DÉCISION
[1] Le 29 novembre 2002, madame Hélène Gagné (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue le 20 novembre 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 26 août 2002, laquelle déclarait que la travailleuse est raisonnablement en mesure d'accomplir sans risque les tâches auxquelles son employeur, Centres Jeunesse Chaudière-Appalaches, l'a assignée temporairement.
[3] Le 26 mars 2003, la Commission des lésions professionnelles tient une audience en présence des parties et de leur représentant.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le représentant de la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la travailleuse était en droit de refuser d'exécuter le travail offert par l'employeur dans le cadre de l'assignation temporaire, et ce, pour les motifs suivants:
1. le formulaire d'assignation temporaire n'était pas valide eu égard au manque de précisions relatives aux différentes tâches;
2. la travailleuse n'était pas en mesure d'effectuer sans risque le travail proposé; et
3. l'assignation temporaire proposée allait à l'encontre de certaines dispositions de la convention collective.
LES FAITS
[5] La travailleuse, une éducatrice spécialisée, est victime d'un accident du travail le 20 août 2001, alors qu'elle s'inflige une cassure au petit doigt de la main droite en jouant au ballon avec les jeunes. Le 27 août 2001, l'employeur lui propose une assignation temporaire à un poste allégé d'éducateur, et ce, jusqu'au 2 octobre 2001, assignation avec laquelle le médecin ayant charge est en accord. Il décrit le poste de la manière suivante:
« Travail d'éducateur allégé. Toujours en présence avec un autre éducateur au cours d'activité (triplure). Rapport par enregistreuse ou autre moyen adhoc. Pas d'activités sportives. »
[6] Le 27 juin 2002, la travailleuse est soumise à une seconde intervention chirurgicale relative à la cassure de son petit doigt. Il s'agit d'un transfert tendineux auriculaire. Le 6 août 2002, l'employeur propose une nouvelle assignation temporaire pour la période du 8 au 23 août 2002 et achemine le formulaire au médecin ayant charge. La fonction de travail est décrite comme suit:
« Préparer le matériel nécessaire à la formation sur les habiletés sociales: achat de matériel léger, photocopies, faire plastifier des documents, classement, téléphone »
[7] Le 14 août 2002, le médecin ayant charge complète le formulaire et précise que la travailleuse est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail, que ce travail est sans danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique compte tenu de sa lésion et que ce travail est favorable à sa réadaptation. Le 15 août 2002, la travailleuse refuse l'assignation temporaire.
[8] Suivant les notes évolutives contenues au dossier, une conversation a lieu entre la travailleuse et l'agente de la CSST le 20 août 2002. Lors de cette conversation, la travailleuse précise être éducatrice et que le travail offert, dans le cadre de l'assignation temporaire, n'est pas un véritable travail, puisqu'il n'est pas prévu à sa convention collective. La travailleuse indique aussi qu'elle n'a pas tenté de s'entendre avec son employeur pour effectuer une autre fonction.
[9] Suivant ces mêmes notes, une rencontre est prévue chez l'employeur en fin d'après-midi du 20 août 2002. Toutefois, la travailleuse refuse d'y participer, son représentant syndical ne pouvant se libérer. Cette rencontre a tout de même lieu. Les notes évolutives rapportent ce qui suit:
« […]
Dans le cadre de son assignation temporaire, la B a à préparer le matériel nécessaire à la formation sur les habiletés relationnelles. En effet, le centre fait l'implantation d'un nouveau programme à l'automne (atelier) portant sur les habiletés relationnelles. Ce programme est actuellement expérimenté dans un autre centre.
Donc, au niveau de la préparation, il est question de faire l'achat de matériel (bons de commande préparés pour le magasinier), faire des photocopies de documents, plastifier certains documents (contacter les imprimeurs), classement et téléphone.
Ça constitue donc un emploi qui concourt aux activités de l'entreprise. La B conserve le même salaire et les avantages reliés à son emploi.
E. me signifie qu'une rencontre a eu lieu avec la B et son représentant syndical le 15-08. B a refusé l'ATT au motif que ce n'est pas un emploi prévu par la C.C., donc pas un vrai poste. »
[10] Le 26 août 2002, une nouvelle discussion a lieu entre la travailleuse et l'agente de la CSST. La travailleuse informe celle-ci de son retour au travail régulier à compter du 26 août 2002. Elle l'informe également de son désaccord quant à l'assignation temporaire proposée par l'employeur. Les notes évolutives, faisant état de cette discussion, se poursuivent comme suit:
« Considère qu'elle est une professionnelle et qu'elle n'a pas à faire le travail d'une secrétaire. »
[11] Lors de l'audience, mesdames Hélène Gagné, la travailleuse, ainsi que Hélène Roy, conseillère en ressources humaines, témoignent de ce qui suit:
.1) La travailleuse exerce la fonction d'éducatrice spécialisée depuis 17 ans. À ce titre, elle s'occupe d'adolescents de 14 à 18 ans présentant des problèmes d'adaptation. Elle doit les accompagner dans leurs activités quotidiennes.
