Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

Le 1er mars 2004

 

Région :

Québec

 

Dossier :

185252-32-0206-R

 

Dossier CSST :

001450824

 

Commissaire :

Pierre Simard

 

Membres :

Claude Jacques, associations d’employeurs

 

Guy Rousseau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Micheline Belisle

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre hospitalier Robert Giffard

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

Et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 6 décembre 2002, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission de la santé et de la sécurité du travail une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par cette instance, le 30 octobre 2002.

[2]                Par cette décision, la première commissaire infirmait une décision rendue par la CSST, le 27 mai 2002, et déclarait que l’emploi de préposé aux renseignements qui fut attribué à madame Micheline Belisle (la travailleuse) n’était plus un emploi convenable que la travailleuse pouvait exercer à temps plein suite à une rechute, récidive ou aggravation ayant affectée la travailleuse le ou vers le 25 juin 2000.

[3]                La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Québec, le 11 mars 2003. La travailleuse ainsi que la CSST étaient présentes et représentées.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                La CSST allègue que la décision rendue par la première commissaire est entachée d’un vice de fond ou de procédure qui est de nature à invalider la décision, le tout tel que sanctionné par l’article 429.56, paragraphe 3, de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi).

[5]                Plus spécifiquement, on allègue que la décision attaquée comporte des erreurs manifestes en droit en ce que la première commissaire a débordé sa compétence juridictionnelle lorsqu’elle déclare que la travailleuse n’a pas la capacité résiduelle pour exercer l’emploi convenable retenu antérieurement alors que la première commissaire reconnaît que les limitations fonctionnelles dont elle est maintenant porteuse sont fondamentalement les mêmes que celles qui prévalaient lorsque cet emploi fut initialement jugé convenable.

[6]                La CSST soutient que la première commissaire n’avait pas à réétudier la notion d’« emploi convenable », dans sa globalité, dans le cadre d’une rechute, récidive ou aggravation. Plutôt, elle devait se prononcer strictement sur la capacité de la travailleuse à exercer cet emploi convenable eu égard aux conséquences permanentes résultant de la rechute, récidive ou aggravation subie le 25 juin 2000.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir la requête et de procéder à la révision de la décision attaquée. Ils concluent que la prépondérance de preuve est à l’effet d’indiquer que la travailleuse a la capacité d’exercer son emploi convenable.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[8]                La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue par cette instance, le 30 octobre 2002.

[9]                L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]           Cependant, les dispositions contenues à l’article 429.56 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.

[11]           L’article 429.56 de la loi stipule :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3°  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]           La CSST doit démontrer, par une prépondérance de la preuve, que la décision rendue par la première commissaire est sujette à l’application de l’un ou l’autre des motifs prévus à cet article.

[13]           La CSST invoque les dispositions du troisième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi en ce qu’il reproche à la décision rendue par la première commissaire de comporter des vices de fond ou de procédure de nature à l’invalider.

[14]           De jurisprudence constante, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la CSST doit démontrer que la décision attaquée comporte une erreur manifeste, de faits ou de droit, qui est déterminante sur l’issue du litige[2].

[15]           D’autre part, le tribunal ajoute qu’il y a erreur manifeste lorsque la décision méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine.  Ces critères, bien qu’étant non exhaustifs, permettent de mieux situer cette notion[3].

[16]           Le pouvoir de révision ne permet pas au commissaire de substituer son interprétation de la loi ou de la preuve à celle retenue par la première commissaire. Le recours en révision ne constitue pas un appel déguisé[4].

[17]           Des documents au dossier, la Commission des lésions professionnelles résumera les éléments pertinents à notre litige.

[18]           La première commissaire était saisie d’une contestation portant sur une décision rendue par les Services de révision administrative de la CSST, le 27 mai 2002.

