté atteinte au droit de monsieur Javed Latif d'être traité en toute égalité, sans discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale?

[268]    Pour répondre à cette question, le Tribunal doit déterminer si la Commission a démontré la preuve d'une discrimination à première vue (prima facie) par l'existence des trois éléments constituifs de discrimination suivants:

1)   d'une distinction ou d'une exclusion;

2)   fondée sur l'un des motifs énumérés au premier alinéa de l'article 10 de la Charte;

3)   et ayant pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit.

[54]        Alors que la formation sous licence canadienne ne requiert aucune approbation de sécurité de la part des autorités américaines, le Tribunal conclut que le BATC l'a néanmoins exigée de Latif à la fin d'avril 2004. Ainsi, il retient que le premier élément est prouvé : il y a exclusion.

[55]        Quand au second élément, soit le lien de causalité entre le refus du BATC de former Latif et l'origine ethnique ou nationale de ce dernier (pakistanaise), le Tribunal rappelle qu'il n'est pas nécessaire que la preuve prima facie résulte d'une preuve directe puisque la discrimination peut se manifester de façon directe ou indirecte et qu'elle n'a pas à être intentionnelle. Ainsi, la discrimination peut « être établie par l'effet disproportionné qu'ont des politiques ou des pratiques sur certains groupes protégés par la Charte ou sur un individu appartenant à un de ces groupes protégés, notamment en matière de discrimination systémique ». La discrimination systémique « s'apparente sous certains aspects au profilage racial », dit-il.

[56]        Quelle que soit la forme de discrimination (directe ou indirecte), il affirme que le lien de causalité entre l'exclusion ou la distinction et le motif n'a pas à être établi de façon directe.

[57]        Au paragraphe 284 de son jugement, le Tribunal reconnaît que le refus de Bombardier de former Latif ne repose pas directement sur son origine ethnique (pakistanaise), mais sur le refus des autorités américaines de lui fournir l'approbation de sécurité lui permettant d'être formé sous licence américaine, comme en a témoigné Steven Gignac (Gignac) de Bombardier.

[58]        Au paragraphe 287 du jugement, il écrit ce qui suit :

[287]    En somme, l'ensemble de la preuve démontre clairement que le refus de former monsieur Latif sous une licence canadienne reposait uniquement sur le refus des autorités américaines de permettre à monsieur Latif d'être formé sous sa licence FAA, ce qui n'a pas été contredit par monsieur Gignac. En ce sens, la preuve indique que monsieur Gignac s'en remet complètement aux autorités américaines, en l'occurrence le DOJ, le TSA et le DHS, parce que ce sont des autorités «crédibles» pour décider que monsieur Latif constitue, même au Canada, une menace à la sécurité de l'aviation.

(Je souligne.)

[59]        À la suite de ce constat conforme à la preuve, notamment aux admissions déposées par les parties et précédemment reproduites, le Tribunal pose la question à examiner :

[288]    Puisque le refus opposé à monsieur Latif par le BATC est uniquement fondé sur le refus des autorités américaines, la Commission soumet que le refus du BATC découle donc des mesures de sécurité et de contrôle mises en place par les États-Unis afin de contrer et prévenir le terrorisme sur le territoire américain. Or, la Commission allègue que ces mesures visaient directement ou affectaient principalement les personnes arabes et les musulmans ou, plus largement, les personnes originaires de pays musulmans tels le Pakistan, ce dont a été victime monsieur Latif.

[289]    Qu'en est-il?

(Je souligne.)

[60]        Prenant appui sur le rapport d'expertise de Bahdi, le Tribunal conclut que le refus de Gignac, dicté par les autorités américaines, repose sur des considérations reliées à l'origine ethnique ou nationale de Latif. De ce rapport, il retient notamment que les différents programmes de sécurité mis de l'avant par les États-Unis à la suite des événements du 11 septembre 2001 constituent du profilage racial alors qu'ils ciblent, de façon discriminatoire, les personnes d'origine arabe et les musulmans.

[61]        Aux paragraphes 304, 305, 306 et 309 de son jugement, le Tribunal écrit :

[304]    Le Tribunal retient du rapport et du témoignage de madame Bahdi que l'examen des différents programmes démontre qu'ils constituent du profilage racial, plus spécifiquement de la part des instances gouvernementales américaines, en ce qu'ils ont pour effet de cibler de façon discriminatoire les personnes d'origine arabe et les musulmans. C’est précisément ce nouveau contexte qui explique pourquoi monsieur Latif, qui avait jusque là obtenu les autorisations de sécurité requises, s’est vu refuser le droit d’être formé et, par conséquent, le droit de travailler comme pilote. Alors que monsieur Latif avait été approuvé par le DOJ en octobre 2003, il est refusé en mars 2004 alors que s'établit un resserrement des mesures de sécurité dans le domaine de l'aviation avec l'entrée en vigueur de la loi Vision 100-Century of Aviation Reauthorisation Act, qui vise par ses mesures pour contrer les attaques terroristes.

[305]    Tout au long de son rapport, madame Bahdi fait référence au concept de stéréotypes qu'elle décrit comme étant l'utilisation de certains préjugés discriminatoires à travers le prisme duquel les faits sont analysés et les décisions sont prises. Ce que propose alors madame Bahdi permet de comprendre la décision qui a été prise dans le dossier de monsieur Latif. Monsieur Gignac a témoigné qu’il considérait monsieur Latif comme un terroriste potentiel, ce qui a justifié son refus de l’entraîner sous sa licence canadienne, alors qu’il n’a fait aucune vérification auprès des autorités canadiennes, ni posé de questions aux autorités américaines. Cette décision, monsieur Gignac l’a fondée sur un « judgment call » au nom de la sécurité publique, ou même un « business call » car il craignait que le BATC puisse perdre son accréditation américaine.

[306]    Madame Bahdi a cité notamment le programme NSEERS, l'un des plus importants programmes adoptés par les États-Unis. Il s'agit d'un programme qui requiert des non citoyens américains identifiés comme arabes et musulmans de s'inscrire auprès du ministère de l'immigration des États-Unis à leur entrée au pays et périodiquement par la suite. Madame Bahdi a expliqué que les musulmans étaient alors réputés être à risque pour la sécurité nationale. Ce programme, qui a débuté en septembre 2002 pour les citoyens de certains pays, dont le Pakistan, a par la suite été étendu à plusieurs autres pays. Au total, 83 909 personnes ont été inscrites, dont 16% ont été expulsées des États-Unis en raison de violation à la loi sur l'immigration. Toutefois, aucune d'entre elles n'a été accusée ou soupçonnée d'actes terroristes. Madame Bahdi met en relief le fait que, si ce programme n'a pas eu les résultats escomptés en ce qui concerne la lutte anti-terrorisme, l'ampleur des effets discriminatoires sur des personnes innocentes, par l'application des lois de l'immigration, a été sans précédent.

