Dostie c. Procureur général du Canada | 2021 QCCS 4826 |
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COUR SUPÉRIEURE
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | ||||
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No : | 500-17-113921-202 | ||||
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DATE : | Le 22 novembre 2021 | ||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE SYLVAIN LUSSIER, J.C.S. |
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GAETAN DOSTIE et JUSTICE POUR LES PRISONNIERS D’OCTOBRE 70 | |||||
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Demandeurs | |||||
c. | |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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Défendeur | |||||
et INSTITUT DE RECHERCHE SUR L’AUTODÉTERMINATION DES PEUPLES ET LES INDÉPENDANCES NATIONALES (IRAI)
Partie intervenante amicale | |||||
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JUGEMENT | |||||
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APERÇU
[1] Le 17 mai 2021, le juge en chef Jacques R. Fournier a désigné le soussigné pour assurer la gestion particulière du présent dossier.
[2] Le Tribunal est saisi d’une demande en rejet de l’action intentée par monsieur Gaétan Dostie et Justice pour les prisonniers d’octobre 70 qui recherchent plusieurs conclusions déclaratoires relatives aux gestes posés à leur égard durant la Crise d’octobre de 1970, de même que des déclarations de nullité ou d’invalidité de plusieurs textes législatifs et règlementaires datant de la même période.
[3] En effet, les demandeurs recherchent un jugement déclaratoire d'invalidité constitutionnelle de la Proclamation déclarant qu’un état d’insurrection existe et a existé depuis le 15 octobre 1970[1], établie en vertu de la Loi sur les mesures de guerre[2], du Règlement de 1970 sur l’ordre public[3], adopté en vertu de cette loi ou par la suite dans le cadre de la Loi de 1970 sur l'ordre public[4].
[4] Pour les demandeurs, la Proclamation du 16 octobre 1970 en vertu de la Loi sur les mesures de guerre constitue un précédent historique en temps de paix au Canada qui est encore présent et actuel, notamment dans la mémoire collective des Québécois. Elle nécessite selon eux un débat juridique qui permettra à un tribunal de « préciser l'étendue des libertés fondamentales au Canada répondant ainsi à une difficulté réelle pour les victimes d'Octobre 1970 appelés à panser leurs plaies et pour les citoyens de ce pays attachés fièrement aux libertés fondamentales qu'il offre ainsi que de supporter leurs démarches en vue d'obtenir des excuses et une compensation ».
[5] Avant d’aborder les griefs formulés par les demandeurs, résumons la position du Procureur général du Canada[5] : Les textes normatifs attaqués ne sont plus en vigueur depuis plus de 30 ans. Tout jugement rendu à leur égard serait purement théorique et n’aurait aucune utilité pratique. Il en va de même quant aux griefs personnels de Monsieur Dostie, lesquels sont prescrits.
LE CONTEXTE
[6] Gaétan Dostie est un pédagogue, animateur culturel, essayiste et poète. Il est fondateur de la Médiathèque littéraire Gaétan Dostie et récipiendaire de la Médaille de l’Académie des Lettres du Québec (2006). Il n’a jamais été membre d’une organisation appelée Front de libération du Québec[6].
[7] Sa demande décrit en détail les deux arrestations dont il a fait l’objet les 16 et 17 octobre 1970, alors qu’il était étudiant en lettres. Elle décrit également succinctement ses conditions d’incarcération.
[8] Il passe 11 jours en prison avant d’être libéré sans qu’aucune accusation ne soit portée contre lui.
[9] Il allègue avoir été hanté par la peur de 1970 à 1984. Il décrit également les embûches auxquelles il a dû faire face durant toute sa carrière, du fait de son expérience d’octobre 1970 et du traumatisme qui en est résulté. Constatons malgré tout que sa carrière a été couronnée de succès et de reconnaissance publique, même s’il attribue à son passé qu’aucune demande de subvention dans ce domaine ne lui ait jamais accordée.
[10] Il allègue avoir appris à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Crise d’octobre qu’il était possible de rechercher une déclaration d’invalidité constitutionnelle des Proclamation, Loi et règlements qui ont permis son arrestation et sa détention arbitraires, sans qu’on l’ait accusé de quoi que ce soit ou sans qu’on ait démontré une quelconque participation au FLQ, visé par la législation et la réglementation fédérales entre octobre 1970 et avril 1971.
[11] Selon lui, sa demande ne constitue pas une tentative d'instrumentaliser le pouvoir judiciaire à des fins politiques mais bien l'inverse. Son recours vise plutôt à obtenir une « véritable solution à un problème toujours actuel qui a pour origine l'instrumentalisation par le gouvernement fédéral en 1970 de la puissance de l'État canadien, des forces policières et du pouvoir judiciaire pour venir à bout de personnes qui ne faisaient qu'exprimer des opinions politiques qui dérangeaient ».
[12] Avec l’appui de Justice pour les prisonniers d’Octobre 1970[7] et de l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales[8], intervenante amicale aux termes d’une permission accordée par la juge Johanne Mainville[9], il soutient[10] que :
a) L’article
b) Le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 contient une garantie implicite des droits fondamentaux qui s’applique malgré les dispositions dérogatoires contenues dans la Loi sur les mesures de guerre et la LOP et visant à écarter l’application de la Déclaration canadienne des droits.
c) Le règlement d’application adopté en vertu de la Loi sur les mesures de guerre ne bénéficie pas de la clause de dérogation prévue à la Déclaration canadienne des droits puisqu’il n’est pas le fait du législateur mais du Conseil Privé de la Reine pour le Canada et que la Déclaration canadienne des droits n’autorise pas une dérogation de cette ampleur;
d) De même, les actes abusifs commis par les forces de l’ordre durant la crise d’octobre 70 ne bénéficient pas de la clause de dérogation à la Déclaration canadienne des droits qui n’autorise pas l’adoption d’une clause qui recouvre de tels actes tel que celle que l’on retrouve dans la LOP.
e) Les alinéas 1 a)
f) Les dispositions dérogatoires (articles 8 et 12) de la LOP étant intimement liées à toutes les dispositions de cette loi, il est justifié que l’invalidité de la LOP au complet soit déclarée.
g) Le gouverneur général en conseil a abusé de son pouvoir discrétionnaire d'émettre la Proclamation, au motif qu'il n'existait pas, dans les faits, d'insurrection appréhendée au Canada à ce moment-là tel qu'il appert de la preuve à produire.
h) Le gouverneur général en conseil a commis, en émettant la Proclamation, une erreur de fait et de droit manifeste et déterminante. La présomption irréfragable fondée sur l'art.
[13] L’intervention volontaire conservatoire de l’IRAI ayant été rejetée par la juge Mainville, les demandeurs ont modifié leur demande introductive d’instance pour y ajouter certaines allégations du cru de l’IRAI [11]:
a) Le 16 octobre 1970 vers 3 heures, le Gouverneur général en conseil, invoquant la Loi sur les mesures de guerre, a émis une prétendue Proclamation « declaring that apprehended insurrection exists and has existed as and from the 15th October ».
b) Or, cette Proclamation n’ayant pas été émise en langue française, contrevient aux dispositions de l’art.
c) Le même jour à la même heure, le Gouverneur général en conseil, s’autorisant de cette Proclamation invalide et juridiquement inexistante, a immédiatement décrété le Règlement de 1970 concernant l’ordre public;
d) Par conséquent, ce Règlement se trouve lui-même frappé d’invalidité et commande également d’être déclaré invalide et considéré comme n’ayant jamais existé juridiquement.
[14] Ils reprochent au gouvernement du Canada d’avoir adopté la Proclamation sans la faire publier à la Gazette officielle du Canada. Suivent d’autres motifs d’ordre technique quant à la possibilité de faire rétroagir une disposition dérogatoire à la Déclaration canadienne des droits.
[15] Viennent enfin d’autres propositions plus générales et englobantes [12]:
a) L’invalidité formelle de la Proclamation, du Règlement et de la LOP, donnant lieu au rétablissement de la primauté du droit et de la justice fondamentale, implique par ailleurs la reconnaissance effective d’autres droits de la personne qui, bien que non enchâssés dans la Déclaration canadienne des droits, n’en faisaient pas moins partie du droit canadien en 1970, à savoir tous les droits résultant de la coutume et des principes généraux du droit international public, et tels qu’incorporés notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Or, il appert, ne serait-ce qu’au regard de la documentation historique, que les actes et choses faits invalidement par le gouvernement du Canada au nom des instruments précités, ont donné lieu à des violations des droits et libertés énoncés aux articles 2(1), 3, 5, 8, 9, 10, 11(2), 12, 17, 19 et 20 de cette Déclaration. Il s’ensuit que ces actes et choses commandent d’être considérés incompatibles avec tels principes et droits coutumiers, en tant qu’ils existaient au Canada en 1970 ;
b) En outre, il appert, ne serait-ce qu’au regard de la documentation historique, que les actes et choses faits invalidement par le gouvernement du Canada au nom des instruments précités, ont donné lieu à des violations du droit du peuple québécois à disposer de lui-même, tel que consacré notamment dans la Charte des Nations Unies et codifié à l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels , trois traités auxquels le Canada est partie et qu’il s’est engagé à exécuter de bonne foi. Or, en vertu d’une méthode d’interprétation du droit interne développée par la Cour suprême et désormais bien admise, la teneur invalide de ces actes et choses devra aussi s’apprécier, en l’espèce, à l’aune de ces dispositions ;
[16] Les conclusions de la demande introductive d’instance modifiée ratissent plus large que les paragraphes très ciblés que nous venons de voir :
DÉCLARER l’invalidité constitutionnelle de la « Proclamation declaring that apprehended insurrection exists and has existed as and from the 15th October, 1970, C.P. 1970-1807, du Règlement de 1970 concernant l’ordre public, C.P. 1970-1808, de la Loi de 1970 concernant l’ordre public (mesures provisoires), S.C. 1970-71-72 et de tous les actes et toutes les choses faits invalidement par le gouvernement du Canada au nom des instruments invalides précités;
DÉCLARER que les droits fondamentaux énoncés à la Déclaration canadienne n’ont jamais été suspendus au Canada entre le 16 octobre 1970 et le 30 avril 1971 (date de la fin de l’application de la LOP).
