Décision

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Gabarit CSF

Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Dion

2020 QCCDBQ 025

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

 

BARREAU DU QUÉBEC

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N°:

06-20-03236

 

 

 

DATE :

26 mai 2020

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE CONSEIL :

Me PIERRE R. SICOTTE

Président

Me LOUISE DESAUTELS

Membre

Me ISABELLE LAFRENIÈRE

Membre

______________________________________________________________________

 

 

 

Me LUC LAPIERRE, avocat, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec

Plaignant

 

c.

 

 

Me STÉPHANE DION

Intimé

 

_____________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION EN VERTU DE L’ARTICLE 149.1 DU CODE DES PROFESSIONS

 

______________________________________________________________________

 

EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DES PERSONNES MENTIONNÉ DANS LES PROCÉDURES, LES PIÈCES ET LORS DE L’AUDITION ET DE TOUTE INFORMATION PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, ET CE, POUR LE RESPECT DE LEUR VIE PRIVÉE.

[1]           Le Conseil de discipline s’est réuni le 11 mai 2020 pour procéder à l’audition de la plainte déposée par Luc Lapierre, à titre de syndic adjoint du Barreau du Québec (le plaignant) contre Stéphane Dion (l’intimé).


LA PLAINTE

[2]           La plainte déposée le 9 janvier 2020 est fondée sur l’article 149.1 du Code des professions et fait suite à la condamnation de l’intimé le 30 août 2019 pour un acte criminel poursuivi sur déclaration sommaire, commis le 28 mai 2018.

[3]           Cette plainte est libellée ainsi :

1.    À Montréal, le 30 août 2019, dans le dossier de la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, portant le numéro 500-01-179884-181, a été déclaré coupable, suite à l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, de l’infraction criminelle ci-après mentionnée ayant un lien avec l’exercice de la profession d’avocat :

« Le ou vers le 28 mai 2018, à Montréal, district de Montréal, a commis un méfait à l’égard d’un bien d’une valeur ne dépassant pas 5000,00 $, soit : un iPad, commettant ainsi l’infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue à l’article 430 (1) a) (4) b) du Code criminel. »

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

[4]           Le plaignant dépose l’attestation du Barreau du Québec (l’Ordre) du statut de l’intimé[1] démontrant qu’il est membre en règle de l’Ordre professionnel en tout temps utile aux gestes reprochés.

[5]           Dès le début de l’audition devant le Conseil, l’intimé admet tous les faits allégués dans la plainte.

[6]           L’intimé, par ailleurs, n’a pas à enregistrer de plaidoyer, puisqu’il s’agit de déterminer s’il existe un lien entre la condamnation qui est alléguée et l’exercice de la profession selon l’article 149.1 du Code des professions auquel cas le Conseil pourra lui imposer une des sanctions prévues à l’article 156 du même Code.

[7]           À cet égard, l’intimé consent que le geste pour lequel il a été reconnu coupable a un lien avec l’exercice de la profession.

QUESTIONS EN LITIGE

[8]           Les questions en litige sont de trois ordres, à savoir :

·      Déterminer s’il est à propos de prononcer une sanction disciplinaire contre l’intimé?

·      Dans l’affirmative, si les principes de la recommandation conjointe sur sanction s’applique à une plainte portée en vertu de l’article 149.1 du Code des professions?

·      Si oui, la sanction recommandée conjointement par les parties déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public?

CONTEXTE

[9]           Au cours du mois de mai 2018, l’intimé est mandaté par B.C. (le propriétaire), son ex-beau-frère et propriétaire d’un immeuble, dans le contexte de la fin du bail d’un locataire, Q.D. (le locataire).

[10]        Le 23 mai 2018, l’intimé transmet une lettre à l’occupant de ce logement, P.T. (l’occupant), ex-conjoint du locataire du logement, lui demandant de quitter les lieux au plus tard le 31 mai 2018[2].

[11]        Le 25 mai 2018, le propriétaire transmet un courriel au locataire, l’avisant qu’il y aurait une visite du logement le 28 mai suivant et d’en aviser l’occupant. Le même jour, le locataire confirme au propriétaire que l’occupant en est avisé.

[12]        Le 28 mai, le locataire avise l’occupant que la visite aura lieu à 11 h 30 la même journée.

[13]        Informé par le propriétaire que l’occupant du logement avait été avisé de cette visite, l’intimé, tel qu’entendu, se présente au logement pour visiter les lieux.