[19]           Cette décision informait la travailleuse que suite à sa rechute, récidive ou aggravation survenue le 25 juin 2000, on concluait qu’elle était capable, à compter du 19 octobre 2001, d’exercer l’emploi convenable déjà retenu, soit celui de préposée aux renseignements. En conséquence, à partir de cette date du 19 octobre 2001, le droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu était reconnu à la travailleuse.

[20]           Au paragraphe 6 de sa décision, la première commissaire décrit donc sa compétence juridictionnelle de la façon suivante :

« [6]     La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse est redevenue capable d’exercer l’emploi de préposée aux renseignements et si elle a droit à l’indemnité de remplacement du revenu.  »

 

[21]           Par la suite, la première commissaire résume rapidement les éléments factuels pertinents de son dossier aux paragraphes 7 à 12 de sa décision.

[22]           Aux paragraphes 13 et 14 de sa décision, la première commissaire rapporte les dispositions législatives pertinentes portant sur le droit à recevoir des indemnités.

[23]           Aux paragraphes 15 et 16 de la décision, la première commissaire énonce :

«  [15]  En l’espèce, les limitations fonctionnelles décrites par le docteur Lépine dans son rapport d’évaluation médicale du 22 septembre 2001 ne diffèrent pas sensiblement de celles qui avaient été énoncées précédemment, à l’époque où l’emploi de préposée aux renseignements a été jugé convenable pour la travailleuse.

 

[16]      La travailleuse ne prétend pas que cet emploi est incompatible avec les limitations fonctionnelles qui l’affectent en raison de la lésion professionnelle. Elle prétend cependant ne pas avoir la capacité résiduelle requise pour exercer ce type d’emploi sur une base régulière, à temps complet.  »

 

 

[24]           À son paragraphe 17, la première commissaire cite la définition de l’emploi convenable pour s’intéresser, dans les paragraphes subséquents, au phénomène de la douleur chez la travailleuse.

[25]           Sur ce sujet, elle constate que la preuve offerte permet d’établir une augmentation significative de la consommation des médicaments, entres autres des analgésiques, des calmants et somnifères ainsi que de la prise d’anti-inflammatoire.

[26]           Toujours dans le contexte de ce phénomène douloureux, elle rapporte les témoignages offerts par la travailleuse ainsi que sa fille.

[27]           Ces déclarations établissent que la travailleuse présente une condition douloureuse variable qui implique qu’elle doit se coucher à plusieurs reprises pendant la journée. Elle présente de la distraction et un manque de concentration, particulièrement dans le contexte de la prise d’analgésiques et de calmants. Sur ce sujet, la travailleuse ajoute qu’elle se croit incapable de pouvoir travailler à temps complet comme préposée aux renseignements et de se rendre à son travail ou en revenir.

[28]           Pour sa part, la fille de la travailleuse confirme les dires de sa mère, tout particulièrement quant au manque de concentration, à de la confusion et des pertes de mémoire avec déficit de l’attention.

[29]           À ces éléments de preuve, la première commissaire ajoute une lettre produite par le docteur Jean-Marc Lépine, le 5 mai 2002, qui, dans le contexte des limitations fonctionnelles déjà accordées, tout particulièrement l’impossibilité de maintenir une position statique debout ou assise, souligne que sa patiente doit régulièrement se coucher le jour eu égard au phénomène douloureux.

[30]           Ce médecin insiste sur la médication que doit prendre la travailleuse, de façon permanente ainsi que les conséquences sur sa capacité à occuper l’emploi convenable.

[31]           Au paragraphe 23, la première commissaire résume l’argumentation du représentant de la travailleuse, qui suggère d’adopter une « vue d’ensemble » de l’état de la travailleuse quant à sa capacité de pouvoir fonctionner dans son emploi convenable.

[32]           Or, la première commissaire, au paragraphe 24, souligne que la décision portant sur la détermination de l’emploi convenable n’a pas été contestée.

