Décision

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Gabarit EDJ

Droit de la famille — 141988

2014 QCCS 3844

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

 

 

 

N° :

150-12-008158-923

 

 

 

DATE :

5 juin 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MANON LAVOIE, J.C.S.

 

______________________________________________________________________

 

 

A... L..., [...], Ville A (Québec) [...]

Demandeur

c.

D... B..., [...], Ville A (Québec) [...]

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]   Le demandeur recherche une modification des mesures accessoires soit l’annulation de la pension alimentaire établie au profit de la défenderesse. Il demande d’être libéré de cette obligation, alléguant qu’il n’a plus la capacité financière de payer une telle pension.

[2]   La défenderesse conteste le droit pour le demandeur d’annuler la pension alimentaire. Elle plaide que la convention signée en 2001 avait un caractère définitif et qu’il n’y a aucun changement important justifiant une modification de ses termes. Elle soutient qu’elle est en droit de recevoir une pension alimentaire et elle demande au tribunal de ne pas modifier l’accord conclu entre les parties.

LES FAITS ET LES PROCÉDURES

[3]   Le 23 janvier 1971, les parties se sont épousées sous le régime de la séparation de biens. Elles ont cessé de faire vie commune en 1992, après vingt-et-un ans de vie maritale.

[4]   Le 29 octobre 1992, un jugement de divorce est prononcé afin d’entériner une convention sur mesures accessoires, réglant à l’amiable les conséquences financières de leur rupture et, procédant au partage du patrimoine familial. Le demandeur verse alors une pension alimentaire de 250 $ par semaine pour subvenir aux besoins de la défenderesse et de ses trois enfants.

[5]   Le 9 mai 2001, un jugement homologuant une autre convention est intervenu. À compter du 1er avril 2003, la pension alimentaire diminue à 185 $ par semaine pour tenir compte de la mise à la retraite du demandeur et de la majorité et l’autonomie financière de ses trois enfants. Par la signature de cette convention, le demandeur reconnaît également la dépendance financière de la défenderesse et s’engage à lui verser cette pension pour l’avenir, selon la clause libellée comme suit :

CONVENTION

«7.        Les parties conviennent, dès à présent, de leurs intentions de déterminer par la présente convention leurs obligations alimentaires pour l’avenir, de sorte qu’elles renoncent à se pourvoir en augmentation ou diminution de la pension alimentaire pouvant résulter d’une augmentation ou une diminution de leurs revenus respectifs ou de toutes autres circonstances prévisibles ou imprévisibles, que ce soit pour augmentation ou diminution de revenus de quelconque source, de placement, de RRQ ou d’héritage qui pourraient avoir les parties, le cas échéant;»

[6]   Toutefois, depuis 2001, la santé et la situation financière du demandeur se sont détériorées considérablement. Face cette situation, le demandeur sollicite l’annulation de la pension alimentaire.

[7]   La défenderesse conteste la demande d’annulation de la pension alimentaire. Elle plaide le caractère définitif de la convention signée en 2001 et elle demande le maintien du statu quo. Lors de l’audience, la défenderesse renonce à présenter sa requête en irrecevabilité en vertu de l’article 165(4) C.p.c., puisque nous débattrons du caractère définitif de la pension alimentaire dans le présent litige.

LA QUESTION EN LITIGE

[8]   Y a-t-il eu des changements radicaux et significatifs intervenus depuis l’entente en 2001, permettant au tribunal de modifier la pension alimentaire versée à la défenderesse ?

LE DROIT APPLICABLE

[9]   Dans Moge c. Moge,[1] la Cour suprême indique que, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le divorce, l’ordonnance alimentaire n’est plus basée uniquement sur la recherche de l’indépendance économique des époux. Elle vise davantage à répartir équitablement entre les époux, les avantages et les inconvénients qui résultent du mariage ou de son échec.

[10]     Dans Willick c. Willick,[2] la Cour suprême se prononce sur la portée de l’article 17(1) de la Loi et elle examine le pouvoir du tribunal de modifier une ordonnance alimentaire qui a eu pour effet d’entériner une convention de séparation lors d’un divorce. Le pouvoir discrétionnaire du tribunal en matière d’octroi d’aliments n’est pas lié par l’entente des époux, mais l’on se doit d’en favoriser l’exécution si elle rencontre les objectifs de la Loi. Par conséquent, à moins d’un changement de circonstances important, le tribunal doit éviter de la modifier.