[14]        À son arrivée, l’occupant lui refuse l’accès à son logement, ce qui entraîne une discussion à travers une porte close au cours de laquelle l’intimé lui dit que c’était entendu et qu’il était dans son droit.

[15]        Lorsque l’intimé ouvre lui-même la porte pour entrer, l’occupant l’attend en le filmant avec sa tablette iPad (iPad).

[16]        N’acceptant pas d’être filmé, l’intimé lui enlève son iPad et le pose sur un meuble d’entrée à sa droite.

[17]        L’iPad est toujours en état. Il ne l’a ni brisé ni fermé. L’intimé commence alors sa visite pour se rendre compte que l’occupant a récupéré son iPad et qu’il continue à le filmer tout en l’insultant.

[18]        Ce faisant, l’occupant, qui semble alors énervé, lui dit des paroles que l’intimé ne comprend pas. Selon l’intimé, l’occupant échappe alors son iPad.

[19]        C’est alors qu’avec un bâton de baseball, l’occupant s’approche de l’intimé qui se dirige vers la sortie. L’occupant tente, une première fois de le frapper à la tête sans succès et lui assène un autre coup que l’intimé pare avec son bras.

[20]        Les policiers sont appelés sur les lieux. Après avoir rencontré l’occupant, les policiers avisent l’intimé qu’il est entré par effraction et que l’occupant aurait pu utiliser n’importe quelle arme pour le faire sortir.

[21]        L’intimé, se croyant victime de voies de fait, veut porter plainte. Il reçoit des policiers un numéro d’évènement pour joindre un enquêteur, ce qu’il ne réussit jamais à faire.

[22]        En lieu et place, l’intimé reçoit une sommation de méfait à l’égard d’un bien meuble d’une valeur ne dépassant pas 5 000 $, soit la tablette iPad.

[23]        Le 30 août 2019, l’intimé plaide coupable à l’infraction reprochée et se voit absoudre de façon inconditionnelle.

[24]        Le 18 décembre 2019, le Comité des requêtes du Barreau, formé pour décider si une mesure doit être mise en place à l’endroit de l’intimé suite à son plaidoyer de culpabilité qu’il a enregistré sur le même chef d’accusation, décide de ne point le radier, suspendre ou limiter son droit d’exercice.

[25]        C’est à la suite de cela que le plaignant dépose la présente plainte.

ANALYSE

[26]        L’article 149.1 du Code des professions en vertu duquel le syndic a déposé la plainte contre l’intimé est ainsi libellé :

149.1 Un syndic peut saisir le conseil de discipline, par voie de plainte:

1°  de toute décision d’un tribunal canadien déclarant un professionnel coupable d’une infraction criminelle;

(…)

La décision visée au premier alinéa doit, de l’avis du syndic, avoir un lien avec l’exercice de la profession.

Une copie dûment certifiée de la décision judiciaire fait preuve devant le conseil de discipline de la perpétration de l’infraction et, le cas échéant, des faits qui y sont rapportés. Le conseil de discipline prononce alors contre le professionnel, s’il le juge à propos, une ou plusieurs des sanctions prévues à l’article 156.

Q.1 Le Conseil doit-il prononcer une sanction disciplinaire contre l’intimé?

[27]        L’infraction criminelle concernée et pour laquelle l’intimé a été reconnu coupable concerne un méfait à l’égard d’un bien d’une valeur ne dépassant pas 5 000 $.

[28]        Le lien entre cette condamnation et l’exercice de la profession est admis par l’intimé.

[29]        Vu le sérieux objectif de la condamnation criminelle, le Conseil juge à propos d’user de sa discrétion judiciaire pour prononcer une des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions.

[30]        En effet, le comportement révélé par l’infraction met en cause les actes normalement posés dans l’exercice de la profession d’avocat. Qu’il s’agisse de l’envoi d’une lettre de mise en demeure ou de la visite du logement afin d’en constater l’état à la fin du bail, à la demande du propriétaire, en sont de très bons exemples.

Q.2 : Les principes de la recommandation conjointe sur sanction s’applique à une plainte portée en vertu de l’article 149.1 du Code des professions?

[31]        Dans le cas présent, les parties présentent au Conseil une recommandation conjointe sur sanction.

[32]        Elles plaident l’application, en l’espèce, des principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Anthony-Cook[3] en matière de recommandation conjointe relative à la peine en droit criminel.

