Lechasseur et 9060-1238 Québec inc. |
2008 QCCLP 4825 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Rimouski |
Le 19 août 2008 |
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Région : |
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord |
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Dossier CSST : |
118348374 |
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Commissaire : |
Me Normand Michaud |
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Membres : |
Gilles Cyr, associations d’employeurs |
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Nelson Isabel, associations syndicales |
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Assesseur : |
Dr Marc Mony |
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Partie requérante |
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et |
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9060-1238 Québec inc. |
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Construction C. et G. Dumais inc. |
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Construction G.H.M. de Rimouski inc. |
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Construction Yvan Fournier |
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Coop Travailleurs ass. Construction |
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Entreprises Olivon Lechasseur inc. |
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Gides April inc. |
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Jean-Luc Lemieux |
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Lionel Langlois inc. |
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Peinture S.J.L. enr. |
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Plastrage et peinture Gyps-art |
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Pro Finition-gyps inc. |
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Ville de Québec |
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Parties intéressées |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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Dossier 174292-01A-0112
[1] Le 7 décembre 2001, monsieur Stevens Lechasseur (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 octobre 2001 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 12 décembre 2000 et déclare que la réclamation pour arthrose cervicale ne peut être acceptée et que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 19 septembre 2000.
Dossier 302786-01A-0611
[3] Le 9 novembre 2006, monsieur Stevens Lechasseur (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 1er novembre 2006 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme une première décision qu’elle a initialement rendue le 25 août 2006 et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 18 avril 2006 sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation.
[5] Par cette décision du 1er novembre 2006, la CSST déclare sans effet une deuxième décision rendue le 25 août 2006 qui refuse la relation entre les nouveaux diagnostics de discarthrose L5-S1 et d’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule droite et l’événement du 19 septembre 2000 puisqu’elle a refusé la réclamation du travailleur pour cet événement.
[6] L’audience s’est tenue à Rimouski le 6 novembre 2007 en présence du travailleur et de son représentant. Les employeurs Gides April inc. et Construction G.H.M. de Rimouski inc. sont aussi représentés. Le représentant de la CSST est également présent.
[7] Pour leur part, les employeurs Pro-Finition-Gyps inc., 9060-1238 Québec inc., Construction C et G Dumas inc. et Lionel Langlois inc. ont préalablement informé le tribunal de leur absence. De même, le représentant de la Ville de Québec a aussi informé de son absence, mais il a toutefois transmis des représentations écrites.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 174292-01A-0112
[8] À l’audience, lors des représentations, le procureur des employeurs Gides April inc. et Construction G.H.M. de Rimouski inc. soumet un moyen préalable à l’encontre de la réclamation du travailleur. Il demande de déclarer que le travailleur a produit sa réclamation à la CSST après l’expiration du délai de six mois que prévoit l’article 272 de la loi et qu’il n’a démontré aucun motif raisonnable permettant de le relever des conséquences de son défaut de respecter ce délai. Par conséquent, la réclamation du travailleur devrait être rejetée, selon l’employeur.
[9] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 19 septembre 2000.
Dossier 302786-01A-0611
[10] Le travailleur demande de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 18 avril 2005, soit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle diagnostiquée le 19 septembre 2000 et de déclarer que les diagnostics de discarthrose L5-S1 et d’arthrose acromio-claviculaire sont en relation avec l’événement du 19 septembre 2000.
LES FAITS
[11] Le travailleur est âgé de 51 ans. À l’époque pertinente, il exerce le métier de plâtrier-peintre dans le domaine de la construction.
[12] Le 19 septembre 2000, il transmet à la CSST un formulaire « Réclamation du travailleur » dans lequel il décrit ainsi les circonstances de sa réclamation :
« Arthrose cervicale accentuer par le travail de plastreur.
Hernie discale L3-L4 » (sic)
[13] Le même jour, il consulte le docteur Pierre Gonthier qui écrit sur l’attestation médicale transmise à la CSST :
« Arthrose cervicale avec limitations extension
du cou accentuée ++ par le travail de
« plastreur ».
devrait envisager réorientation de carrière
car de plus en plus difficile d’accomplir
son travail
opinion désirable d’un consultant ? CSST» (sic)
[14] Le 20 octobre 2000, le travailleur informe un agent d’indemnisation de la CSST qu’il n’est pas en arrêt de travail à ce moment et qu’il a réclamé parce qu’il veut changer de métier. Il ajoute qu’il consulte depuis 1998 pour ce problème qu’il a depuis plusieurs années. Il n’énonce aucun fait accidentel, mais relie ses douleurs à ses « 20 ans comme tireur de joints ».
[15] Le 9 décembre 2000, le docteur Claude Morel, médecin conseil de la CSST, analyse la réclamation du travailleur. Il écrit :
« T [travailleur] 42 ans, plastreur et peintre (saisonnier) qui présente des douleurs cervicales avec des paresthéries aux membres.
L’investigation du T a montré un problème de possibilité de maladie démyélinisante de type sclérose en plaques qui peut expliquer une partie des symptômes du T. De plus un degré d’arthrose cervicale peut aussi expliquer les douleurs à cette région.
Le travail de tireur de joints est plus exigeant si l’on travaille pour plastrer les plafonds, car le travail au niveau des murs ne demande pas une hyperextension du cou qui pourrait être responsable d’une certaine douleur. Comme il y a 4 fois plus de mur que de plafond, la demande sur le cou est de courte durée. Donc il est impossible d’établir une relation entre l’arthrose cervicale et la tâche de ce T, soit peintre et plastreur. Une maladie personnelle sous-jacente peut tout aussi bien expliquer les problèmes de ce T. » (sic)
[16] Le 12 décembre 2000, la CSST refuse la réclamation du travailleur. Elle déclare qu’il n’y a pas de lien entre le diagnostic d’arthrose cervicale et l’événement du 19 septembre 2000 et qu’il ne s’agit pas d’une maladie professionnelle.
[17] Le 22 octobre 2001, la CSST confirme cette décision à la suite d’une révision administrative, d’où le premier objet de contestation (dossier 174292-01A-0112). La CSST indique que la réclamation pour arthrose cervicale ne peut-être acceptée et que le travailleur n’a pas établi avoir subi un accident du travail ou une maladie professionnelle le 19 septembre 2000.
[18] Le 25 mai 2005, le travailleur transmet à la CSST un second formulaire de « Réclamation du travailleur » dans lequel il allègue une récidive, rechute ou aggravation survenue le 18 avril 2005. Il produit à l’appui un rapport médical daté du 18 avril 2005 du docteur Stéphane Bachand qui pose un diagnostic de tendinite chronique à l’épaule droite et indique qu’il s’agit d’une maladie professionnelle.
[19] Le 25 août 2006, la CSST refuse la réclamation du travailleur. Dans une première décision, elle déclare qu’il ne peut s’agir d’une récidive, rechute ou aggravation puisque la lésion initiale du 19 septembre 2000 a été refusée comme lésion professionnelle. Elle indique également que celui-ci n’a pas démontré que la discarthrose L5-S1 (lombaire) et l’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule droite sont des maladies caractéristiques de son travail ou qu’elles sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
[20] De plus, ce même jour, la CSST rend une deuxième décision dans laquelle elle déclare que les nouveaux diagnostics de discarthrose L5-S1 et d’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule droite ne sont pas en relation avec l’événement initial du 19 septembre 2000.
[21] Le travailleur prétend que son travail depuis près de 30 ans, a rendu symptomatique une condition personnelle qui ne l’avait jamais empêché de travailler et que les diagnostics émis par les médecins qu’il a consultés constituent des maladies professionnelles.