[309]    Prise dans ce contexte, l’expertise de madame Bahdi a permis d’établir que la décision du BATC a créé, à l’égard de monsieur Latif, une distinction fondée sur un des motifs interdits de discrimination, soit l’origine ethnique et nationale. Monsieur Gignac avait des « meetings » de formation offerts par les autorités américaines et qu’il a appliqué les normes établies par les États-Unis dont les effets discriminatoires à l’égard de l’origine ethnique ou nationale ont été longuement expliqués au Tribunal.

(Je souligne.)

[62]        Le Tribunal écarte la proposition de Bombardier voulant que la décision des autorités américaines repose plutôt sur une erreur d'identité. Au paragraphe 310 du jugement, il écrit ce qui suit à ce propos :

[310]    Finalement, Bombardier a soumis que la cause véritable de l'exclusion pouvait être le fait d'une erreur d'identité sur la personne de monsieur Latif, de la part des autorités américaines. Le Tribunal ne peut souscrire à cette façon d'aborder la cause véritable de discrimination. Nous ne connaissons ni le processus, ni les critères, ni les raisons objectives ayant mené les autorités américaines à refuser l'approbation de sécurité de monsieur Latif, autre que ce que le Tribunal a retenu de la preuve d'expertise présentée par madame Reem Anne Bahdi. Cette preuve démontre notamment que les processus de vérification peuvent potentiellement entraîner des résultats qualifiés de "faux positifs". Une fois qu'une personne a été listée comme constituant potentiellement un risque pour la sécurité, il devient très difficile d'en sortir. Des déficiences dans le processus de confection des listes peuvent évidemment entraîner des "faux positifs". Pour ces raisons, si tant est qu'il s'agisse d'une erreur d'identité, celle-ci découle directement, par prépondérance des probabilités, de l'application des programmes discriminatoires et du profilage racial décrits par madame Bahdi.

[63]        À la question « [c]ette exclusion a-t-elle pour effet de détruire ou de compromettre le droit [de Latif] à la pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit? », le Tribunal répond positivement : le refus du BATC de former Latif l'a empêché de bénéficier d'un service généralement offert au public et a compromis son droit à la dignité et à la réputation.

[64]        Le Tribunal conclut donc que la Commission a établi prima facie l'existence d'une discrimination.

[65]        Cela fait, il analyse la justification offerte par Bombardier, sous ses deux volets (le volet sécurité et le volet économique) et il rejette le tout.

[66]        Sous la rubrique 4 de son jugement, à compter du paragraphe 359, le Tribunal aborde les questions relatives aux dommages.

[67]        Il reconnaît que le dommage moral est difficile à chiffrer. En l'espèce, « compte tenu de la gravité et de la longue période pendant laquelle monsieur Latif a été privé de son droit à recevoir des services de formation sans discrimination et de son droit à un travail librement choisi », il estime que la somme de 25 000 $ est justifiée.

[68]        Il examine s'il y a lieu d'accorder des dommages punitifs. Puisque Gignac a agi en toute connaissance des conséquences que son refus allait engendrer, le Tribunal conclut au caractère intentionnel et illicite des actes discriminatoires.

[69]        Aux termes de l'article 1463 C.c.Q., alors que la preuve révèle que Gignac avait « carte blanche de son employeur », le Tribunal retient qu'il peut légalement condamner Bombardier à payer des dommages punitifs et qu'il y a lieu de le faire.

[70]        En dernier lieu, s'autorisant des articles 49 et 80 de la Charte, le Tribunal ordonne à Bombardier de « cesser d'appliquer ou de considérer les normes et décisions des autorités américaines en matière de "sécurité nationale" lors du traitement de demandes de formation de pilote sous une licence de pilote canadienne ».

[71]        Le jugement se termine par le dispositif suivant :

ACCUEILLE pour partie la demande;

CONDAMNE la défenderesse, Bombardier Inc. (Bombardier Aerospace Training Center) à verser au plaignant, monsieur Javed Latif, une somme de trois cent neuf mille sept cent quatre vingt dix huit dollars et soixante douze sous (309 798,72$US) en devise américaine, au taux du 27 juillet 2007, de laquelle doit être soustraite la somme de soixante six mille six cent trente neuf dollars (66 639,00$CND) en devise canadienne, à titre de dommages matériels;

CONDAMNE la défenderesse, Bombardier Inc. (Bombardier Aerospace Training Center) à verser au plaignant, monsieur Javed Latif, la somme de vingt-cinq mille dollars (25 000,00 $), à titre de dommages moraux;

CONDAMNE la défenderesse, Bombardier Inc. (Bombardier Aerospace Training Center) à verser au plaignant, monsieur Javed Latif, la somme de cinquante mille dollars (50 000,00 $), à titre de dommages-intérêts punitifs;

ORDONNE à la défenderesse, Bombardier Inc. (Bombardier Aerospace Training Center) de cesser d'appliquer ou de considérer les normes et décisions des autorités américaines en matière de «sécurité nationale» lors du traitement de demandes de formation de pilote sous une licence de pilote canadienne;

LE TOUT avec les intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter de la signification de la proposition de mesures de redressement, soit le 9 mars 2007, ainsi que les entiers dépens, incluant les frais d'experts, le cas échéant, tant pour leur présence à la cour que la préparation de leur rapport.

Les questions en litige

[72]        Bombardier met de l'avant cinq propositions aux termes desquelles elle nous invite à intervenir et à infirmer le jugement dont appel.

[73]        Ces propositions sont ainsi rédigées :

Première proposition. La juge de première instance a erré de manière manifeste et déterminante en concluant que les Intimés auraient prima facie prouvé discrimination et sa conclusion à cet égard est déraisonnable;

Deuxième proposition. Subsidiairement, la juge de première instance a erré de manière manifeste et déterminante en concluant que Bombardier n’a pas réfuté la prétendue preuve prima facie de discrimination et cette conclusion est déraisonnable.