[33]        Selon cet arrêt, en présence d’une recommandation conjointe, ce n’est pas le critère de la « justesse de la peine » qui s’applique, mais celui plus rigoureux de savoir si la peine serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait, par ailleurs, contraire à l’intérêt public.

[34]        Quant à savoir si les principes de la recommandation conjointe sur sanction s’appliquent à une plainte portée en vertu de l’article 149.1 du Code des professions, voici comment s’exprime un autre conseil de discipline sur cette question, et ce, dans l’affaire Côté[4] :

73. Le Conseil est d’avis que les principes énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook s’appliquent mutandis mutandis au cas présent, et ce, pour les motifs suivants.

74. Le raisonnement de la Cour suprême afin de justifier un seuil aussi rigoureux que celui de l’intérêt public est basé sur les nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, de même que sur l’importance du rôle que jouent les recommandations conjointes dans la saine administration de la justice.

75. La Cour suprême réfère aux avantages pour l’accusé, le ministère public, les victimes, ainsi que pour l’administration de la justice en général[32].

76. Au sujet de l’avantage pour l’administration de la justice la Cour suprême écrit que : « les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage»[33].

77. Comme mentionné précédemment, la première étape en vertu de l’article 149.1 du Code des professions, consiste à déterminer si un lien existe entre l’infraction criminelle et la profession.

78. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un plaidoyer de culpabilité, l’intimé a admis le lien entre l’infraction criminelle et l’exercice de la profession, évitant ainsi la tenue d’une audience sur cette première question. Cette admission n’est donc pas sans bénéfices pour le système judiciaire, ni pour le plaignant.

79. De plus, l’existence d’un lien entre l’infraction criminelle et l’exercice de la profession ne mène pas automatiquement à l’imposition d’une sanction. Il s’agit de la deuxième étape à suivre dans le cadre de l’article 149.1 du Code des professions.

80. Or, l’intimé reconnait qu’une sanction devrait lui être imposée dans le cadre du présent dossier et les parties, représentées par avocats, ont négocié une recommandation conjointe à cet égard.

81. Les parties se présentent devant le Conseil avec un règlement sur tous les aspects de l’article 149.1 du Code des professions. Il s’agit d’un règlement complet au sens de l’arrêt Blondeau[34] de la Cour d’appel du Québec.

82. Le Tribunal des professions dans l’affaire Fillion[35] a récemment infirmé la décision d’un conseil de discipline qui refusait de suivre la recommandation conjointe formulée par les parties à l’égard d’une plainte en vertu de l’article 149.1 du Code des professions. Dans sa décision, rendue oralement, le Tribunal « prend acte de la recommandation commune » en notant, entre autres, que celle-ci ne « déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public ».

__________________________

[34]  Blondeau c. R., 2018 QCCA 1250.

[35] Fillion c. Avocats (Ordre professionnel des), 500-17-000974-174, 13 mars 2019 (procès-verbal de décision rendue oralement).

[Transcription textuelle, Références omises]

[35]        Dans le présent dossier, tout comme dans l’affaire Côté[5], l’intimé admet le lien entre l’infraction criminelle et l’exercice de la profession et reconnait qu’une sanction devrait lui être imposée. Ainsi, les parties, représentées par avocats, ont négocié une recommandation conjointe à cet égard.

[36]        Dans les circonstances, le Conseil appliquera les principes énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook à la recommandation conjointe sur sanction des parties.

Q.3 : Le Conseil doit se demander si la sanction recommandée conjointement par les parties déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public?

[37]        Les parties recommandent conjointement au Conseil d’imposer l’amende minimale de 2 500 $.

[38]        Le plaignant demande au surplus la totalité des déboursés prévus à l’article 151 du Code des professions ce que l’intimé ne conteste pas.

Principes en matière de sanction

[39]        Dans l’analyse de la gravité de l’infraction criminelle commise, le Conseil doit s’en tenir au fait rapporté dans le jugement de la Cour. Il ne peut mettre en doute la culpabilité de l’intimé d’aucune façon.

[40]        Il est également important de souligner qu’il n’est pas de la juridiction du Conseil de punir l’intimé pour l’infraction criminelle qu’il a commise, la Cour du Québec l’ayant absous inconditionnellement.

[41]        Le Conseil doit déterminer la sanction juste et raisonnable qui assurera en premier lieu la protection du public, dissuadera le professionnel de récidiver et découragera les autres membres de la profession de l’imiter, comme nous l’enseigne la Cour d’appel dans l’affaire Pigeon c Daigneault[6].