DÉCLARER qu’il y a eu au Québec une violation systématique des droits fondamentaux énoncés à la Déclaration canadienne entre le 16 octobre 1970 et le 30 avril 1971 de plus de 500 personnes arrêtées et détenues, dont le demandeur Gaétan Dostie et de plus de 30,000 personnes perquisitionnées.
LE TOUT avec les frais de justice contre la partie défenderesse.
[17] Il faut savoir que la Proclamation a cessé d’avoir effet le 3 décembre 1970, la LOP ayant décrété à l’article 13 que la Proclamation du 16 octobre 1970 cessait d’avoir effet le jour de la sanction de la LOP, soit le 3 décembre 1970.
[18] Aux termes de l’article 14 de la LOP, toute infraction commise en vertu du Règlement de 1970 sur l’ordre public devenait « une infraction commise… sous le régime… de la présente loi ».
[19] L’article 15 de la LOP prévoyait qu’elle cesserait de s’appliquer au plus tard le 30 avril 1971, ce qui fut le cas.
[20] La Loi sur les mesures de guerre a été abrogée par l’article
[21] Les textes législatifs et instruments statutaires visés par la Demande ne sont plus en vigueur ou applicables depuis plus de cinquante ans. Le dernier vestige de cette législation a disparu il y a plus de 33 ans. La Loi sur les mesures d’urgence n’a jamais été invoquée depuis son adoption.
QUESTIONS EN LITIGE
[22] Le recours a-t-il été intenté dans un délai raisonnable?
[23] Les questions soulevées par les demandeurs sont-elles théoriques?
[24] Les cas échéant, le Tribunal devrait-il exercer sa discrétion pour permettre au recours de continuer?
[25] Pour les raisons qui suivent, le Tribunal juge que le recours n’a pas été intenté dans un délai raisonnable, que les questions dont la Cour pourrait demeurer saisie sont devenues théoriques et qu’il n’y a pas lieu pour la Cour de demeurer saisie du litige, en vertu de la discrétion dont elle dispose.
ANALYSE
[26] Pour le PGC, le recours ne soulève aucune difficulté réelle et est tardif. Un éventuel jugement n’apporterait pas de solution pratique. Tout au plus, si le recours devait être accueilli, les parties demanderesses obtiendraient un jugement ayant une valeur purement politique.
[27] Les demandeurs ne nient pas rechercher un appui juridique à leurs revendications qui sont d’ordre politique, soit d’obtenir une reconnaissance de la violation de leurs droits, des excuses, et possiblement une compensation. Leur demande introductive d’instance modifiée reconnaît rechercher à « supporter leurs démarches en vue d'obtenir des excuses et une compensation »[14].
[28] L’article 529 C.p.c régit le cadre procédural de la demande d’invalidité. Cet article prévoit :
529. La Cour supérieure saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire peut, selon l’objet du pourvoi, prononcer l’une ou l’autre des conclusions suivantes:
1° déclarer inapplicable, invalide ou inopérante une disposition d’une loi du Québec ou du Canada, un règlement pris sous leur autorité, un décret gouvernemental ou un arrêté ministériel ou toute autre règle de droit;
(…)
Le pourvoi doit être signifié dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture.
[29] Depuis l’adoption du nouveau Code de procédure civile en 2016, il est établi que cet article englobe les recours en nullité et en jugement déclaratoire qui pouvaient avoir une existence autonome en vertu de l’ancien Code de procédure civile[15]. L’article
[37] Dans une volonté de codifier le pouvoir de la Cour supérieure en contrôle judiciaire sous le même article, l’Assemblée nationale, au moment d’adopter le nouveau Code de procédure civile, a scindé l’article 453 de l’ancien C.p.c. qui statuait des requêtes en jugement déclaratoire. Le paragraphe 1 de l’article 529 du nouveau C.p.c. reprend, comme l’indique la Ministre dans ses Commentaires, « sous certains aspects de droit public, la requête pour jugement déclaratoire qui était prévue à l’article 453 de l’ancien code ». Ce paragraphe, comme l’explique Me Pierre Giroux, « conserve donc la portée de l’article 453 a C.p.c., mais uniquement dans la mesure où il s’agit de vérifier la validité constitutionnelle » d’une règle de droit. La détermination des droits privés par jugement déclaratoire, quant à elle, est plutôt prévue à l’article 142 du nouveau C.p.c.
[38] Le paragraphe 1 de l’article 529 du nouveau C.p.c. codifie donc le pouvoir de la Cour supérieure d’émettre des jugements déclaratoires à l’égard de tous (erga omnes) sur la constitutionnalité de toute règle de droit.
[39] Il doit être distingué du paragraphe 2 de l’article
[30] Par contre, les critères développés quant à la recevabilité d’une demande pour jugement déclaratoire demeurent ceux qui existaient en vertu de l’article 453 a.C.p.c.:
(1) l’existence d’une difficulté réelle à résoudre;
(2) un intérêt direct et actuel se rattachant à la difficulté réelle;
(3) que le tribunal soit compétent pour entendre le litige.
[31] La Cour d’appel le rappelait encore récemment[17] :
[14] Le recours en jugement déclaratoire est un véhicule procédural discrétionnaire et, en exerçant sa discrétion en cette matière, la Cour supérieure peut prendre en considération des facteurs tels que l’existence d’un autre recours efficace ou encore les principes directeurs du Code de procédure civile, incluant l’utilité et la proportionnalité. Notons que le troisième paragraphe de l’article
[15] Le jugement déclaratoire doit viser à solutionner une difficulté réelle, non pas une difficulté hypothétique ou théorique. (Références omises)
[32] La Cour suprême réitérait l’existence de ces exigences dans un autre jugement récent[18]:
[41] En droit civil québécois, le jugement déclaratoire est généralement non coercitif et ne porte que sur l’existence de droits ou d’obligations (…) La Cour d’appel du Québec a récemment réitéré les quatre critères auxquels il faut qu’il soit satisfait pour qu’une cour prononce un jugement déclaratoire : 1) il existe une difficulté réelle; 2) le demandeur a un intérêt direct et actuel se rattachant à la difficulté réelle; 3) la source de la difficulté est identifiée comme un écrit ou une loi; 4) l’objectif du demandeur, pour résoudre cette difficulté, est de faire déterminer un droit, un pouvoir ou une obligation : Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics de la région de Québec c. Hôtel Forestel Val‑d’Or inc.,
[42] Un jugement déclaratoire est une réparation d’une portée restreinte qui peut être obtenue sans avoir à réclamer de réparation en conséquence. Il n’est toutefois rendu que s’il a une utilité pratique : Manitoba Metis Federation Inc., par. 143. (Le Tribunal souligne)
[33] La situation est la même en droit constitutionnel et public. Dans l’arrêt Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien)[19], la juge Abella écrivait pour la Cour :
[11] Dans le plus récent des arrêts sur le sujet, Canada (Premier ministre) c. Khadr,
[34] Quatre conditions de recevabilité ressortent à la lecture de ces arrêts :
a) Le Tribunal doit être compétent.
b) Le recours déclaratoire doit, dans certains cas, être intenté dans un délai raisonnable.
c) Il doit avoir une utilité pratique.
d) La partie demanderesse doit avoir l’intérêt juridique pour se pourvoir.
[35] Cependant, le Tribunal a discrétion pour faire droit au recours même s’il n’a plus d’utilité pratique entre les parties. Cette discrétion doit s’exercer judiciairement selon des critères qui seront examinés.
[36] La Cour supérieure est le tribunal de droit commun[20]. En vertu de l’article
[37] Il n’est donc pas nécessaire de se demander si la Cour supérieure conservait sa compétence[24] à l’égard de la validité de la Proclamation, entrée en vigueur avant l’entrée en vigueur de la Loi sur la Cour fédérale,[25] le 1er juin 1971.
[38] On peut se poser la question relativement à la demande d’invalidité constitutionnelle de « tous les actes et toutes les choses faits invalidement par le gouvernement du Canada au nom des instruments invalides précités ». Il apparaitra ci-après que la demande à cet égard n’est pas faite dans un délai raisonnable.
[39] La Cour supérieure est compétente, rationae materiae, pour entendre la cause.
[40] Il ne saurait être question d’appliquer ici le délai standard de trente jours qui s’applique par défaut à un recours en révision judiciaire[26].