[22] Le travailleur témoigne qu’il a commencé à travailler sur les chantiers de construction vers l’âge de 17-18 ans, d’abord comme manœuvre pour l’entreprise de son père. À partir de 1977, il a travaillé principalement comme peintre en bâtiment bien qu’à l’occasion il agissait aussi comme journalier, surtout lorsque son père construisait des maisons.
[23] Il mentionne avoir commencé à tirer des joints vers les années 1985-1986 tout en poursuivant son travail de peintre. En 1988, le travailleur part son entreprise à la suite de la retraite de son père. Il indique qu’il s’est créé de l’emploi en construisant deux maisons qu’il habitait puis revendait. Il ajoute qu’il faisait lui-même la majorité du travail de construction, ne donnant que quelques sous-contrats (fondations, électricité, plomberie). Il précise qu’à cette époque, il travaillait 60-70 heures par semaine. De plus, à l’occasion, il prenait des petits contrats pour lui permettre de vivre.
[24] Le travailleur continue son témoignage et déclare que vers le mois d’août 1989, il a quitté la région. Il s’est trouvé immédiatement un travail pour la Ville de Québec comme peintre. Il indique qu’il s’agissait d’un emploi à temps plein, même qu’il faisait du temps supplémentaire, principalement durant les mois d’été. Il y a travaillé jusqu’en août 1992.
[25] Relativement à cet emploi, le représentant de la Ville de Québec soutient que le travailleur n’aurait jamais travaillé pour celle-ci. Or, le travailleur a déposé à l’audience son dernier talon de paie pour la Ville, visant la période se terminant le 18 août 1992. On y constate que ses gains bruts cumulatifs pour l’année 1992 s’élevaient à 25 909,20 $, ce qui représente, selon son taux hebdomadaire, du travail à temps plein majoré de temps supplémentaire.
[26] Le travailleur revient dans la région de Rimouski à la fin août 1992. Il se part une entreprise, Peinture S.J.L. enr., pour faire de la sous-traitance en plâtrage et peinture. Il témoigne qu’il travaillait presque à l’année, il engageait 2-3 travailleurs. Il précise qu’il faisait à une certaine époque 55-60 heures par semaine vu que la demande était très forte, même trop forte.
[27] Il a décidé de fermer son entreprise en 1996 car, vu la forte compétition, il devait couper les prix pour avoir les contrats. Pour rentabiliser ceux-ci, il limitait ses employés à 40 heures par semaine et il accomplissait lui-même les heures en surplus. Il précise qu’à cette époque, il n’était pas inscrit à la CSST comme travailleur autonome car il avait contracté une assurance personnelle privée plus avantageuse.
[28] À compter de 1997, il a travaillé principalement pour la Coop des travailleurs associés en construction de Rimouski et d’autres entrepreneurs à titre de peintre et plâtrier.
[29] Selon l’historique des heures travaillées dans l’industrie de la construction compilées par la Commission de la construction du Québec, le travailleur a cumulé 13 798,8 heures au fil de sa carrière. Les heures de travail enregistrées se répartissent comme suit de 1976 à 2004 :
1976 343 heures
1977 743 heures
1978 899 heures
1979 708.5 heures
1980 624 heures
1981 364 heures
1982 1 215 heures
1983 363 heures
1984 529 heures
1985 534.5 heures
1986 453.5 heures
1987 113 heures
1988 à 1995 aucune heure enregistrée1
1996 18 heures
1997 958 heures
1998 739 heures
1999 1 360 heures
2000 560 heures
2001 803 heures
2002 882.8 heures
2003 1 195 heures
2004 496 heures
2005 532 heures
2006 264 heures
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Total 13 798.8 heures
1 Selon le témoignage du travailleur, cette période correspond à l’époque où il a travaillé à son compte et pour la Ville de Québec.
[30] Toutefois, le travailleur déclare qu’il a travaillé plus que ce nombre d’heures. Il précise que de 1997 à 2002, il « donnait » des heures de travail à la Coopérative afin de lui permettre d’arriver. De plus, il ajoute que pendant ces années, il a effectué du travail supplémentaire qui n’était pas déclaré à la Commission de la construction du Québec. Selon le témoignage, le tribunal peut raisonnablement évaluer le travail qu’il pouvait ainsi accomplir en surplus chaque année à 300-400 heures au moins.
[31] Le travailleur exerce le métier de peintre-plâtrier depuis environ 30 ans et affirme durant son témoignage devoir travailler souvent les bras en extension au-dessus de la tête ou les bras en abduction forcée lorsqu’il doit peindre, plâtrer ou sabler des plafonds et des murs, parfois dans des espaces contraignants (les hauts de murs, garde-robes, au-dessus du plafond dans les centres commerciaux) ou dans des positions non ergonomiques. Ainsi, à titre d’exemple, il indique que pour le contrat de la salle de spectacles de Rimouski, qui a duré 11 mois, il évalue à environ la moitié du temps où il a travaillé dans des positions inconfortables. Dans un autre contrat, celui de la Caisse populaire de Rivière-du-Loup, il estime à environ 25 % du temps où il travaillait dans des positions contraignantes.
[32] Durant son témoignage, le travailleur présente des outils fréquemment utilisés, en commente l’usage et montre la façon de les utiliser.
[33] Étant droitier, il tient sa truelle de la main droite et son porte-mortier de la main gauche. Il fait constamment des mouvements avec pression de haut en bas et de droite à gauche, de l’arrière vers l’avant et vice-versa afin de faire un lissage uniforme. Il explique que c’est plus forçant lorsqu’il utilise du plâtre à prise rapide ou du plâtre en poudre pour les gros travaux.
[34] Le travailleur ajoute que le travail est beaucoup plus exigeant dans le secteur commercial que résidentiel. Les plafonds sont beaucoup plus hauts. S’il ne peut se servir d’élévateurs, il utilise des échafauds qu’il doit assembler et déplacer. Il doit y monter à l’aide de cordes ses outils et son matériel dont des boîtes ou sacs de plâtres pesant une cinquantaine de livres. Il doit s’attacher avec des harnais. De plus, pour la peinture, il se sert de longs manches télescopiques, ce qui crée un effet balancier et nécessite une force plus grande.
[35] Le travailleur mentionne qu’alors qu’il était à son compte et aussi dans les dernières années, il effectuait beaucoup de plâtrage au plafond, principalement parce qu’il travaillait avec des apprentis et aussi par fierté. Il explique qu’il utilise des échafauds. Sa tête se trouve à environ 8 pouces du plafond, ce qui fait qu’il a le cou continuellement en extension afin de voir l’endroit où il applique le plâtre. Il ajoute aussi qu’il fait des mouvements de la plus grande amplitude possible, « soit du plus loin en arrière au plus loin en avant », afin d’avoir à déplacer l’échafaud le moins souvent possible. Il déclare que le travail sur le haut des murs et des plafonds est beaucoup plus difficile et pénible. Lorsqu’il travaille, il le fait de façon constante et continue, sans arrêt sauf pour les pauses. Il indique qu’il travaille rapidement. Ainsi, cela lui prend environ 20 minutes pour plâtrer le plafond d’une pièce de 25’ x 16’ pour la première couche durant laquelle il applique un ruban de papier sur les joints. Le travailleur mentionne avoir déjà calculé qu’il fait environ 40-60 mouvements par minute lorsqu’il applique le plâtre.
[36] Le travailleur explique que le sablage s’effectue par des mouvements rapides et répétés sur le mur ou le plafond à l’aide d’un bloc de sablage pour les angles et les garde-robes, bloc qu’il tient avec la main droite ou d’un sableur à manche pour les joints plats. Dans le cas d’un plafond, il précise qu’il doit être placé sous le joint, ce qui implique une extension du cou.