Troisième proposition. Subsidiairement, la juge de première instance a erré de manière manifeste et déterminante lorsqu’elle a décidé que Bombardier n’avait pas rempli le test de justification;

Quatrième proposition. La juge de première instance a erré de manière manifeste et déterminante et excédé la juridiction du Tribunal en ordonnant à Bombardier « de cesser d’appliquer ou de considérer les normes et décisions des autorités américaines en matière de « sécurité nationale » lors du traitement de demandes de formation de pilote sous une licence de pilote canadienne »;

Cinquième proposition. Subsidiairement, la juge de première instance a erré de manière manifeste et déterminante en ordonnant à Bombardier de verser des dommages punitifs et moraux exagérés alors que Bombardier n’avait aucunement connaissance du caractère prétendument discriminatoire de la décision rendue par les autorités américaines.

[74]        À la lumière de ces propositions, je formule les questions en litige que voici :

Première question. Le Tribunal pouvait-il conclure au caractère discriminatoire du refus de Bombardier?

 

Deuxième question. Le cas échéant, Bombardier a-t-elle rempli le test de justification?

 

Troisième question. Le Tribunal avait-il compétence pour ordonner à Bombardier « de cesser d’appliquer ou de considérer les normes et décisions des autorités américaines en matière de "sécurité nationale" lors du traitement de demandes de formation de pilote sous une licence de pilote canadienne » et, si oui, pouvait-il le faire?

 

Quatrième question. Le cas échéant, le Tribunal a-t-il erré quant aux dommages punitifs et moraux accordés?

Première question

Le Tribunal pouvait-il conclure au caractère discriminatoire du refus de Bombardier?

[75]        Les articles pertinents de la Charte sont ainsi rédigés :

4.  Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

4.  Every person has a right to the safeguard of his dignity, honour and reputation.

10.  Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

10. Every person has a right to full and equal recognition and exercise of his human rights and freedoms, without distinction, exclusion or preference based on race, colour, sex, pregnancy, sexual orientation, civil status, age except as provided by law, religion, political convictions, language, ethnic or national origin, social condition, a handicap or the use of any means to palliate a handicap.

 

Discrimination exists where such a distinction, exclusion or preference has the effect of nullifying or impairing such right.

12.  Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.

12.  No one may, through discrimi­nation, refuse to make a juridical act concerning goods or services ordinarily offered to the public.

[76]        Le Tribunal identifie correctement les éléments constitutifs de la discrimination au sens de l'article 10 de la Charte, ainsi énoncés à de nombreuses reprises en jurisprudence :

(1)  l’existence d’une distinction, exclusion ou préférence […] (2) que la distinction, exclusion ou préférence est fondée sur un motif énuméré à l’art. 10, […] et (3) que la distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou compromettre le droit à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne.[7]

[77]        Il impose au demandeur, comme il se doit, le fardeau d'établir prima facie l'existence de ces trois éléments.

[78]        L'erreur du Tribunal ne se situe donc pas au point de départ, au moment où il identifie les questions à résoudre et les principes de droit qui s'appliquent à cette fin, mais en cours de route, comme j'y reviendrai sous peu.

[79]        Mais avant d'aborder le tout, j'estime opportun de noter la nature singulière du présent litige. Si l'existence de la discrimination indirecte et de la discrimination systémique est désormais reconnue, la situation où, comme en l'espèce, une entité (Bombardier) se fait le relais d'une mesure prise par une autre et dont on allègue le caractère discriminatoire (la décision américaine de refuser) demeure inusitée.

[80]        En effet, deux décisions distinctes sont ici en cause : d'une part, la décision des autorités américaines de refuser à Latif l'autorisation de recevoir une formation sous licence américaine en avril 2004; d'autre part, le refus de Bombardier de former Latif sous licence canadienne par la suite.

[81]        Le refus de Bombardier repose exclusivement sur la décision des autorités américaines dont Bombardier connaissait la teneur (risque de sécurité), mais dont elle ignorait les fondements. Les parties l'admettent et le Tribunal l'affirme et le retient. À ce propos, je réfère aux paragraphes 11 et 12 des admissions des parties ainsi qu'aux paragraphes 284, 285 et 287 du jugement que je reproduis, de nouveau, aux fins de commodité.

Extraits des admissions des parties

11.       BATC a refusé la formation à monsieur Javed Latif pour l’obtention d’une licence canadienne, basé sur le refus des autorités américaines pour la licence américaine.

12.       BATC ignorait et ignore à ce jour la procédure suivie et le fondement de la décision des autorités américaines.


Extraits du jugement

[284]    En l'espèce, la preuve démontre que le refus de former monsieur Latif sous sa licence canadienne ne repose pas directement sur son origine pakistanaise, mais sur le refus des autorités américaines de lui donner son approbation de sécurité afin de suivre une formation sous sa licence américaine FAA.

[285]    Monsieur Gignac mentionne à ce titre ne pas connaître les motifs précis sur lesquels s'appuient les autorités américaines pour refuser une formation sous licence FAA à monsieur Latif.

[287]    En somme, l'ensemble de la preuve démontre clairement que le refus de former monsieur Latif sous une licence canadienne reposait uniquement sur le refus des autorités américaines de permettre à monsieur Latif d'être formé sous sa licence FAA, ce qui n'a pas été contredit par monsieur Gignac. En ce sens, la preuve indique que monsieur Gignac s'en remet complètement aux autorités américaines, en l'occurrence le DOJ, le TSA et le DHS, parce que ce sont des autorités «crédibles» pour décider que monsieur Latif constitue, même au Canada, une menace à la sécurité de l'aviation.

(Je souligne.)

[82]        Refuser en raison du contenu de la décision américaine n'est pas interdit par l'article 12 de la Charte. Cet article ne prohibe que le refus par discrimination.

[83]        Latif devait donc établir l'exclusion discriminatoire.

[84]        Le Tribunal retient que Latif a réussi à établir une exclusion.

[85]        Pour la suite des choses, je crois nécessaire de corriger ou de préciser certaines des affirmations qui se trouvent au jugement à ce propos, car elles comportent à mon avis, cela dit avec égards, des erreurs manifestes et déterminantes.

[86]        Au paragraphe 270 de son jugement, le Tribunal écrit :

[270]    La preuve a démontré que monsieur Latif possède une licence canadienne au moment où il fait sa demande de formation sous cette licence au BATC, soit le ou vers le 23 avril 2004. Bien que le BATC ait confirmé que la formation sous licence canadienne ne requiert aucune approbation de sécurité de la part des autorités américaines, celui-ci impose néanmoins cette exigence à monsieur Latif comme condition préalable à toute formation, et ce, sous quelque licence que ce soit.

(Je souligne.)

[87]        Cette affirmation doit être corrigée ou, à tout le moins, nuancée, car il est inexact d'affirmer que Bombardier a imposé une exigence comme condition préalable.

