DÉCISION
[1] Le 8 septembre 1999, monsieur Jean-Claude Bonin (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue conjointement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et la Société d'assurance automobile du Québec (la SAAQ), le 17 août 1999.
[2] Par cette décision, la CSST déclare qu'il n'y a pas de lien entre le diagnostic de lombalgie mécanique émis le 5 juillet 1999 et l'événement survenu le 31 mai 1993 et que, par ailleurs, il n'y a pas de "preuve objective d'une détérioration de votre état de santé au 12 mai 1999". La SAAQ déclare, pour sa part, que la rechute du 12 mai 1999 n'est pas en relation avec l'accident d'automobile subi par le travailleur, le 19 septembre 1999, qui n'a laissé aucune séquelle après la date de consolidation du 20 juin 1996.
[3] À l'audience, le travailleur est présent et représenté. La CSST et la SAAQ sont représentées. L'employeur, Les Pavillons Jeunesse inc., bien que dûment convoqué, est absent et non représenté. À la demande du représentant du travailleur, un délai est accordé pour la production de notes et autorités supplémentaires. L'enquête est close à la fin du délai alloué pour les répliques des autres parties, le 23 mars 2001.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu'il a subi une lésion professionnelle, le 12 mai 1999, soit une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle qu'il a subie le 31 mai 1993 et qu'il a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Le travailleur demande la reconnaissance de cette lésion en regard de l'accident d'automobile du 19 septembre 1996.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[5] La Commission des lésions professionnelles se demande si elle est compétente pour décider du sort de la décision rendue par la CSST, conjointement avec la SAAQ, le 17 août 1999 et qui n'a pas donné lieu à une révision en vertu de l'article 358 de la loi. Cette exception à la procédure de révision n'est pas nommée au deuxième paragraphe de l'article 358 de la loi qui se lit ainsi:
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[6] La compétence de la Commission des lésions professionnelles est établie à l'article 450 de la loi, dans la section III intitulée "Recours en vertu d'un autre régime" du chapitre XIII de la loi portant sur les "RECOURS". L'article 450 se lit comme suit:
450. Lorsqu'une personne visée dans l'article 448 réclame une indemnité de remplacement du revenu en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A - 25), la Commission et la Société de l'assurance automobile du Québec doivent, dans l'application de l'entente visée à l'article 449, rendre conjointement une décision qui distingue les dommages attribuables à chaque événement et qui détermine en conséquence le droit aux prestations payables en vertu de chacune des lois applicables.
La personne qui se croit lésée par cette décision peut, à son choix, la contester suivant la présente loi, la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C‑20) ou la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I‑6), selon le cas, ou suivant la Loi sur l'assurance automobile.
Le recours formé en vertu de l'une de ces lois empêche le recours en vertu de l'autre et la décision alors rendue lie les deux organismes.
________
1985, c. 6, a. 450; 1990, c. 19, a. 11; 1997, c. 27, a. 27.
[7] Le travailleur respecte les conditions émises à l'article 450 puisqu'il a produit une contestation auprès d'un seul des deux organismes, soit la Commission des lésions professionnelles.
LES FAITS
[8] Le 12 mai 1999, lorsque qu'il produit sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle subie le 31 mai 1993, le travailleur est à son compte. Il dirige une entreprise de vente de vêtements pour des personnes en perte d'autonomie, entreprise qu'il a démarrée avec l'aide de la CSST dans le cadre d'un processus de réadaptation.
[9] Il travaille à son compte, depuis 1997, et il peut choisir les journées où il se déplace pour faire la vente de ces vêtements qu'il présente chez les clients. Il rapporte que le 12 mai 1999, en sortant les vêtements de son camion pour les placer sur des supports, il se tourne et il barre. Il décrit ses symptômes comme étant beaucoup plus importants qu'après la lésion professionnelle qu'il a subie en 1993 et qui se manifestent par des chocs électriques à la jambe droite et a de la difficulté à monter dans son camion.
[10] Le docteur Leroux, consulté par le travailleur le 12 mai 1999, produit une Attestation médicale avec la mention "RECHUTE". Il écrit que depuis 6 mois, le travailleur a une douleur aux membres inférieurs, qu'il est évalué en vascularisation et qu'il a un problème lombaire récidivant.