[41] La Cour suprême a néanmoins mis en garde contre le laxisme qui pourrait résulter de la non application de la règle. Elle a jugé qu’un délai de 16 ans pour attaquer un règlement municipal était un délai déraisonnable :
[36] Bien qu’un certain assouplissement puisse être souhaitable dans l’évaluation du caractère raisonnable du délai dans les affaires d’inopposabilité (…) cette souplesse ne saurait être interprétée comme ayant pour effet d’écarter l’obligation d’agir dans un délai raisonnable. Autrement dit, l’auteur d’une demande en inopposabilité n’est pas, contrairement à ce qu’avance la Société, soustrait à l’obligation de faire montre de diligence dans la saisine de la Cour supérieure afin qu’elle exerce sa compétence inhérente en matière de contrôle des actes de l’Administration.
[42] Elle réitéré le principe établi dans l’arrêt Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village),[27] voulant qu’une action en nullité soit exercée avec diligence, à moins que l’absence totale de compétence soit invoquée.
[43] De ce fait, les recours pour faire déclarer une loi inconstitutionnelle ne sont pas assujettis au délai raisonnable ou à la prescription. Comme l’écrivait le juge Pierre J. Dalphond, alors en Cour supérieure :
14 De toute façon, une entreprise ne saurait devenir de juridiction fédérale ou provinciale par le seul écoulement du temps. L'assujettissement à la loi constitutionnellement applicable peut être soulevé en tout temps, car il s'agit d'un droit d'intérêt public (Syndicat des employés du commerce de Rivière-du-Loup(section Émilio Boucher, C.S.N.) c. Turcotte
[44] Dans l’arrêt Greater Montreal Protestant School Board c. Québec (Procureur général)[29], où il était question de législation portant atteinte aux droits et privilèges reconnus aux protestants par l'article
124 Nous sommes ici en matière constitutionnelle. Lorsqu'une difficulté de la nature de celle qui nous préoccupe fait surface et qu'elle intéresse une partie importante de la population d'une province, le besoin de sa détermination immédiate me paraît évident, en supposant même qu'on ait retardé à engager les procédures judiciaires.
125 Pour qu'une difficulté nécessite une détermination “immédiate” il suffit qu'elle soit née et actuelle (Le Syndicat des Professeurs de l'Université du Québec a Trois-Rivières c. Durand, C.A.Q. 200-09-000703816/5 février 1982; Le Syndicat National de l'Amiante d'Asbestos Inc. c. Nadeau & Champoux, C.A.M.
126 Ce n'est pas la diligence comme telle qui conditionne ce recours.
[45] Le présent recours n’est donc pas assujetti à l’exigence d’avoir été intenté dans un délai raisonnable, dans la mesure où il recherche une déclaration d’inconstitutionnalité de certains textes législatifs et règlementaires. Il faudra cependant se demander si cette règle vaut à l’égard de lois et de règlements qui ne sont plus en vigueur.
[46] Par ailleurs, le délai pour demander de déclarer « qu’il y a eu au Québec une violation systématique des droits fondamentaux énoncés à la Déclaration canadienne entre le 16 octobre 1970 et le 30 avril 1971 de plus de 500 personnes arrêtées et détenues, dont le demandeur Gaétan Dostie et de plus de 30,000 personnes perquisitionnées », dans la mesure où ce n’est pas un texte législatif ou règlementaire qui est visé, est déraisonnable, quelle que soit la période de référence utilisée.
[47] Il en va de même de la demande visant l’invalidité de « toutes les choses fait(e)s invalidement par le gouvernement du Canada au nom des instruments invalides précités ».
[48] Outre l’imprécision totale de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de s’interroger longuement pour conclure qu’un délai de cinquante ans n’est pas raisonnable.
[49] Il a été dit plus haut que le Code de procédure civile prévoit que les tribunaux ne doivent pas se saisir de recours théoriques. L’article 10 dispose à cet égard :
10. Les tribunaux ne peuvent se saisir d’office; il revient aux parties d’introduire l’instance et d’en déterminer l’objet.
Les tribunaux ne peuvent juger au-delà de ce qui leur est demandé. Ils peuvent, si cela s’impose, corriger les impropriétés dans les conclusions d’un acte de procédure pour donner à celles-ci leur véritable qualification eu égard aux allégations de l’acte.
Ils ne sont pas tenus de se prononcer sur des questions théoriques ou dans les cas où le jugement ne pourrait mettre fin à l’incertitude ou à la controverse soulevée, mais ils ne peuvent refuser de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi.
[50] Dans le Grand collectif, Me Jean-François Côté écrit au sujet des recours théoriques [30]:
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« VI — Les questions théoriques
Le troisième alinéa de l'article 10 mentionne la faculté des tribunaux de ne pas se prononcer sur des questions théoriques. Il s'agit de la codification d'une règle déjà bien établie par la jurisprudence.
L'analyse applicable à l'audition d'une affaire théorique a été décrite dans l'affaire Borowski c. Canada (Procureur général), EYB 1989-95668,
La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal puisse refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision [...]. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer.
La démarche applicable à l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire comporte une analyse en deux temps. Il faut d'abord vérifier si le différend concret et tangible a véritablement disparu et si la question est devenue purement théorique. Il s'agit du critère du « litige actuel ». La jurisprudence enseigne par exemple que l'abrogation d'une disposition dont la constitutionnalité est contestée, l'engagement pris par une partie de payer le montant d'une condamnation prononcée par un tribunal inférieur, la vente d'un commerce pour lequel l'émission d'un permis était recherchée ou le décès d'une partie peut rendre un litige théorique.
Lorsque le caractère théorique d'un litige est avéré, le tribunal doit décider si les circonstances justifient qu'il exerce son pouvoir discrétionnaire et entende l'affaire malgré tout.
…
Sous réserve de la possibilité que le gouvernement le fasse par renvoi, les tribunaux refuseront normalement de se saisir d'une demande équivalant pratiquement à une demande abstraite d'opinion juridique. » (Le Tribunal souligne)
[51] La question de la discrétion de procéder tout de même à l’étude du dossier sera analysée plus loin.
[52] Les auteurs Ferland et Emery ont écrit à ce sujet, dans le cadre de leur étude de la demande pour jugement déclaratoire[31] :
1-1157 – Le demandeur doit rechercher la « solution » d'une « difficulté réelle », non au sens d'une instance déjà introduite, selon la Cour suprême – il y aurait alors « une espèce de litispendance » –, mais au sens d'une controverse entre deux parties, autre qu'un litige ou une controverse purement politique[32], non de simples questions hypothétiques[33] ou des difficultés d'interprétation fictives, mais des difficultés réelles d'interprétation, et non pas une simple difficulté liée à l'exécution notamment d'un certificat d'autorisation.
1-1158 – Le demandeur doit rechercher devant le tribunal, non une simple opinion, mais un jugement susceptible de mettre fin à l'incertitude ou à la controverse entre les parties, à défaut de quoi le tribunal pourrait refuser de prononcer jugement (art. 10, al. 3).
1-1159 – Cette difficulté réelle et actuelle à solutionner ne doit pas nécessairement provenir d'un acte de la partie intimée. Cependant l'inexistence actuelle d'un acte de la partie adverse peut rendre le recours hypothétique. (Certaines références omises)
[53] La Cour suprême s’est saisie à plusieurs reprises de la question des recours théoriques :
[54] Le juge Martland, au nom de la majorité dans Borowski, énonce les critères élaborés dans les arrêts McNeil et Thorson et qui seront appliqués par la suite :
« …ces arrêts décident que pour établir l’intérêt pour agir à titre de demandeur dans une poursuite visant à déclarer qu’une loi est invalide, si cette question se pose sérieusement, il suffit qu’une personne démontre qu’elle est directement touchée ou qu’elle a, à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validité de la loi, et qu’il n’y a pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. A mon avis, l’intimé répond à ce critère et devrait être autorisé à poursuivre son action. »[43]
[55] Le PGC concède, avec raison, qu’il n’y a pas d’autre manière de soumettre la question à la Cour.
[56] À titre d’exemple de recours utile, mentionnons l’affaire Khadr[44]. Celui-ci étant toujours détenu aux États-Unis, un jugement déclarant que ses droits avaient été violés, malgré l’absence de caractère contraignant, pouvait avoir un effet positif dans les négociations menant à son rapatriement et à la fin de sa détention :
[46] En l’espèce, les incertitudes au chapitre de la preuve, les limites de la compétence institutionnelle de la Cour et la nécessité de respecter les prérogatives de l’exécutif nous amènent à conclure que la réparation appropriée est de nature déclaratoire. Le jugement déclaratoire d’inconstitutionnalité est un redressement discrétionnaire : Operation Dismantle, p. 481, citant Solosky c. La Reine, 1979 CanLII 9 (CSC),
[47] La solution à la fois prudente pour l’instant et respectueuse des responsabilités de l’exécutif et des tribunaux consiste à ce que la Cour fasse droit en partie à la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Khadr et prononce un jugement déclaratoire en sa faveur informant le gouvernement de son opinion sur le dossier dont elle est saisie, opinion qui fournira, pour sa part, à l’exécutif, le cadre juridique en vertu duquel il devra exercer ses fonctions et examiner les mesures qu’il conviendra de prendre à l’égard de M. Khadr, en conformité avec la Charte.