.2) La travailleuse est droitière et elle porte, à la suite de sa seconde opération, un bandage et une attelle afin de protéger son petit doigt. Au 16 août 2002, elle suit des traitements en ergothérapie à raison d'une fois par semaine. Elle fait aussi des exercices à 3 ou 4 reprises par jour d'une durée d'environ 15 à 20 minutes chaque fois. Elle précise que la sensibilité est importante au niveau de son doigt et qu'elle est incapable de préhension. En juillet 2002, son médecin avait refusé une affectation à des travaux légers.
.3) La travailleuse participe à une rencontre avec son employeur le 15 août 2002. Elle est accompagnée de 2 représentants syndicaux. L'employeur lui présente le document d'assignation temporaire approuvé par le médecin ayant charge. L'employeur lui explique que cette assignation s'inscrit dans le cadre d'un atelier pour les jeunes visant les habiletés sociales. Il ne s'agit pas d'un remplacement mais bien d'un surcroît de travail dans une autre unité qui n'est pas celle de la travailleuse. Après l'exposé de l'employeur, elle se retire avec ses délégués durant plus de 45 minutes pour discuter de la situation. Ils prennent contact avec un avocat, puis la travailleuse refuse l'assignation temporaire.
.4) Lors de la rencontre du 15 août 2002, l'employeur indique à la travailleuse de prendre contact avec madame Rousseau si elle désire avoir une meilleure compréhension du travail proposé. La travailleuse n'a pas donné suite à cette suggestion avant de refuser l'assignation. Compte tenu du refus, l'employeur a fait faire le travail par une autre éducatrice bénéficiant d'un congé de maternité.
.5) La travailleuse estime que le travail proposé, dans le cadre de l'assignation temporaire, ne répond pas à sa convention collective. Elle précise avoir été engagée comme éducatrice spécialisée et que l'assignation doit s'inscrire dans sa fonction d'éducatrice.
[12] Lors de l'audience, le représentant de la travailleuse dépose un extrait de la convention collective au soutien de ses prétentions. Il réfère, entre autres, aux articles 1.16.1, 1.16.2 et 23.33. Ces articles se lisent comme suit:
«1.16.1 L'employeur comble les postes temporairement dépourvus de leur titulaire en tenant compte des besoins du service. »
« 1.16.2 Un poste est temporairement dépourvu de son titulaire lorsque le titulaire est absent pour l'une ou l'autre des raisons suivantes:
- congé annuel (vacances);
- congés fériés;
- congés parentaux;
- maladie ou accident;
- activités syndicales;
- congés pour études avec ou sans solde;
- congés sociaux;
- congés sans solde;
- congés à traitement différé;
- congés mobiles;
- période pendant laquelle un poste est soumis à l'application de l'article 13;
- période pendant laquelle l'établissement attend la personne salariée du S.P.S.S.S.;
- absence d'une personne salariée qui effectue un remplacement à un poste hors de l'unité de négociation. »
« 23.33 À moins que les parties locales n'en conviennent autrement, l'employeur peut, tant qu'une personne salariée est éligible à l'indemnité de remplacement du revenu, l'assigner temporairement, soit à son poste d'origine, soit, prioritairement aux personnes salariées de la liste de rappel et sous réserve des dispositions prévues au paragraphe 1.21. à un poste temporairement dépourvu de titulaire et ce, même si sa lésion n'est pas consolidée. L'assignation se fait à un poste qui, de l'avis du médecin traitant, ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique de la personne salariée compte tenu de sa lésion, qui est favorable à la réadaptation de la personne salariée et dont elle est raisonnablement en mesure d'accomplir les fonctions. L'employeur met fin à cette assignation sur présentation d'un certificat médical à cet effet du médecin traitant. L'employeur remet à la personne salariée avant le début de l'assignation une copie du formulaire décrivant les conditions d'assignation temporaire. De plus, il informe le syndicat au début de l'assignation qu'une personne salariée est assignée temporairement. »
L'AVIS DES MEMBRES
[13] Le membre issu des associations des employeurs et le membre issu des associations des travailleurs sont d'avis que le formulaire, relatif à l'assignation temporaire, est conforme aux exigences de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Il donne suffisamment d'explications pour en comprendre le travail proposé, alors que le médecin ayant charge déclare être en accord avec cette assignation.
