St-Germain et 176283 Canada inc. |
2011 QCCS 2566 |
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JD1002 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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N° : |
540-11-006899-100 |
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DATE : |
25 mai 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
KEVIN DOWNS, J.C.S. |
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DORIS ST-GERMAIN Demanderesse c.
NORMAND ST-GERMAIN RICHARD ST-GERMAIN LES PROMOTIONS NORMAND ST-GERMAIN INC. |
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Défendeurs |
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176283 CANADA INC. 2316-9147 QUÉBEC INC. CENTRE DU GOLF U.F.O. INC. SUZANNE ST-GERMAIN Mises en cause |
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PAQUETTE GADLER INC. Mise en cause sur requête incidente |
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JUGEMENT |
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[1] Les défendeurs, Normand St-Germain et autres, demandent au Tribunal de déclarer inhabile le procureur de la demanderesse, Me Guy Paquette, de Paquette Gadler, mise en cause, au motif de participation au parjure de sa cliente, la demanderesse, Doris St-Germain.
[2] Cette demande interlocutoire s’inscrit dans le contexte d’un recours en oppression institué par la demanderesse actionnaire minoritaire dans la société mise en cause, 176283 Canada inc.
LES FAITS
[3] La demanderesse Doris St-Germain (ci-après « Doris ») est la fille du défendeur Normand St-Germain (ci-après « Normand ») et la sœur du défendeur Richard St-Germain (ci-après « Richard »).
[4] Richard et Doris sont respectivement détenteurs de 20 actions votantes et participantes de la mise en cause 176283 Canada inc, alors que Normand, seul administrateur de cette société, détient 3000 actions votantes non participantes via la codéfenderesse, Les Promotions Normand St-Germain inc., dont Normand est le seul actionnaire et administrateur.
[5] La mise en cause 176283 Canada inc. est également actionnaire des deux autres mises en cause, 2316-9147 Québec inc. et Centre du Golf U.F.O. inc.
[6] La mise en cause Suzanne St-Germain (ci-après « Suzanne ») est la mère de Doris et Richard et l’épouse de Normand.
[7] Un conflit familial est à l’origine du recours en oppression.
[8] La demanderesse a admis lors de son interrogatoire sur affidavit qu’elle avait forgé la signature de son frère Robert St-Germain lors du transfert des actions de classe "A" que ce dernier détenait et qu’il s’agissait d’un acte recommandé par les conseillers de la société.
[9] Les défendeurs allèguent au soutien de leur requête que la demanderesse ne pouvait raisonnablement affirmer dans son affidavit et la requête introductive qu’elle avait acquis des actions par des documents de transfert forgés.
[10] Les défendeurs allèguent que Me Guy Paquette, procureur de la demanderesse, avait connaissance des faits énoncés par la demanderesse et qu’il se devait à titre de procureur ad litem et d’auxiliaire de la justice d’énoncer ces faits tant dans la requête introductive d’instance que dans l’affidavit joint au soutien de cette requête.
[11] Les paragraphes 16 et 17 de la requête introductive d’instance se lisent comme suit :
« 16. La demanderesse Doris St-Germain et le défendeur Richard St-Germain ont tous les deux acquis les vingt (20) actions de catégorie "A" qu’ils détiennent chacun dans le capital-actions de la mise en cause 176283 Canada inc. de la manière, dans les quantités et aux dates ci-après décrites :
1) Du trésor de la société, dix (10) actions de catégorie "A" chaque, en date du 18 décembre 1990;
2) D’Yves St-Germain, cinq (5) actions de catégorie "A" chaque, en date du 28 février 1995;
3) De Feu Robert St-Germain, cinq (5) actions de catégorie "A" chaque, en date du 14 octobre 1996.
le tout tel qu’il appert plus amplement du registre des valeurs mobilières de la mise en cause 176283 Canada inc., pièce P-5.
17. L’acquisition précitée 176283 Canada inc des quarante (40) actions de catégorie "A" du capital-actions de la mise en cause 176283 Canada inc. par la demanderesse Doris St-Germain et par le défendeur Richard St-Germain s’est faite dans les circonstances qui seront plus amplement expliquées à la Cour par la demanderesse Doris St-Germain lors de l’audition de la présente action. »
Soulignements du Tribunal
[12] Au paragraphe 8 de la requête des défendeurs en inhabilité, il est allégué ce qui suit :
« 8. Les extraits essentiels de la déposition se lisent comme suit :
(p.181)
761Q- Mais pour parler du geste de Robert, quel geste Robert St-Germain a posé pour vous transférer ses actions?