[33]           C’est d’ailleurs ce constat qui l’amène à énoncer, au paragraphe 25, la mention suivante :

«  [25]  Cette balise étant posée, il faut donc se demander si, à la suite des rechutes, récidives ou aggravations qui sont survenues ultérieurement, cet emploi demeure convenable et si la travailleuse est capable de l’exercer.  »

 

 

[34]           Les termes employés par la première commissaire à ce paragraphe 25 portent à confusion. En effet, la Commission des lésions professionnelles devait plutôt se demander si la travailleuse demeurait capable, dans le contexte des conséquences permanentes de la rechute, récidive ou aggravation subie, d’exercer l’emploi convenable préalablement identifié. Ce constat ressort de la loi et tout particulièrement de l’article 170 dans le cas qui nous intéresse.

[35]           En effet, la Commission des lésions professionnelles considère, en accord avec la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), que les dispositions prévues aux articles 166 à 170 qui ont trait à la capacité d’un travailleur de refaire son emploi s’appliquent, en faisant les adaptations requises, à la capacité d’un travailleur à exercer un emploi convenable préalablement déterminé[5].

[36]           C’est donc en fonction de ces articles de la loi que la Commission des lésions professionnelles devait analyser la capacité de la travailleuse, et non en fonction de la définition de l’emploi convenable prévue à l’article 2[6].

[37]           Ainsi, à son paragraphe 25, la première commissaire commet une erreur manifeste lorsqu’elle indique que la question à poser, dans le cadre d’une rechute, récidive ou aggravation survenue ultérieurement, est de déterminer si l’emploi demeure convenable.

[38]           Plutôt, la seule question que la première commissaire devrait se poser, à cette étape, est de décider si la travailleuse était capable d’exercer l’emploi convenable préalablement déterminé suite à la rechute, récidive ou aggravation.

[39]           D’ailleurs, les paragraphes subséquents ainsi que le dispositif du jugement confirment cette erreur de la première commissaire.

[40]           En effet, au paragraphe 26, elle conclut que la preuve offerte démontre que les limitations fonctionnelles évaluées par le docteur Lépine, le 22 septembre 2001, sont semblables à celles qui prévalaient antérieurement, limitations fonctionnelles déterminées par une entente intervenue entre les parties le 9 janvier 1997.

[41]           La représentante de la CSST soutient que l’étude de la première commissaire devait donc cesser à cette étape puisque la preuve ne révélait pas de variation dans les limitations fonctionnelles reconnues à la travailleuse suite à sa dernière rechute, récidive ou aggravation.

[42]           Pourtant, à ce paragraphe 26, la première commissaire conclut son paragraphe de la façon suivante :

«  [26]  (...) Le tribunal ne croit pas que la question se limite à cette seule considération dans le présent dossier.  »

 

 

[43]           Pour expliquer cette mention, la première commissaire énonce, au paragraphe 27 :

«  [27]  En effet, pour être convenable, un emploi doit être approprié, permettre à la travailleuse d’utiliser sa capacité résiduelle et ne pas présenter de danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique compte tenu de la lésion professionnelle.  »

 

 

[44]           Au paragraphe 28, la première commissaire dispose des limitations fonctionnelles en concluant que le fait d’exercer l’emploi convenable ne présente pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou l’intégrité physique compte tenu de la lésion professionnelle.

[45]           Au paragraphe 29 elle s’intéresse à la « problématique douloureuse » que présenterait la travailleuse, de la façon suivante :

«  [29]  Toutefois, la problématique douloureuse est devenue tellement importante qu’elle oblige maintenant la travailleuse à se coucher plusieurs fois durant le jour pour récupérer ou se soulager et l’empêche de vaquer normalement à ses activités de la vie domestique et quotidienne.  »

 

 

[46]           Or, au paragraphe 30, elle s’intéresse à la médication que prend la travailleuse pour conclure que la médication actuelle que prend la travailleuse ne constitue pas un élément nouveau puisqu’il en était fait état dans les différents rapports médicaux qu’elle cite, rapports qui précèdent la rechute, récidive ou aggravation.