[14] En ce qui concerne la capacité de la travailleuse d'accomplir le travail proposé, le membre issu des associations des employeurs estime que la preuve présentée ne permet pas de conclure à son incapacité. Aucune preuve ne vient contredire l'opinion du médecin ayant charge. De plus, la travailleuse refuse d'accomplir le travail sans se présenter à madame Rousseau, c'est-à-dire sans chercher à connaître davantage les composantes du travail. Il est clair que le motif du refus repose essentiellement sur une question de convention collective. Quant au membre issu des associations des travailleurs, il estime, au contraire, qu'il est difficile de conclure que la travailleuse est en mesure de faire, entre autres, de la photocopie et du classement. Il réfère au fait qu'elle porte un bandage et une attelle à l'époque de cette assignation temporaire.
[15] Le membre issu des associations des employeurs et le membre issu des associations des travailleurs sont toutefois d'avis que les dispositions de la loi, relatives à l'assignation temporaire, sont celles qui doivent guider l'employeur dans la procédure de l'assignation temporaire. La convention collective ne peut pas faire échec à la loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[16] La Commission des lésions professionnelles doit décider de la validité de l'assignation temporaire proposée à la travailleuse, à compter du 15 août 2002, le tout conformément à l'article 179 de la loi:
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :
1 le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2 ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3 ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S - 2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
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1985, c. 6, a. 179.
[17] Indiquons, d'entrée de jeu, que la procédure de contestation de l'assignation temporaire offerte à la travailleuse n'est pas ici mise en cause. La Commission des lésions professionnelles n'entend donc pas s'attarder à cette question. Indiquons également que, quoique le formulaire relatif à l'assignation temporaire fasse référence à une assignation pour la période du 8 au 23 août 2002, ce n'est qu'en date du 15 août 2002 que celle-ci est proposée à la travailleuse. C'est pourquoi le présent litige portera uniquement sur la période du 15 au 23 août 2002. D'ailleurs, le médecin ayant charge a confirmé la validé de l'assignation temporaire seulement le 14 août 2002, et ce, même si l'employeur lui avait fait parvenir le formulaire le 6 août 2002.
[18] En ce qui a trait d'abord à la question de la validité du formulaire complété par l'employeur, la Commission des lésions professionnelles ne partage pas le point de vue du représentant de la travailleuse, voulant que le travail offert ne soit pas suffisamment décrit pour permettre une bonne compréhension de la part du médecin. La Commission des lésions professionnelles constate que ce formulaire fait état d'une certaine description, laquelle s'attarde aux différentes composantes du travail proposé. La Commission des lésions professionnelles estime qu'il n'est pas nécessaire que ce formulaire fasse état d'une analyse de tous les mouvements, telle une étude ergonomique, comme semble le souhaiter le représentant de la travailleuse, pour conclure qu'il est valide. D'ailleurs, la Commission des lésions professionnelles estime que si le médecin ayant charge avait eu des doutes, quant à sa compréhension du poste de travail offert, il lui aurait été possible de prendre contact avec l'employeur pour en savoir davantage, ce qu'il n'a pas fait. De plus, il aurait été également possible à la travailleuse de soumettre, au moment de l'audience, une note de son médecin confirmant sa mauvaise compréhension du travail offert, ce qu'elle n'a pas fait non plus. La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis que le médecin ayant charge savait à quoi il répondait par l'affirmative le 14 août 2002.
[19] Pour ce qui est du second motif invoqué, à savoir que la travailleuse n'était pas raisonnablement en mesure d'accomplir sans risque le travail proposé dans le cadre de l'assignation temporaire, la Commission des lésions professionnelles ne partage pas non plus cette prétention du représentant de la travailleuse. D'abord, le médecin ayant charge se déclare en accord avec les différentes tâches proposées par l'employeur alors que ce n'était pas le cas en juillet 2002, ce qui confirme le sérieux avec lequel le médecin juge de la nouvelle situation au mois d'août 2002. De plus, au moment de donner son accord en août 2002, le médecin sait que la travailleuse est suivie en ergothérapie. On ne peut donc invoquer ce suivi pour faire échec à l'opinion du médecin ayant charge. Enfin, le fait que la travailleuse doive faire des exercices, à quelques reprises au cours de sa journée, ne signifie pas qu'elle ne soit pas en mesure d'accomplir le travail proposé. Rien, dans la preuve soumise, ne permet de conclure que l'employeur n'aurait pas acquiescé à l'obligation de la travailleuse de suivre les recommandations de son ergothérapeute. D'ailleurs, il n'y a aucune preuve, non plus, démontrant que l'ensemble de ces exercices devait se faire en cours d'avant-midi ou d'après-midi, soit au moment même de l'exécution du travail.