[57] De toute évidence, l’intérêt de monsieur Khadr était « né et actuel ».
[58] L’article
« L’intérêt du demandeur qui entend soulever une question d’intérêt public s’apprécie en tenant compte de son intérêt véritable, de l’existence d’une question sérieuse qui puisse être valablement résolue par le tribunal et de l’absence d’un autre moyen efficace de saisir celui-ci de la question. »[45]
[59] Il apparaît que le texte de cet alinéa s’inspire des paramètres établis par la Cour suprême.
[60] La demande de jugement déclaratoire n’est cependant pas là pour pallier à la disparition du droit d’action par prescription.
[61] Quel que soit l’angle sous lequel on aborde l’intérêt juridique de monsieur Dostie, force est de constater que son recours est prescrit.
[62] La prescription pour dommages résultant de délits ou quasi-délits en vertu de l’article
[63] En vertu de l’article
[64] En vertu de l’article
[65] Dans le cas de l’interprétation la plus favorable, soit celle de l’article
[66] D’après les allégations de la demande, monsieur Dostie a eu conscience de son traumatisme et de sa cause en 1984.
[67] Son recours ne peut être que prescrit.
[68] Celui dont le recours est prescrit n’a pas l’intérêt juridique agir en justice. L’intérêt s’apprécie au jour du dépôt de la demande en justice[48].
[69] La question de la prescription a été étudiée dans un contexte de demande de jugement déclaratoire visant l’incompatibilité d’une loi avec la Charte canadienne des droits et libertés.
[70] Dans l’arrêt Ravndahl c. Saskatchewan[49], l’appelante avait cessé de recevoir sa pension de veuve de la Workers’ Compensation Act de 1978 de la Saskatchewan à la suite de son remariage en octobre 1984. Après ce remariage, des modifications législative et réglementaire ont prévu qu’une compensation continuait à être versée à un conjoint survivant à charge, si son remariage a eu lieu le 17 avril 1985 — le jour où l’art. 15 de la Charte est entré en vigueur — ou après cette date. Ces modifications ne s’appliquaient pas à l’appelante étant donné la date de son remariage. En 1999, une loi spéciale prévoyant le paiement d’une somme globale aux personnes qui ne touchaient plus de pension de conjoint parce qu’elles s’étaient remariées avant le 17 avril 1985 a été adoptée. L’appelante ne s’est pas prévalue de cette loi. Elle a plutôt intenté, en 2000, un recours fondé sur l’art. 15 de la Charte en vue d’obtenir une ordonnance rétablissant sa pension de conjointe et lui octroyant des dommages‑intérêts et déclarant les modifications législatives et la loi de 1999 inopérantes.
[71] Son recours personnel a été jugé prescrit :
[18] Afin de déterminer si les demandes de réparations personnelles de l’appelante sont prescrites, il est nécessaire d’arrêter le moment où sa cause d’action a pris naissance. Selon moi, sa cause d’action a pris naissance le 17 avril 1985, lorsque l’art. 15 de la Charte est entré en vigueur.
[20] (…) La cause d’action de l’appelante doit être fondée, comme il a été expliqué précédemment, sur l’inconstitutionnalité de la Loi de 1978. Le fait que le législateur a tenté subséquemment d’atténuer les effets discriminatoires de la législation ne crée pas de nouvelle cause d’action pour l’appelante. Les dispositions réparatrices n’ont eu aucune incidence sur sa situation.
[24] Puisque la cause d’action de l’appelante a pris naissance le 17 avril 1985 et que le délai de prescription de six ans prévu à l’art. 3 de la Limitation of Actions Act s’applique, les demandes de réparations personnelles de l’appelante — introduites presque une décennie après le délai imparti — sont prescrites.
[72] Il a par contre été décidé par la Cour suprême que madame Ravndahl pouvait tenter d’obtenir d’une déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions législatives contestées dans la mesure où elles s’appliquaient selon des critères discriminatoires. La question a été déférée au tribunal d’instance :
[26] Il appartiendra à la juge de première instance de décider de l’opportunité de prononcer une déclaration d’invalidité et, dans l’affirmative, de se prononcer sur les réparations qui devraient être accordées, le cas échéant. Comme les demandes de réparations personnelles sont prescrites, les réparations découlant de l’application de l’art. 52 ne seraient pas personnelles. Il s’agirait plutôt de réparations dont pourrait bénéficier l’appelante, à titre de personne touchée.
[27] Il est important d’établir une distinction entre les réparations personnelles — ou in personam — sollicitées par l’appelante en tant qu’individu, et les réparations in rem qui découlent de l’application de l’art. 52 et qui permettent d’accorder une prestation à l’appelante et à toutes les personnes touchées au même titre qu’elle.
[73] Il faut toutefois noter que les dispositions contestées demeuraient en vigueur et que des justiciables étaient susceptibles d’en être affectés.
[74] Force est de constater qu’une fois de plus, c’est la discrétion du juge qui est sollicitée.
[75] L’intérêt juridique doit donc s’apprécier dans le contexte du dossier, en usant au besoin de la discrétion judiciaire.
[76] C’est en effet ce que rappelle le juge Cromwell dans l’arrêt Downtown Eastside,[50] qui concernait une contestation constitutionnelle des dispositions du Code criminel relatives à la prostitution. Se posait la question de l’intérêt de la Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, dont l’objet consistait notamment à améliorer les conditions de travail des travailleuses du sexe. En lui accordant le statut juridique requis, le juge écrit :
(4) Le pouvoir discrétionnaire
[35] Depuis les premières décisions modernes concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public, la question de la qualité pour agir a été considérée comme une question dont la solution est tributaire de l’exercice avisé du pouvoir discrétionnaire judiciaire. Comme l’a affirmé le juge Laskin dans Thorson, la qualité pour agir dans l’intérêt public « est une matière qui relève particulièrement de l’exercice du pouvoir discrétionnaire des cours de justice, puisqu’elle se rapporte à l’efficacité du recours » (p. 161); voir aussi p. 147 et 163; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, 1975 CanLII 14 (CSC),
[36] En conséquence, les trois facteurs ne doivent pas être perçus comme des points figurant sur une liste de contrôle ou comme des exigences techniques. Ils doivent plutôt être vus comme des considérations connexes devant être appréciées ensemble, plutôt que séparément, et de manière téléologique.
[77] C’est en usant du pouvoir discrétionnaire de la Cour que l’on déterminera si le Tribunal est saisi d’une cause « justiciable ». Ce terme revient en effet dans presque tous les arrêts de la Cour suprême ayant examiné la question de l’intérêt public à agir. S’il est constant en anglais (justiciable), sa traduction varie.
[78] Si le terme « question justiciable » est utilisé dans les arrêts Downtown Eastside, Mikisew[51], S.A. c. Metro Vancouver Housing Corp.[52], et Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses[53], il est traduit autrement dans d’autres arrêts. L’arrêt Haig[54] utilise l’expression « décision politique ne relevant pas de la compétence des tribunaux » et l’arrêt Ethiopian Orthodox Tewahedo Church [55] parle de « véritable question litigieuse ».
[79] Retenons pour nos fins l’expression « question sérieuse qui puisse être valablement résolue » de l’article
C. Justiciabilité
[32] Il est possible de faire droit au présent pourvoi pour les motifs énoncés précédemment. Toutefois, je tiens à ajouter quelques observations sur la question de la justiciabilité, puisque celle‑ci a été soulevée par les parties et examinée par la Cour d’appel. En plus d’être limitée par des questions de compétence, et ce, même lorsque leur intervention est demandée uniquement pour des raisons fondées sur l’équité procédurale, la capacité des tribunaux d’intervenir à l’égard des décisions d’associations volontaires est également limitée par la notion de justiciabilité. La justiciabilité est une notion qui s’attache à l’objet du différend et se traduit par la question générale suivante : Est‑on en présence d’une question qu’il convient de faire trancher par un tribunal?
[33] Lorne M. Sossin définit ainsi la justiciabilité :
[Traduction]. . . un ensemble de règles, de normes et de principes jurisprudentiels qui délimitent le champ d’application de l’intervention judiciaire dans la vie sociale, politique et économique. Bref, si une question est considérée comme se prêtant à une décision judiciaire, on dit qu’elle est justiciable; si une question n’est pas considérée comme se prêtant à une décision judiciaire, on dit qu’elle n’est pas justiciable.
(Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada (2e éd. 2012), p. 7)
En termes plus simples, [traduction] « [l]a justiciabilité ou non‑justiciabilité d’une question consiste à décider si celle‑ci doit être tranchée par les tribunaux » : ibid., p. 1.
[34] Il n’existe pas un ensemble précis de règles délimitant le champ d’application de la notion de justiciabilité. En effet, la justiciabilité est dans une certaine mesure tributaire du contexte, et l’approche appropriée pour statuer sur la justiciabilité d’une question doit être empreinte de souplesse. Le tribunal qui est appelé à le faire doit se demander s’il dispose des attributions institutionnelles et de la légitimité requises pour trancher la question : voir Sossin, p. 294. Pour conclure au caractère justiciable d’une question, le tribunal doit être d’avis [traduction] « que le fait pour lui de résoudre la question constituerait une utilisation économique et efficace de ses ressources, qu’il existe suffisamment de faits et d’éléments de preuve au soutien de la demande, qu’un exposé adéquat des positions contradictoires des parties sera présenté et qu’aucun organisme administratif ou corps politique ne s’est pas déjà vu conférer par voie législative compétence à l’égard de la question » (ibid.).