[37] Pour la peinture, le travailleur mentionne qu’il utilise un fusil à peinturer ou le rouleau et le pinceau. Il témoigne que l’utilisation du fusil exige qu’il tienne le pistolet perpendiculairement à la surface à peindre à une distance de 12 pouces de celle-ci tout en faisant un mouvement régulier de balancier pour la couche d’apprêt, il ne se sert pas d’échafaud mais doit par contre étirer son bras droit au maximum. Il précise que, pour les édifices commerciaux ou les escaliers, il utilise un rouleau muni d’un manche télescopique. Le rouleau à peinture utilisé pour les contrats commerciaux est relié à un tube qui l’alimente continuellement en peinture. Il considère cet outil plus exigeant car il est plus lourd et que « ça lui travaille dans le bas du dos ».
[38] Le travailleur indique que cela lui prend environ 1¼ heure pour poser la première couche de peinture d’une maison neuve. Il précise qu’il doit se presser pour éviter que la peinture qu’il applique par section ne sèche, ce qui entraînerait des démarcations. Il ajoute qu’il doit sabler entre chaque couche de peinture.
[39] Le travailleur explique à l’audience qu’il a commencé à ressentir des douleurs cervicales, sous la forme de maux de tête derrière la tête, à la région de la nuque vers 1998-1999. Il indique que les douleurs apparaissaient surtout à la fin de sa journée de travail. À l’occasion la nuit, il était réveillé par des picotements dans les doigts, picotements qui s’étendaient presque dans les bras.
[40] Le 24 février 1999, le travailleur consulte le docteur Pierre Gonthier qui diagnostique une cervicalgie. Il note la présence de douleur cervicale avec une extension diminuée.
[41] Le 26 février 1999, le travailleur passe une radiographie qui révèle un pincement important des espaces C5-C6 et C6-C7 avec ostéophytose plus importante.
[42] Le 7 décembre 1999, le travailleur est vu par la docteure Suzanne Lavoie, physiatre, qui note que les mouvements cervicaux sont diminués. Elle diagnostique une « hernie discale C5-C6 et C6-C7 probable versus un conflit ostéo-radiculaire » et demande une résonance magnétique.
[43] Le 2 janvier 2000, le travailleur passe la résonance magnétique demandée. Le radiologiste écrit que l’examen permet de démontrer des modifications de discopathie dégénérative cervicale multi-étagée touchant de façon légère les niveaux C2-C3, C3-C4, C4-C5 mais de façon importante les niveaux C5-C6 et C6-C7. Il note également la présence d’au moins 3 à 4 petits foyers d’hyper-signal médullaire d’aspect non spécifique. Il suspecte une maladie démyélinisante au niveau de la moelle cervicale.
[44] Le 6 juin 2000, le docteur Gonthier écrit à ses notes cliniques que le travailleur a rencontré le docteur Jacques Francoeur, neurochirurgien. Ce dernier ne recommande pas de traitement chirurgical mais suggère une réorientation professionnelle vu sa condition de santé.
[45] Le 26 juin 2000, le docteur Gonthier écrit une lettre dans laquelle il recommande que le travailleur réoriente sa carrière vers un métier plus approprié à sa condition de santé. Il ajoute :
« En effet, après évaluation en physiatrie et en neurochirurgie, l’examen de la colonne cervicale par résonance magnétique démontrant des dégénérescences discales multiétagées avec arthrose; les douleurs cervicales importantes sont devenues telles qu’elles invalident le patient pour l’accomplissement de son travail habituel (plastreur), d’où la recommandation d’une réorientation de carrière vers un métier plus approprié à la condition de santé de Monsieur Lechasseur. » (sic)
[46] Une résonance magnétique au niveau cérébral est faite le 4 août 2000 et met en évidence une sclérose en plaques d’évolution bénigne. Le radiologiste note également une atrophie corticale modérée pour l’âge.
[47] Le 6 septembre 2000, le travailleur passe une électromyographie. Le docteur Stéphane Charest, neurologue, note que l’étude électrophysiologique des deux membres supérieurs s’est avérée complètement normale. Il mentionne que ses paresthésies intermittentes pourraient à la rigueur être en lien avec une myélopathie cervicale intermittente secondaire à une sténose spinale cervicale mais qui est non significative d’un point de vue clinique.
[48] Le 19 septembre 2000, le docteur Gonthier écrit sur l’attestation médicale transmise à la CSST le diagnostic de « arthrose cervicale avec limitation extension du cou accentuée ++ par le travail de « plastreur ». Devrait envisager réorientation de carrière car de plus en plus difficile d’accomplir son travail ».
[49] Le même jour, le travailleur transmet une réclamation à la CSST. Celle-ci refuse la réclamation le 12 décembre 2000, tel que mentionné précédemment.
[50] Le 22 janvier 2001, le docteur Gonthier transmet ses commentaires à l’agente d’indemnisation de la CSST. Il écrit :
« Monsieur Lechasseur a été vu la première fois en février 1999 pour un tableau de cervicalgie avec irradiation occipitale évoluant depuis un an, l’examen physique démontrant une diminution des mouvements du cou surtout en extension, la radiographie de la colonne cervicale démontrant une arthrose relativement importante, les mouvements d’extension du cou souvent imposés par le travail (plastrage de plafonds) devenant plus limités et plus douloureux.
[…]
Je ne peux affirmer si les paresthésies des membres sont dues aux changements dégénératifs de la colonne cervicale ou à la maladie démyélinisante même si la flexion du cou entraînaient des sensations de choc électrique est compatible avec un signe de Lhermitte. Par contre, je crois que les douleurs cervicales régulièrement ressenties et accentuées en extension du cou sont d’origine musculo-squelettique, davantage présentes par des attitudes d’extension du cou au travail (plastrage de plafonds par exemple) Les accès douloureux apportés par le travail deviennent de plus en plus invalidants sans avoir de solution de traitement sur le plan médical ou chirurgical, sinon une réorientation de carrière éventuellement. » (sic)
[51] Le travailleur revoit le docteur Gonthier, son médecin traitant, 1 ou 2 fois par année, principalement pour faire renouveler ses médicaments contre la douleur.
[52] Le 16 juillet 2003, une radiographie de la colonne lombo-sacrée révèle une importante dégénérescence discale à L5-S1 avec présence d’air en regard de l’espace intervertébral.
[53] Une autre radiographie du 17 décembre 2003 de la colonne cervicale indique une discopathie dégénérative à partir de C3-C4, C4-C5, C5-C6 et C6-C7. Les espaces les plus touchés sont C5-C6 et C6-C7 où on retrouve une diminution plus importante des espaces intervertébraux et des ostéophytes marginaux antérieurs. À ceci s’ajoute une uncarthrose bilatérale entraînant une légère diminution des trous de conjugaison au niveau de C5-C6 et C6-C7 bilatéralement mais surtout en C5-C6 où des ostéophytes sont proéminents au postérieur.
[54] Le 20 mai 2004, le docteur Girard, qui assurait le suivi pour la sclérose en plaques, réfère le travailleur au docteur François Delisle, neurologue, pour le suivi ultérieur à Rimouski. Il écrit :
« Donc, on avait un patient chez qui il y avait eu découverte fortuite d’anomalies à la résonance magnétique évoquant une sclérose en plaques. Par contre, il y avait peu de symptômes évocateurs de la maladie sauf pour un signe de Lhermite, mais avec un examen neurologique normal.