R- Aucun
762Q- Aucun. D’accord. Et quel document Robert St-Germain a signé pour vous transférer ses actions?
R- Aucun
763Q- Aucun. Est-ce que c’est exact de dire que, au moment où vous avez fait l’acquisition des actions de Robert St-Germain, il était décédé?
R- C’est-à-dire la date qu’il y a ici, la date…Robert était… Robert est décédé le dix (10) juin quatre-vingt-dix-sept (97), et la date qui est ici c’est le quatorze (14) octobre quatre-vingt-seize (96).
764Q- Est-ce que vous étiez propriétaire des actions de Robert St-Germain le quatorze (14) octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize (1996)?
R- Non.
772Q- Pourquoi vous n’avez pas écrit dans l’affidavit que vous avez eu une rencontre, que vous avez décidé de faire une fausse signature et de procéder post…
R- Parce que…
773Q- …décès à un transfert d’actions?
R- Parce que je sais très bien que c’était un acte qui était illégal recommandé par les avocats.»
[13] Le paragraphe 17 de la requête introductive n’est pas reproduit dans l’affidavit.
[14] La preuve au soutien des prétentions des défendeurs est constituée de certains extraits de la transcription de l’interrogatoire de la demanderesse (pièces R-1 et I-3) ainsi que de témoignages lors de l’audition.
4 Le témoignage de la demanderesse
[15]
La demanderesse témoigne après avoir obtenu la
protection de la Cour suivant l’article
[16] Elle est la cadette d’une famille de cinq enfants, Robert, Richard, Yves et Line. Sa sœur Line souffre d’une paralysie cérébrale depuis l’âge de deux ans alors que son frère Robert est décédé le 11 juin 1997.
[17] Elle confirme la teneur du paragraphe 16 de la requête introductive et déclare quant au paragraphe 17 qu’elle a informé Me Paquette de la rencontre du 7 octobre 1997 en présence des fiscaliste, avocat et comptable de la société où il fut convenu qu’elle signerait le nom de Robert sur la résolution du 28 février 1995 (pièce I-2). Le décès de Robert étant survenu le 11 juin 1997.
[18] Elle déclare que Robert est décédé sans testament, que les héritiers ont tous renoncé à la succession et que Richard fut nommé liquidateur à la succession.
[19] Elle a signé le nom de Robert sur la recommandation des conseillers de la société 176283 Canada inc. afin d’éviter les problèmes fiscaux reliés à la succession de Robert, actionnaire de la société lors de son décès.
[20] Elle déclare qu’elle a discuté de cette problématique avec Me Paquette, d’où la terminologie du paragraphe 17 de la requête introductive. Elle en connaissait les conséquences et la formulation.
[21] Elle a aussi déclaré lors des interrogatoires hors de Cour que ses deux frères, tant Robert qu’Yves souffraient de toxicomanie.
4 Le témoignage de Me Guy Paquette
[22]
Me Guy Paquette, de l’étude de la mise en cause
Paquette Gadler inc., a également témoigné après avoir obtenu la protection de
la Cour suivant l’article
[23] Il est membre du Barreau du Québec depuis 1982 et n’a aucun dossier disciplinaire. Il est spécialisé dans les litiges entre actionnaires.
[24] Concernant la rédaction des paragraphes 16 et 17 de la requête introductive, il déclare avoir, dans un premier temps, vérifié les informations fournies par sa cliente quant au statut de cette dernière dans l’entreprise mise en cause.
[25] Il réfère aux pièces I-1 et I-2 qu’a fait parvenir le procureur de la mise en cause, de l’étude Dufour Mottet. Il s’agit de deux résolutions écrites tenant lieu d’une réunion du conseil d’administration de la société 176283 Canada inc. La résolution (pièce I-1) est signée par Doris, Richard et Robert.
[26] La résolution du 28 février 1995 (pièce I-2) confirme la démission comme administrateur de Yves St-Germain, la réduction du nombre d’administrateurs de quatre à trois et la cession et transfert de cinq actions de catégorie "A" de Yves St-Germain à la demanderesse Doris et de cinq actions de catégorie "A" de Yves St-Germain au codéfendeur Richard.