[88]        En effet, dans le cadre de la demande de formation sous licence canadienne, Bombardier n'a pas exigé que Latif se soumette à une vérification de sécurité de la part des autorités américaines.

[89]        Ce que fait Bombardier (le BATC), c'est de tenir compte du résultat d'une enquête de sécurité antérieure, nécessaire au moment où elle a été effectuée vu la demande de formation sous licence américaine présentée par Latif. Pour elle, ce résultat provient d'une source fiable et crédible.

[90]        La situation en l'espèce se distingue de celle d'un candidat qui recherche une formation sous licence canadienne, mais qui n'a pas préalablement cherché à la suivre sous licence américaine. Si, d'entrée de jeu, Latif avait demandé une formation sous licence canadienne, plutôt que de demander préalablement la formation sous licence américaine, le BATC n'aurait pas exigé qu'il se soumette à l'approbation de sécurité des autorités américaines.

[91]        Mais en l'espèce, Latif a d'abord enclenché le processus sous licence américaine, dont on connaît la suite.

[92]        Ainsi, le BATC a tenu compte de l'information qu'il a obtenue (Latif présente un risque de sécurité) et qu'il a légalement recueillie à la suite du premier processus enclenché à l'initiative de Latif alors qu'elle était nécessaire.

[93]        Ainsi, contrairement à ce qu'écrit le Tribunal au paragraphe 270 précité, Bombardier n'a pas imposé une condition préalable à la conclusion d'un contrat de formation : elle n'a tout simplement pas accepté de donner suite à la demande de formation sous licence canadienne tant que la situation ne serait pas clarifiée.

[94]        Tenant pour acquise l'exclusion, Latif devait également établir qu'elle résultait d'un motif prohibé par l'article 10 de la Charte.

[95]        Le Tribunal a conclu qu'il s'était déchargé de ce fardeau ayant établi l'exclusion fondée sur la nationalité pakistanaise. Je ne peux partager ce point de vue car, à mon avis, la preuve au dossier ne permet pas de le faire.

[96]        Il est vrai que la loi n'impose pas de prouver la discrimination prima facie par preuve de discrimination directe, car la discrimination peut effectivement se manifester de façon directe ou indirecte. Il est également exact d'affirmer qu'il n'est pas nécessaire de faire une preuve d'intention de discriminer pour conclure à de la discrimination en vertu de la Charte.

[97]        D'ailleurs, à ce propos et sous la plume du juge Jacques Dufresne, notre Cour énonce ce qui suit dans l'arrêt Gaz métropolitain :

[38]      Ce sont davantage les conséquences de la discrimination que le caractère volontaire ou involontaire des mesures qui permettent de conclure à discrimination systémique. Dans le cas de la discrimination indirecte, c'est l'application d'une norme en apparence neutre qui entraîne l'effet discriminatoire; de même pour la discrimination systémique, c'est l'application des pratiques et des systèmes d'emploi qui sont en apparence neutres qui entraîne l'effet discriminatoire. La preuve prima facie d’une situation de discrimination systémique se fait donc en examinant les conséquences des pratiques et des systèmes d’emploi.[8]

(Référence omise, je souligne.)

[98]        Cela dit, le lien de causalité entre l'exclusion et le motif prohibé[9], en l'espèce l'origine ethnique ou nationale (l'origine pakistanaise de Latif) demeure dans tous les cas (discrimination directe ou indirecte) un ingrédient essentiel à une conclusion de discrimination[10].

[99]        À cet égard, le contenu du paragraphe 283 du jugement pose problème :

[283]    Quelle que soit la forme de discrimination, le lien de causalité entre l'exclusion ou la distinction et le motif n'a pas à être établi de façon directe. Dans l'arrêt Ville de Montréal, où la Cour suprême du Canada devait définir le sens du motif handicap contenu à la Charte, le juge L'Heureux-Dubé a établi qu'il n'était pas nécessaire que la mesure contestée soit directement liée au motif invoqué.

(J’ajoute le caractère gras, je souligne.)

[100]     Dans la mesure où le Tribunal y affirme que la preuve par présomptions peut être suffisante (ce que semble soutenir la première phrase du paragraphe), je n'y vois pas d'erreur. Mais voilà que les mots qui se trouvent à la fin de ce paragraphe laissent entendre, à mon avis, que la juge L'Heureux-Dubé aurait atténué la nécessité du lien causal entre l'exclusion et le motif ou la rigueur avec laquelle ce lien causal doit être analysé. Il s'agit d'une erreur manifeste et déterminante, car dans tous les cas la preuve du lien de causalité entre le motif et la mesure d'exclusion est requise.

[101]     Dans l'arrêt Ville de Montréal ce lien causal entre la condition des plaignants et le congédiement ne posait d'ailleurs aucune difficulté. Cela ressort clairement du paragraphe suivant de l'arrêt :

84        En l’espèce, l’employeur admet le lien causal entre la condition des plaignants et le congédiement ou le refus d’embauche. Toutefois, dans la plupart des cas, il incombera à la partie demanderesse de prouver (1) l’existence d’une distinction, exclusion ou préférence, ici le congédiement et le refus d’embauche (2) que la distinction, exclusion ou préférence est fondée sur un motif énuméré à l’art. 10, ici le handicap et (3) que la distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou compromettre le droit à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne.[11]

(Je souligne.)

[102]     La juge L'Heureux-Dubé ne discute donc pas du lien causal; elle poursuit l'objectif de circonscrire la portée du motif « handicap ». Comme le laisse voir le paragraphe 81 de l'arrêt, la juge L'Heureux-Dubé retient qu'il n'est pas nécessaire de faire la preuve d'une affection physique puisque le motif prohibé « handicap » fait appel au réel et au perçu.

81        Il faut préciser qu’un «handicap» n’exige pas obligatoirement la preuve d’une limitation physique ou la présence d’une affection quelconque. Le «handicap» peut être soit réel ou perçu et, puisque l’accent est mis sur les effets de la distinction, exclusion ou préférence plutôt que sur la nature précise du handicap, la cause et l’origine du handicap sont sans importance. De même, une distinction fondée sur la possibilité réelle ou perçue que l’individu puisse développer un handicap dans l’avenir est prohibée par la Charte.[12]

[103]     Tout en reconnaissant que la preuve du lien causal peut résulter d'une preuve circonstancielle ou par présomptions, encore faut-il qu'il y ait une telle preuve au dossier. À mon avis, ce n'est pas le cas en l'espèce.