[…]
On a revu ce patient de façon épisodique depuis 2001. On n’a jamais identifié de nouveaux événements suggestifs de poussées. Il demeure, par contre, avec cette fatigue persistante ainsi que des douleurs cervicales. Durant toute cette période, le patient a continué à travailler pratiquement à temps plein comme tireur de joints dans la construction.
[…]
Comme je te le mentionnais, nous avons conclu à une sclérose en plaques dont l’évolution est relativement bénigne et comme il n’avait pas de poussées nombreuses ou importantes, nous n’avons pas débuté de traitement immuno-modulateurs pour ce patient […] »
[55] À la suite d’une résonance magnétique passée le 30 septembre 2004 à la demande du docteur Delisle, le radiologiste constate qu’il n’y a pas de changement significatif du rachis cervical du travailleur en comparaison avec la résonance passée en avril 2000. Il conclut :
« Je n’ai pas tous les critères de Barkhof pour pouvoir parler d’une sclérose en plaques. Par contre, des anomalies de signal au niveau du cordon cervical et en plus des anomalies de signal au niveau cérébral sont fortement suggestives d’une maladie démyélinisante. Le fait qu’il n’y ait pas de lésion rehaussant avec l’infusion de contraste démontre qu’il n’y a pas de lésion aiguë. »
[56] Au niveau de la colonne cervicale, la résonance indique une hernie discale postéro-médiane à C3-C4, une hernie discale sous-ligamentaire postéro-médiane déformant le sac thécal à C4-C5, un pincement intervertébral à C5-C6 avec un complexe disco-ostéophytique à large rayon de courbure déformant le sac thécal et un pincement intervertébral sans évidence de hernie à C6-C7. Le radiologiste ne note pas de sténose spinale ni foraminale.
[57] Le 18 avril 2005, le travailleur est examiné par le docteur Stéphane Bachand, orthopédiste. Le travailleur mentionne à l’audience que le médecin l’a questionné sur son travail et lui a demandé de mimer les gestes qu’il accomplissait. Il lui a conseillé de réorienter sa carrière.
[58] Le docteur Bachand lui remet une attestation médicale sur laquelle il inscrit un diagnostic de « tendinite chronique Epaule D - Maladie professionnelle ». Le travailleur transmet cette attestation à la CSST à l’appui de son formulaire de réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation diagnostiquée le 18 avril 2005.
[59] À la suite de son examen clinique, le docteur Bachand note à son rapport d’expertise qu’il y a des douleurs augmentées lors de l’abduction, la rotation externe et la rotation interne au niveau de l’épaule droite. La manœuvre de Jobe est négative tandis que celle de Hawkins est positive. Il constate la présence d’un arc douloureux au niveau de l’épaule droite.
[60] En conclusion, il écrit :
« Le patient présente des changements dégénératifs cervicaux multi-étagés sous forme de discarthrose principalement au niveau C5-C6 et C6-C7 et aussi à un degré moindre au niveau C4-C5 et C3-C4. Ces changements dégénératifs provoquent l’apparition d’une petite hernie discale au niveau C3-C4 et C4-C5. Il y a aussi un peu d’irritation nerveuse au niveau C7 du côté droit. Le patient présente aussi une arthrose acromio-claviculaire droite et une discarthrose au niveau L5-S1. Enfin, les phénomènes de sclérose en plaques notés sur son examen de résonance magnétique ne sont actuellement aucunement en rapport avec la symptomatologie douloureuse de ce patient. Il s’agit d’une découverte fortuite lors d’un examen en résonance magnétique et la symptomatologie actuelle du patient est beaucoup plus d’allure mécanique secondaire à des changements dégénératifs. »
[61] Étant donné qu’il s’agit d’une maladie chronique et que des traitements intermittents sont à prévoir compte tenu de la condition, il ne fixe pas de date de consolidation de la lésion.
[62] Il recommande les limitations fonctionnelles suivantes :
« Eviter les mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, extension ou
rotation au niveau de la région cervicale et lombaire;
Eviter de soulever des charges supérieures à 20 kg;
Eviter d’être exposé à des vibrations continuelles. »
[63] Il évalue l’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur à 12,5 % en fonction du Règlement sur le barème des dommages corporels[1] (le barème).
[64] Appelé aussi à se prononcer sur la possibilité que les lésions diagnostiquées puissent être reconnues comme une maladie professionnelle, le docteur Bachand écrit :
« Ainsi, considérant la précocité de l’apparition de la symptomatologie de la maladie, soit en 1999, soit à l’âge de 41 ans);
Considérant le fait qu’en l’absence de traumatisme, l’apparition précoce de ces phénomènes dégénératifs ne peut être le résultat que d’une surutilisation de l’articulation provoquée par des mouvements répétitifs. Dans le présent cas, le patient doit certes faire des mouvements répétitifs avec les membres supérieurs mais surtout au-dessus des épaules ce qui surutilise l’articulation acromio-claviculaire pouvant être responsable de l’apparition précoce d’arthrose acromio-claviculaire au niveau de l’épaule droite. Pour ce qui est de la région cervicale, il faut noter que ces travailleurs doivent souvent adopter des postures d’extension excessive au niveau cervical lorsqu’ils exécutent des travaux au plafond et ils doivent aussi faire des mouvements de flexion extension cervicale de façon fréquente.
Ainsi, en résumé, les deux facteurs à considérer dans le présent cas sont l’apparition précoce des phénomènes dégénératifs compte tenu de l’âge du patient et de la nature même du travail qu’il doit exécuter. Lors de l’exécution de ses tâches, le patient doit faire des mouvements répétitifs de va-et-vient avec un manche et un rouleau souvent avec une position au-dessus des épaules ce qui provoquent un recrutement des trapèzes et des muscles cervicaux et en plus des muscles péri-scapulaires. Ceci provoque donc des compressions répétitives au niveau de la région cervicale ce qui peuvent créer l’apparition précoce de changements dégénératifs d’un point de vue mécanique.
Par contre, il y a d’autres considérants dans le développement des pathologies dégénératives ostéo-arthrosiques. Il y a entre autre le facteur héréditaire mais dans le présent dossier, le patient ne me relate pas de pathologie arthrosique dans sa famille et nous ne pouvons pas retenir s’il y a une histoire familiale arthrosique. Une autre hypothèse du développement de l’arthrose est celle de la théorie biochimique dont nous ne connaissons pas les causes exactes et dont aucune preuve scientifique ne peut être apportée par quelques examens pouvant soutenir cette cause comme étant responsable du développement de la pathologie arthrosique chez ce patient.
Certes, il n’y a pas que le travail qui soit une cause de l’arthrose puisque certaines activités sportives ou de loisir peuvent aussi provoquer l’apparition de phénomène arthrosique mais dans le présent dossier, le patient ne me relate pas de tel type d’activité qui aurait pu contribuer à l’apparition des phénomènes dégénératifs. »
[65] Le travailleur témoigne à l’audience qu’il n’a pris de médicaments pour la sclérose en plaques que pendant quelques mois et qu’il n’en a jamais ressenti les symptômes, ni eu aucun problème avec cette maladie. Il ajoute qu’il n’y a aucun membre de sa famille qui est atteint de sclérose en plaques.
[66] Il mentionne que ses douleurs s’accentuaient lorsqu’il avait le bras à l’horizontale ou plus élevé. Les étourdissements le prenaient alors. Il indique également qu’il n’est plus en mesure de travailler comme plâtrier car il n’a plus la force ni la résistance pour le faire, Il précise qu’il ne peut travailler plus de 5 heures par jour alors qu’auparavant, il pouvait effectuer 10-12 heures quotidiennement. De même, il ne s’estime plus capable de travailler plus de 10 minutes continues. Lors de l’audience, le travailleur mentionne qu’il n’a pas travaillé depuis quelques mois.