[11] Le suivi médical du travailleur est au dossier mais il est impossible d'identifier le médecin consulté à telle ou telle date. Par ailleurs, ces notes constituent la référence à un problème lombaire récidivant et à un suivi médical pour des diarrhées après chaque repas et le médecin s'interroge sur la possibilité de la présence d'un polype intestinal ou de diverticulose. Dans des notes antérieures de la clinique, il est également fait mention d'une syncope que le travailleur aurait subie le ou vers le 3 mars 1999.
[12] Le 9 juin 1999, les notes médicales font état du suivi pour les deux pathologies. Pour la lombalgie persistante avec irradiation au membre inférieur gauche plus que droit jusqu'au mollet, il note de la douleur à la marche, un spasme, un Tripode et un Lasègue négatif. Les diagnostics émis par la suite sur les Rapports médicaux réfèrent à un diagnostic de lombalgie mécanique récidivante.
[13] Des antécédents médicaux qui sont rapportés ci-dessous, mentionnons, premièrement, que le travailleur a subi une discoïdectomie L4-L5, en 1969, à la suite d'un accident d'automobile et que, par la suite, il a toujours travaillé à des tâches lourdes, dans la construction et ailleurs et qu'il n'a pas eu d'autres problèmes lombaires.
[14] Le 31 mai 1993, alors qu'il est préposé à l'entretien ménager au Centre de réadaptation des jeunes de Lanaudière, il s'inflige une entorse lombaire en versant l'eau d'une chaudière pour laver les planchers, dans un évier difficile d'accès.
[15] Le premier diagnostic émis par la docteure Gratton, médecin qui a charge du travailleur, est celui d'entorse lombo-sacrée et sera retenu jusqu'au Rapport d'évaluation médicale du docteur Sarto Imbeault, physiatre traitant. Le travailleur est traité de façon conservatrice par des anti-inflammatoires, du repos, des traitements de physiothérapie et d'acupuncture.
[16] Lors d'un premier épisode de traitements de physiothérapie, le physiothérapeute mentionne que la douleur lombaire "irradierait jusqu'au niveau du membre inférieur gauche". Une deuxième série de traitements est entreprise le 17 septembre 1993 et, cette fois, le physiothérapeute note qu'il "persiste une irradiation au niveau des membres inférieurs sous forme de choc électrique". Ces traitements prennent fin le 8 octobre 1993 alors que le physiothérapeute croit que ce patient peut reprendre son travail. Par la suite, le travailleur aura des traitements d'acupuncture sur la recommandation du docteur Gratton.
[17] Le 5 avril 1994, le docteur Imbeault prescrit un test de myélographie et un électromyogramme.
[18] Le 12 mai 1994, le docteur Leclaire parle de "séquelles de discrète radiculopathie L5 gauche" et, le 31 mai 1994, le docteur Imbeault prescrit des traitements d'ostéopathie qui pourraient être suivis d'une tentative de retour au travail.
[19] Le protocole radiologique, suite à la myélographie lombaire subie le 19 mai 1994, est complété par le docteur L.J. Dubé, radiologue. Son opinion est ainsi résumée:
«Manifestations d'une hernie médio-latérale droite versus des modifications post-chirurgicales à L4-L5.
Possibilité d'une hernie latérale gauche à L5-S1 avec compression du manchon radiculaire de S1.»
[20] C'est le même radiologiste qui procède à l'étude de la tomodensitométrie axiale de la colonne lombo-sacrée pratiquée le même jour que le précédent examen. Il retient ce qui suit:
«OPINION: L'examen démontre des modifications d'allure cicatricielle à L4-L5 à prédominance du côté droit et infirme les suspicions à la myélographie au niveau L5-S1.»
[21] Cette lésion professionnelle est consolidée, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles, le 8 juin 1994, par le docteur Sarto Imbeault. Celui-ci complète le Rapport d'évaluation médicale (REM), le 12 juillet 1994. Son diagnostic est celui "d'instabilité L4-L5". Les réflexes patellaires et achilléens de même que la force musculaire sont normaux. Le médecin n'observe aucun déficit sensitivo-moteur, ni amyotrophique, ni à la manœuvre d'étirements radiculaires. La flexion antérieure est mesurée à 70°, l'extension à 20°, les latéro-flexions à 20°, la rotation droite est à 16° et la gauche à 17°.