[42]        Le Conseil doit considérer par la suite le droit du professionnel d’exercer sa profession tout en gardant à l’esprit que l’exercice d’une profession est un privilège comportant des obligations corrélatives, dont le respect des exigences de la réglementation de son Ordre[7].

[43]        La sévérité de la sanction est déterminée en proportion raisonnable de la gravité objective de la faute commise.

[44]        Le Conseil doit aussi respecter le principe de l’individualisation de la sanction ainsi que de tenir compte des facteurs objectifs de même que des circonstances aggravantes et atténuantes, pertinentes à la détermination de la sanction de chaque affaire.

[45]        Lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par les parties, la Cour d’appel rappelle que la suggestion conjointe « dispose d'une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu'elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité[8] ».

[46]        Le Tribunal des professions enseigne qu’une suggestion conjointe ne doit pas être écartée « afin de ne pas discréditer un important outil contribuant à l'efficacité du système de justice, tant criminelle que disciplinaire»[9].

[47]        De plus, le Tribunal des professions invite les Conseils de discipline « non pas à décider de la sévérité ou de la clémence de la sanction, mais à déterminer si elle s'avère déraisonnable au point d'être contraire à l'intérêt public et de nature à déconsidérer l'administration de la justice[10] ».

[48]        La Cour suprême du Canada a récemment réitéré ce principe dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook[11] et a exposé clairement le critère d’intérêt public permettant d’écarter une recommandation conjointe et l’importance d’accorder un haut degré de certitude  à celle-ci :

« [32]  Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador sont utiles à cet égard.

[33] Dans Druken, au par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. v. B.O.2, 2010 NLCA 19 (CanLII), au par. 56, lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».

[

[40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage.

[

[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé.

[»

[49]        Les parties présentent une recommandation conjointe sur sanction qui prévoit l’imposition de l’amende minimale, soit 2 500 $ plus la totalité des déboursés sur le seul chef d’infraction.

[50]        Respecter les prescriptions de la loi et de sa réglementation dans l’exercice de sa profession est fondamental pour tout professionnel.

[51]        Ce mode de réglementation du comportement d’un membre d’un Ordre sert d’assise à la protection du public.

[52]        La profession d’avocat exige une rigueur sans laxisme.

[53]        Ainsi, le Conseil ne doit pas punir l’intimé, mais assurer en tout premier lieu la protection du public.

[54]        La conduite de l’intimé porte ombrage à l’ensemble de la profession.

[55]        Le Conseil retient également que la compétence de l’intimé n’est pas en cause.

Facteurs objectifs

[56]        Le Conseil comprend de la situation que, dans un climat de tension où l’occupant refuse de collaborer, l’intimé insiste et se rend coupable d’abus et d’excès physiques. Il aurait mieux valu qu’il se retire et prenne d’autres mesures.

[57]        Les faits reprochés sont sérieux. Ils portent atteinte à la confiance du public à l’égard du professionnel visé par l’inconduite, ainsi qu’à l’égard de l’ensemble des membres de cette profession.

[58]        Par ailleurs, malgré l’absence de modération de l’intimé, il n’est accusé que de méfait sur un bien meuble de moins de 5 000 $ lequel méfait est, par ailleurs, poursuivi par voie sommaire et d’où en résulte une absolution inconditionnelle.

[59]        Il s’agit également d’un acte isolé dans la pratique professionnelle de l’intimé qui compte plus d’une vingtaine d’années de pratique.

Facteurs subjectifs

[60]        L’intimé enregistre un plaidoyer de culpabilité à la procédure criminelle portée contre lui.

[61]        Il reconnaît le lien entre l’infraction pour laquelle il a été déclaré coupable au criminel et l’exercice de la profession.

[62]        Tout en reconnaissant ses fautes, l’intimé affirme qu’il fera tout en son pouvoir pour ne plus se retrouver dans une telle situation. Ayant bien compris que son comportement était inadéquat, il propose de procéder avec un huissier s’il devait se rendre en des lieux particuliers où il doit procéder à certaines constatations.

[63]        L’intimé œuvre dans les domaines du droit administratif et social et représente également des accidentés de la route. Dans ce contexte, il y a peu de possibilités qu’il ait une partie adverse autre que l’État ou qu’il doive se présenter en des lieux privés pour faire valoir les droits de ses clients.

[64]        Ainsi, fort de ses regrets et des mesures correctives qu’il entend mettre en place, le Conseil est d’avis que le risque de récidive, bien qu’existant, est peu probable dans les circonstances actuelles.

