Décision

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Paradis c. 9113-1847 Québec inc. (Saguenay Volkswagen)

2022 QCCQ 2499

COUR DU QUÉBEC

«Division des petites créances»

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

LOCALITÉ DE

CHICOUTIMI

«Chambre civile»

 :

150-32-701349-207

 

DATE :

11 mai 2022

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MONSIEUR LE JUGE

RICHARD P. DAOUST, C.Q. 

 

 

SYLVIO PARADIS

 

Demandeur

 

c.

 

9113-1847 QUÉBEC INC. (Saguenay Volkswagen)

 

et

 

VOLKSWAGEN CANADA INC.

 

Défenderesses

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]                Le demandeur réclame 860,26 $ des défenderesses qu’il aurait payés en trop à la suite d’une réparation sur le turbo de sa voiture.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Trois questions sont soulevées par le litige :

  1. Le véhicule est-il toujours sous garantie ?
  2. Le véhicule a-t-il pu servir pour un usage normal pendant une durée raisonnable ?
  3. Puisqu’il a payé la somme qu’il réclame, le demandeur est-il forclos de le faire ?

LE CONTEXTE

[3]                Le 4 août 2015, le demandeur se porte acquéreur d’un véhicule Volkswagen auprès de Saguenay Volkswagen. Bien que ce véhicule ne fasse pas l’objet de tous ses entretiens auprès de Volkswagen, le véhicule est rigoureusement entretenu selon les directives du fabricant.

[4]                À l’été 2020, puisque son véhicule pose problème, le demandeur se rend chez le concessionnaire qui met un liquide dans le moteur pour toute réparation.

[5]                Les troubles continuent et le demandeur retourne auprès de son concessionnaire. Une analyse plus poussée est effectuée par ce dernier et il apparaît qu’une composante du turbo est défectueuse. Il est convenu de réparer le turbo. Le coût estimé est de 3 441,06 $. Puisqu’on explique au demandeur que sa garantie est expirée depuis quelques jours et qu’on ne réparera pas son moteur s’il ne paie pas la moitié de la facture, le demandeur assume 1 720,53 $ sur cette réparation.

[6]                Alerté par un article d’une revue de protection du consommateur selon lequel les propriétaires de véhicules semblables paient plutôt 25 % que 50 % lorsqu’une composante du turbo est brisée, le demandeur s’adresse à la cour pour récupérer les 25 % qu’il aurait payés en trop.

L’ANALYSE

  1. Le véhicule est-il toujours sous garantie ?

[7]                Des témoignages de monsieur Steeve Lemay (directeur du service du concessionnaire Saguenay Volkswagen) et de monsieur Bryan Lebrun (directeur régional de Volkswagen Canada inc.) , il ressort les éléments suivants qui sont non contestés :

-           le problème de la composante du turbo n’est ni un problème d’utilisation par le consommateur, ni un défaut d'entretien par ce dernier ;

-           le turbo fait partie du moteur auquel cas la garantie est de 5 ans ou 100 000 kilomètres, ce que la voiture n’avait pas atteint le 21 juillet 2020.

[8]                Le demandeur est formel, c’est le 21 juillet 2020 à 14 h 34 qu’il se rend chez son concessionnaire parce que la voiture donne des coups. Il sait que la fin de sa garantie approche à grands pas et il ne veut pas la laisser se terminer sans régler ce problème.

[9]                Il possède un agenda contenant une mention à cet effet à cette date et c’est une journée dont il se souvient bien puisqu’il avait une partie de golf au Ricochet.

[10]           Monsieur Lemay qui témoigne pour Volkswagen confirme la première rencontre le 21 juillet 2020.

[11]           À cette date, le demandeur rencontre un dénommé Claude Ouellet chez son concessionnaire. Un diagnostic mécanique est alors réalisé sans examen avec ordinateur. On ajoute un liquide quelque part mais la situation ne se résorbe pas. Monsieur Bryan Lebrun, représentant de Volkswagen Canada, explique que lorsqu’une composante du turbo est brisée, il y a des ratées de moteur, comme semble dire le demandeur que c’est ce qui venait de se produire.

[12]           Par la suite, la lumière EPC du tableau de bord allume, le demandeur se rendant chez son concessionnaire une autre fois. Ce denier procède alors à un meilleur diagnostic avec ordinateur. Il est alors défini que la composante du turbo est déficiente et qu’elle doit être réparée.

[13]           Alors, monsieur Lemay communique avec les représentants de Volkswagen Canada qui décident d’aider le demandeur jusqu’à concurrence de 50 % de la réparation du bris puisque la garantie est expirée, la demande à Volkswagen Canada étant faite le 3 septembre 2020.

