Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Tassist et Clinique dentaire Thibault & ass.

2014 QCCLP 6310

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

17 novembre 2014

 

Région :

Laval

 

Dossier :

544279-61-1406

 

Dossier CSST :

142093103

 

Commissaire :

Virginie Brisebois, juge administrative

 

Membres :

Luc St-Hilaire, associations d’employeurs

 

Yves Gaudreau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Samira Tassist

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Clinique dentaire Thibault & ass.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 16 juin 2014, madame Samira Tassist (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 16 mai 2014 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 13 mars 2014 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle.

[3]           L’audience s’est tenue à Laval le 4 novembre 2014 en présence de la travailleuse. La Clinique dentaire Thibault & ass. (l’employeur) est absente. La cause a été mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           La travailleuse demande au tribunal de reconnaître qu’elle a subi une lésion professionnelle.

LA PREUVE

[5]           La travailleuse, qui est droitière, occupe un poste d’hygiéniste dentaire pour l’employeur depuis 2001. Elle travaille 32 heures par semaine pour cet employeur et en moyenne une dizaine d’heures pour une agence de placement, pour un total d’environ 42 heures hebdomadairement depuis 2004.

[6]           Ses tâches consistent à accueillir les patients, procéder à l’inspection, au nettoyage, au détartrage et au polissage de leurs dents. Elle effectue également des radiographies et nettoie et stérilise ses instruments de travail entre chaque patient.

[7]           Elle déclare que l’action la plus exigeante au niveau des doigts et de la posture de travail est le détartrage. Les tâches et les mouvements sont répétés et demandent une certaine force. Le tartre étant aussi dur que le calcaire, elle doit exercer une force et une pression pour réussir à tout déloger. Pour retirer le tartre, elle utilise une curette qu’elle tient de la main droite entre le pouce, l’index et le majeur. Afin de le déloger sans blesser la gencive, elle doit effectuer des efforts contrôlés. Les deux autres doigts (l’auriculaire et l’annulaire) servent de point d’appui sur le menton, la joue, la gencive ou la mandibule du patient.  Ainsi, elle explique que le petit doigt est généralement appuyé en extension et peut faire des mouvements de rotation, de flexion et d’extension.

[8]           Elle utilise également un appareil à ultrason pour décoller une partie du tartre accumulé sur les dents au-dessus des gencives. Elle tient cet instrument de la main droite de la même façon que la curette. Cet appareil produit des vibrations qu’elle dit ressentir, de façon diffuse, jusqu’au niveau de l’auriculaire, bien que ce doigt ne soit pas en contact direct avec l’appareil.

[9]           En ce qui concerne le polissage des dents, elle utilise une pièce à main (polissage avec embout rotatif et pâte à prophylaxie) et explique qu’elle effectue des mouvements répétés. Elle ressent une légère vibration avec cet instrument. De sa main gauche, la travailleuse manipule le miroir. Il s’agit des trois principales tâches d’une hygiéniste dentaire. Les autres tâches du nettoyage consistent à un examen exploratoire de la bouche du patient, le rinçage, la succion et la soie dentaire. 

[10]        La travailleuse dépose à l’audience le Guide de prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) en clinique dentaire[1] (le Guide) qui évalue le pourcentage de temps passé à chacune des sept étapes d’un traitement de nettoyage. Selon ce guide, un traitement de nettoyage - qui dure entre 45 minutes et une heure chez un adulte - se déroule comme suit :

 

ÉTAPES DU TRAITEMENT ET % DU TEMPS*

 

INSTRUMENTS

 

FACTEURS DE RISQUE DE TMS**

Examen (10 %)

Explorateur

 

Ultrasons (15 %)

Cavitron ou Piezon

Outil vibrant

 

 

 

Curettage (41 %)

 

 

 

Curettes

§  Prises en pince serrée

§  Postures contraignantes des poignets et des épaules

§  Gestes répétitifs

§  Postures statiques des épaules et du cou

 

 

 

Polissage (13 %)

 

 

 

Pièce à main

§  Outil vibrant

§  Prises en pince serrée

§  Postures contraignantes des poignets et des épaules

§  Gestes répétitifs

§  Postures statiques des épaules et du cou

 

 

 

 

Rinçage et succion (7 %)

 

 

 

Seringue à air et à eau

Succion lente

Succion rapide

§  Pressions du bout du pouce

§  Postures contraignantes des poignets et des épaules

§  Gestes répétitifs du pouce

§  Postures statiques des épaules et du cou

 

 

 

 

Soie dentaire (5 %)

 

 

 

Soie dentaire

§  Postures contraignantes des poignets et des épaules

§  Postures statiques des épaules et du cou

 

Pause (8 %)

Crayon (souvent)

 

 

* PROTEAU, 1997, résultats d’une moyenne de six traitements de nettoyage effectués   par trois hygiénistes.