[20] En second lieu, la Commission des lésions professionnelles ne peut écarter du revers de la main les différentes explications fournies par la travailleuse, au soutien de son refus le 15 août 2002, et contenues au dossier. Il est clair, à la lecture des notes évolutives, que le refus de cette dernière repose essentiellement sur le fait qu'elle ne veut pas faire un travail qui ne tient pas compte de sa compétence à titre d'éducatrice spécialisée, tout en référant à sa convention collective. Jamais elle ne précise être incapable, sur le plan médical, d'accomplir le travail proposé.
[21] Or, la jurisprudence développée en matière d'assignation temporaire nous apprend qu'une assignation peut être valable même s'il n'existe pas de connexité entre l'activité proposée et le travail habituel d'une personne. C'est ce qu'on retrouve, entre autres, dans l'affaire Fortin et Accessoires d'ameublement AHF ltée[2] où l'on indique clairement que même si la travailleuse ne semble pas apprécier le travail proposé en assignation temporaire, cela ne constitue pas un critère devant être retenu pour l'application de l'article 179 de la loi. Les aspirations et les goûts concernent plutôt le processus de réadaptation pour la question d'emploi convenable. Il en est de même dans l'affaire Pouliot et J.M. Asbestos inc.[3], alors qu'il s'agit de soumettre le travailleur à une formation en informatique. Dans cette affaire, l'on précise clairement qu'une assignation temporaire peut être valable même s'il n'existe pas une connexité entre l'activité proposée et le travail habituel, puisqu'il s'agit d'une mesure temporaire et que l'objectif est de permettre au travailleur de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver, par le fait même, ses habitudes, ce qui favorise la réadaptation. Le commissaire s'exprime comme suit:
« Par ailleurs, il est inutile de signaler qu'une assignation temporaire peut être valable même s'il n'existe pas de connexité entre l'activité qui la compose et le travail habituel d'une personne. En effet, il faut garder à l'esprit qu'une telle mesure est nécessairement temporaire. D'ailleurs, le fait de permettre à un individu de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver par le fait même ses habitudes peut constituer un facteur qui favorise sa réadaptation. En d'autres termes, ce n'est pas parce que monsieur Pouliot est ferblantier qu'il ne pouvait être assigné à des travaux d'informatique. »
[22] En ce qui concerne maintenant le troisième argument du représentant de la travailleuse, soit la question de la convention collective, la Commission des lésions professionnelles réfère à une décision rendue le 24 juillet 1998 dans l'affaire Sûreté du Québec et Marcel Huot[4]. Dans cette affaire, le travailleur refuse de donner suite à l'assignation temporaire proposée au motif d'une entente annexée à sa convention collective, entente voulant qu'un travailleur ne soit pas requis d'exécuter une assignation temporaire s'il n'est pas complètement rétabli et apte à reprendre son emploi.
[23] Le commissaire saisi de l'affaire ci-haut mentionnée réfère, quant à lui, à une décision rendue par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), en 1991, qui s'inscrit dans un litige de retrait préventif. Dans cette affaire, soit Rachel Monast et Hôtel-Dieu de Sorel[5], l'employeur proposait une affectation à un poste de réceptionniste. La travailleuse refusait, au motif que l'emploi offert n'était pas de la même catégorie que son emploi régulier. La travailleuse référait à sa convention collective. Le commissaire Brassard, devant disposer de cette affaire, s'exprimait comme suit:
« Peut-on, par convention collective, élargir la portée de la loi en ajoutant une condition additionnelle à l'affectation, en l'occurrence le consentement de la travailleuse?
Requérir le consentement de la travailleuse à une réaffectation, c'est ajouter à la loi, qui ne prévoit pas une telle condition à la réaffectation.
Quand il s'agit de payer une indemnité (c'est la conséquence qui découle de la non-affectation, en l'espèce), la Commission, qui est un organisme public, est régie par une loi d'ordre public. On ne peut, par convention collective, stipuler pour un tiers, c'est-à-dire, en l'espèce, obliger en fait la Commission à payer des indemnités qu'elle n'aurait pas à payer en vertu de la loi.