[80] L’effet du jugement doit être réel. Les tribunaux ne doivent pas être instrumentalisés dans des débats politiques. Comme l’écrivait le juge Jacques Fournier, alors juge puîné[56] :
[59] Les tribunaux ne doivent pas servir de théâtre aux affrontements politiques ou économiques entre divers groupes d'intérêt.
[81] Leur rôle se limite à dire le droit, au regard des textes de loi et des lois constitutionnelles ou ayant un statut quasi-constitutionnel[57].
[82] Tel que rapporté par la doctrine, les tribunaux sont réticents à se prononcer sur des textes abrogés ou des situations n’ayant plus cours. Les tribunaux ne donnent pas d’opinion juridique.
[83] Dans l’affaire Teja's Animal Refuge[58], l’association demanderesse avait saisi le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation de ce qu’elle considérait comme des mauvais traitements d’animaux élevés par l’entreprise L & P. Elle s’était pourvue en justice pour forcer le ministre à agir. Cette entreprise n’était plus en affaires au moment de l’audition de la demande en rejet de son action. Teja insistait pour procéder. Le juge Kasirer écrit, pour la Cour :
[17] Even if Teja were held to enjoy public interest standing, the success of its action would depend on whether the relief it claims is within the proper scope of judicial review by way of a motion for declaratory judgment. Since the on-going operation of L&P is no longer in issue, what remains is appellant’s claim that the Minister, and by extension Anima-Québec, have failed in their statutory duties to protect animals as a general matter. The parties agreed that powers of the courts to render a declaratory judgment in regard to government action under a statute are substantial but not unconstrained. Article
[22] Teja calls on the Court to intervene to provide direction as to what this appropriate level of animal protection would be so that the Minister might properly fulfil his statutory duty. When pressed on how this should be done, counsel for the appellant invited the Court to "establish a norm" for the appropriate level of animal protection under section 1. The matter, for Teja, is justiciable because the Minister’s decision is within the operational sphere of government. The failure to provide the appropriate level of animal protection presents the Court with a genuine problem that it can resolve with a declaratory judgment that would, presumably, declare the level of animal protection to be ensured by the Minister in respect of the execution of his duties pursuant to section
[23] Counsel for the Attorney General takes the opposite view in his written argument: "L’appelante chevauche la loi, pourfend le MAPAQ et Anima-Québec et plaide qu’ils ne remplissent pas leur mandat. Or, l’appelante ne peut remplacer le ministre de l’Agriculture, des Pêches et de l’Alimentation du Québec dans la gestion de son ministère. Elle ne peut davantage saisir les tribunaux de son opinion en la matière, qui relève nettement de l’arène politique". For the Attorney General, the matter is not justiciable and the Court has no authority to "establish a norm" that would properly bind the Minister through a declaratory judgment.
[24] The absence here of a matter that is properly justiciable before the courts, as that notion is relevant under article
[25] It is generally agreed that a motion for declaratory judgment under the Code of Civil Procedure must not only bear on a genuine problem, but that it cannot bear on a purely political controversy. This reflects a fundamental principle of constitutional law that the judiciary should not trench on powers that are properly exercised by the executive and legislative branches of government. (…) They involve what the Supreme Court described in a related context as "moral and political considerations which it is not within the province of the courts to assess".[59] (Certaines références omises; le Tribunal souligne)
[84] Dans l’affaire Lowen[60], la Cour était saisie d’un litige mettant en cause l’enseignement reçu par les élèves des écoles rabbiniques de la communauté hassidique et le manque d’implication du ministère de l’Éducation dans l’application de ses programmes par ces écoles.
[85] Selon le PGQ, certains changements législatifs, dont le projet de Loi 144 sanctionné le 9 novembre 2017 visant à ajouter certaines obligations aux parents et commissions scolaires, faisait en sorte que le problème vécu par les demandeurs n’existait tout simplement plus.
[86] Malgré la sympathie éprouvée pour les demandeurs, le juge Martin Castonguay constate que la situation a évolué depuis que les demandeurs ont suivi ces cours, avant 2007, et qu’il n’y a plus lieu d’intervenir :
[172] Le PGQ ainsi que les autres défenderesses plaident avec force que même s’il y avait eu une difficulté réelle, celle-ci, considérant les changements législatifs n’existe plus.
[173] En fait, les demandeurs veulent que le Tribunal qualifie l’inaction selon ce qu’ils allèguent, du gouvernement du Québec et de la CSSMI, de fautive.
[174] Or, il ressort de la preuve qu’il n’y a plus de difficulté réelle puisque l’enseignement à la Maison permet de parfaire l’enseignement de matières séculaires tant pour les garçons que les filles issues des communautés hassidiques de Boisbriand et de Montréal.
[87] Il rejette la demande.
[88] Dans l’arrêt Haig[61], qui concernait la tenue du référendum de 1992 sur l’Accord de Charlottetown et l’impossibilité pour certains électeurs canadiens déménagés récemment de voter au Québec, le juge Cory constate :
« Il n'y a pas lieu non plus de rendre un jugement déclaratoire. Il est vrai que souvent l'interprétation judiciaire d'une loi peut entraîner le prononcé d'un jugement déclaratoire par le tribunal. Néanmoins, le jugement déclaratoire est un redressement qui relève du pouvoir discrétionnaire, qui ne devrait être exercé que dans un cas clair. Le référendum est maintenant chose du passé et, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de rendre un jugement déclaratoire.”
[89] Tout récemment, le juge Frédéric Pérodeau était saisi d’une demande en irrecevabilité d’une demande en jugement déclaratoire visant l’interprétation du Décret 223-2020 du 24 mars adopté dans le contexte de la pandémie de COVID-19[62]. Ce Décret avait été abrogé le 25 juin 2020.
[90] Après avoir repris les critères de recevabilité de la demande, le juge rappelle les principes qui doivent guider l’exercice de sa discrétion :
[29] La demande en jugement déclaratoire ne peut toutefois servir à obtenir une opinion juridique du Tribunal ou à solutionner une difficulté théorique. Le Tribunal n’est pas non plus tenu de se prononcer dans les cas où le jugement ne pourrait mettre fin à l’incertitude ou à la controverse soulevée.
[30] Enfin, un tel jugement ne sera rendu que s’il a une utilité pratique. Par conséquent, une demande en jugement déclaratoire ne sera pas accueillie lorsque le jugement recherché aura peu ou pas d’utilité. (Références omises)
[91] Constatant l’abrogation du texte règlementaire en cause, le juge Pérodeau estime inutile de continuer le recours :
[40] La demande en jugement déclaratoire de monsieur Forget ne saurait ainsi mener à un résultat utile et concret et ne pourrait mener qu’à une satisfaction théorique, ce qui s’avère insuffisant.
[41] Dans sa demande de juin 2020, monsieur Forget souligne toutefois avoir des raisons de croire qu’une deuxième vague de COVID-19 pourrait à nouveau entraîner la fermeture de ses cliniques avec les graves conséquences qui en découlent.
[42] En ce qui concerne une prochaine vague et la possibilité qu’elle mène éventuellement à une nouvelle suspension des activités effectuées en milieu de travail, il ne s’agit que d’hypothèses et de spéculations. Au surplus, rien ne permet de penser que, si tel était éventuellement le cas, le gouvernement du Québec considérerait des mesures de la même nature, que c’est un décret identique au Décret 223-2020 qui serait alors adopté ou que les catégories utilisées et termes employés à son annexe seraient similaires ou identiques.
[43] Cet argument ne convainc pas le Tribunal de la nécessité, de l’utilité ou même de l’opportunité de se prononcer sur l’interprétation de l’annexe d’un décret abrogé depuis plus d’un an, et ce, dans l’hypothèse d’une éventuelle suspension des activités effectuées en milieu de travail.
[44] Aussi, il ne s’agit pas d’une de ces situations où la demande en jugement déclaratoire poursuit effectivement un objectif préventif. Une telle demande poursuit un objectif préventif lorsque des droits sont effectivement menacés et que la demande est déposée avant que l’atteinte ne survienne et afin de la prévenir. (Références omises)
[92] Ces propos s’appliquent à notre dossier. Ce n’est pas d’un an dont il s’agit, mais de cinquante. La Loi sur les mesures d’urgence n’a jamais été utilisée en 33 ans. Il ne saurait être question d’en faire une interprétation préventive ou prospective.
[93] Un autre des facteurs encadrant la discrétion judiciaire est celui de l’utilisation des ressources judiciaires limitées.
[94] Un débat en droit constitutionnel est de prime abord un débat complexe, mobilisant des ressources importantes, ne serait-ce qu’au niveau du droit.
[95] Par ailleurs, un débat constitutionnel demeure tributaire d’un contexte factuel qu’il faut établir.
[96] Monsieur Dostie était étudiant en octobre 1970. On peut présumer que la majorité des acteurs, en pleine vie active à l’époque, sont disparus. Se pose donc d’entrée de jeu un sérieux problème de preuve.