[104]     La présence d'attitudes et de préjugés discriminatoires au sein d'une société ne peut suffire à établir le caractère discriminatoire des décisions prises par une entité qui œuvre au sein de cette société.

[105]     Constater qu'il est difficile d'administrer la preuve de la discrimination, ce que fait le Tribunal au paragraphe 207 de son jugement, ne saurait être cause de dispense de faire cette preuve.

[106]     Une preuve ne peut résulter de soupçons ou de spéculations.

[107]     En l'espèce, puisque la décision de Bombardier de ne pas donner suite à la demande de formation sous licence canadienne repose uniquement sur le contenu de la décision des autorités américaines de refuser à Latif un certificat de sécurité - ce qui est admis des parties - le Tribunal ne pouvait conclure à discrimination sans avoir la preuve que la décision des autorités américaines était elle-même fondée sur un motif prohibé par la Charte, en l'espèce sur la nationalité pakistanaise de Latif.

[108]     Le Tribunal affirme en avoir une preuve prima facie au dossier. À mon avis, ce n'est pas le cas.

[109]     Le syllogisme du Tribunal se résume à ceci :

●    Première prémisse. Le programme AFSP (aux termes duquel toute personne qui n'est pas un citoyen américain a l'obligation de se soumette à une vérification de sécurité avant de pouvoir recevoir une formation de pilote sous licence américaine, peu importe l'endroit où cette formation est dispensée) a été établi à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Il s'agit d'une mesure visant à contrer le terrorisme qui relève de la sécurité nationale;

 

●    Deuxième prémisse. Des programmes relatifs à la sécurité nationale américaine, établis en réaction aux attentats du 11 septembre 2001, constituent du profilage racial, car ils visaient particulièrement les personnes arabes ou musulmanes, dont les personnes originaires du Pakistan;

 

●    Conclusion. Le refus des autorités américaines d'autoriser Latif à recevoir une formation de pilote sous licence américaine résulte d'un profilage racial - il est fondé sur la nationalité de Latif (pakistanaise), sur un motif prohibé aux termes de la Charte.

[110]     Contrairement à certains programmes discutés par Bahdi qui ciblent nommément les arabes et les musulmans, le programme qui nous concerne (AFSP) s'adresse à toute personne qui n'est pas un citoyen américain, sans égard à la nationalité.

[111]     Puisque Bahdi a choisi des programmes qui ciblaient spécifiquement les arabes et musulmans, sans cachette d'ailleurs puisque leurs titres le dit clairement, sa conclusion voulant qu'ils constituent du profilage racial n'a rien d'étonnant.

[112]     Il en va autrement de la conclusion tirée depuis les première et deuxième prémisses du syllogisme dans le contexte des faits particuliers de la présente affaire.

[113]     Sans nécessairement retenir tous les moyens qu'elle a mis de l'avant pour nous convaincre d'écarter le rapport et le témoignage de Bahdi, je crois que Bombardier a raison d'affirmer que le Tribunal a fait fausse route en retenant que ce rapport lui permettait de conclure à une preuve de discrimination dans le cas de Latif.

[114]     Si, d'entrée de jeu, le Tribunal n'avait pas à écarter le rapport et le témoignage de Bahdi en raison de son manque d'expérience ou de compétence, il devait effectivement redoubler de prudence et de vigilance au moment de les évaluer. Il ne pouvait ignorer les faiblesses de contenu, la non-pertinence ou la faible pertinence des informations communiquées, à l'égard du programme visé (ASFP).

[115]     À la seule lecture du curriculum vitae de Bahdi et du contenu du témoignage qu'elle a livré au sujet de ses compétences et de son expérience, il n'était peut-être pas déraisonnable[13] de la reconnaître experte en profilage racial et de lui permettre de communiquer opinion et avis.

[116]     Cela dit, permettre de livrer un témoignage d'expert (opinion et avis) ne veut pas dire conclure, en fin de course, une fois tous les éléments en main, que le témoin a effectivement les connaissances et les compétences requises et que ses propos sont pertinents au débat. Ainsi, une fois tous les propos de Bahdi connus (rapport, interrogatoire et contre-interrogatoire), le Tribunal devait se questionner quant à leur pertinence et quant à leur valeur probante.

[117]     Or, au niveau de cette pertinence et de cette valeur probante, le rapport d'expertise de Bahdi et son témoignage présentent de nombreuses failles et lacunes.

[118]     Le rapport de Bahdi comporte trois parties[14] : la première, consacrée à la description de certains programmes américains relatifs à la sécurité nationale pour contrer le terrorisme, mis en place après les événements du 11 septembre 2001, mais qui ne traite aucunement du programme pertinent au dossier (AFSP); la deuxième, où Bahdi « discusses attitudinal bias, stereotyping and general discrimination against Arabs and Muslims in the United States », mais pas des faits et des gestes du DOJ ou du TSA en matière de certificat de sécurité pour la formation des pilotes; enfin, la troisième, où Bahdi exprime son avis quant à l'inefficacité du profilage racial en matière de sécurité nationale.

[119]     Le contenu de la première partie du rapport ne relève pas d'un champ spécialisé de connaissance. Les programmes de sécurité analysés ne le sont qu'en surface et il ne s'agit pas du programme en cause au présent dossier. Bahdi y recense de l'information (des articles juridiques, des décisions jurisprudentielles, des reportages journalistiques, des rapports gouvernementaux ou émanant d'une commission d'enquête et des publications de groupes de travail sur les droits de la personne), mais sans plus. Pour tout dire, elle n'y émet pas réellement d'opinion qui mérite la qualification « d'opinion d'expert ». Cette partie de son rapport, essentiellement fondée sur du ouï-dire, ne comporte ni données statistiques, ni analyse scientifique. L'expert Dr Siskin le note et il a raison.

[120]     Alors que le Tribunal écrit, au paragraphe 184 de son jugement, que Bahdi a procédé à « une analyse des programmes adoptés aux États-Unis afin de contrer la menace terroriste après les attentats du 11 septembre 2001 », ce n'est pas le cas. Bahdi n'a pas fait une étude des programmes adoptés. Elle a décrit un phénomène (stéréotypes et profilage raciale), observé au sein de la société américaine à la suite des événements du 11 septembre 2001, et elle a choisi quelques mesures ciblant nommément les arabes et les musulmans pour illustrer son propos. À cet égard, le paragraphe suivant de l'introduction de son rapport ne laisse place à aucun doute :

This report describes the racial profiling and stereotyping of Arabs and Muslims in the United States following the September 11 terrorist attacks. It identifies a number of American counter-terrorism measures which specifically focused on Arab and Muslims as particular national security risks for the purposes of illustrating how racial profiling factors into national security. The report also describes the attitudinal bias that exists in the United States against Arabs and Muslims and sets out why, against such a context, profiling cannot advance national security.