** HECKER et al., Université de l’Oregon, 1995

 

[11]        La travailleuse déclare que les enfants composent environ 20 % de la clientèle et qu’un nettoyage prend une trentaine de minutes dans leur cas. En moyenne, elle affirme pouvoir faire onze nettoyages dans une journée de travail car elle est l’hygiéniste la plus rapide de la clinique.

[12]        Elle fait référence au guide où il est mentionné que parmi les hygiénistes dentaires ayant présenté des douleurs au cours des douze derniers mois, 52 % d’entre elles présentaient des douleurs aux poignets/mains[2].

[13]        On retrouve dans ce guide les principales pathologies affectant les poignets et les mains des hygiénistes dentaires. Il s’agit du syndrome du canal carpien, de la ténosynovite de De Quervain, du syndrome de Waterberg (compression du nerf radial) et des lésions tendineuses de la main.

[14]        Au chapitre des activités à risque de troubles musculosquelettiques aux poignets, aux pouces et aux mains, le guide[3] cible certaines positions à risque pour la main si des mouvements de flexion et/ou d’extension de la main sont effectués. Les déviations côté radial (du côté du pouce) ou cubital (du côté de l’auriculaire), sont également à risque. Finalement, les prises en pince représentent un risque pour le poignet, mais surtout pour le pouce.

[15]        Au niveau de l’activité de détartrage avec la curette, le guide[4] montre les postures à risque suivantes : l’extension du poignet (vers le dessus de la main), la flexion du poignet (vers l’intérieur de la main), la déviation cubitale du poignet (du côté de l’auriculaire), la déviation radiale du poignet (vers le pouce), la prise de la curette en pince serrée et les mouvements combinés de déviation et de rotation.

[16]        Sur le plan médical, la travailleuse mentionne qu’elle commence à ressentir des symptômes aux doigts en 2012. Le 6 février 2014, elle consulte le docteur Maurice Duquette, chirurgie orthopédique, qui retient le diagnostic de ténosynovite sténosante du petit doigt droit et mentionne que la travailleuse sera opérée.

[17]        À l’audience, la travailleuse déclare effectivement avoir subi une intervention chirurgicale par le docteur Duquette au majeur droit en avril 2013 et à l’auriculaire en avril 2014. D’ailleurs, elle commence à ressentir les mêmes symptômes au niveau du pouce gauche et croit qu’elle devra également subir une chirurgie à ce doigt prochainement. Elle déclare qu’en 2013, le docteur Duquette lui dit que sa condition n’est pas reliée à son travail d’hygiéniste. Il change d’avis par la suite et croit que son travail d’hygiéniste est la cause de sa problématique aux doigts.

[18]        À ce sujet, le 22 avril 2014, le docteur Duquette écrit une lettre au réviseur de la CSST dans laquelle il déclare avoir examiné la travailleuse et retenir le diagnostic de « ténosynovite sténosante de plusieurs doigts dont deux ont été opérés à ce jour. » Selon lui, la position de la travailleuse dans ses tâches d’assistante dentaire, « à savoir en flexion avec un appareil à hautes vibrations serait en grande partie associée à ses malaises». Il est d’avis qu’elle devrait faire une réclamation pour une maladie reliée au travail.

L’AVIS DES MEMBRES

[19]        Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la travailleuse a subi une lésion professionnelle. Il considère le témoignage de la travailleuse crédible et est d’avis que la présomption de maladie professionnelle trouve application puisque la travailleuse effectue des mouvements répétitifs avec une pression constante exercée sur l’auriculaire de la main droite. Selon lui, aucune preuve permettant le renversement de cette présomption n’a été présentée.

[20]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis contraire. Il considère que la travailleuse n’a pas démontré de façon prépondérante avoir subi une lésion professionnelle. La preuve ne démontre pas de répétitions de mouvements ou de pressions sur une période de temps prolongée impliquant la structure anatomique lésée ou encore que la travailleuse a été exposée à des instruments vibratoires de haute intensité. Il est d’avis que la preuve ne démontre pas davantage que la pathologie affectant la travailleuse est caractéristique de son travail d’hygiéniste dentaire ou qu’elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.  

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[21]        Le tribunal doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 6 février 2014.