[97] En effet, certaines des propositions des demandeurs requièrent l’administration d’une preuve complexe de part et d’autre. À titre d’exemple, citons les allégations des sous-paragraphes 26 g) et h) de la demande introductive d’instance modifiée :
g) Le gouverneur général en conseil a abusé de son pouvoir discrétionnaire d'émettre la Proclamation, au motif qu'il n'existait pas, dans les faits, d'insurrection appréhendée au Canada à ce moment-là tel qu'il appert de la preuve à produire.
h) Le gouverneur général en conseil a commis, en émettant la Proclamation, une erreur de fait et de droit manifeste et déterminante. La présomption irréfragable fondée sur l'art.
[98] Plusieurs des acteurs de cette époque n’étant plus présents, on peut inférer des paragraphes 17 et 18 de la demande introductive d’instance modifiée que cette preuve sera en bonne partie celle d’historiens :
17. Cela (le cinquantième anniversaire de la Crise d’octobre) a entraîné une pléiade de nouvelles publications, dont le demandeur Dostie a pris connaissance. Un exemple important ici est l’historien Éric Bédard. Ce dernier a publié une première liste officielle incomplète des personnes arrêtées en 1970, liste qu’il a incluse dans la nouvelle édition de son livre « Chronique d’une insurrection appréhendée ». Jamais une telle information, une telle liste, n’avait été dévoilée.
18. De son côté l’historien Frédéric Bastien a lui aussi publié un texte avec une foule de détails inédits sur la Crise d’Octobre 1970, sans compter le journaliste André Duchesne, qui fait la même chose. Au point de vue de la connaissance historique, les derniers mois ont permis de faire des progrès inédits et significatifs dans l’historiographie de la Crise d’Octobre.
[99] Bien que le recours à des historiens puisse s’avérer nécessaire, notamment dans les dossiers autochtones, il faut se demander si la Cour supérieure est le forum approprié pour un débat entre historiens. Poser la question, c’est y répondre.
[100] La question est d’autant plus pertinente que le débat suscite encore aujourd’hui des émotions fortes, ce dont fait état la demande introductive d’instance et dont le Tribunal peut prendre connaissance d’office. On peut en dire autant de la condamnation de Louis Riel. Et ce n’est pas son procès qui a mis fin à la controverse.
[101] Comme le faisaient remarquer les juges Paul-Arthur Gendreau[63] et Dominique Bélanger, l’arène judiciaire ne doit pas se transformer en commission d’enquête[64] :
[58] Permettre l'amendement demandé aurait pour effet de transformer un recours bien défini en une vaste commission d'enquête impliquant plusieurs centaines de stations-service et autant de représentants.
[59] Ce n'est pas le rôle d'un juge de la Cour supérieure, en matière de recours collectif, que d'enquêter sur la problématique soumise.
[102] Le caractère vague et englobant de plusieurs des allégations de la demande introductive d’instance modifiée, surtout les ajouts provenant à l’origine de la demande d’intervention de l’IRAI, présage un dérapage vers une telle enquête.
[103] Une autre des propositions de la demande annonce un débat compliqué mobilisant des visions possiblement divergentes de l’état du droit canadien par rapport aux textes de droit international, surtout dans une perspective historique :
b) L’invalidité formelle de la proclamation Trudeau, du Règlement et de la LOP, donnant lieu au rétablissement de la primauté du droit et de la justice fondamentale, implique par ailleurs la reconnaissance effective d’autres droits de la personne qui, bien que non enchâssés dans la Déclaration canadienne des droits, n’en faisaient pas moins partie du droit canadien en 1970, à savoir tous les droits résultant de la coutume et des principes généraux du droit international public, et tels qu’incorporés notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme . Or, il appert, ne serait-ce qu’au regard de la documentation historique, que les actes et choses faits invalidement par le gouvernement du Canada au nom des instruments précités, ont donné lieu à des violations des droits et libertés énoncés aux articles 2(1), 3, 5, 8, 9, 10, 11(2), 12, 17, 19 et 20 de cette Déclaration. Il s’ensuit que ces actes et choses commandent d’être considérés incompatibles avec tels principes et droits coutumiers, en tant qu’ils existaient au Canada en 1970 ;
c) En outre, il appert, ne serait-ce qu’au regard de la documentation historique, que les actes et choses faits invalidement par le gouvernement du Canada au nom des instruments précités, ont donné lieu à des violations du droit du peuple québécois à disposer de lui-même, tel que consacré notamment dans la Charte des Nations Unies et codifié à l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels , trois traités auxquels le Canada est partie et qu’il s’est engagé à exécuter de bonne foi. Or, en vertu d’une méthode d’interprétation du droit interne développée par la Cour suprême et désormais bien admise, la teneur invalide de ces actes et choses devra aussi s’apprécier, en l’espèce, à l’aune de ces dispositions [65]; (Le Tribunal souligne)
[104] Ce n’est pas le rôle de la Cour supérieure en 2021 que de clarifier l’état du droit interne en 1970, au regard des instruments du droit international.
[105] Nos contemporains ont droit de s’attendre à ce qu’on règle leurs problèmes actuels en vertu du droit en vigueur aujourd’hui. L’accès à la justice, préoccupation d’actualité constante, exige que l’on privilégie les dossiers permettant de régler des problèmes présents et pressants.
[106] Le Tribunal juge que le débat engagerait des ressources importantes alors que le résultat ne mettrait pas fin à la controverse que suscitera probablement encore longtemps cet épisode de notre histoire.
[107] Les demandeurs invitent le Tribunal à faire une analogie avec certains jugements rendus en matière de revendications autochtones. Ils invoquent plus particulièrement l’arrêt Metis Federation,[66] dans lequel la Cour a rendu un jugement déclaratoire sur le non-respect de l’honneur de la Couronne à l’égard de comportements au XIXème siècle.
[108] Cet arrêt concernait le non-respect d’obligations imposées au gouvernement du Canada par les articles 31 et 31 de la Loi sur le Manitoba[67], un texte constitutionnel. Ces articles prévoyaient d’affecter une partie des terres non concédées de la nouvelle province, jusqu’à concurrence de 1, 400,000 acres, au bénéfice des familles des Métis résidants. Le processus de répartition de ces terres s’est étendu sur quinze ans.
[109] Le Fédération, à qui la Cour suprême reconnait l’intérêt juridique pour intenter le recours[68], recherchait plusieurs déclarations :
[110] Quant à l’obligation fiduciaire, la Cour adopte les conclusions du juge de première instance :
[56] Les conclusions de fait du juge du procès sont fatales pour l’argument des Métis. En effet, le juge a conclu que les Métis détenaient et utilisaient des terres individuellement, plutôt que collectivement, et qu’ils en permettaient l’aliénation. Selon lui, rien ne permettait de conclure que les Métis affirmaient détenir un « titre des Indiens » lorsque les dirigeants britanniques ont voulu éteindre ces titres d’abord dans la zone de colonisation, puis dans toute la province.
[58] (…) L’existence d’un intérêt autochtone donnant naissance à une obligation fiduciaire ne saurait être établie par un traité ou, par extension, par une loi. Un droit ancestral repose plutôt sur l’usage et l’occupation historiques.
[111] Par contre, la Cour est d’avis que la mise en œuvre de la Loi sur le Manitoba engageait l’honneur de la Couronne et que la Couronne avait fait preuve d’un manque persistant d’attention et qu’elle n’avait pas agi avec diligence pour réaliser les objectifs des concessions promises à l’art. 31. Le retard dans l’achèvement de la distribution prévue à l’art. 31 était incompatible avec le comportement que commandait l’honneur de la Couronne. [69]
[112] Finalement, elle étudie la question de la constitutionalité des lois de mises en œuvre de la Loi sur le Manitoba. Entre 1877 et 1885, le Manitoba a adopté cinq lois réglementant la vente des terres visées par l’art. 31 par contrat privé ou ordonnance judiciaire. Ces lois portaient sur les modalités de transfert des terres visées. Elles ont été abrogées définitivement en 1969[70]. La Cour refuse de se prononcer sur leur constitutionalité en ces termes :
[132] Ces lois sont depuis longtemps sans effet. Elles ne peuvent avoir de répercussions futures et elles n’importent que dans la mesure où elles s’inscrivent dans la trame historique des revendications des Métis. En somme, elles sont devenues théoriques. La Cour ferait mauvais usage de son temps en examinant leur constitutionnalité. Nous n’avons donc pas à nous prononcer sur ce point.
[113] Il peut sembler y avoir une contradiction entre le prononcé d’un jugement quant à l’honneur de la Couronne et le refus de le faire relativement à des lois contemporaines des mêmes évènements. En expliquant la résolution de cette contradiction, la Cour confirme que la prescription s’applique aux recours intentés par les premières nations basées sur une obligation fiduciaire et aux recours individuels des membres de la nation Métis[71]. Elle s’explique :
[136] En l’espèce, les Métis sollicitent un jugement déclarant qu’une disposition de la Loi sur le Manitoba — à laquelle la Loi constitutionnelle de 1871 confère un statut constitutionnel — n’a pas été mise en œuvre conformément au principe de l’honneur de la Couronne, ayant lui aussi le statut de « principe constitutionnel » (Little Salmon, par. 42).