(Je souligne.)

[121]     L'exercice auquel Bahdi s'est livré n'est pas un exercice scientifique objectif. Son rapport est construit depuis la prémisse de profilage racial comme le choix des programmes décrits l'illustre éloquemment.

[122]     Au paragraphe 185 de son jugement, le Tribunal note d'ailleurs que « Bahdi a d'abord identifié les programmes créés par le gouvernement américain qui avaient pour cibles les personnes arabes et/ou musulmanes ». Or, outre le fait de tirer des conclusions qu'elle invite le Tribunal à retenir à son sujet, il n'est pas sans intérêt de constater, dans ce contexte, que le programme AFSP n'est pas l'un des programmes retenus ou commentés par Bahdi.

[123]     Au paragraphe 203 de son jugement, le Tribunal retient du rapport Bahdi que les programmes antiterroristes décrits par celle-ci « ont eu pour effet d'introduire une dimension discriminatoire aux décisions prises dans le cadre de la sphère publique ou gouvernementale », laquelle a été portée à l'attention de tous depuis 2002. Il note que Bahdi affirme qu'il y a eu émergence, dès juin 2003, d'une nouvelle tolérance aux stéréotypes et au profilage racial des personnes arabes et des musulmans à travers les politiques adoptées par le DOJ. Alors, comment expliquer la réponse positive de vérification de sécurité obtenue par Latif en octobre 2003?

[124]     La Commission plaide que le refus subi en 2004 résulte d'un resserrement des mesures à la fin de l'année 2003, alors que l'attitude aurait été différente en octobre 2003 (moment où Latif a obtenu une réponse positive) : la preuve au dossier ne soutient pas une telle proposition.

[125]     Rien dans la preuve ne permet d'affirmer que le programme AFSP ait eu pour cible les personnes arabes et/ou musulmanes, au contraire. Au cours de la période pertinente, comme le note le Tribunal au paragraphe 15 de son jugement, Bombardier a offert de la formation à environ 2 500 à 3 000 personnes par année provenant de toutes nationalités, notamment plusieurs arabes et musulmans. Les autorités américaines n'ont exprimé un refus que dans sept cas, incluant celui de Latif.

[126]     Quant à la deuxième partie de son rapport, Bahdi y exprime des généralités. Bien qu'exprimés sous forme d'opinions, ses propos relèvent davantage du commentaire que de l'analyse scientifique ce qui n'est pas sans affecter leur recevabilité, leur pertinence et la force probante à y accorder, le cas échéant.

[127]     Pour tout dire, je vois difficilement comment s'autoriser d'un constat d'un sentiment anti-arabe ou islamophobe aux États-Unis, à la suite des événements du 11 septembre 2001, pour conclure à l'établissement du lien causal nécessaire entre le refus des autorités américaines d'émettre un certificat de sécurité en faveur de Latif en 2004 et la nationalité pakistanaise de ce dernier. Cela me semble d'autant ténu qu'aux termes du même programme elles lui en avaient émis un en 2003 (quelques mois auparavant, mais bien après les attentats de 2001). À l'époque pertinente (2003-2008), Bombardier a entrainé plusieurs autres pilotes arabes, musulmans ou originaires du Moyen-Orient qui se sont soumis aux mêmes vérifications de sécurité et qui ont reçu des réponses positives.

[128]     Enfin, l'inefficacité du profilage racial en matière de sécurité nationale, sujet de la troisième partie du rapport, appui les positions mises de l'avant par Bombardier et par son expert Dr Siskin voulant que le refus des autorités américaines en 2004 soit vraisemblablement fondé sur des informations autres que la nationalité de Latif.

[129]     Le Tribunal a conclu que la décision de refus de 2004 était discriminatoire puisqu'elle résulterait d'un profilage racial ayant pour cible les personnes arabes ou musulmanes. À mon avis, la preuve au dossier ne permettait pas une telle inférence.

[130]     À l'égard du programme en cause (ASFP), la preuve au dossier ne comporte pas des faits graves, précis et concordants[15], au sens de ce qu'écrivait le juge Lamer, alors de notre Cour, dans l'arrêt Longpré c. Thériault :

                        Pour conclure ainsi, j'ai fait mienne la notion qu'avait Larombière de la norme qui s'applique en l'espèce et qu'il énonça ainsi dans son Traité des obligations (1885 - T. 7, p. 215) :

            "Les présomptions sont graves, lorsque les rapports du fait connu au fait inconnu sont tels que l'existence de l'un établit, par une induction puissante, l'existence de l'autre… Les présomptions sont précises, lorsque les inductions qui résultent du fait connu tendent à établir directement et particulièrement le fait inconnu et contesté. S'il était également possible d'en tirer les conséquences différentes et même contraires, d'en inférer l'existence de faits divers et contradictoires, les présomptions n'auraient aucun caractère de précision et ne feraient naître que le doute et l'incertitude. Elles sont enfin concordantes, lorsque, ayant toutes une origine commune ou différente, elles tendent, par leur ensemble et leur accord, à établir le fait qu'il s'agit de prouver. Si elles se contredisent et se neutralisent, elles ne sont plus concordantes, et le doute seul peut entrer dans l'esprit du magistrat."[16]

(J’ajoute le caractère gras, je souligne.)

[131]     Le fait que la cause porte sur une matière de droits fondamentaux ne change rien aux exigences de la preuve en matière de présomptions : une telle preuve doit être faite selon les mêmes critères que ceux qui s'appliquent dans toute autre cause civile[17].

[132]     La preuve ne comporte pas de faits graves, précis et concordants voulant que les autorités américaines aient fait usage de profilage racial dans l'administration du programme AFSP.

[133]     Si les programmes commentés par Bahdi ciblent spécifiquement les arabes et les musulmans, ce n'est pas le cas du programme AFSP où la vérification de sécurité n'est effectuée qu'en raison d'une demande présentée par un candidat.

[134]     Ni le rapport Bahdi ni son témoignage n'apportent d'éclairage quant au programme AFSP : ils ne portent aucunement sur le processus de vérification de sécurité des candidats pilotes au cours des années pertinentes (2003 à 2008).

[135]     En 2003, au moment où Latif obtient une réponse favorable à la suite d'une demande de vérification de sécurité aux termes du programme AFSP, plusieurs programmes retenus par Bahdi, dont elle tire ses explications et suggestions, ont déjà pris fin.