[22]        L’article 224 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5] (la loi) prévoit que le tribunal est lié par le diagnostic retenu par le médecin traitant lorsqu’il n’y a pas de contestation à cet égard. Dans le présent dossier, le diagnostic émis par le médecin traitant et liant le tribunal est celui de ténosynovite sténosante de l’auriculaire droit.

[23]        L’article 2 de la loi définit la lésion professionnelle comme suit :


2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[24]        Par ailleurs, la travailleuse n’allègue pas la survenance d’un accident du travail mais d’une maladie reliée à son travail d’hygiéniste dentaire. La loi définit la maladie professionnelle comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[25]        La notion de maladie professionnelle doit être analysée en conjonction avec les articles 29 et 30 de la loi :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[26]        L’article 29 de la loi réfère à l’annexe I où les conditions d’application de la présomption sont prévues. Ainsi, si la travailleuse démontre qu’elle souffre d’une maladie énumérée à cette annexe et qu’elle a effectué un travail correspondant à ce diagnostic, elle est présumée être atteinte d’une maladie professionnelle. Elle n’a pas à faire la preuve d’un lien de causalité.

[27]         La section IV, paragraphe 2 de l’annexe I, énonce :

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

 

2.    Lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, ténosynovite):

un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

 

[28]        Le diagnostic de ténosynovite est prévu à l’annexe I. Pour bénéficier de l’application de la présomption, il faut la preuve de l’exercice d’un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées.

[29]        Quant à la notion de répétitions de mouvements ou de pressions, la jurisprudence retient des mouvements ou des pressions semblables, voire identiques, sollicitant fréquemment la structure lésée[6]. Par ailleurs, une multitude de gestes variés sollicitant la même structure anatomique peuvent également être considérés comme des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées[7]. Quant à la notion de périodes de temps prolongées, elle fait référence au nombre d’heures consacrées quotidiennement aux gestes répétitifs, et non au nombre d’années durant lesquelles le travail en cause a été accompli[8].

 

[30]        Concernant la sollicitation du petit doigt de la main droite, la preuve ne permet pas de conclure que la travailleuse exerce des mouvements répétitifs qui sollicitent la structure anatomique lésée, soit les tendons fléchisseurs.

[31]        En effet, la preuve ne démontre pas une sollicitation des tendons fléchisseurs de l’auriculaire dans les diverses activités d’un traitement de nettoyage dentaire. Au contraire, lors de l’activité la plus exigeante, soit celle du détartrage, le petit doigt est plutôt en position d’extension en appui sur la joue, la gencive ou la mandibule du patient. D’ailleurs, dans les illustrations contenues dans le Guide de prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) en clinique dentaire, le tribunal constate que la position de l’auriculaire lors de l’activité de détartrage avec la curette est en extension et non en flexion.

[32]        Par ailleurs, dans le guide déposé par la travailleuse, on retrouve les principales pathologies à risque au niveau des poignets et des mains dans le travail d’une hygiéniste dentaire. Il s’agit du syndrome du canal carpien, de la ténosynovite de De Quervain, du syndrome de Waterberg et des lésions tendineuses de la main. Dans cette dernière catégorie, on retrouve la ténosynovite inflammatoire non spécifique. À la région palmaire, elle se situe habituellement au niveau du tendon fléchisseur « de l’index, du médius et de l’annulaire qui sont les plus fréquemment atteints ainsi que le pouce[9] ».

[33]        Or, force est de constater que la pathologie qui affecte la travailleuse n’est pas parmi ces pathologies les plus souvent retrouvées chez les hygiénistes dentaires ou parmi les sites les plus touchés. D’ailleurs, selon le guide, la ténosynovite inflammatoire affecte généralement le tendon fléchisseur de quatre doigts, à l’exception de l’auriculaire. Or, c’est précisément ce doigt qui fait l’objet de la réclamation de la travailleuse.

[34]        Ainsi, la preuve prépondérante ne démontre pas une sollicitation de la structure anatomique lésée (le tendon fléchisseur de l’auriculaire) et, selon le guide, le seul doigt ne présentant pas de risque particulier d’être affecté par ce type de pathologie est l’auriculaire.

[35]        Par ailleurs, la travailleuse déclare à l’audience qu’elle utilise un appareil vibratoire, soit l’instrument à ultrason, et qu’elle ressent une vibration diffuse jusqu’au petit doigt droit. Le docteur Duquette parle quant à lui de la position de la travailleuse, « à savoir en flexion avec un appareil à hautes vibrations » qui serait en grande partie à l’origine de ses malaises.