[27] La résolution du 14 octobre 1996 confirme la démission comme administrateur de Robert St-Germain, la réduction du nombre d’administrateurs de trois à deux et la cession et transfert de cinq actions de catégorie "A" de Robert St-Germain à Doris et de cinq actions de catégorie "A" de Robert St-Germain à Richard. Cette résolution est signée par Doris, Richard et Robert St-Germain.
[28] Il déclare que traitant de la rédaction et de la formulation des paragraphes 16 et 17 de la requête introductive, il se devait d’alléguer que les circonstances entourant l’acquisition des actions par la demanderesse seraient plus amplement expliquées lors de l’audition au mérite.
[29] Il ajoute que la problématique à laquelle il était confronté était le danger de l’auto incrimination de la demanderesse quant à la falsification d’un document corporatif, son obligation déontologique de révéler tous les faits en l’espèce face au Tribunal et la protection de la réputation possiblement impliquée de tiers quant à la connaissance de cette falsification.
[30] Il déclare que lors de la présentation de la requête introductive, donc avant l’interrogatoire hors de Cour de la demanderesse sur le contenu de l’affidavit produit au soutien de la requête, il a informé les procureurs des défendeurs et des mises en cause de la problématique à laquelle il faisait face sans obtenir pour autant de réponses de la part de ces derniers.
[31] Lors de l’interrogatoire de la demanderesse sur affidavit et suite aux déclarations de cette dernière, il a demandé à Me Dufour ses commentaires à ce sujet alors que le procureur des défendeurs, Me Robillard, déclarait que la demanderesse mentait.
[32] Il confirme le témoignage de la demanderesse à l’effet que les transferts I-1 et I-2 étaient pour éviter le paiement d’impôt quant à la succession de Robert et éviter la faillite pour ce qui est d’Yves.
[33] Il ignorait toutefois que la demanderesse avait signé le nom de Robert chez elle et non pas lors de la réunion à laquelle elle a fait référence.
[34] Me Paquette précise qu’il a demandé à Me Dufour si ce que déclarait la demanderesse était vrai lors de l’interrogatoire de cette dernière. Il ajoute qu’il n’a jamais voulu cacher quelque chose au Tribunal, il était ouvert aux suggestions de ses confrères en défense, suggestions qui ne sont jamais venues.
4 Le témoignage de Richard St-Germain
[35] Le codéfendeur Richard St-Germain déclare que l’idée du transfert des actions de Robert avec effet rétroactif antérieur au décès est une initiative de Doris.
[36] Il ajoute que Doris et lui avaient convenu de cet acte fautif avant d’aller rencontrer les professionnels.
PLAIDOIRIES
[37] Les procureurs des défendeurs et des mises en cause, 176283 Canada inc., 2316-9147 Québec inc., Centre du Golf U.F.O. inc. et Suzanne St-Germain, soutiennent que le procureur de la demanderesse a commis une faute déontologique, soit une inconduite en omettant d’inclure à l’affidavit le paragraphe 17 de la requête introductive et en ne précisant pas les circonstances du transfert des actions, dont la fausse signature de la demanderesse.
[38] Ils plaident qu’il s’agit d’une faute grossière qui se doit d’être sanctionnée par le Tribunal.
[39] Ils plaident également que Me Paquette savait que l’affidavit était faux lorsque la demanderesse déclare avoir acquis les actions d’Yves et de Robert, tel que l’indique le Registre des valeurs mobilières (pièce P-5).
[40] Me Paquette soutient qu’il n’avait pas l’intention de tromper et qu’il se devait de formuler le processus de transfert d’actions de cette façon.
ANALYSE
[41] Traitant de la norme de conduite de l’avocat, auxiliaire de justice, l’honorable Louis Lebel, alors à la Cour d’appel du Québec, dans la cause Fédération des médecins spécialistes du Québec c. Association des médecins hématologistes-oncologistes du Québec[1] s’exprime comme suit :
« […] Le rôle de l'avocat est délicat dans le processus judiciaire. Il doit agir avec efficacité dans sa fonction de représentation. Celle-ci doit être honnête, loyale et compétente vis-à-vis la partie qu'il représente. Elle doit être aussi loyale tant vis-à-vis l'autre partie qu'envers le tribunal pour préserver la qualité et l'intégrité du procès civil ou criminel. […] »
[42] Après avoir pris connaissance de l’ensemble de la preuve, le Tribunal n’est pas convaincu suivant la balance des probabilités d’une inconduite manifeste du procureur de la demanderesse.