[65]        Quant à la jurisprudence en semblable matière, des gestes similaires à celui posé par l’intimé ont fait l’objet de sanction variant de réprimande à des périodes de radiation pouvant atteindre trois mois, dépendant des circonstances.

[66]        En effet, en voici quelques exemples :

·      Dans l’affaire Bélliard[12], un avocat s’est vu imposer une période de radiation de trois mois pour avoir repoussé un enquêteur qui s’est interposé entre lui et des témoins à qui il voulait parler.

-       L’intimé avait des antécédents disciplinaires pour avoir manqué à son devoir de soutenir l’autorité des tribunaux.

·      Dans l’affaire Broekaert[13], une infirmière s’est vue imposer une période de radiation d’un mois à la suite d’une condamnation criminelle pour avoir commis un méfait à l’égard d’un bien d’une valeur ne dépassant pas 5 000 $ (une vitre et un cadrage).

-       L’intimée avait des problèmes personnels et a commis le méfait alors qu’elle avait omis de se conformer à une ordonnance de ne pas se retrouver dans un certain rayon du domicile d’une personne et de se conformer à une ordonnance de ne pas consommer d’alcool ou des substances toxiques.

·      Dans une autre décision impliquant Me Claude[14], ce dernier s’est vu imposer une réprimande pour avoir tenu à l’égard d’un confrère des propos inappropriés lors d’une conversation téléphonique, soit « intellectuellement déficient » et d’ « ostie d’épais ».

·      Même chose dans l’affaire Goldwater[15] pour avoir manqué d’agir avec modération et courtoisie dans une salle d’audience en présence de collègues.

·      Enfin, une réprimande dans le dossier de Me Woloshen[16] qui a eu des propos inappropriés, soit « fuck you » lors d’un interrogatoire hors de Cour.

[67]        Ainsi, le Conseil, vu les circonstances du présent dossier, considère que la recommandation conjointe des parties n’est pas déraisonnable ou contraire à l’intérêt public aux termes de la jurisprudence et imposera ainsi à l’intimé une amende de 2 500 $.

[68]        Également, une telle sanction satisfait les critères de dissuasion à l’égard de l’intimé et d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession propres à la sanction disciplinaire.

POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL :

[69]        CONSTATE la condamnation de l’intimé, à l’égard de l’infraction criminelle décrite au seul chef de la plainte portée contre lui.

[70]        DÉCLARE que le reproche formulé au chef de la plainte est en lien avec l’exercice de la profession d’avocat.

[71]        IMPOSE à l’intimé une amende de 2 500 $ sur le seul chef de la plainte portée contre lui.

[72]        CONDAMNE l’intimé au paiement de la totalité des déboursés prévus à l’article 151 du Code des professions.

[73]        AUTORISE la secrétaire du Conseil à signifier la présente décision par courriel à la partie plaignante et à l’intimé, ce dernier à l’adresse courriel qu’il a fournie à l’Ordre, ainsi qu’à son avocat.

 

_______________________________

Me PIERRE R. SICOTTE

Président

 

 

 

_______________________________

Me LOUISE DESAUTELS

Membre

 

 

 

_______________________________

Me ISABELLE LAFRENIÈRE

Membre

 

Me Luc Lapierre, syndic

Plaignant

 

 

Me Giuseppe Batista

Avocat de l’intimé

 

 

Date d’audience : 11 mai 2020

 

 

 



[1] P-1.

[2] P-2.

[3] R c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[4] Barreau c. Côté, 2020 QCC DBQ 8.

[5] Supra, note 4.

[6] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[7] David c Bergeron (Denturologisrtes), 2000 QCTP 65 (CanLII); Dupont c Dentistes, 2003 QCTP 77; Monfette c Médecins (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 52.

[8] Dumont c. R., 2013 QCCA 576.

[9] Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel de), 2012 QCTP 52.

[10] Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5A.

[11] R. c. Anthony-Cook, supra, note 3.

[12] Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Belliard, 2014 QCC DBQ 42, confirmé par le T.P. 2015, QCTP 111.

[13] Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Broekaert, 2009, CanLii 80582 (QC CDOII).

[14] Barreau du Québec (Syndic adjoint) c. Claude, 2019 QCC DBQ 102.

[15] Barreau du Québec (Syndique adjointe) c Goldwater, 2013 QCC DBQ 043.

[16] Barreau du Québec (Syndic adjoint) c Woloshen, 2019 QCC DBQ 52.

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