[36]        Or, le tribunal considère que la position de la travailleuse lorsqu’elle manipule l’appareil à ultrason ou la curette ne sollicite pas les fléchisseurs de l’auriculaire. Contrairement à ce que prétend le docteur Duquette, il n’y a pas de pression ou tension en flexion exercée sur ce doigt. Ce doigt est appuyé en extension et n’est pas utilisé pour maintenir les instruments en flexion. Les tendons fléchisseurs de ce doigt ne sont donc pas sollicités de façon significative.

[37]        Il n’y a pas davantage de vibration significative transmise à ce doigt qui n’est pas en contact direct avec l’outil vibratoire. De toute manière, cet outil n’est utilisé que pendant environ 15 % du temps consacré à un nettoyage dentaire. La travailleuse déclare qu’un nettoyage dure entre 45 et 60 minutes, de telle sorte que l’instrument vibratoire n’est utilisé que quelques minutes à chacun des nettoyages.

[38]        Par ailleurs, le guide ne parle aucunement d’outil vibratoire dans les activités à risque de développer un trouble musculosquelettique aux poignets, aux mains ou aux pouces.

[39]        Par conséquent, en l’absence de répétitions de mouvements ou de pressions sollicitant la structure anatomique lésée, la présomption de l’article 29 ne peut trouver application.

[40]        Pour les mêmes motifs, la Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse n’a pas fait la démonstration que sa maladie a été contractée par le fait ou à l’occasion du travail et qu’elle est caractéristique du travail d’hygiéniste dentaire ou qu’elle est reliée aux risques particuliers de ce travail.

[41]        En effet, la travailleuse n’a pas déposé d’études épidémiologiques démontrant que le travail d’hygiéniste dentaire est susceptible de causer le développement d’une ténosynovite sténosante des fléchisseurs au niveau de l’auriculaire.

[42]        Quant à la notion de maladie reliée aux risques particuliers du travail, la preuve ne permet pas davantage au tribunal de conclure dans ce sens. On parle des risques particuliers d’un travail lorsque celui qui l’occupe, en raison de sa nature ou de ses conditions particulières, court davantage de risques de développer une maladie précise[10]. Pour démontrer la présence de risques particuliers, la preuve doit comporter une analyse des structures anatomiques atteintes par la maladie en question et par l’identification des facteurs biomécaniques, physiques ou organisationnels sollicitant ces structures[11]. De plus, il faut tenir compte de l’existence ou non des conditions personnelles de la travailleuse, vérifier la relation temporelle et regarder l’importance de l’exposition en termes de durée, d’intensité ou de fréquence[12]. Bref, la preuve doit établir de façon probante que la maladie affectant la travailleuse est principalement causée par l’exercice de son travail.

[43]        Dans le présent dossier, pour les motifs exposés plus haut, le tribunal considère que les gestes effectués par la travailleuse ne sont pas susceptibles de causer une ténosynovite sténosante du petit doigt droit. En effet, les gestes effectués par la travailleuse lors d’un nettoyage dentaire ne sollicitent pas de façon significative la structure anatomique lésée, soit les tendons fléchisseurs. En fait, le tribunal est d’avis que les activités reliées au nettoyage mettent davantage à contribution les tendons extenseurs de l’auriculaire que les tendons fléchisseurs.

[44]        Par conséquent, le tribunal juge que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de madame Samira Tassist, la travailleuse;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 16 mai 2014, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle.

 

 

 

__________________________________

 

Virginie Brisebois

 

 

 

 

 



[1]          Rose-Ange PROTEAU, [Montréal], ASSTAS, 2002 (édition révisée 2007).

[2]           Guide, p. 20.

[3]           Guide, p. 197.

[4]           Guide, p. 198.

[5]           RLRQ, c. A-3.001.

[6]           Frigon et Arboriculture de Beauce inc., C.L.P. 330347-04-0710, 15 juin 2010, D. Lajoie.

[7]           Bermex international inc. et Rouleau, [2005] C.L.P. 1574, révision rejetée, C.L.P. 233846-04-0405, 17 mars 2007, L. Nadeau; Noël et Logi-pose inc., 2013 QCCLP 353.

[8]           Ibid.

[9]           Guide, p. 247.

[10]         Air-Canada et Miclette, 2012 QCCLP 4980.

[11]         Renaud et Outil Pac inc., 2012 QCCLP 7418.

[12]         Bouchard et Québec (Ministère de la Justice), [2006] C.L.P. 913.

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