[67] Le travailleur déclare à l’audience qu’il ne peut plus aller à la pêche (il n’est pas capable de placer ou enlever son canot du toit de son auto), aller à la chasse ni faire de vélo.
[68] Il témoigne qu’il a continué à travailler quand même, malgré la douleur car il n’avait pas le choix. Il avait deux enfants à sa charge et une hypothèque à assumer. De plus, il dit qu’il s’était habitué aux hauts salaires de la construction qu’il ne voulait pas laisser.
[69] Il mentionne également que les docteurs Francoeur et Gonthier lui ont conseillé de réorienter sa carrière à cause de sa santé mais ils ne lui ont pas dit que c’était à cause de son travail. C’est à la suite de discussions avec des parents et lors d’une autre rencontre avec le docteur Gonthier qu’il a réalisé que son travail était à l’origine de ses douleurs. Il a alors fait une réclamation à la CSST en septembre 2000 pour se faire aider à réorienter sa carrière car il ne se considérait plus capable d’exercer son emploi de peintre-plâtrier.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[70] Le procureur du travailleur demande de reconnaître que celui-ci est atteint de maladies professionnelles, soit l’arthrose cervicale, la discarthrose L5-S1 et l’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule droite. Il soutient que ces maladies dégénérescentes sont reliées aux risques particuliers de son travail de peintre-plâtrier qu’il a exécuté pendant plus de 30 ans. Ainsi, son travail a agi comme agent accélérateur à l’apparition de ces maladies.
[71] Le travailleur soutient qu’il a soumis sa réclamation à la CSST dans le délai prescrit. Il prétend que les médecins qui lui ont conseillé de réorienter sa carrière ne lui ont pas dit que ses problèmes cervicaux étaient dus à son travail. Il a produit sa réclamation le 19 septembre 2000, soit moins de trois mois après que son médecin l’ait informé du lien qui existait entre ses douleurs au cou et son travail. De plus, il n’avait aucun intérêt à faire une réclamation avant puisque ses douleurs ne l’ont pas empêché de travailler.
[72] Sur le fond de l’affaire, le travailleur allègue que pendant plus d’une quinzaine d’années, il a fait énormément de plâtrage aux plafonds à cause de son expérience et du fait qu’il travaillait avec des apprentis, ce qui a eu pour conséquence de comprimer les vertèbres au niveau cervical et ainsi provoquer l’apparition de l’arthrose cervicale vers l’âge de 40 ans seulement.
[73] Le travailleur soutient que l’arthrose acromio-articulaire de l’épaule droite a été causée par une surutilisation de cette articulation par des mouvements répétitifs dans une position surélevée par rapport à l’épaule, tout en exerçant une certaine force ou pression.
[74] Quant au diagnostic d’arthrose lombaire, le procureur du travailleur soumet que la preuve révèle que le niveau lombaire était continuellement sollicité lors des travaux de plâtrage et de peinture, ce qui, encore là, a provoqué une condition dégénérative plus rapide que la normale.
[75] Il demande que les trois diagnostics soient reconnus comme maladie professionnelle.
[76] Pour sa part, sur le moyen préalable, le procureur de l’employeur soutient que le travailleur n’a pas produit sa réclamation à la CSST dans le délai de six mois prévu par l’article 272 de la loi et qu’il n’a pas fait, non plus, la preuve d’un motif raisonnable justifiant le retard. Selon le procureur, le travailleur avait connaissance depuis plusieurs années que les douleurs qu’il ressentait au cou, au dos et aux épaules étaient causées par son travail. Il ressentait de la douleur régulièrement, il prenait des analgésiques, des anti-inflammatoires assez souvent et en avait parlé à ses médecins. Il a plutôt choisi de ne pas faire de réclamation et de poursuivre son travail habituel. Ainsi, sa réclamation initiale serait irrecevable.
[77] Subsidiairement, sur le fond de l’affaire, le procureur soumet que le travailleur n’a pas fait la preuve d’une relation entre le travail et les maladies qui ont été diagnostiquées le 19 septembre 2000 et le 18 avril 2005. Il soutient que ces maladies ne sont pas reliées aux risques particuliers du travail car le travailleur n’a pas travaillé un nombre suffisant d’heures pour avoir provoqué l’apparition de ces maladies. Selon le procureur, le tribunal ne doit pas considérer les heures non déclarées à la Commission de la construction du Québec car à ce moment, le travailleur n’était pas inscrit à la CSST. Vu les heures enregistrées, le travailleur a pu bénéficier de beaucoup de temps de repos pour récupérer. Il s’agirait bien plus d’une manifestation d’une condition personnelle de dégénérescence. Par conséquent, les réclamations du travailleur devraient être rejetées.
[78] De son côté, le procureur de la CSST allègue que le travailleur n’a pas fait la preuve d’une relation entre ses maladies et son travail. De plus, le docteur Bachand n’explique pas, dans son rapport d’expertise, la relation possible entre la région lombaire et le travail alors qu’il le fait pour les autres sites anatomiques. Finalement, il prétend que la dégénérescence du travailleur est normale vu son âge et n’a pas été accentuée par son travail.
[79] Quant à la Ville de Québec, son représentant demande qu’elle soit retirée de la liste des employeurs concernés par la réclamation du travailleur puisqu’il n’aurait jamais travaillé pour celle-ci. De plus, il prétend que les maladies diagnostiquées reflètent plutôt une condition purement personnelle qui ne peut être associée à l’événement du 19 septembre 2000. Il est également d’avis que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation.
L’AVIS DES MEMBRES
[80] Dans un premier temps, sur le moyen préalable, le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a produit sa réclamation dans le délai prévu par la loi. Il l’a fait dans les trois mois après qu’il ait été informé par le médecin que ses douleurs au cou étaient reliées à son travail. De plus, il n’avait aucun intérêt à produire une réclamation à la CSST auparavant.
[81] Le membre issu des associations d’employeurs partage le même avis. Selon le témoignage du travailleur, personne ne lui a dit auparavant que ses douleurs étaient reliées à son travail. Les médecins lui conseillaient de réorienter sa carrière vu son état de santé, il était possible que cela ait été en lien avec la sclérose en plaques qui avait été diagnostiquée. Selon lui, la réclamation du travailleur est recevable.
[82] Sur le fond de l’affaire, le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a été victime d’une maladie professionnelle. Son témoignage, crédible, révèle que les tâches qu’il exécute comportent des risques particuliers susceptibles d’être à l’origine de sa maladie d’autant plus que le docteur Bachand confirme que l’apparition précoce de ces maladies ne peut être que reliée au travail.
[83] Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que les réclamations du travailleur devraient être rejetées. Celui-ci travaille de façon saisonnière, soit 14-15 semaines par année environ. Il utilise ses deux bras, donc le bras droit ne devrait pas être aussi affecté. De plus, il retient l’avis du docteur Morel à l’effet que les maladies diagnostiquées ne sont pas en relation avec le travail.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[84] La Commission des lésions professionnelles doit en premier lieu déterminer si le travailleur a produit sa réclamation alléguant une lésion professionnelle survenue le ou vers le 19 septembre 2000 dans le délai prescrit par la loi. Dans la négative, le tribunal doit décider si le travailleur a fait la preuve d’un motif raisonnable permettant de le relever des conséquences de son défaut de le respecter.