[22] Le 21 juillet 1994, la CSST déclare que le travailleur a droit à la réadaptation, compte tenu de son atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, lesquelles le rendent incapable d'exercer ses fonctions de préposé à l'entretien ménager qu'il exerçait chez son employeur.
[23] Le 28 juillet 1994, la CSST reconnaît que le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur est de 9,90 %, correspondant à l'évaluation faite par le docteur Imbeault, ce qui lui donne droit à une indemnité pour dommages corporels.
[24] En processus de réadaptation, le travailleur subit un accident d'automobile, le 19 janvier 1995, alors que le véhicule dans lequel il était passager a été frappé par l'arrière. Il est traité pour une entorse cervicale et une douleur au genou droit. Les médecins réfèrent à une douleur lombo-sacrée qui n'a pas augmenté à la suite de cet accident d'automobile.
[25] Le docteur Marc Goulet, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la SAAQ et produit une expertise médicale le 20 juin 1996, en regard de l'accident d'automobile. Selon ce médecin, l'entorse cervicale est consolidée en date du 19 juin 1996, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles. Le genou est rétabli et ne présente aucune séquelle. Quant à la douleur lombaire, ce médecin rapporte qu'elle ne s'est pas aggravée lors de cet accident, que la situation est la même qu'auparavant.
[26] Par ailleurs, dans son examen objectif, le docteur Goulet rapporte ses constatations également pour le rachis lombaire. Il constate une limitation de la flexion antérieure à 80°, une extension à 30° mais douloureuse. La flexion latérale gauche est à 30°, la rotation droite est à 40° et l'indice de Schoeber à 14/10. Ses autres constatations se superposent à celles du docteur Imbeault dans le REM du 12 juillet 1994, dans le dossier de la CSST.
[27] Encore en réadaptation, le travailleur reprend des traitements de physiothérapie, du 6 septembre 1996 au 9 septembre 1996, selon l'entente prise avec la CSST, pour des douleurs lombaires irradiant au niveau des membres inférieurs.
[28] Le 13 septembre 1996, la CSST établit l'emploi convenable de "représentant de commerce" et, pour rendre le travailleur capable d'exercer cet emploi convenable, elle autorise une formation du 13 août 1996 au 17 septembre 1996 auprès de l'Institut National de Formation de Vente.
[29] Le 21 octobre 1996, la CSST détermine que le travailleur peut exercer l'emploi convenable de représentant de commerce à compter du 11 octobre 1996. Le travailleur est informé du fait que si cet emploi convenable n'est pas disponible, il aura droit à une indemnité de remplacement du revenu jusqu'à ce qu'il occupe un tel emploi ou un emploi équivalent, mais pour au plus une année.
[30] À l'audience, le travailleur affirme qu'il pouvait faire ce travail depuis 1997, sans autres problèmes que ses maux de dos habituels, ayant, comme mentionné précédemment, le loisir de choisir ses journées de travail, à l'extérieur.
[31] Or, à compter du 12 mai 1999, il rapporte qu'il a dû prendre des analgésiques plus forts, 3 à 4 fois par jour, alors qu'auparavant, il lui arrivait de prendre des analgésiques, au besoin et moins forts. Interrogé par son procureur sur l'incidence d'un problème intestinal qui apparaît au dossier, le travailleur répond qu'il a été opéré, il y a environ un an, pour la maladie de Crohn mais que ses douleurs au dos ne se sont pas améliorées à la suite de cette opération.
[32] Le 30 septembre 1999, le docteur Gilles R. Tremblay, chirurgien orthopédiste, signe une expertise médicale à la demande du représentant du travailleur, à la suite d'un examen effectué le 9 septembre 1999. À ce moment, le patient présente les limitations de mouvement suivantes: une flexion antérieure bloquée à 40 (degrés); l'extension ne dépasse pas 20 (degrés); les latéro-flexions droite et gauche atteignent respectivement 20 et 15 (degrés) et les rotations sont à 20 (degrés), bilatéralement.