[137] En outre, les Métis ne sollicitent pas de réparation personnelle, ne réclament pas de dommages‑intérêts et ne font aucune revendication territoriale. Ils ne demandent pas non plus le rétablissement du titre dont leurs descendants auraient pu hériter si la Couronne avait agi honorablement. Ils demandent plutôt que soit rendu un jugement déclarant qu’une obligation constitutionnelle précise n’a pas été remplie comme l’exigeait l’honneur de la Couronne. Ils sollicitent ce jugement déclaratoire pour faciliter leurs négociations extrajudiciaires avec la Couronne en vue de réaliser l’objectif constitutionnel global de réconciliation inscrit dans l’art.
[138] Les défendeurs prétendent que cette demande est irrecevable en vertu des lois manitobaines sur la prescription dont toutes les versions contenaient des dispositions semblables à la disposition actuelle prévoyant qu’une « action fondée sur un accident, une erreur ou un autre motif de recours reconnu en Équité » se prescrit par six ans à compter de la découverte de la cause d’action (Loi sur la prescription, C.P.L.M. ch. L150, al. 2(1)k)). Le manquement à une obligation fiduciaire constitue « un motif de recours reconnu en Équité ». Nous sommes d’accord avec la Cour d’appel que ce délai de prescription s’applique aux demandes des Autochtones pour manquement à une obligation fiduciaire relative à la gestion de leurs biens (Wewaykum, par. 121, et Canada (Procureur général) c. Lameman,
[139] Toutefois, à ce stade, nous ne statuons pas sur une action pour manquement à une obligation fiduciaire, mais sur une demande de jugement déclarant que la Couronne n’a pas agi honorablement dans la mise en œuvre de l’obligation constitutionnelle imposée à l’art. 31 de la Loi sur le Manitoba. Les lois sur la prescription ne peuvent faire obstacle à une demande de cette nature.
[140] Nous sommes saisis d’un grief constitutionnel qui a pris naissance il y a près d’un siècle et demi. Aussi longtemps que la question ne sera pas tranchée, l’objectif de réconciliation et d’harmonie constitutionnelle, reconnu à l’art.
[141] De plus, bon nombre des considérations de politique générale qui sous‑tendent les lois en matière de prescription ne s’appliquent tout simplement pas dans un contexte autochtone comme celui‑ci.
[114] Il faut se garder d’importer en droit privé et même en droit public les notions élaborées par la Cour suprême et les autres tribunaux en droit autochtone, plus particulièrement depuis l’adoption de l’article
[652] Thus, the weight of the jurisprudence is to the effect that, while Aboriginal treaties are comparable to contracts and may share similar features, they are different legal instruments. Treaties share with contracts the mutual exchange of consideration and obligations. Yet, the nature of the obligations that flow from these agreements are much different from a contract. Aboriginal treaties include concepts that are foreign to the law of contract, including the honour of the Crown and the protections contained in s.
[115] Dans cette affaire, la Cour d’appel d’Ontario a confirmé la juge de première instance qui avait refusé d’appliquer la prescription au calcul des versements d’indemnités en vertu de traités.
[116] Le droit autochtone a été décrit à plusieurs reprises comme un droit sui generis. La Cour suprême faisait également récemment une mise en garde quant à l’importation des concepts du droit autochtone dans les débats constitutionnels, comprenant les recours en vertu des chartes [73]:
[62] Nous tenons à faire une mise en garde importante relativement à ce qui précède. Le principe constitutionnel non écrit de l’honneur de la Couronne est sui generis. Comme l’ont correctement indiqué dans leurs observations les intervenantes la Nation métisse de l’Ontario et la Métis Nation of Alberta, l’obligation de la Couronne de se conduire honorablement tire son origine dans l’affirmation par la Couronne de sa souveraineté sur des sociétés autochtones préexistantes (Nation haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts),
(Le Tribunal souligne)
[117] On ne peut pas faire la transposition des solutions à certains problèmes propres aux rapports avec les premières nations à d’autres problèmes historiques qui n’ont plus, ni la même actualité, ni la même origine.
[118] Une dernière considération s’impose en l’espèce, celle de la retenue judiciaire en matières constitutionnelles. Les tribunaux ne devraient pas se prononcer en matière constitutionnelle si ce n’est pas nécessaire à la résolution du débat.
[119] Dans l’arrêt Phillips,[74] la question de l’effet que la publicité des auditions d’une commission d’enquête pourrait avoir sur un procès par jury se posait à l’origine. En Cour suprême, le procès criminel envisagé avait été déplacé devant juge seul. La question devenait académique. Invité à se prononcer, le juge Sopinka écrit, au nom de la majorité :
6 Notre Cour a dit à maintes reprises qu'elle ne devait pas se prononcer sur des points de droit lorsqu'il n'est pas nécessaire de le faire pour régler un pourvoi. Cela est particulièrement vrai quand il s'agit de questions constitutionnelles et le principe s'applique avec encore plus de force si le fondement de la procédure qui a été engagée a cessé d'exister.
7 Dans l'arrêt Procureur général du Québec c. Cumming, 1978 CanLII 192 (CSC),
En étant venu à la conclusion qu'au nouvel art.
Sauf dans des circonstances exceptionnelles, il n'est pas à propos de statuer sur des questions de droit qu'il n'est pas nécessaire de trancher pour juger le litige, à plus forte raison, lorsqu'il s'agit d'un problème constitutionnel. [Je souligne.]
8 Dans l'arrêt La Reine du chef du Manitoba c. Air Canada, 1980 CanLII 16 (CSC),
Compte tenu de cette conclusion, j'estime inutile d'examiner la question de savoir s'il s'agit d'une taxe directe (à supposer qu'elle soit dans les limites de la province). Bien que la Cour ait ordonné une nouvelle audition avec mention particulière de ce point, je crois préférable d'éviter d'en traiter, conformément à la règle générale en matière constitutionnelle de ne pas engager un débat qui n'est pas carrément nécessaire pour en arriver à une décision. [Je souligne.]
9 La règle de conduite qui dicte la retenue dans les affaires constitutionnelle est sensée. Elle repose sur l'idée que toute déclaration inutile sur un point de droit constitutionnel risque de causer à des affaires à venir un préjudice dont les conséquences n'ont pas été prévues…
[120] Ces enseignements ont été suivis par la Cour d’appel dans deux arrêts récents. L’affaire Procureure générale du Québec c. Vidéotron S.E.N.C.[75] mettait en cause la constitutionalité de règlements des villes de Terrebonne et Gatineau visant les installations de télécommunication. Après qu’ils étaient été jugés invalides en Cour supérieure, les villes ont abrogé ces règlements dans la mesure de cette décision. La procureure générale du Québec insistait pour avoir un jugement de la Cour d’appel. S’inspirant des arrêts Borowski et Phillips, la Cour écrit :
[53] Si l’on s’en tient aux facteurs qui justifieraient, selon la Cour suprême, de consacrer des ressources judiciaires à l’affaire, force est d’admettre qu’un arrêt de la Cour sur la question soulevée par le pourvoi de la PGQ n’aurait pas d’effet concret sur les droits des parties. Rappelons que Terrebonne a abrogé le Règlement 561 et a tout simplement adopté la politique de facturation des coûts causals proposée par l’UMQ. De son côté, Gatineau a saisi le CRTC d’une demande d’approbation de l’accord d’accès municipal proposé aux Entreprises et a abrogé le Règlement 718-2012. Elle ne l’a pas remplacé par un règlement similaire. Ainsi, la question de la constitutionnalité de ces règlements précis n’est plus d’actualité et n’est pas susceptible de refaire surface. De plus, comme on le verra plus loin, il n’est pas nécessaire de trancher cette question pour statuer sur l’obligation de restitution des Villes.
[54] Il ne s’agit pas non plus d’une question « de nature répétitive et de courte durée »[76] pouvant difficilement être soumise aux tribunaux, comme c’est souvent le cas en matière d’habeas corpus (demandes relatives au transfert et à l’isolement des détenus) ou de garde en établissement. Selon toute vraisemblance, la question pourra être soumise à une cour d’appel ou à la Cour suprême à l’égard d’un règlement municipal en vigueur.
[55] Enfin, même si la question en jeu revêt une importance à l’échelle nationale, cet élément ne suffit pas. Encore faut-il qu’il y ait un coût social si cette question est laissée sans réponse. Cette démonstration n’a pas été faite ici.
(…)
[57] Quant au troisième critère, celui de la fonction du tribunal dans l’élaboration du droit, il joue ici contre l’exercice du pouvoir discrétionnaire de décider du pourvoi au fond. Sauf si elle est saisie d’un renvoi par le gouvernement, le rôle traditionnel de la Cour consiste à examiner et, au besoin, réformer des jugements rendus par des cours d’instance inférieure. Elle ne se prononce pas dans l’abstrait ni ne donne d’opinion juridique.