[85] Finalement, si la réclamation est jugée recevable, la Commission des lésions professionnelles doit ensuite déterminer si le travailleur a subi des lésions professionnelles le 19 septembre 2000 et le 18 avril 2005.
[86] Dans ce dossier, le travailleur souffre d’arthrose cervicale, de discarthrose L5-S1 et d’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule droite qu’il prétend avoir contractées par le fait de son travail en raison des risques particuliers qu’il comporte. Il s’agirait donc de maladies professionnelles.
[87] L’article 272 de la loi prévoit le délai pour produire une réclamation pour maladie professionnelle. Il se lit comme suit :
272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.
Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.
La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.
__________
1985, c. 6, a. 272.
[88] Aux termes de la jurisprudence la plus récente sur la question, le point de départ du délai prévu à cette disposition est la connaissance acquise par un travailleur de la nature de la maladie dont il est atteint et du lien de causalité qui peut exister entre cette maladie et son travail[2].
[89] Au cours de son témoignage à l’audience, le travailleur reconnaît que les premières douleurs sont apparues vers 1998, comme il l’a rapporté au docteur Gonthier. Toutefois, le travailleur allègue qu’il ne connaissait pas l’origine ou la cause de celles-ci bien qu’il ait pu en parler à quelques reprises à son médecin. Il soutient ne pas avoir eu de réponses claires à ces occasions et ne pas avoir reçu de traitement particulier. Le médecin lui prescrivait des anti-inflammatoires et la douleur s’amenuisait. Selon le tribunal, la preuve ne conclut pas que le travailleur ait eu connaissance du lien de causalité qui pouvait exister entre sa maladie et son travail, bien qu’il pouvait soupçonner un tel lien. Le tribunal considère très crédible le témoignage du travailleur. Celui-ci a témoigné de façon très honnête, même pour certaines questions qui pouvaient lui être préjudiciables, sans tenter de bonifier son témoignage.
[90] D’ailleurs, la commissaire Louise Desbois écrivait qu’il faut plus qu’un simple soupçon[3] :
« [16] La soussignée réitère sa position à savoir que de simples soupçons du travailleur ou de son entourage ne suffisent pas pour conclure à sa connaissance du caractère professionnel de la lésion : il ne s’agit alors pas de connaissance, mais de spéculation. Une certitude n’apparaît cependant pas non plus requise, celle-ci s’avérant de toute façon généralement impossible à atteindre »
[91] Le tribunal considère que la situation est différente du cas soumis par le procureur de l’employeur[4]. Dans cette affaire, les faits rapportés démontrent que le travailleur a toujours eu connaissance que sa maladie professionnelle était rattachée à son travail. Il en avait été informé par plusieurs médecins consultés. Il était persuadé que sa maladie avait été occasionnée par son travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[92] La Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur a acquis la connaissance qu’il souffrait d’une lésion professionnelle et qu’il y avait un lien entre celle-ci et son travail vers le mois de juin 2000, lorsque le docteur Gonthier a établi le diagnostic et l’a informé de la relation entre ses douleurs et son travail. Par conséquent, le tribunal déclare que la réclamation du travailleur est recevable.
[93] Au surplus, le tribunal ajoute que même s’il avait conclu que la réclamation avait été faite après l’expiration du délai prévu par la loi, il aurait relevé le travailleur de son défaut, tel que le permet l’article 352 qui se lit comme suit :
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
__________
1985, c. 6, a. 352.
[94] Dans l’appréciation d’un tel motif raisonnable, les circonstances propres à chaque dossier doivent être considérées. La Commission des lésions professionnelles considère comme motif raisonnable le fait qu’un travailleur n’ait pas réclamé plus tôt à la CSST parce qu’il n’avait rien à réclamer en regard de sa lésion professionnelle. Ce motif a d’ailleurs déjà été reconnu comme étant un motif raisonnable, tant par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles que par la Commission des lésions professionnelles[5].
[95] Dans la présente affaire, la preuve révèle que le travailleur n’a pas produit de réclamation plus tôt puisqu’il n’avait rien à réclamer pendant cette période. En effet, il a toujours continué à travailler et à accomplir toutes ses activités régulières. À ce sujet, la commissaire Desbois indiquait[6] :
« [75] Le tribunal privilégie en outre la notion de « matière à réclamation » parce qu’elle est plus concrète et collée à la réalité du travailleur que celle de « l’intérêt » qui peut faire l’objet de beaucoup d’interprétations. L’examen des termes utilisés dans la loi tend également à confirmer l’à-propos de l’utilisation de ce concept, notamment par l’utilisation du terme « réclamation » plutôt qu’ « avis » par exemple.
[76] En fait, lorsqu’une lésion professionnelle n’a entraîné ni incapacité de travail pendant plus de quatorze jours complets, ni atteinte permanente, et qu’elle n’a pas entraîné matière à quelque réclamation à la CSST, cela constitue certainement pour un travailleur un motif raisonnable de ne pas avoir soumis de réclamation plus tôt. La loi semble présumer qu’un travailleur saura normalement à l’intérieur d’un délai de six mois si sa lésion entraîne matière à réclamation. Mais l’article 352 de la loi permet précisément de pallier aux exceptions lorsque cela apparaît raisonnable. »
[96] À de nombreuses autres reprises, le tribunal a relevé un travailleur des conséquences de son défaut d’avoir produit sa réclamation à la CSST dans le délai pour le motif qu’il n’avait aucune réclamation à déposer[7]. En effet, comme l’écrivait la commissaire Louise Nadeau[8] :
« [24] Pour exercer un recours et produire une réclamation à la CSST, il faut avoir quelque chose à réclamer. On ne soumet pas une réclamation pour obtenir une décision de type déclaratoire sur le caractère professionnel d’une lésion mais pour obtenir réparation soit l’une ou l’autre des indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[25] Ce n’est qu’au moment de son arrêt de travail en novembre 2004 que le travailleur avait un intérêt à déposer une réclamation, ce qui constitue un motif raisonnable de le relever de son défaut. »
[97] Par ailleurs, en réponse à l’argument de l’employeur alléguant que le travailleur ait eu matière à réclamation puisqu’il prenait régulièrement des analgésiques et anti-inflammatoires, la Commission des lésions professionnelles a déjà décidé que le fait pour un travailleur de renoncer à réclamer « certaines matières à réclamation » comme le mentionnait la commissaire Desbois[9], n’a pas pour conséquence de constituer une renonciation définitive à exercer plus tard les droits pouvant naître de l’apparition d’une nouvelle lésion[10].
[98] Dans l’affaire Beauchemin[11], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles indiquait qu’il faut privilégier une interprétation large du motif raisonnable, particulièrement dans des cas où une interprétation plus stricte aboutirait à la déchéance d’un droit.
[99] Le tribunal doit maintenant déterminer si le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle les 19 septembre 2000 et 18 avril 2005.
[100] L’article 2 de la loi définit la lésion professionnelle comme suit :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[101] D’emblée, le tribunal écarte les notions d’accident du travail et de récidive, rechute ou aggravation. La preuve ne permet pas l’analyse en fonction de ces notions. D’ailleurs, il ne s’agit pas de la prétention du travailleur. Reste alors la notion de maladie professionnelle, que décrit en ces termes l’article 2 de la loi :
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
[102] Pour établir l’existence d’une maladie professionnelle, le travailleur peut bénéficier de l’application d’une présomption ou faire la démonstration que la maladie est caractéristique de son travail ou qu’elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
__________
1985, c. 6, a. 29.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 30.
[103] Pour analyser la présente situation en fonction de ces articles, il est primordial de connaître la ou les maladies qui affectent le travailleur.
