Lasalle et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal |
2017 QCCFP 35 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIERS Nos : |
1301797 et 1301798 |
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DATE : |
13 septembre 2017 |
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : |
Me Sonia Wagner |
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HÉLÈNE LASALLE |
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Plaignante |
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CENTRE INTÉGRÉ UNIVERSITAIRE DE SANTÉ ET DE
SERVICES SOCIAUX |
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 81.20, Loi sur les normes du
travail, RLRQ, c. N-1.1 et |
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LE CONTEXTE
[1] Le 11 août 2017, Mme Hélène Lasalle dépose une plainte de harcèlement psychologique à la Commission de la fonction publique en vertu de l’article 81.20 de la Loi sur les normes du travail (la LNT) ainsi qu’un appel en matière de conditions de travail en vertu de l’article 127 de la Loi sur la fonction publique (la Loi).
[2] Mme Lasalle est une employée du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal (le CIUSSS) et elle a coché la case « Fonctionnaire syndiqué » dans le formulaire de plainte et d’appel qu’elle a transmis.
[3] La Commission informe les parties qu’elle soulève d’office l’absence de compétence et qu’elle désire recevoir par écrit leurs commentaires à cet égard afin de rendre une décision sur dossier.
[4] Seul le CIUSSS a répondu à cette demande et transmis sa position concernant les recours de Mme Lasalle auprès de la Commission :
[…] la Requérante est une salariée au sens du Code du travail, RLRQ c. C-27 et fait partie de l’unité d’accréditation des employés du personnel de bureau, des techniciens et des professionnels de l’administration (catégorie 3) au sens de l’article 4 de la Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales, RLRQ c. U-0.1.
Ce faisait, celle-ci n’est pas une employée non syndiqué nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique, RLRQ c. F-3.1.1 et, conséquemment, empêche la Commission de se saisir des recours logés par la Requérante[1].
Dans l’éventualité où la Requérante voudrait loger un recours contre l’Employeur, il appartiendra à un arbitre de grief de trancher le débat compte tenu de sa compétence exclusive en la matière[2].
Par conséquent, nous demandons respectueusement à la Commission de rejeter les recours de la Requérante en matière de harcèlement psychologique et en matière de conditions de travail compte tenu de l’absence de compétence de la Commission pour se saisir desdits recours.
LES MOTIFS
[5] En vertu de l’article 81.20 de la LNT, deux conditions doivent être remplies par Mme Lasalle pour que la Commission puisse se saisir de sa plainte de harcèlement psychologique : elle doit être une salariée nommée en vertu de la Loi, c’est-à-dire un fonctionnaire, et elle ne doit pas être régie par une convention collective. Plus précisément, cet article prévoit :
81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.7, 123.15 et 123.16 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Un salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard.
[…]
Les dispositions visées au premier alinéa sont aussi réputées faire partie des conditions de travail de tout salarié nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique (chapitre F‐3.1.1) qui n’est pas régi par une convention collective. Ce salarié doit exercer le recours en découlant devant la Commission de la fonction publique selon les règles de procédure établies conformément à cette loi. La Commission de la fonction publique exerce à cette fin les pouvoirs prévus aux articles 123.15 et 123.16 de la présente loi.
Le troisième alinéa s’applique également aux membres et dirigeants d’organismes.
[Soulignements ajoutés]
[6] Or, Mme Lasalle n’est pas une employée nommée en vertu de la Loi, aucune disposition législative, notamment dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux[3], ne le prévoyant spécifiquement. C’est d’ailleurs un des constats de la Commission dans la décision Bédard[4] :
[7] La fonction publique regroupe une vingtaine de ministères et une soixantaine d’organismes dont le personnel est nommé en vertu de la [Loi], organismes qui n’incluent pas les centres hospitaliers, tel qu’il appert de la liste publiée par le gouvernement du Québec[[5]]. En effet, les établissements du réseau de la santé et des services sociaux, dont les centres hospitaliers, ne font pas partie de la fonction publique et possèdent leurs propres règles quant au recrutement du personnel.