[11]     Dans G. (L.) c. B. (G.)[3], la Cour suprême examine à nouveau cette question en précisant que le changement requis pour donner ouverture à une ordonnance modificative en vertu de l’article 17(1) de la Loi n’est plus aussi radical et imprévisible qu’auparavant. Il doit cependant s’agir d’un changement de circonstances substantiel et imprévu dans l’entente.

[12]     Dans Miglin c. Miglin,[4] la Cour suprême examine la portée restrictive d’une convention de séparation sur le pouvoir discrétionnaire du tribunal lorsque celui-ci est appelé à rendre une ordonnance alimentaire dans le cadre d’un jugement de divorce. Il faut accorder beaucoup de poids à une convention équitablement négociée qui reflète les volontés et les attentes des parties et qui est conforme pour l’essentiel aux objectifs de la Loi sur le divorce[5]. Ces arrêts établissent un critère de changement permettant à un tribunal d’écarter une entente alimentaire définitive entre conjoints dans le seul cas où un changement important est intervenu dans la situation après la conclusion de l’entente. Ce critère comporte un seuil, que l’on définit comme un changement radical et imprévisible ayant un lien de causalité avec le mariage. Il ne concerne ni le caractère équitable de l’entente, ni sa conformité aux objectifs de la Loi sur le divorce. Néanmoins, les vicissitudes de la vie étant ce qu’elles sont, les parties peuvent parfois se retrouver, après le divorce, dans des situations qu’elles n’avaient pas envisagées. Le critère applicable n’est pas l’imprévisibilité absolue; un examen approfondi de la jurisprudence révèle que pratiquement aucun changement n’est entièrement imprévisible. Il s’agit plutôt de savoir dans quelle mesure on peut dire que l’accord négocié de façon irréprochable a envisagé la situation qui est présentée à la Cour au moment de la demande[6]. (Soulignements du tribunal)

[13]     Dans M.L.P. c. L.S.,[7] la Cour suprême se penche à nouveau sur la manière dont le tribunal doit examiner une demande qui a pour but d’obtenir la modification d’une ordonnance alimentaire qui a entériné les dispositions d’une convention de séparation. Elle distingue le cadre d’analyse qui s’applique selon qu’il s’agit d’une ordonnance initiale ou d’une ordonnance modificative et indique qu’il revient aux tribunaux en définitive de décider s’il est survenu un changement de situation important qui justifie, au titre de l’art. 17, la modification d’une ordonnance rendue en vertu de l’art. 15.2 Parfois, la situation des parties amène les tribunaux à accorder peu de poids à une affirmation générale du caractère définitif du règlement et à conclure à l’existence d’un changement important. En revanche, à d’autres occasions, la situation des parties les amène à donner effet à cette affirmation générale et à conclure à l’absence d’un changement important[8]. Enfin, une fois rempli le critère préliminaire pour qu’une ordonnance alimentaire au profit d’un époux puisse être modifiée en vertu de l’art. 17, le tribunal doit décider quelle modification doit lui être apportée eu égard au changement de situation. Le tribunal prend alors le changement important en considération et ne modifie l’ordonnance que dans la mesure où ce changement le justifie. Le tribunal doit se limiter à apporter les modifications qui s’imposent, sans soupeser l’ensemble des facteurs en vue de rendre une nouvelle ordonnance totalement distincte de l’ordonnance existante, à moins que les circonstances n’en requièrent l’annulation plutôt que la simple modification[9]. (Soulignements du tribunal) 

[14]     Dans l’affaire D.S. c V.S.[10], la cour d’appel est d’avis que l’utilisation des mots « la vie durant », quel que soit le contexte, ne saurait priver le débiteur alimentaire du droit de faire la démonstration de changements substantiels et drastiques, le rendant incapable de payer le montant convenu à titre de pension alimentaire.