[58] Dans le cas présent, si la Cour décidait de juger l’affaire au fond, elle devrait s’intéresser uniquement au jugement rendu par la Cour supérieure, en fonction des dispositions réglementaires en cause et de la preuve extrinsèque qui a été administrée. Ces dispositions n’étant plus en vigueur, il ne revient pas à la Cour, à moins d’un renvoi, de donner son opinion sur les limites de la compétence des provinces, villes et municipalités de réglementer les modalités d’exécution des travaux des entreprises de télécommunication sur leur territoire. Le pourvoi de la PGQ à l’encontre du jugement de première instance ne saurait être assimilé à un renvoi. (Certaines références omises)
[121] La Cour[77] en est arrivée à un résultat similaire dans un dossier impliquant l’abandon d’un projet d’aérodrome à l’égard duquel se posait la question de l’applicabilité de la Loi sur la qualité de l’environnement.[78]
[122] Nous ne sommes pas ici face à une difficulté réelle, récurrente, à laquelle il faut trouver une solution, malgré la disparition du contexte procédural d’origine, comme s’était le cas dans l’arrêt El Alloul[79]. La Cour y écrit;
[42] Étant donné l’impossibilité de procéder à une nouvelle audition devant la Cour du Québec, le recours entrepris par l’appelante vise donc à obtenir des déclarations judiciaires portant sur l’interprétation et la portée du code vestimentaire prévu par le Règlement de la Cour du Québec eu égard à sa liberté de conscience et de religion, comme elle le précise d’ailleurs dans sa demande amendée pour jugement déclaratoire
[43] Le recours entrepris par l’appelante a donc notamment pour objet de solutionner une difficulté réelle découlant de l’application et de l’interprétation des dispositions du Règlement de la Cour du Québec portant sur la tenue vestimentaire en salle d’audience. En ce sens, la demande de l’appelante soulève clairement une difficulté réelle pour elle, soit son droit de porter un hijab devant la Cour du Québec malgré le code vestimentaire prévu par le Règlement de la Cour du Québec.
[123] La Loi sur les mesures d’urgence ne s’étant jamais appliquée en 33 ans, elle ne nécessite pas d’interprétation préventive. Un contexte factuel propre au débat devra être établi le cas échéant.
[124] Il y a lieu d’appliquer en l’instance le principe de la retenue en matière constitutionnelle.
[125] Nous avons vu que les tribunaux n’ont pas à donner d’opinion, mais à décider des litiges. Or, il n’y a plus de litige. La question découlant de l’invalidité invoquée des textes législatifs et règlementaires est académique puisque ceux-ci n’existent plus.
[126] La seule utilité d’un jugement favorable serait de pouvoir faire pression sur le gouvernement, pour obtenir des excuses :
25.3 La demande formulée par la demanderesse Justice pour les prisonniers d'octobre 1970 de prononcer des excuses officielles aux victimes de la crise d'octobre et même pour obtenir une compensation financière prendra tout son sens si les règles de droit concernées sont déclarées inconstitutionnelles[80].
[127] Pour toutes les considérations invoquées plus haut, le Tribunal juge que ce ne serait pas un usage judicieux de sa discrétion. Il se trouverait à piétiner la ligne de démarcation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.
[128] Le débat légitime qui subsiste quant à la légalité et à la légitimité des gestes posés par les gouvernements en octobre 1970 est depuis longtemps déjà dans l’arène historique et politique. Les tribunaux ne devraient plus y être interpelés.
CONCLUSION
[129] Il apparaît de ce qui précède que le jugement requis de la Cour ne serait d’aucune utilité juridique et qu’il n’y a pas lieu d’exercer quelque discrétion que ce soit pour l’autoriser à aller de l’avant.
[130] Le PGC ne nie pas les effets que l’adoption des mesures de guerre a pu avoir sur monsieur Dostie et les membres du groupe demandeur.
[131] Ce jugement ne porte donc aucune inférence négative quant à la légitimité du combat de monsieur Dostie afin d’obtenir une forme de réparation politique pour les gestes posés à son égard et à l’égard de tous ceux qui ont été emprisonnés sans mandat et sans accusation en 1970. Aucune conclusion négative ne devrait être tirée quant au sérieux des traumatismes qu’il dit avoir éprouvés.
[132] Mais ce n’est plus à la Cour d’en juger.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[133] ACCUEILLE la demande de rejet du Procureur général du Canada;
[134] REJETTE la demande introductive d’instance modifiée de Gaétan Dostie et Justice pour les prisonniers d’octobre 70;
[135] LE TOUT, sans frais, dans les circonstances particulières du dossier.
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| __________________________________SYLVAIN LUSSIER, j.c.s.
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Me Simon Cadotte Avocat des demandeurs Gaétan Dostie et Justice pour les prisonniers d’octobre 70
Me Maxime St-Laurent Laporte Michaud Santoriello Avocats Avocat de l’intervenante amicale IRAI et avocat conseil des demandeurs
Me Caroline Laverdière Me Marc Ribeiro | ||
JUSTICE CANADA Avocats du Procureur général du Canada | ||
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Date d’audience : | 26 octobre 2021 | |
[1] DORS/70-443, « La Proclamation ».
[2] S.R.C. 1952 c. 288.
[3] DORS 70/444.
[4] S.C. 1970-71-72, c.2, la « LOP ».
[5] « Le PGC ».
[6] Le « FLQ ».
[7] Une personne morale constituée en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies, L.R.Q., c. C-38, immatriculée auprès du Registraire des entreprises du Québec depuis le 19 septembre 2020.
[8] L’« IRAI ».
[9] Le 7 février 2021.
[10] Au paragraphe 26 de sa demande introductive d’instance modifiée.
[11] Aux paragraphes 26.2 et suivants de la demande introductive d’instance modifiée.
[12] Au paragraphe 26.2.4 de la demande introductive d’instance modifiée.
[13] L.R.C. (1985), ch. 22 (4e suppl.).
[14] Paragraphe 25.1.
[15] RLRQ c C-25.
[16] Centrale des syndicats du Québec c. Procureure générale du Québec,
[17] Centre de fertilité de Montréal c. Régie de l’assurance maladie du Québec,
[18] Terre Neuve et Labrador (Procureur général) c. Uashaunnuat,
[19]
[20] Article
[21] Procureur général du Canada c. Law Society of B.C., [1982] 2 R.C.S. 107.
[22] Conseil canadien des relations de travail c. Paul L’Anglais inc.,
[23] LRC 1985, c F-7.
[24] Three Rivers Boatman Ltd. c. Conseil canadien des relations ouvrières et al,
[25] S.R., ch. 10 (2è suppl.).
[26] Québec (Procureur général) c. Bélanger,
[27]
[28] Syndicat des travailleurs de CDP Protection c. Tribunal du Travail,
[29] EYB 1987-62800 (QCCA). Voir Road to Home Rescue Suppport c. Ville de Montréal,
[30] Le Grand Collectif - Code de procédure civile : Commentaires et annotations, Volume 1 (Articles 1 à 390), 5e édition, L. Chamberland (dir.), 2020; Jean-François CÔTÉ : Article 10; EYB2020GCO17.
[31] Ferland, D. et Emery, B. La demande en justice introductive d'instance (art. 141-144) Précis de procédure civile du Québec, Volume 1 (Art. 1-301, 321-344 C.p.c.), D. Ferland et B. Emery, 6e édition, 2020 2020 EYB2020PPC34.
[32] Teja's Animal Refuge c. Québec (Procureur général),
[33] Hy and Zel's Inc. c. Procureur général de l'Ontario,
[34]
[35]
[36]
[37]
[38]
[39]
[40]
[41]
[42]
[43] Page 598.
[44] Canada (Premier ministre) c. Khadr,
[45] Article
[46] RLRQ c C - 19.
[47] RLRQ c CCQ-1992.
[48] 9074-3338 Québec inc. (Tuyauterie BGR inc.) c. Entreprises de construction Guy Bonneau ltée,
[49]
[50] Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society,
[51] Mikisew Cree First Nation c. Canada (Gouverneur général en conseil),
[52]
[53] Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses c. Wall,
[54] Haig c. Canada,
[55] Ethiopian Orthodox Tewahedo Church of Canada St. Mary Cathedral c. Aga,
[56] Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam) c. Québec (Procureur général),
[57] Lachance c. Procureur général du Québec,
[58] Teja's Animal Refuge c. Québec (Procureur général),
[59] Operation Dismantle c. La Reine,
[60] Lowen c. Procureure générale du Québec,
[61] Haig c. Canada; Haig c. Canada (Directeur général des élections),
[62] Forget c. Ordre des audioprothésistes du Québec,
[63] Option Consommateurs c. Novapharm,
[64] Jacques c. Pétroles Therrien inc.,
[65] Sous-paragraphes 26.2.4 b) et c).
[66] Manitoba Metis Federation c. Canada,
[67] Loi de 1870 sur le Manitoba, S.C. 1870, ch. 3 [reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, no 8].
[68] En appliquant les critères de l’arrêt Downtown Eastside, aux par. 43 et 44.
[69] Au par. 110.
[70] Par. 130.
[71] Par. 138 ; Canada (Procureur général) c. Lameman,
[72] Restoule c. Canada (Attorney General),
[73] Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général),
[74] Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray),
[75]
[76] Critère étudié dans l’arrêt Borowski.
[77] Procureure générale du Québec c. 9105425 Canada inc.,
[78] RLRQ c Q-2.
[79] El Alloul c. Procureure générale du Québec,
[80] Demande introductive d’instance modifiée.
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