[33] Le docteur Tremblay émet l'opinion que ce patient qui a subi une discoïdectomie L4-L5, il y a plus de 30 ans, présente, lors de son examen, une lombo-sciatalgie droite qui lui paraît déficitaire. Il note particulièrement que le travailleur "démontre des signes de mise en tension radiculaire positifs" et il constate qu'une investigation additionnelle s'impose. Il prescrit divers examens avant de se prononcer sur l'évolution de la pathologie de son patient.
[34] Le 27 septembre 1999, le docteur Roland Brassard, radiologue, procède à un examen par résonance magnétique. Il rapporte ses observations, comme suit:
«[…]
Il y a des changements de discopathie à L4-L5 avec perte du signal au niveau du disque et légère perte de hauteur du disque.
Il y a bombement discal léger diffus.
Il n'y a pas d'évidence nette de fibrose ou cicatrice épidurale.
Il y a rétrécissement léger des foramens intervertébraux des deux côtés à L4-L5 et L5-S1 un peu plus à droite qu'à gauche.»
[35] Le CT-scan du rachis lombaire pratiqué le 4 octobre 1999 révèle, pour sa part, un rétrolisthésis de L3-L4 d'au moins 3 mm "avec légère empreinte secondaire versant antérieur du sac dural". En L4-L5, on note des "ostéophytes postérieurs prédominants en paramédian gauche".
[36] Le docteur Jean-Yves Ouellet, radiologiste, fait état d'une "sténose spinale au moins grade I à II/IV", ajoutant qu'il n'est "pas possible de bien évaluer à ce niveau la dimension du sac dural étant donné la disparition de la graisse au pourtour, témoignant de fibrose". En L5-S1, le radiologiste ne note rien d'autre qu'une légère diminution "de calibre des trous de conjugaison".
[37] Enfin, le 20 mars 2000, le docteur J. Stewart, neurologue, rend compte de son examen electromyographique. Il résume son impression diagnostique en ces termes:
«This man's history has some features of spinal stenosis. However, the electrodiagnostic testing is entirely normal. This does not disprove the diagnosis and indeed, he should probably have imaging studies such as a CT scan to evaluate him for the presence of spinal stenosis.»
[38] Le 25 avril 2000, le docteur Tremblay complète son expertise médicale à la lumière de ces trouvailles radiologiques. Après en avoir fait l'énumération, il est d'avis que l'état du travailleur s'est "définitivement aggravé depuis 1993". En effet, le travailleur qui présentait une instabilité lombaire en L4-L5, lors de l'événement de 1993, a maintenant une instabilité lombaire au niveau supérieur. Il explique ce phénomène par la présence, démontrée par la tomodensitométrie, d'un "listhésis de L3 sur L4", lequel "représente une instabilité occasionnée par le chargement anormal du niveau sus-jacent à la discoïdectomie".
[39] Le docteur Tremblay attribue le constat clinique d'une mise en tension radiculaire positive, par la présence de fibrose cicatricielle au niveau L4-L5, particulièrement à droite. Selon ce médecin, deux conditions témoignent de l'aggravation de la lésion subie en 1993, soit: une instabilité lombaire prouvée en l'absence de fracture et une fibrose objectivée par test spécifique. Il recommande, également, des limitations fonctionnelles supérieures à celle établies par le docteur Imbeault, en 1994.
[40] Enfin, le 12 mai 2000, le docteur Tremblay répond à une question qui lui est posée par le procureur du travailleur, quant à la relation entre l'événement survenu le 12 mai 1999, celui de 1993, et la discoïdectomie subie à la fin des années 1960. Il écrit, notamment, que la discoïdectomie n'a entraîné aucune séquelle jusqu'en 1993, alors qu'à ce moment, le travailleur a connu une aggravation de sa condition lombaire, asymptomatique avant cette date. Enfin, l'événement banal de 1999 a entraîné, à son tour, une aggravation de la condition lombaire du travailleur en comparaison des séquelles laissées par l'événement de 1993.