[136]     En l'espèce, le rapport et le témoignage de Bahdi ne peuvent servir à l'établissement d'une présomption de profilage racial par le DOJ ou le TSA à l'égard des pakistanais (qui ne sont pas des arabes) dans le cadre des vérifications de sécurité à la demande de pilotes.

[137]     Pourtant, c'est ce que fait le Tribunal lorsqu'il déduit, de l’existence de programmes qui visent à soumettre des arabes et des musulmans à un « special scrutiny » (décrits dans le rapport de Bahdi), que les décisions prises par le DOJ ou le TSA dans le cadre des vérifications de sécurité constituent de la discrimination, bien que ces vérifications ne visent pas à soumettre les arabes ou les musulmans à une quelconque forme de « special scrutiny ».

[138]     Dans son mémoire, la Commission plaide que le rapport de Bahdi n'est qu'un des éléments de la preuve circonstancielle de discrimination dont disposait le Tribunal. À mon avis, cette proposition doit être écartée puisque le Tribunal lui-même écrit, au paragraphe 310 de son jugement :

[310]    (…) Nous ne connaissons ni le processus, ni les critères, ni les raisons objectives ayant mené les autorités américaines à refuser l'approbation de sécurité de monsieur Latif, autre que ce que le Tribunal a retenu de la preuve d'expertise présentée par madame Reem Anne Bahdi.

(Je souligne.)

[139]     La position de la Commission repose essentiellement sur l'inférence suivante : puisque les mesures antiterroristes mises en place aux États-Unis dans le domaine de l'aviation depuis septembre 2001, dont le programme ASFP, se situent dans le même axe que celles examinées par Bahdi - lesquelles ciblaient spécifiquement les arabes ou les musulmans - alors, celles du programme ASFP sont également discriminatoires.

[140]     Tenant compte des faits au dossier, cette inférence ne tient pas la route.

●    Au cours de l'année 2003, plusieurs des programmes analysés par Bahdi ont déjà pris fin.

●    Aucune preuve ne permet d'affirmer que le programme ici en cause (AFSP) vise en particulier les arabes et les musulmans.

●    Latif n'est pas arabe et Bahdi le reconnaît.

●    La religion n'est pas ici en cause.

●    En octobre 2003, Latif a reçu une approbation de sécurité lui permettant de recevoir une formation sous licence américaine.

●    Comme l'indique le contenu d'un courriel d'AFSP daté du 6 mai 2004, cité par le Tribunal, adressé à Latif, de nouvelles informations à son égard seraient à la base de la décision différente prise en 2004 :

On 4/23/2004, we explained to you that you were denied flight training in the U.S. We receive new information constantly on foreign flight candidates and base our decisions on all of the information we have at the time of the request for training. In October 2003, we based our decision to allow you to train based on the information we had at that time. In March 2004, we again based our decision on all the data we collected, which included new information. In your opinion the circumstances had not changed in six months; we disagree. The denial decision was made after to protect the national security of the U.S. There is no appeals process for non-U.S citizens.

(Soulignage dans l’original.)

●    Aucune preuve n'établit des changements d'attitudes, de politiques ou de pratiques du DOJ ou du TSA dans le traitement des vérifications de sécurité entre 2003 et 2008.

●    Latif croit qu'une erreur d'identité est en cause et plusieurs éléments de preuve pointent en cette direction.

[141]     Force est de constater la faiblesse du syllogisme appliqué par le Tribunal alors que la preuve ne permet pas de soutenir que la nationalité est à l'origine du refus de 2004.

[142]     Établir un lien causal entre un motif prohibé (origine nationale) et la mesure (le refus) était essentiel : la demande n'a pas réussi à le faire.

[143]     À la différence de l'affaire Gaz métropolitain[18] où notre Cour a confirmé une décision du Tribunal portant sur un cas de discrimination systémique, alors que les pratiques et politiques de l'entreprise fautive avaient fait l'objet d'une preuve élaborée, ici, le programme au cœur du litige (AFSP) n'a pas été décrit, non plus que les « politiques », les « pratiques établies » ou la « culture organisationnelle ».

[144]     La preuve présentée ne permettait pas de conclure que la Commission s'était déchargée de son fardeau d'établir que le refus des autorités américaines de permettre à Latif de suivre une formation en avril 2004 était fondé sur le motif prohibé de la nationalité. Ainsi, elle ne permettait pas, non plus, de conclure que celui de Bombardier l'était également.

[145]     Le Tribunal commet donc une erreur manifeste et déterminante lorsqu'il affirme, au paragraphe 309 de son jugement, que « l’expertise de madame Bahdi a permis d’établir que la décision du BATC a créé, à l’égard de monsieur Latif, une distinction fondée sur un des motifs interdits de discrimination, soit l’origine ethnique et nationale. »

[146]     Dans ces circonstances, il n'est pas nécessaire d'étudier les autres questions en litige identifiées. Cela dit, je me permets tout de même certaines observations quant à l'ordonnance générale émise et quant à la condamnation pour dommages punitifs.

L'ordonnance et les dommages punitifs

L'ordonnance

[147]     Aux fins de commodité, je reproduis de nouveau l'ordonnance attaquée :

ORDONNE à la défenderesse, Bombardier Inc. (Bombardier Aerospace Training Center) de cesser d'appliquer ou de considérer les normes et décisions des autorités américaines en matière de «sécurité nationale» lors du traitement de demandes de formation de pilote sous une licence de pilote canadienne;

[148]     Voici les raisons pour lesquelles le Tribunal l'émet :

[447]    Relativement à la première ordonnance, le Tribunal accueille cette demande quant à la licence de pilote canadienne seulement. La preuve présentée ne lui permet pas d'examiner, de façon complète et utile, la pertinence de rendre une ordonnance relative aux autres licences.

[448]    Bombardier a considéré une norme américaine comme un élément indépendant qui justifie une exclusion automatique au Canada pour un citoyen canadien, alors que cette norme américaine a été adoptée pour des raisons extraordinaires, est fondée sur des informations qui ne peuvent être dévoilées, et ce, pour obtenir des résultats qui ne peuvent être mesurés.

[449]    Partant, cette ordonnance participe d'une volonté de reconnaître la diversité et la flexibilité des réparations possibles dans la mise en œuvre des droits fondamentaux. Elle témoigne de l'importance d'assurer pour toute personne, pourra exercer le libre choix de son travail. Jointe à la conclusion relative à l'octroi de dommages punitifs, cette ordonnance pourrait avoir pour fonction, compte tenu de l'inégalité des forces en présence, de dissuader et dénoncer des gestes de même nature pour l'avenir. (…)

(Soulignage dans l’original.)