[15]     La jurisprudence nous enseigne ainsi, que dans un cas où les parties ont signé une convention incluant une clause définitive, le tribunal doit examiner, en premier lieu, s’il y a eu un changement permettant à un tribunal d’écarter une entente alimentaire définitive entre conjoints. Ce critère comporte un seuil, que l’on définit comme un changement radical et imprévisible ayant un lien de causalité avec le mariage.

[16]     En effet, lorsqu’une ordonnance modificative est recherchée en vertu de l’article 17(1) de la Loi, l’existence d’un changement important dans la situation des parties depuis que l’ordonnance a été rendue est une condition préliminaire à l’exercice de la juridiction du tribunal. Il doit s’agir d’un changement substantiel. Par conséquent, advenant un changement de situation important, le tribunal prend alors celui-ci en considération et ne modifie l’ordonnance que dans la mesure où ce changement le justifie, et ce, malgré une clause définitive. Le tribunal est toutefois invité à faire preuve de déférence à l’égard d’une entente mutuellement acceptable entre époux, mais conserve le pouvoir de modifier l’entente des parties s’il estime que les circonstances le justifient.

L’ANALYSE

[17]     Dans la présente cause, les parties ont fait vie commune pendant plus de vingt ans et se sont séparées. Elles ont vécu un mariage traditionnel. À l’époque du mariage, le demandeur est policier et la défenderesse demeure à la maison afin de se consacrer à l’éducation des enfants et à l’organisation de la vie familiale. Ainsi, le demandeur a toujours subvenu aux besoins de la défenderesse et de l’ensemble de la famille.

[18]     Le 29 octobre 1992, un jugement de divorce est prononcé entérinant une convention intervenue entre les parties réglant à l’amiable les conséquences financières de leur rupture.

[19]     Lors du partage du patrimoine familial, le demandeur a conservé la propriété de la résidence familiale. Il s’est alors engagé à verser à la défenderesse une somme de 5000 $  advenant la vente ou l’écoulement d’un délai de six ans. Il a également conservé la valeur de son fonds de pension qu’il détenait à titre de policier. Le demandeur a toutefois remis 25 000 $ à la défenderesse.

[20]     D’autre part, les parties ont convenu de procéder au partage des gains admissibles inscrits en vertu de la Loi sur le régime des rentes du Québec[11] .

[21]     Le demandeur s’est obligé envers la défenderesse à lui verser une pension alimentaire de 250 $ par semaine, en date du 1er septembre 1992. Il s’est également engagé à maintenir en vigueur une police d’assurance-vie d’une valeur de 200 000 $ dont elle était bénéficiaire irrévocable et à ne pas changer le bénéficiaire tant et aussi longtemps que le dernier des enfants des parties ne soit pas autonome.

[22]     Par conséquent, lors de leur séparation, les parties ont entrepris des négociations dans le but de régler à l’amiable les conséquences de leur rupture. Au cours de ces négociations, les parties étaient représentées par avocat. Il n’y a pas de raison de conclure a priori que la convention ne reflétait pas la véritable intention des parties au moment où elle a été signée. Cette convention faisait état d’une pension alimentaire à être versée à la défenderesse et à ses trois enfants, sans qu’il ne soit fait état d’une clause définitive.

 

La situation des parties au moment de la signature de la deuxième convention, le 9 mai 2001

[23]     Lors de la signature de la deuxième convention, il s’est écoulé plus de neuf ans depuis le divorce des parties et le demandeur subvient toujours aux besoins de la défenderesse et de ses trois enfants. L’autonomie financière des enfants et la prévisibilité de la mise à la retraite du demandeur ont été des facteurs qui ont joué dans le consentement des parties à faire une nouvelle évaluation de leur situation financière respective.

[24]     Ainsi, la pension alimentaire fut fixée en tenant compte du revenu de retraite prévisible du demandeur et du fait qu’il avait la certitude qu’il serait toujours actif sur le marché du travail, malgré sa retraite. C’est d’ailleurs seulement depuis janvier 2014 qu’il ne travaille plus, la distribution de journaux locaux ayant cessé dans la région A.

