Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 16 mars 1993

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LE COMMISSAIRE:    Fernand Poupart
     DE MONTRÉAL

     RÉGION: ILE-DE-MONTRÉAL AUDITION TENUE LE:        18 novembre 1992
     DOSSIER: 22000-60-9009

     DOSSIER CSST: 9848 9461 A:                        Montréal
     DOSSIER BR:   6039 3164

     GODFREY AÉROSPATIAL INC.
     

480, boulevard Montréal-Toronto Lachine (Québec) H8S 1B8 PARTIE APPELANTE et MONSIEUR CLAUDE PROVENCHER 597, 23e Avenue app. 4 Lachine (Québec) H8S 3V3 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 19 septembre 1990, Godfrey Aérospatial Inc., l'employeur, en appelle d'une décision rendue par le bureau de révision de l'Ile- de-Montréal, le 24 juillet 1990.

Dans cette décision unanime, le bureau de révision infirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), le 8 février 1989, et déclare qu'en vertu des dispositions de l'article 235 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q., chapitre A-3.001] (la Loi), l'employeur est tenu d'assumer sa part des cotisations au régime d'assurance du travailleur, monsieur Claude Provencher, soit 3% du salaire de celui-ci pour la période du 15 janvier 1988 au 28 novembre 1988.

OBJET DE L'APPEL L'employeur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'il n'est pas tenu d'assumer une part des cotisations au régime d'assurance du travailleur pour la période du 15 janvier 1988 au 28 novembre 1988.

LES FAITS Le travailleur est concierge chez l'employeur. Il est aussi membre du syndicat regroupant les travailleurs de cette entreprise, soit la loge 1660 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aéronautique. Une convention collective conclue entre ce syndicat et l'employeur détermine ses conditions de travail et prévoit, entre autres, que les primes du régime d'assurance- groupe auquel il participe sont perçues de la façon suivante : «[...] 4.2 [...] b) Sur réception d'une autorisation signée par l'employé, la compagnie retient du salaire de cet employé ses contributions hebdomadaires, à raison de 52 par année, au plan d'assurance-groupe.

c) Les sommes ainsi retenues [...] sont remises chaque mois au trésorier du syndicat, avec un bilan des noms de ceux pour qui des retenues ont été faites et les montants de ces retenues.

d) La compagnie remet mensuellement au syndicat, pour une couverture d'assurance-groupe, une contribution d'un montant égal à 3% du montant de la feuille de paie pour le mois en question.

[...]» Le 15 janvier 1988, le travailleur subit une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi jusqu'au 28 novembre 1988 et la Commission accepte de lui verser l'indemnité de remplacement du revenu prévue à la Loi.

Le 5 décembre 1988, le travailleur envoie la lettre suivante à la Commission : «[...] En raison d'un accident du travail, j'ai été absent de mon travail du 15 janvier 1988 au 28 novembre 1988 et pendant cette période, mon employeur, [...] a omis de contribuer sa part pour maintenir ma protection d'assurance-collective, ceci à l'encontre de l'article 235 LATMP.

En conséquence, par la présente, je demande à la C.S.S.T. d'ordonner à mon employeur précité de se conformer à l'article 235 LATMP dans les plus brefs délais.

[...]» L'employeur conteste cette demande d'intervention de la Commission par le travailleur et, le 8 février 1989, la Commission rend la décision suivante : «Nous ne pouvons (donner) suite à votre demande du 5 décembre 1988 concernant l'application de l'article 235 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles étant donné que votre employeur ne possède pas un plan d'assurance-groupe couvrant ses employés, membres de la Loge 1660 de l'Association Internationale des Machinistes et des Travailleurs de l'Aéronautique.» Le travailleur demande la révision de cette décision de la Commission par un bureau de révision qui tient une audience, le 28 juin 1990, et rend la décision qui fait l'objet du présent appel, le 24 juillet 1990.

A l'audience tenue devant la Commission d'appel, les parties admettent que le travailleur a payé sa part des cotisations à son régime d'assurance-groupe pendant la période de son absence.