[Soulignements ajoutés]
[7] Puisqu’elle n’est pas nommée en vertu de la Loi, Mme Lasalle ne répond pas à la première condition nécessaire pour que la Commission se saisisse de son recours en vertu de la LNT. La Commission a d’ailleurs déjà établi qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours en matière de harcèlement psychologique d’un employé qui ne détient pas le statut de fonctionnaire au sens de la Loi[6].
[8] Au surplus, Mme Lasalle est une employée syndiquée du CIUSSS, ce que confirme son employeur dans ses commentaires. Or, le statut de syndiqué de Mme Lasalle empêche également la Commission de se saisir de sa plainte puisqu’elle ne répond pas non plus à la deuxième condition prévue à l’article 81.20 de la LNT.
[9] Enfin, puisqu’elle n’est pas une fonctionnaire au sens de la Loi, Mme Lasalle ne bénéficie pas d’un appel en matière de conditions de travail en vertu de l’article 127 de la Loi. En effet, l’article 1 de la Loi en prévoit le champ d’application et définit ainsi la notion de fonctionnaire :
1. La présente loi s’applique aux personnes qui sont nommées suivant celle-ci.
Les personnes admises dans la fonction publique en vertu d’une loi antérieure à la présente loi sont réputées avoir été nommées suivant celle-ci.
Toute personne visée dans le présent article est un fonctionnaire.
[Soulignements ajoutés]
[10] Or, en vertu de l’article 127 de la Loi, seul un fonctionnaire peut interjeter un tel appel à la Commission :
127. Le gouvernement prévoit par règlement, sur les matières qu’il détermine, un recours en appel pour les fonctionnaires qui ne sont pas régis par une convention collective et qui ne disposent d’aucun recours sur ces matières en vertu de la présente loi. […]
[Soulignements ajoutés]
[11] La Commission rappelle qu’elle doit, dans l’exercice de sa compétence, respecter le cadre qui lui a été tracé par le législateur. En effet, la Commission est un tribunal qui n’a qu’une compétence d’attribution. D’ailleurs, la doctrine et la jurisprudence ont maintes fois reconnu qu’un tribunal administratif ne détient pas une compétence générale. Il ne peut exercer que la compétence qui lui est attribuée par sa loi constitutive ou une autre loi [7] :
À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. [...]
La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal. […]
Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions - notamment de délai - il peut être introduit […].
[Soulignements ajoutés]
[12] Dans la présente affaire, la Commission ne peut statuer sur la plainte et l’appel de Mme Lasalle sans outrepasser le cadre qui lui a été tracé par le législateur.
[13] Elle doit donc décliner compétence.
POUR CES MOTIFS, la Commission de la fonction publique :
DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre les recours de Mme Hélène Lasalle.
Original signé par : |
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__________________________________ Sonia Wagner
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Mme Hélène Lasalle |
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Plaignante |
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Me Marc Mancini |
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Procureur du Centre intégré universitaire
de santé et de services sociaux de |
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Intimé |
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Date de la prise en délibéré : 6 septembre 2017 |
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[1] Lavoie et Ministère de la Sécurité publique, 2012 QCCFP 20 (CanLII).
[2] Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 RCS 929, 1995 CanLII 108 (CSC).
[3] RLRQ, c. S-4.2.
[4] Bédard et Centre hospitalier de l'Université de Montréal, 2016 QCCFP 3.
[5] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, www.carrieres.gouv.qc.ca/choisir-la-fonction-publique/ministeres-et-organismes (page consultée le 6 septembre 2017).
[6] Bergeron et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, 2017 QCCFP 26, Paré et Société des alcools du Québec, 2017 QCCFP 23; Dubé et Centre de santé Tulattavik de l'Ungava, 2017 QCCFP 17; Bédard et Centre hospitalier de l'Université de Montréal, 2016 QCCFP 3; Isabelle et Agence du Revenu du Québec, 2013 QCCFP 11.
[7] Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale - Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.
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