[41] À l'audience, le docteur Tremblay rappelle la différence qui existe entre les constatations apparaissant dans son expertise médicale du 30 septembre 1999 en comparaison du REM du docteur Imbeault de 1994, particulièrement en ce qui concerne la flexion antérieure et l'extension du rachis lombaire.
[42] Contrairement à l'examen du docteur Imbeault, son examen révèle un Tripode positif du côté droit et une perte de sensibilité au niveau des dermatomes L5-S1. Le docteur Imbeault ne relevait pas de perte de force musculaire, alors qu'il en retrouve à la dorsi-flexion du gros orteil du pied droit de même qu'une diminution de la flexion plantaire, au même pied.
[43] Selon l'analyse que le docteur Tremblay fait, il y a une aggravation, depuis 1994, vérifiée tant pas les examens cliniques que radiologiques. Il ajoute, par ailleurs, que l'instabilité lombaire qui s'est manifestée en 1993, à la suite d'un accident du travail, est une conséquence d'une discoïdectomie non réussie. Ainsi, ce n'est pas uniquement l'entorse lombaire de 1993 qui est responsable de cette instabilité lombaire mais cette dernière s'est manifestée parce que le travailleur avait subi une discoïdectomie qui était demeurée asymptomatique jusqu'alors.
[44] L'événement survenu le 12 mai 1999 n'est pas suffisant en soi, selon ce médeci pour causer une instabilité lombaire à un autre niveau mais cet événement est suffisant pour rendre symptomatique, comme en 1993, une condition d'instabilité lombaire qui est présente en raison de la discoïdectomie subie.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES
[45] Le représentant du travailleur rappelle qu'une récidive, rechute ou aggravation est une lésion professionnelle et peut être reconnue même s'il n'y a pas d'aggravation objectivée de la lésion professionnelle initiale, la reprise graduelle des symptômes constituant une récidive ou une rechute.
[46] Par ailleurs, il invoque l'aggravation de la lésion professionnelle subie le 31 mai 1999, rappelant que le docteur Tremblay a constaté une telle aggravation, tant sur le plan clinique que radiologique. En outre, il rappelle que le travailleur a pu travailler de 1997 au 12 mai 1999, même s'il avait des douleurs au dos, celles-ci étant supportables, alors qu'après cette date, il ne pouvait plus reprendre le travail.
[47] D'autre part, la CSST a compensé la perte de mouvements suite à un diagnostic d'entorse parce que cette lésion est greffée sur une discoïdectomie. En outre, ajoute-t-il, aucun autre événement ne s'est produit, entre 1994 et 1999, qui expliquerait cette aggravation puisqu'il est démontré, par la preuve médicale au dossier, que l'accident d'automobile de 1995 n'a entraîné aucune conséquence négative à la région lombaire du travailleur.
[48] La représentante de la CSST n'entend pas référer à l'accident d'automobile de 1995. Par ailleurs, selon elle, la Commission des lésions professionnelles ne doit pas reconnaître l'existence d'une récidive, rechute ou aggravation parce qu'elle entend démontrer qu'il n'y a pas de relation médicale prouvée. D'autre part, il ne peut s'agir d'une nouvelle lésion professionnelle, le travailleur étant à son compte, le 12 mai 1999, sans assurance auprès de la CSST.
[49] Sur l'absence de relation médicale, la procureure de la CSST s'appuie sur les documents médicaux pour noter que la symptomatologie du travailleur était plutôt du côté gauche, en 1993, alors qu'elle se manifeste, actuellement, surtout à droite. Elle rappelle que la CSST n'a pas reconnu d'aggravation en 1996 et a refusé de payer des traitements de physiothérapie, le 21 mai 1996, niant par là, selon la lecture qu'elle en fait, la relation entre la pachyméningite ou la fibrose comme n'étant pas en relation avec l'événement de 1993, particulièrement en raison de la symptomatologie migratoire de gauche, à droite.
[50] Ainsi, le docteur Tremblay n'a-t-il pas démontré que l'instabilité qu'il constate en L3-L4 est due à la lésion professionnelle subie en 1993, mais plutôt qu'elle est une conséquence directe des problèmes relatifs à la discoïdectomie lombaire.