ARGUMENTATION DES PARTIES L'employeur plaide que la décision du bureau de révision doit être infirmée parce qu'elle est fondée sur une interprétation erronée des dispositions de l'article 235 de la Loi et des clauses de la convention collective qu'il a conclue avec le syndicat du travailleur. Il soutient qu'il s'est conformé aux stipulations de l'article 4.2, paragraphe d), de cette convention en versant au syndicat une contribution égale à 3% du salaire qu'il a versé à ses employés pendant toute la période en litige.

A son avis, cette contribution ne pouvait pas s'appliquer au travailleur parce que celui-ci ne recevait pas de salaire pendant ladite période.

L'employeur déclare finalement que le présent dossier porte essentiellement sur une question d'interprétation de la convention collective, laquelle aurait dû faire l'objet d'une procédure d'arbitrage et non d'une demande d'intervention de la Commission.

Le travailleur plaide qu'en vertu de l'article 235 de la Loi, il avait droit, pendant toute la période de son incapacité en raison d'une lésion professionnelle, aux mêmes avantages que s'il était demeuré au travail, notamment quant à sa participation au régime d'assurance-groupe offert dans l'établissement de l'employeur.

Cette disposition est d'ordre public et s'applique nonobstant toutes stipulations divergentes d'une convention collective.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel ne peut faire droit à l'appel de l'employeur pour les raisons ci-après exposées.

Le 5 décembre 1988, le travailleur s'est plaint à la Commission du refus de l'employeur de contribuer à son régime d'assurance- groupe, du 15 janvier 1988 au 28 novembre 1988, en contravention avec les dispositions de l'article 235 de la Loi. La Commission d'appel considère que le travailleur a alors soumis une plainte en vertu de l'article 32 de cette loi, estimant avoir fait l'objet d'une sanction ou d'une mesure discriminatoire parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle.

L'article 235 de la Loi prévoit ce qui suit : 235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle: 1 continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1); 2 continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1 ou 2 , selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.

Le travailleur a été absent de son travail, du 15 janvier 1988 au 28 novembre 1988, en raison d'une lésion professionnelle et a dûment payé sa part des cotisations au régime d'assurance-groupe auquel il participe. L'employeur reconnaît qu'il s'est engagé contractuellement à contribuer à ce régime, mais soutient qu'il n'était pas tenu de verser sa part des cotisations pendant l'absence du travailleur. Il invoque, à l'appui de cette prétention, le texte de l'article 4.2 de la convention collective alors en vigueur, lequel détermine les modalités de calcul et de versements de sa contribution.

La Commission d'appel estime cependant que cette clause contractuelle ne peut pas être invoquée à l'encontre des dispositions claires et explicites de l'article 235 de la Loi, lesquelles sont d'ordre public. Ces dispositions, comme celles de l'article 242 qui prévoient que l'absence d'un travail en raison d'une lésion professionnelle doit être considérée comme l'équivalent d'une période réelle de travail, ont pour but d'assurer au travailleur le maintien intégral de ses droits, particulièrement en matière d'ancienneté, de salaire et de participation à un régime de retraite et d'assurance.

L'employeur ne peut s'y soustraire en raison des difficultés que pourrait poser l'interprétation de l'article 4.2 de la convention collective qu'il a signée.

En conséquence, la Commission d'appel juge que la plainte du travailleur doit être accueillie et que l'employeur doit verser sa part des cotisations au régime d'assurance-groupe auquel celui-ci participe.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES, REJETTE l'appel de l'employeur, Godfrey Aérospatial Inc.; CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision de l'Ile- de-Montréal, le 24 juillet 1990; et DÉCLARE que l'employeur est tenu de payer sa part des cotisations au régime d'assurance-groupe du travailleur, monsieur Claude Provencher, pour la période du 15 janvier 1988 au 28 novembre 1988.

Fernand Poupart Commissaire MONSIEUR ANDRÉ ROYER McMaster Meighen 630, boulevard René-Lévesque ouest Bureau 700 Montréal (Québec) H3B 4H7 (représentant de la partie appelante) MONSIEUR VITO MOSSA 21, rue Horizon Pointe-Claire (Québec) H9S 5R2 (représentant de la partie intéressée)

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.