[25]     Par conséquent, à compter du 1er avril 2003, la pension alimentaire diminue à 185 $ par semaine, du fait également que la cadette, X, ne sera plus à charge au sens de la Loi sur le divorce. Le demandeur reconnaît également la dépendance financière de la défenderesse et il s’engage à assurer sa sécurité financière pour l’avenir, et ce, indépendamment de tout changement prévisible ou imprévisible.

[26]     Le tribunal note que la défenderesse  renonçait à demander une augmentation de pension alimentaire. Pour sa part, le demandeur a renoncé à demander une diminution de pension alimentaire si la défenderesse obtenait un emploi rémunérateur et si elle héritait d’un montant d’argent. Par contre, le demandeur n’a pas renoncé à demander une diminution de la pension alimentaire si les circonstances faisaient en sorte qu’il n’ait plus la capacité financière de la payer.

[27]     Lors de son témoignage, la défenderesse explique la raison de cet ajout de clause définitive par le fait qu’elle n’a pas bénéficié du partage du fonds de pension du demandeur. Elle mentionne qu’au moment de son divorce, elle craignait le demandeur, qui était policier et lui faisait des menaces. Toutefois, la défenderesse est représentée par une avocate et a entrepris au moment de leur séparation des discussions dans le but de régler à l’amiable les conséquences de leur séparation.

[28]     Il est à noter que cette clause est apparue seulement lors de cette deuxième convention. Au moment du divorce, aucune clause similaire n’apparaît dans la convention, et ce, bien que le demandeur conserve seul la propriété exclusive de tous les droits à la retraite dont il est titulaire ou propriétaire.

 

 

[29]     Toutefois, l’affirmation de la volonté du demandeur de continuer à assurer la sécurité financière de la défenderesse pour l’avenir dans le cadre de cette nouvelle convention confirme le caractère définitif de celle-ci et doit être interprétée en faveur de la défenderesse. Cependant, cette déclaration d’intention ne peut donner ouverture, à elle seule, au maintien du statu quo si les circonstances sont telles qu’une ordonnance alimentaire contreviendrait aux objectifs de la Loi.

La pension alimentaire

[30]     Ainsi, la convention qui a été signée le 9 mai 2001 est un des éléments à considérer, mais n’a pas l’autorité de la chose jugée. Le tribunal doit toutefois en favoriser l’exécution si, et seulement si, il est satisfait qu’elle est toujours conforme aux objectifs de la Loi

[31]     Depuis la séparation, le demandeur a satisfait à toutes ses obligations envers la défenderesse. Il lui a versé une pension alimentaire de 250 $ par semaine depuis le 1er septembre 2001 et, il lui verse une pension alimentaire de 185 $ pour elle-même depuis le 1er avril 2013. Cela représente approximativement 245 000 $ en date d’aujourd’hui.

[32]     Les revenus de ses emplois antérieurs ont permis au demandeur de rencontrer son obligation alimentaire et de subvenir à ses besoins.

[33]     Toutefois, la situation financière du demandeur s’est détériorée de manière significative à cause de son état de santé qui ne lui permet plus d’être actif sur le marché du travail. En effet, depuis qu’il a pris sa retraite en 2001, il a toujours eu un revenu d’emploi. Ce n’est que depuis janvier 2014, qu’il n’a plus de revenu d’emploi. Ainsi, depuis janvier 2014, le demandeur a dû suppléer à sa perte de revenu causée par la cessation des activités de son entreprise de distribution des journaux. Il a suppléé à ce manque de revenu en vendant des actifs, tels des véhicules, afin d’être en mesure d’acquitter la pension alimentaire due à la défenderesse et de subvenir à ses besoins.

[34]     La preuve démontre que des changements importants sont intervenus dans l’état de santé et la situation financière du demandeur depuis 2001 soit :

                     i.        Le demandeur est actuellement sans emploi depuis janvier 2014.

                    ii.        Il n’est plus apte à retourner sur le marché du travail. À cet effet, un rapport médical daté du 10 février 2014 de son médecin traitant fut déposé lors de l’audition et confirme que son état de santé s’est détérioré considérablement étant atteint d’un cancer du rectum depuis 2012 et de son incapacité à reprendre le travail. Ce fait est d’ailleurs admis par les parties.

                   iii.        Il est actuellement en proposition concordataire afin d’éviter une faillite ce qui l’amène à faire des versements de 500 $ mensuellement durant deux ans. Il terminera ceux-ci l’année prochaine.