[104] En l’espèce, on constate que le travailleur a consulté en 1998 et 1999 en raison de douleurs cervicales principalement. On parle alors de cervicalgie, de pincement important des espaces C5-C6 et C6-C7 avec ostéophytose plus importante, de hernies discales C5-C6 et C6-C7 probables versus un conflit ostéo-radiculaire et de discopathie dégénérative à ces niveaux. Tous les médecins consultés et les examens subis réfèrent davantage à la présence de signes de dégénérescence, particulièrement au niveau cervical. C’est ainsi que le docteur Gonthier émet le diagnostic d’arthrose cervicale avec limitation de l’extension du cou, le 19 septembre 2000.
[105] De plus, le docteur Bachand indique le 18 août 2005 que le travailleur présente des changements dégénératifs cervicaux multi-étagés sous forme de discarthrose, principalement aux niveaux C5-C6 et C6-C7.
[106] Le tribunal retient donc, pour le niveau cervical, le diagnostic d’arthrose cervicale. Il s’agit également du diagnostic qu’a retenu la CSST pour l’étude de la réclamation du travailleur.
[107] Le docteur Bachand, consulté le 18 avril 2005 par le travailleur dans le but d’obtenir une expertise en vue de l’audition devant la Commission des lésions professionnelles, pose d’abord un diagnostic de tendinite chronique à l’épaule droite qu’il ne retiendra plus dans son rapport d’expertise. Le tribunal ne retient pas non plus ce diagnostic puisqu’il s’agit de la seule fois où on en parle. En outre, des examens d’imagerie ultérieurs ne corroborent pas ce diagnostic.
[108] Par contre, le docteur Bachand émet, dans son rapport d’expertise, un diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire droite et de discarthrose au niveau L5-S1. Une tomodensitométrie du 25 octobre 2004 démontre de l’arthrose aux niveaux L4-L5 et L5-S1.
[109] De même, une résonance magnétique réalisée le 26 septembre 2005 démontre la présence de changements dégénératifs importants au niveau de l’articulation acromio-claviculaire de l’épaule droite avec des phénomènes inflammatoires associés.
[110] Le tribunal souligne également que ces diagnostics n’ont pas été contestés par la CSST ni par les employeurs. Vu l’article 224 de la loi, le tribunal est lié par ces diagnostics, tout comme l’était la CSST, car ils n’ont pas été contestés conformément à la loi.
[111] Le tribunal considère que ces maladies ne sont pas l’une des maladies visées à la section IV de l’annexe I de la loi. La présomption de l’article 29 ne peut trouver application. De plus, le travailleur n’a pas fait la preuve que la pathologie diagnostiquée est caractéristique de son travail de plâtrier-peintre.
[112] Toutefois, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a fait la démonstration, de façon prépondérante, que les maladies d’arthrose cervicale, de discarthrose au niveau L5-S1 et d’arthrose acromio-claviculaire droite diagnostiquées sont directement reliées aux risques particuliers du métier de plâtrier-peintre tel que celui-ci l’exerçait.
[113] En effet, le travailleur œuvre dans le domaine de la construction depuis l’âge de 16 ans. Une partie de ses heures de travail sont inscrites au registre de la Commission de la construction du Québec depuis 1976. Elles totalisent 13 798.8 heures de 1976 à 2004, malgré une période de 8.5 années pendant lesquelles elles n’ont pas été enregistrées (ce qui représente quand même une moyenne annuelle d’environ 700 heures enregistrées). Il s’agit des quatre années où il a travaillé à temps plein pour la Ville de Québec et d’autres périodes où il était à son compte et ne déclarait pas ses heures à la Commission de la construction du Québec pour diverses raisons.
[114] Le tribunal estime que le fait que le travailleur n’ait pas été inscrit à la CSST pendant certaines périodes ou certaines heures n’a pas d’importance sur la recevabilité de sa réclamation. La Commission des lésions professionnelles a déjà accepté la réclamation de travailleurs même s’ils n’avaient pas été inscrits à la CSST pendant certaines périodes, dans les cas où, au moment de l’apparition des symptômes de la maladie professionnelle ou de l’accident du travail, ils étaient dûment inscrits à la CSST ou agissaient comme travailleur pour un employeur inscrit[12]. Or, au moment où les maladies ont été diagnostiquées, le travailleur travaillait pour un employeur inscrit.
[115] Le tribunal estime qu’il doit tenir compte aussi des heures de travail non déclarées pour déterminer si le travail peut être en lien avec les maladies dont il se plaint. Le tribunal retient donc de la preuve que le travailleur a effectué un nombre d’heures de travail beaucoup supérieur à 13 798.8 au cours de sa carrière. Bien entendu, le travailleur ne travaillait pas à temps plein. C’est probablement pourquoi il a pu continuer à travailler longtemps après que les premières douleurs soient apparues.
[116] La preuve révèle que les fonctions de plâtrier-peintre exercées par le travailleur l’amènent à manipuler, principalement avec son membre supérieur droit, différents outils et ce, dans des positions contraignantes.
[117] Le tribunal a pu constater, lors de la démonstration faite par le travailleur, que celui-ci doit adopter des positions nécessitant des mouvements d’extension prolongée du rachis cervical et de la colonne lombaire, principalement lorsqu’il travaille sur les plafonds ou les hauts de mur. Le tribunal est d’avis que la fréquence de ces mouvements est importante dans le cas du travailleur puisque pendant plusieurs années, il a travaillé davantage à faire des plafonds et des murs. À ce sujet, le tribunal ne retient pas l’opinion du docteur Morel de la CSST puisque la preuve a démontré le contraire. Toutefois, celui-ci admet que le travail de tireur de joints est plus exigeant si l’on travaille pour « plastrer » les plafonds.
[118] En effet, le travailleur a témoigné que lorsqu’il travaillait sur un plafond, il avait continuellement le cou en extension ou en flexion. De même, la colonne lombaire était beaucoup sollicitée par les mouvements d’extension arrière extrême et de flexion extrême puisque le travailleur mentionne qu’il tentait de couvrir le plus d’espace possible pour diminuer les déplacements des échafauds.
[119] Il en est de même pour les mouvements de l’épaule droite. Rappelons que le travailleur est droitier et qu’il utilisait donc son membre dominant de façon importante, sinon continuelle. La démonstration et la description faites ont permis d’observer de nombreux mouvements de flexion, d’abduction et d’adduction combinés de l’épaule droite, sans oublier la force ou la pression constante et soutenue requise. Le travail aux plafonds ou à la partie haute des murs occasionne une posture contraignante de l’épaule puisque l’épaule est plus élevée qu’en position neutre. D’ailleurs, le travailleur a témoigné que ses douleurs étaient pires dans ces conditions.
[120] Le tribunal estime que le travailleur a fait la preuve que la majorité de son travail sollicite les structures anatomiques lésées. En effet, la preuve révèle que le travailleur effectue son travail exigeant pendant des journées et des semaines complètes. Le temps de repos n’est pas très long. Même si les tâches varient au cours d’une même journée de travail, les gestes accomplis pendant la grande majorité du temps comportent des mouvements qui sollicitent toujours les mêmes structures.