[43] Il y a lieu de préciser que Doris et Richard détiennent chacun dix (10) actions de catégorie "A" (votantes et participantes) depuis le 18 décembre 1990 et que ce n’est que subséquemment qu’intervient le transfert des actions de Yves et Robert en 1995 et 1996.
[44] En l’espèce, il s’agit d’un conflit familial dans un contexte d’une importante somme d’argent, voire un grand terrain de golf situé sur territoire de la ville de Laval (Centre de golf U.F.O.) et deux autres terrains de golf, soit le Club de golf Glendale à St-Augustin de Mirabel et le Club de golf Le Marthelinois à Trois-Rivières, le tout semble-t-il d’une valeur de plusieurs millions de dollars.
[45] Le témoignage de la demanderesse et de son procureur Me Paquette sont fort crédibles.
[46] Certes le témoignage de la demanderesse comporte certaines contradictions, mais l’ensemble de son témoignage est vraisemblable et plausible compte tenu de l’ensemble des circonstances.
[47] Lorsque Me Paquette allègue la répartition des actions de Doris et Richard, il précise que le tout est tel qu’il apparaît au Registre des valeurs mobilières, ce que les défendeurs omettent d’alléguer aux paragraphes 2 et 4 de leur requête en inhabilité.
[48] Richard St-Germain confirme en partie le témoignage de la demanderesse, il a lui aussi signé les transferts I-1 et I-2.
[49] Le Tribunal ne le croit pas cependant lorsqu’il affirme que la fausse signature est une initiative de la demanderesse.
[50] Certes, l’audition au mérite pourra fournir un meilleur éclairage sur l’ensemble des circonstances entourant ces transferts d’actions.
[51] L’ensemble des actionnaires de l’entreprise 176283 Canada inc. avait sans doute un grand intérêt à éviter les effets fiscaux résultant de la succession de Robert, tout comme l’insolvabilité de Yves constatée par une faillite.
[52] Me Paquette s’est conformé à son devoir de loyauté tant à l’endroit du Tribunal, de la demanderesse et des tiers.
[53] La formulation à laquelle il a eu recours pour répondre à la problématique qu’il a clairement exposée au Tribunal ne reflète pas de l’inconduite, mais bien de la loyauté et du respect à l’endroit de l’institution judiciaire.
[54] Il a reproduit fidèlement ce que le registre de l’entreprise révèle. Il n’a pas omis d’alléguer que les circonstances entourant les transferts et l’acquisition seraient révélées ultérieurement, soucieux de son devoir de protection à l’endroit de la demanderesse et de tiers compte tenu des actes posés.
[55] Interrogée sur les circonstances de l’acquisition des actions, la demanderesse a admis spontanément l’illégalité de son geste en précisant les motifs d’un tel geste et l’environnement qui l’accompagnait.
[56] Il est manifeste qu’il n’y avait pas d’intention de tromper tant de la part de la demanderesse que de son procureur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[57] REJETTE la requête des défendeurs pour rejet d’affidavit, radiation d’allégations et faire déclarer le cabinet Paquette Gadler inc. inhabile à représenter la demanderesse ;
[58] LE TOUT, avec dépens contre les défendeurs, Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions Normand St-Germain inc., et les mises en cause, 176283 Canada inc., 2316-9147 Québec inc., Centre du Golf U.F.O. inc. et Suzanne St-Germain.
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Me Jacques Jeansonne Me Alberto Martinez Deslauriers Jeansonne Procureurs de la mise en cause sur requête incidente, Paquette Gadler inc. |
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Me Lucie Joncas Desrosiers Joncas Massicotte Procureure de la demanderesse, Doris St-Germain, et de la mise en cause sur requête incidente, Paquette Gadler inc., et Me Guy Paquette |
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Me Richard Dufour Dufour Mottet Procureur des mises en cause, 176283 Canada inc., 2316-9147 Québec inc. et Centre du Golf U.F.O. inc. |
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Me Yves Robillard Miller Thomson Pouliot Procureur des défendeurs, Normand St-Germain, Richard St-Germain, Les Promotions Normand St-Germain, et de la mise en cause, Suzanne St-Germain |
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Dates d’audience : 4 et 5 mai 2011 |
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Fédération des médecins spécialistes du Québec c. Association des médecins hématologistes-oncologistes du Québec,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.