[51] D'autre part, l'événement personnel subi par le travailleur le 12 mai 1999 vient briser, selon les termes de la représentante de la CSST, le lien de causalité avec la lésion professionnelle subie en 1993.
L'AVIS DES MEMBRES
[52] La membre issue des associations d'employeurs est d'avis que le travailleur n'a pas subi de lésion professionnelle, le 12 mai 1999, en relation avec la lésion professionnelle subie le 31 mai 1993 parce que l'événement survenu le 12 mai 1999 constitue un nouvel événement, alors que le travailleur est travailleur autonome et qu'il n'est pas inscrit à la CSST. Il ne s'agit pas d'une récidive, rechute ou aggravation, le travailleur n'a donc pas subi de lésion professionnelle, le 12 mai 1999.
[53] Le membre issu des associations syndicales est d'avis que le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 12 mai 1999, l'événement survenu ce jour-là étant banal et n'aurait pu produire une entorse lombo-sacrée n'eut été de sa lésion professionnelle subie le 31 mai 1993. Il retient de la preuve médicale, une aggravation de la condition du travailleur qui pouvait effectuer son travail, avant cette date, et tel que démontré par la seule preuve médicale au dossier.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[54] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 12 mai 1998, et s'il a droit aux prestations prévues par la loi
[55] La lésion professionnelle est définie à l'article 2 de la loi et comprend la récidive, rechute ou aggravation. Cet article se lit comme suit:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation.
[56] La jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la CALP) et de la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur ou la travailleuse doit démontrer qu'il y a une relation, par une preuve médicale prépondérante, qu'il y a une relation entre cette lésion et la lésion professionnelle initiale, dont la similitude des diagnostics et sièges de lésion, le suivi médical, la progression de la symptomatologie, l'existence ou non d'une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique, la présence de limitations fonctionnelles, etc.
[57] Lors de l'événement de 1993, le diagnostic final retenu par le docteur Imbeault, qui évalue l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles du travailleur, est celui d'instabilité L4-L5 et un pourcentage de 9,9 % est reconnu par la CSST en relation avec cet événement. Le travailleur a, d'autre part, des limitations fonctionnelles qui le rendent incapable d'exercer les emplois qu'il occupait avant sa lésion professionnelle.
[58] Il y a un suivi médical en ce que le travailleur a subi des traitements de physiothérapie pendant le processus de réadaptation, en 1996, et qu'il témoigne qu'il devait prendre régulièrement des analgésiques, de façon plus ou moins régulière, et moins forts que ceux qui lui ont été prescrits après l'événement de mai 1999.
[59] La preuve médicale prépondérante témoigne d'une relation entre l'instabilité lombaire en L4-L5 et la lombosciatalgie avec signes radiculaires tel qu'investigué par le docteur Tremblay. Selon ce médecin, l'instabilité lombaire qui était présente et qui s'est manifestée lors de l'accident du travail de 1993 a évolué et s'est manifestée, à nouveau, à l'occasion d'un geste banal qui ne pourrait pas, à son avis, avoir provoqué l'aggravation de la pathologie du travailleur, telle qu'il la constate.
[60] Cette aggravation se manifeste par des limitations de mouvement plus importantes en 1999 qu'en 1993 et par l'apparition d'une instabilité lombaire au niveau supérieur, soit en L3-L4 en raison du "chargement du niveau sus-jacent à la discoïdectomie".
[61] Les preuves médicale et factuelle soutiennent la reconnaissance d'une aggravation le 12 mai 1999, de la lésion professionnelle subie par le travailleur le 31 mai 1993.
PAR CES MOTIFS, LA
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Jean-Claude Bonin, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 17 août 1999, à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 12 mai 1999, soit une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle qu'il a subie le 31 mai 1993; et
DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles.
|
|
|
ROSE-MARIE
PELLETIER |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
LAPORTE & LAVALLÉE (Me André Laporte) |
|
|
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
|
|
|
PANNETON,
LESSARD (Me
Carole Bergeron) |
|
|
|
Représentante
de la partie intervenante
|
|
|
|
|
|
|
|
GÉLINAS ET
ASSOCIÉS (Me
Louise Lemieux) |
|
|
|
Représentante
de la partie intervenante
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.