Si l'affectation proposée par l'employeur était conforme à la loi et au certificat émis, le refus d'occuper l'affectation et la cessation de travail ne pouvait conférer à la travailleuse le droit aux indemnités prévues par la loi.
Il est vrai que le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi prévoit expressément qu'une convention peut prévoir des dispositions plus avantageuses que la loi. Mais si tel est le cas, ces dispositions doivent être résolues dans le cadre de la convention collective par voie de grief et, surtout, elles ne peuvent engager la Commission, qui n'est pas partie prenante à une telle convention, à verser des indemnités. »
[24] Pour revenir maintenant à l'affaire Sûreté du Québec et Marcel Huot, le commissaire faisait état de ce qui suit:
« […]
Elle ne peut cependant conclure, comme le fait le Bureau de révision, que l'employeur pouvait convenir par entente d'accorder un droit relevant de la loi même si les conditions d'application de la loi ne sont pas rencontrées. Ce dont convient l'employeur, dans le cadre d'une convention collective ou d'une entente particulière n'est pas illégal ou irrégulier, ainsi qu'il est stipulé à l'article 4 de la loi mais cela ne saurait intervenir dans le processus d'application par le biais de la loi mais uniquement suivant le processus prévu à la convention collective, ce qui, de toute évidence ne relève pas de la CSST.
La Commission des lésions professionnelles, dans le cadre du présent dossier, doit conclure qu'elle n'a pas juridiction pour appliquer, interpréter ou apprécier les termes de la convention collective liant l'employeur et le travailleur, pouvoir que ne détenait pas non plus la CSST qui n'avait pas à retenir ce motif comme valable au sens de l'article 42, alinéa 2. »
[25] Suivant ces différentes affaires, il est clairement établi qu'une convention collective ne peut avoir préséance sur l'application de l'article 179 de la loi, lequel accorde à l'employeur la possibilité d'affecter un travailleur à un travail qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir, et ce, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son travail habituel ou un emploi convenable.
[26] Certes, la loi prévoit qu'une convention collective peut offrir des dispositions plus avantageuses que celles prévues à la loi, et ce, conformément au libellé de l'article 4:
4. La présente loi est d'ordre public.
Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.
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1985, c. 6, a. 4.
[27] À en croire le représentant de la travailleuse, il serait plus avantageux pour celle-ci de se retrouver chez elle en attendant qu'elle redevienne capable d'exercer son travail habituel, et ce, parce que l'emploi offert en assignation temporaire ne s'inscrit pas dans une activité connexe à son travail d'éducatrice spécialisée. Or, au risque de le répéter, le travail offert en assignation temporaire n'a pas besoin d'être connexe à l'activité de travail exercée normalement par la travailleuse. De plus, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas en quoi il est plus avantageux de rester chez soi alors que l'employeur est disposé à offrir à la travailleuse un travail qu'elle est en mesure de faire. Rester chez soi ne peut pas être favorable à la réadaptation, but poursuivi dans le cadre de l'article 179 de la loi.
[28] Par ailleurs, dans un ordre d'idée, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas comme pertinente la décision du commissaire Jean-Claude Danis dans l'affaire Gilles Falardeau et Sico inc.[6], décision déposée par le représentant de la travailleuse. Dans cette affaire, il est question de l'article 32 de la loi et du choix du travailleur de recourir à la procédure de grief et d'arbitrage, prévue à sa convention collective, ou de soumettre une plainte à la CSST. Le commissaire précise qu'en soumettant une plainte directement à la CSST, le travailleur avait dépouillé l'arbitre de grief de sa juridiction relativement au litige, ce qui permettait à la CSST de disposer de la plainte en tenant compte des dispositions de la convention collective applicables. Il s'agit donc d'un tout autre recours que celui en litige.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée par madame Hélène Gagné (la travailleuse) le 29 novembre 2002;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative le 20 novembre 2002;
DÉCLARE que l'assignation temporaire offerte est conforme à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi) et que la travailleuse devait y donner suite pour la période du 15 au 23 août 2002, inclusivement.
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Marielle Cusson |
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Commissaire |
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C.S.N. (Me Georges-Étienne Tremblay) |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] 146022-72-009, C.L.P. 31 mai 2001, F. Juteau
[3] Pouliot et J.M. Asbestos inc, [2000] C.L.P. 1128
[4] 93316-03-9801, C.L.P. 24 juillet 1998, C. Bérubé
[5] 12886-62-8904, C.A.L.P. 7 janvier 1991, R. Brassard
[6] Gilles Falardeau et Sico inc. C.L.P. 524113-62-9307, 27 janvier 1999, J-C. Danis
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