[149]     À mon avis, le Tribunal n'avait pas la compétence d'émettre l'ordonnance telle que libellée dont la portée est, au surplus, déraisonnable.

[150]     Le Tribunal possède la compétence d'émettre des ordonnances de faire ou de ne pas faire, mais cette compétence se limite à ce qui est requis et raisonnable pour redresser une situation problématique donnée aux termes des pouvoirs dévolus par la Charte.

[151]     Ici, au moment où le Tribunal a entendu le litige, aucune ordonnance n'était nécessaire : Latif avait obtenu la formation souhaitée et sa situation auprès du TSA était régularisée.

[152]     Le Tribunal ne pouvait prendre prétexte du dossier pour gérer les activités futures de Bombardier, une entité privée bénéficiant du principe de la liberté contractuelle.

[153]     L'ordonnance émise vise toutes les « normes et décisions » de toutes les « autorités américaines » en matière de « sécurité nationale », que cela soit en lien ou non avec la protection des droits fondamentaux. Elle ne comporte ni limite dans le temps, ni limite dans l'espace. Elle occulte tout contexte et tous changements de contexte.

[154]     Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal a retenu que Bombardier ne s'était pas déchargée de son fardeau de prouver le motif économique allégué, mais qu'adviendrait-il, par exemple, si la situation changeait et si les autorités américaines annonçaient effectivement leur intention de retirer à Bombardier son certificat de formateur sous licence américaine dans l'hypothèse d'une formation donnée à un pilote refusé par le TSA/DHS quelle que soit la licence sous laquelle cette formation est dispensée?

[155]     L'ordonnance émise dépasse largement les enjeux du litige.

Les dommages punitifs

[156]     Concernant les dommages punitifs, je suis d'avis que le Tribunal fait une erreur en concluant au caractère illicite et intentionnel de l'acte de refus de Bombardier.

[157]     Les principes pertinents à cet égard se trouvent à l'arrêt Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand :

117.     Contrairement aux dommages compensatoires, l’octroi de dommages exemplaires prévu au deuxième alinéa de l’art. 49 de la Charte ne dépend pas de la mesure du préjudice résultant de l’atteinte illicite, mais du caractère intentionnel de cette atteinteOr, une atteinte illicite étant, comme je l’ai déjà mentionné, le résultat d’un comportement fautif qui viole un droit protégé par la Charte, c’est donc le résultat de ce comportement qui doit être intentionnel.  En d’autres termes, pour qu’une atteinte illicite soit qualifiée d’«intentionnelle», l'auteur de cette atteinte doit avoir voulu les conséquences que son comportement fautif produira.

118.     Dans cette perspective, afin d’interpréter l’expression «atteinte illicite et intentionnelle», il importe de ne pas confondre le fait de vouloir commettre un acte fautif et celui de vouloir les conséquences de cet acte. (…)

119.     Ceci dit, il faut préciser le sens et la portée de l'expression «atteinte illicite et intentionnelle» à un droit garanti par la Charte.  Soulignons tout d’abord que, à l’instar des droits et libertés qui y sont protégés, les redressements prévus par la Charte, doivent recevoir une interprétation généreuse de façon à réaliser les objectifs qu'ils sous-tendent. (…)

121.     En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l'art. 49 de la Charte lorsque l'auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera.  Ce critère est moins strict que l'intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence.  Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.[19]

(Soulignage dans l’original, j’ajoute le caractère gras.)

[158]     Bref, pour condamner une personne à payer des dommages exemplaires, il faut que la preuve révèle une conduite fautive (une atteinte illicite) et une volonté que cette conduite fautive (atteinte illicite) engendre les conséquences. Comme l'écrivait notre Cour dans C.U.M. c. Cadieux, « il faut retenir que l'atteinte illicite doit constituer une faute au sens du droit civil[20]. »

[159]     La preuve révèle que Bombardier a refusé de donner la formation sous licence canadienne en raison de l'information reçue de TSA voulant que Latif présente un danger de sécurité.

[160]     Le Tribunal a conclu que Bombardier avait eu tort de se fier à cette information, sans autre vérification. Prenant appui sur la preuve d'expertise offerte par Bahdi, le Tribunal a conclu que cette information était le résultat d'un profilage racial, mais Bombardier l'ignorait. En effet, les admissions faites par les parties (reproduites plus tôt au présent jugement) indiquent clairement que Bombardier ignorait le fondement de la décision des autorités américaines.

[161]     Ainsi, dire à Bombardier qu'elle a fait erreur en se fiant sur l'information reçue des autorités américaines ne permet pas de conclure à un acte illicite et intentionnel de sa part, au sens requis pour justifier une condamnation à payer des dommages punitifs.

Conclusions

[162]     Je propose d'accueillir l'appel avec dépens, d'infirmer le jugement entrepris et de rejeter la demande avec dépens.

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 



[1]     Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bombardier inc. (Bombardier Aerospace Training Center), 2010 QCTDP 16.

[2]     Le motif retenu par le Tribunal est celui de l'origine ethnique ou nationale : voir le paragr. 314 du jugement.

[3]     L.R.Q., c. C-12.

[4]     L.R.Q., c. C-12.

[5]     Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bombardier inc. (Bombardier Aerospace Training Center), 2010 QCTDP 16.

[6]     Bombardier inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 322.

[7]     Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665, 2000 CSC 27, paragr. 84. Voir aussi Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90; Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712; Devine c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 790; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525.

[8]     Gaz métropolitain inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 1201.

[9]     Henri Brun, Guy Tremblay, Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 1177-1179.

[10]    Québec (Ville de) c. Commission des droits de la personne du Québec, JE 89-648, DTE 89T-448 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1989-09-28), 21495.

[11]    Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665, 2000 CSC 27, paragr. 84.

[12]    Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665, 2000 CSC 27, paragr. 81.

[13]    Or, il s'agit de la norme d'intervention applicable en semblables matières : voir Scottish & York Insurance Co. c. Victoriaville (Ville de), [1996] R.J.Q. 2908, 2915 (C.A.).

[14]    Il y en a quatre, mais la quatrième n'est qu'une bibliographie.

[15]    Article 2849 C.c.Q.

[16]    Longpré c. Thériault, [1979] C.A. 258.

[17]    Compagnie minière Québec-Cartier c. Commission des droits de la personne, J.E. 99-211, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1999-11-10), 27128.

[18]    Gaz métropolitain inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 1201.

[19]    Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211.

[20]    [2002] RJDT 80, paragr. 32.

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