[14]           La pièce P2 produite mentionne clairement que la période de garantie commence à la date d’achat le 4 août 2015 et qu’ainsi, cette garantie expire le 4 août 2000, soit près de deux semaines après la première visite du demandeur.

[15]           De l’avis du soussigné, la preuve prépondérante a été faite que le bris au turbo dont se plaint le demandeur le 21 juillet est le même que celui qui est réparé quelques semaines plus tard par le concessionnaire.

[16]           En réalité, ni le concessionnaire ni le fabricant ne soulève un autre problème que le bris de la composante du turbo lors de la première visite du 21 juillet 2020.

[17]           Cela étant, pour définir si une réclamation est ou non couverte par la garantie, on doit se positionner au moment où le consommateur se plaint d’un problème et non lorsque le concessionnaire accepte de le régler.

[18]           En l’espèce, si le commerçant ne diagnostique pas le vrai problème mécanique le 21 juillet 2020 alors qu’il a une obligation de résultat, il ne peut certes pas opposer son défaut de découvrir le bon problème pour soutenir que la garantie est expirée.

[19]           En somme, la demande faite pour le problème au turbo l’a été le 21 juillet 2020, soit avant l’expiration de la période de garantie.

[20]           Ainsi, cette réparation aurait dû être couverte en entier par les défenderesses.

[21]           Cependant, comme le demandeur a réclamé 25 % du coût de la réparation, le Tribunal ne peut adjuger ultra petita.

  1. Le véhicule a-t-il pu servir pour un usage normal pendant une durée raisonnable ?

[22]           Même si le Tribunal n’avait pas conclu que la garantie était en force lors de la réclamation, le Tribunal n’aurait pas eu de difficulté à condamner conjointement le commerçant et le fabricant comme le permet la loi puisqu’en vertu des articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur[1] (L.p.c.), un bien acheté doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable.

[23]           L’utilisation d’une voiture pendant 56 000 km pour une période de plus ou moins 5 ans est-elle une durée raisonnable ?

[24]           Si le Tribunal n’avait pas répondu positivement à la première question, sans doute qu’il aurait conclu que le véhicule du demandeur n’avait pas pu servir pendant une durée raisonnable.

[25]           Ce qui étonne dans le raisonnement de Volkswagen Canada par le biais de son représentant Bryan Lebrun, ce sont les critères de la pondération qu’il effectue lorsqu’il convient des pourcentages d’attribution d’une facture de réparations.

[26]           Ainsi, il fait de grands reproches au demandeur de ne pas s’être présenté à chacune des inspections de son véhicule au garage du concessionnaire, ce qu’il considère être une « conduite infidèle ».

[27]           Pour lui, un consommateur qui ne fréquente pas régulièrement le concessionnaire ne mérite pas que le fabricant contribue à 75 % à la réparation d’une pièce dont il admet qu’elle ne peut avoir été endommagée par le consommateur.

[28]           Partant, le Tribunal aurait conclu que la réclamation du demandeur était de toute manière bien fondée.

  1. Puisqu’il a payé la somme qu’il réclame, le demandeur est-il forclos de le faire ?

[29]           Même si le demandeur a payé, la loi prévoit qu’il peut récupérer une somme qu’il a payée par erreur.

[30]           En l’espèce, c’est sous les représentations que son véhicule ne serait pas réparé sans sa contribution et que sa garantie était terminée qu’il accepte de payer les 860,26 $ qu’il réclame maintenant.

[31]           L’article 1554 du Code civil du Québec[2] (C.c.Q.) prévoit que tout paiement suppose une obligation et que partant, ce qui a été payé sans qu’il existe une obligation est sujet à répétition.

[32]           Les auteurs Baudouin et Jobin[3] précisent que pour appliquer la théorie de la répétition de l’indu, il doit y avoir absence de dette et erreur de la part du payeur.

[33]           Ici, si la garantie était toujours en force et qu’on a induit le consommateur en erreur en lui disant que ce n’était pas le cas, ce dernier satisfait les deux conditions.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]           ACCUEILLE la demande ;

[35]           CONDAMNE les défenderesses conjointement à payer au demandeur 860,26 $ avec intérêt au taux légal en sus de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec et ce, à compter de la mise en demeure du 22 septembre 2020 ;

[36]           LE TOUT avec les dépens fixés à 104 $.

 

 

 

__________________________________

RICHARD P. DAOUST, J.C.Q.

 

 

 

 

 

Date d’audience :

14 avril 2022

 


[1]  RLRQ, c. P-40.1.

[2]  RLRQ, c. CCQ-1991.

[3]  Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e édition, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 621 à 623.

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