                   iv.        Il habite présentement dans un logement en ville appartenant à son fils, dont le loyer s’élève à 365 $ par mois, puisque son état de santé nécessite qu’il demeure à proximité d’un hôpital afin de poursuivre ses traitements.

                    v.        La maison du demandeur est à vendre depuis plus d’un an, et ce, sans succès.  Le demandeur n’a ainsi d’autre alternative que de la louer.  Les revenus nets de location ne servent qu’à payer les termes hypothécaires relativement élevés et les frais inhérents. Cette location ne représente pas un revenu additionnel.

                   vi.        Malheureusement, les mauvais placements dans l’immobilier du demandeur et les conditions défavorables du marché du travail ont grandement affecté sa situation financière. Il n’a plus de placements et bénéficie d’un seul actif, sa résidence qui est largement hypothéquée. Il a dû ainsi encaisser en totalité la valeur de ses placements.

[35]     Par conséquent, le demandeur est présentement dans une situation financière précaire, puisqu’il n’a accumulé aucun capital comparable à celui de la défenderesse.

[36]     En l’espèce, la situation des parties n’est plus la même qu’en 2001. Il ne serait pas équitable de maintenir le statu quo compte tenu des changements significatifs dans la situation du demandeur depuis la signature de cette convention.

[37]     Le demandeur est aujourd’hui âgé de 67 ans Il est présentement incapable de continuer à travailler. Son revenu annuel s’élève actuellement à environ 35 465,96. Ce revenu provient essentiellement de son fonds de pension. Son revenu disponible en 2014 et pour les prochaines années sera donc sensiblement le même soit 35 465,96 $. Ce revenu n’est pas suffisant pour lui permettre d’acquitter la pension alimentaire et de subvenir à ses propres besoins qui augmenteront visiblement compte tenu de son état de santé qui nécessitera des soins particuliers et il ne peut plus utiliser son capital pour être en mesure de rencontrer ses obligations, son capital n’existant presque plus.

[38]     En effet, l’état des revenus et dépenses déposé au dossier, indique que ses dépenses annuelles s’élèvent à 24 000 $ par année. Selon le bilan qu’il a préparé, la valeur nette de ses actifs est nulle. La résidence qu’il habite a une équité d’environ 6 000 $.


[39]     Le demandeur a avisé la défenderesse que ses revenus d’emploi étaient dorénavant inexistants et qu’il n’avait plus la capacité financière de lui verser une pension alimentaire. Il a sollicité son accord pour revoir les termes de sa pension alimentaire. Aucune discussion n’a eu lieu à ce sujet et les relations entre les parties se sont envenimées.

[40]     À la fin de l’audition, le demandeur a offert à la défenderesse une réduction de la pension alimentaire. La défenderesse a refusé cette proposition et le montant de la pension alimentaire est demeuré inchangé.

[41]     Actuellement, le demandeur verse une pension alimentaire de 862,42 $ par mois à la défenderesse pour son seul bénéfice.

[42]     De son côté, la défenderesse a un revenu de 9 339,62 $ comprenant les prestations de R.R.Q, les REER, les intérêts et dividendes de ses placements et le gardiennage de chiens.

[43]     La défenderesse étant âgée de 64 ans, l’année prochaine, elle aura accès à sa pension de vieillesse et à sa rente de retraite RRQ. Si on diminue le revenu qui provient de sa pension alimentaire, son revenu annuel pourra sensiblement être le même en tenant compte de ses revenus qui augmenteront sensiblement l’année prochaine. Son revenu annuel actuel est de 9 339,62 $ et s’élèvera à environ 15 000 $, si on exclut la pension alimentaire.

[44]     Elle pourra également augmenter, si elle le désire, les revenus provenant de ses placements. Toutefois, bénéficiant d’un montant de 130 000 $ en placements, elle ne pourra subvenir seule à ses besoins durant plusieurs années. Le tribunal convient qu’une pension alimentaire doit être maintenue afin qu’elle n’utilise pas tout son capital  pour générer des revenus équivalents rapidement, sinon son capital sera épuisé d’ici quelques années.