[121] La preuve révèle que le travailleur a clairement une condition personnelle de dégénérescence. Cependant, la preuve permet de conclure que son travail au cours des années a permis d’aggraver cette condition au point de faire apparaître beaucoup plus rapidement cette dégénérescence (à l’âge de 41 ans seulement) et de le rendre incapable de poursuivre ses activités de travail. Vu le nombre d’heures de travail au cours de la carrière que le tribunal considère important à cause de toutes les heures travaillées et non seulement de celles enregistrées, la Commission des lésions professionnelles constate toutefois qu’au cours de ces années, le travailleur a effectué, de façon principale, des tâches qui entraînent une sollicitation du rachis cervical, du rachis lombaire et de l’épaule droite. La sollicitation est d’autant plus importante puisque le travailleur a travaillé particulièrement sur des plafonds et des murs, ce qui entraîne des mouvements répétés et prolongés de ces structures. De tels mouvements effectués dans de telles conditions constituent des risques particuliers.
[122] D’ailleurs, la Cour d’appel rappelait dans l’affaire PPG Canada inc. c. C.A.L.P.[13] que l’aggravation d’une condition personnelle préexistante peut constituer une lésion professionnelle si un accident du travail ou une aggravation causée par les risques particuliers du travail est survenu.
[123] La condition médicale du travailleur est documentée depuis 1998. L’analyse de la preuve médicale depuis ce temps permet de constater que la condition du travailleur aux niveaux cervical et lombaire a connu une détérioration évidente. Il n’est plus capable d’exercer son emploi de tireur de joints. Il s’agit d’une condition personnelle mais considérant les opinions des docteurs Gonthier et Bachand, le tribunal estime que les risques particuliers du travail du travailleur ne sont pas étrangers à la détérioration de cette condition.
[124] Le tribunal ne retient pas que la sclérose en plaques soit à l’origine des douleurs ressenties par le travailleur et de sa dégénérescence. Il s’agit d’une trouvaille radiologique non supportée par des signes cliniques. On parlait alors d’une maladie bénigne qui ne s’est pas aggravée. D’ailleurs, le docteur Girard indiquait le 20 mai 2004 qu’il n’avait pas débuté de traitement immuno-modulateur. De plus, le radiologiste mentionnait en octobre 2004, à la suite d’une résonance magnétique, qu’il n’avait pas tous les critères de Barkhof pour pouvoir parler d’une sclérose en plaques malgré certaines anomalies de signal fortement suggestives d’une maladie démyélinisante. Pour sa part, le docteur Bachand écarte cette maladie comme la source de la symptomatologie douloureuse du travailleur. Il considère qu’elle est beaucoup plus mécanique, secondaire à des changements dégénératifs qu’il attribue au travail exécuté.
[125] Ainsi, à l’instar des docteurs Gonthier et Bachand, le tribunal est d’avis qu’il y a une relation entre l’aggravation de la condition physique du travailleur et son travail. Celui-ci souffre d’arthrose cervicale, de discarthrose L5-S1 et d’arthrose acromio-claviculaire de l’épaule droite qui ont été accentuées par les risques particuliers de son travail. Le tribunal conclut donc que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 19 septembre 2000 et le 18 avril 2005, soit une aggravation de sa condition personnelle préexistante par des risques particuliers de son travail de plâtrier-peintre.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 174292-01A-0112
ACCUEILLE la requête de monsieur Stevens Lechasseur, le travailleur;
DÉCLARE recevable la réclamation du travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 22 octobre 2001 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 19 septembre 2000, soit une aggravation d’une condition personnelle préexistante (arthrose cervicale) faite par le fait de risques particuliers de son travail de plâtrier-peintre;
DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi en conséquence de cette lésion professionnelle.
Dossier 302786-01A-0611
ACCUEILLE la requête du travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 1er novembre 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 avril 2005, soit une aggravation d’une condition personnelle préexistante (discarthrose L5-S1 et arthrose acromio-claviculaire à l’épaule droite) causée par le fait de risques particuliers de son travail de plâtrier-peintre;
DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi en conséquence de cette lésion professionnelle.
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Normand Michaud |
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Commissaire |
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Me Édouard Côté |
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GUAY CÔTÉ, AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Michel Lalonde |
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LEBLANC LALONDE & ASSOCIÉS, AVOCATS |
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Représentant des parties intéressées Gides April inc. Construction G.H.M. inc. |
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Me Nathalie Grenier |
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GIASSON ET ASSOCIÉS, AVOCATS |
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Représentante de la partie intéressée Ville de Québec |
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Me Pierre Villeneuve |
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PANNETON LESSARD, AVOCATS |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] [1987] 119 G.O. II, 5576
[2] Voir à cet effet, Viger et CHUQ (Pavillon Hôtel-Dieu) [2003] C.L.P. 1669 ; Maltais et Métallurgie Bracco enr., C.L.P. 206156-02-0304, 13 avril 2004, H. Thériault; Arseneau et 90899238 Québec inc., C.L.P. 232014-01B-0404, 14 juillet 2004, R. Arseneau; Lévesque et Escompte Coiffe, C.L.P. 237525-31-0406, 8 septembre 2004, P. Simard; Tessier et Centre médical des Carrières, C.L.P. 239645-32-0407, 16 septembre 2004, C. Lessard; Vanounou et Aspamill inc., C.L.P. 232821-71-0404, 7 juin 2005, R. Langlois; Blouin et Équipement Fédéral inc., C.L.P. 265994-32-0507, 11 janvier 2006, L. Langlois; Vézina et Commission scolaire de la Rivière-du-Nord, C.L.P. 229170-64-0403, 22 février 2006, J.-F. Martel; Kazinevich et Ministère des transports, C.L.P. 248832-62B-0411, 10 avril 2006, M.-D. Lampron; Poirier et HydroQuébec, C.L.P. 243059-64-0409, 18 mai 2006, M. Montplaisir
[3] Rehel et Balcock & Wilcox Canada, C.L.P. 282677-01B-0602, 17 novembre 2006, L. Desbois
[4] Perron et Mittal Canada inc., C.L.P. 251823-62B-0412, 14 novembre 2005, M.-D. Lampion
[5] Wojtaszczyk et Bas de nylon Doris ltée, [1996] C.A.L.P. 1472 ; Fournier et Pourvoirie au pays de Réal Massé, C.A.L.P. 87354-63-9704, 20 juin 1997, A. Suicco; Gravel et Florabec inc., C.L.P. 140053-62A-0006, 8 janvier 2001, D. Rivard; Bonenfant et Fondation Petrifond Cie ltée et Géodex inc., C.L.P. 269913-61-0508, 14 juillet 2006, L. Nadeau
[6] Dufresne et G. D. Construction & Fils inc., C.L.P. 141787-01B-0006, 18 juillet 2001, L. Desbois
[7] Voir notamment :
Morin et Drummond Mc Call, 33923-60-9111, 11 février 1994, A. Suicco; Robitaille et Société de transport de Laval, 123261-63-9909, 2 novembre 2000, D. Beauregard; Brassard et Voltech, 180232-02-0203, 11 octobre 2002, C. Bérubé; Morin et Locations Michel Trudel inc., 198776-62A-0212, 28 juillet 2005, J. Landry
[8] Bonenfant et Fondation Pétrifond Cie ltée et Géodex inc., précitée, note 5
[9] Précitée, note 6
[10] Baril et Importations Lorex enr., 103548-64-9806, 25 janvier 1999, F. Poupart; Pietras et Laboratoires Ultrateck inc., 252559-62C-0501, 14 mars 2005, M. Sauvé
[11] Beauchemin et Commission scolaire des Cantons, C.A.L.P. 35264-62B-9112, 15 septembre 1993, P. Capriolo
[12] Violette et Pauline Violette psychologue (fermée) C.L.P. 113034-64-9903, 17 septembre 2002, C.-A. Ducharme; Gagné et CSST, C.L.P. 258118-62C-0503, 7 juillet 2007, M. Sauvé, (05LP-75)
[13] [2002] C.L.P. 1213 (C.A.)
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