[45]     Suivant le bilan qu’elle a produit au dossier, sa valeur nette s’élève à environ 555 533,07 $. Elle n’a pas de dettes, à l’exception de ses honoraires d’avocats. Toujours, selon l’état des revenus et des dépenses qu’elle a produit au dossier, ses dépenses annuelles s’élèvent à 8, 422,56 $.

[46]     Son revenu actuel est à peine suffisant pour couvrir ses dépenses. Toutefois, la demanderesse pourra toujours utiliser une partie de son capital pour subvenir à ses besoins.

[47]     Dans l’ensemble, la défenderesse a toujours su économiser et ses placements ont été nettement plus avantageux pour elle que pour le demandeur ce qui est remarquable, vu les circonstances.

[48]     Toutefois, une ordonnance alimentaire qui aurait pour effet de maintenir la convention des parties ne serait pas conforme aux objectifs de la Loi.

[49]     Le demandeur est à la retraite. Il n’a plus la capacité de payer une pension alimentaire de 862,42 $ par mois à la défenderesse. Il est impossible et il serait injuste de lui demander de continuer à utiliser son capital au même rythme qu’il le fait depuis plusieurs années pour payer à la défenderesse une pension alimentaire qui excède sa capacité financière, d’autant qu’elle a elle-même des ressources pour combler ses besoins.

[50]     De son côté, la défenderesse se retrouve présentement dans une situation financière plus favorable. Elle a économisé durant toutes ces années et elle a héritée de sa mère. Elle bénéficie actuellement d’un actif de plus de 500 000 $.

[51]     Le tribunal qualifie ces changements de significatifs lui permettant ainsi de réviser la pension alimentaire, et ce, indépendamment de la clause définitive.

[52]     Vu l’âge des parties, leurs ressources et leurs besoins, les termes de la convention de séparation signée en 2001, les représentations faites par le demandeur dans cette convention, les attentes de la défenderesse et l’historique des rapports entre les parties, le tribunal entend maintenir à 400 $ par mois le montant de la pension alimentaire payable par le demandeur à la défenderesse, à compter du présent jugement.

La provision pour frais

[53]     La provision pour frais demandée par la défenderesse pour acquitter ses honoraires d’avocats ne sera pas accordée parce que les faits de l’instance ne le justifient pas.

[54]     Le demandeur a tenté, à partir de janvier 2014, de trouver un terrain d’entente avec la défenderesse avant de se résoudre à intenter des procédures en annulation de la pension alimentaire. La défenderesse a refusé de participer à toute négociation.

[55]     Actuellement, la défenderesse a un patrimoine supérieur à celui du demandeur.

[56]     Le demandeur a entrepris de réduire ses dépenses au minimum et est actuellement lié par une proposition concordataire afin d’éviter une faillite. Il ne bénéficie d’ailleurs d’aucun actif si ce n’est sa maison qui est présentement en vente et dont l’équité est d’environ 6 000 $.

[57]     La défenderesse n’a pas démontré qu’elle était dans une position de faiblesse à cause de la fragilité de sa situation financière. Le demandeur doit acquitter les honoraires de son procureur également. La défenderesse devra faire de même.


PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

RÉDUIT à 400 $ par mois le montant de la pension alimentaire payable par le demandeur à la défenderesse à compter du présent jugement;

REJETTE la demande de provision pour frais de la défenderesse;

LE TOUT, sans frais.

 

 

 

__________________________________

MANON LAVOIE, J.C.S.

 

 

Me Émilie Perron

PERRON BONNEAU

Procureurs du demandeur

 

Me Lise Larouche

DUFOUR CÔTÉ LAROUCHE

Procureurs de la défenderesse

 

Date d’audience :

20 mai 2014

 

 

 



[1] [1992] 3 R.C.S. 813.

[2] [1994] 3 R.C.S. 670.

[3] [1995] 3 R.C.S. 370.

[4]  [2003] 1 R.C.S. 303.

[5] Id. par. 57.

[6]  Id. par. 89.

[7] [2011] 3 R.C.S. 775.

[8]  Id. par. 42.

[9]  Id. par. 47.

[10]  [2010] QCCA 740.

[11] LRQ, c R-9.

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