[47]           Il faut bien conclure que la première commissaire a donc exclu toute conséquence relative à la prise de médicaments telle la capacité d’attention, de concentration et de mémoire dans son étude puisqu’il ne s’agit pas d’une conséquence permanente relative à la rechute, récidive ou aggravation.

[48]           Finalement, l’essentiel de la position adoptée par la première commissaire se retrouve aux paragraphes 31, 32, 33, 34 et 35 de sa décision, qui se lisent comme suit :

«  [31]  Déjà, à l’époque où monsieur Côté a évalué les capacités fonctionnelles de la travailleuse, il notait que la principale barrière à la réintégration au travail est la gestion déficiente de la douleur par la travailleuse.

 

[32]      Or, il semble bien que depuis ce temps, cet aspect de la problématique ne se soit pas amélioré, bien au contraire. Il ressort du témoignage de la travailleuse que sa vie est entièrement centrée sur la douleur, ce qui est certainement regrettable pour elle.

 

[33]      Toutefois, bien qu’on puisse déplorer la situation, il est irréaliste de ne pas la considérer afin de conclure que dans cette condition douloureuse mal gérée, elle est capable de reprendre à temps plein un emploi de préposée aux renseignements.

 

[34]      La Commission des lésions professionnelles doit faire le constat de l’échec du traitement médical et chirurgical et des mesures de réadaptation sur la capacité de la travailleuse à gérer sa douleur chronique et en prendre acte.

 

[35]      Ceci étant, il faut conclure que le retour au travail comme préposée aux renseignements est incompatible avec la condition de santé qui découle de la lésion professionnelle. La travailleuse n’a plus une capacité résiduelle suffisante pour exercer cet emploi.  »

 

[49]           La Commission des lésions professionnelles souligne que cette problématique de gestion de la douleur de la travailleuse est abordée aussi bien par les pourcentages d’atteinte permanente qui lui sont reconnus que par les limitations fonctionnelles énoncées par les professionnels de la santé dans ce dossier.

[50]           Ces limitations fonctionnelles liaient la première commissaire en ce qu’elles n’étaient pas en litige.

[51]           D’autre part, il est bon de rappeler que le docteur Lépine, à son évaluation du 19 septembre 2001, indiquait :

«  (...)

Madame Belisle nous dit que les douleurs qu’elle présente actuellement au niveau lombaire sont moins intenses qu’avant sa dernière chirurgie.

 

(...)  »

 

 

[52]           D’ailleurs, ce médecin, à sa lettre du 5 mai 2002, ajoute :

«  (...)

Malgré une amélioration symptomatique apportée par la dernière chirurgie, cette patiente continue à présenter des limitations fonctionnelles que nous avons classées à III/IV suivant l’I.R.S.S.T.

 

(...)  »

 

 

[53]           Dès lors, s’il faut parler du phénomène de la douleur, la première commissaire ne pouvait que conclure, selon la prépondérance de preuve médicale qui lui était offerte, que cette problématique ne s’était pas aggravée. Bien au contraire, il semble bien que cette problématique s’était améliorée selon les dires mêmes de son médecin traitant.

[54]           Finalement, la première commissaire, à son dispositif, énonce :

« (...)

DÉCLARE que l’emploi de préposée aux renseignements n’est plus un emploi convenable que la travailleuse, madame Micheline Belisle, peut exercer à temps plein.

 

(...)  »

 

 

[55]           La Commission des lésions professionnelles rappelle que le dispositif d’une décision constitue l’élément essentiel du jugement rendu.

[56]           À la lecture de cette conclusion, il ne fait aucun doute que la première commissaire est sortie de son champ juridictionnel, tel qu’énoncé au début de sa décision lorsqu’elle précise qu’elle a compétence sur la capacité de la travailleuse à exercer son emploi convenable, dans le contexte de la rechute, récidive ou aggravation, pour par la suite dériver sur la notion même de l’emploi convenable qui, rappelons-le, n’avait pas été contestée initialement.

[57]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que la première commissaire a effectivement commis une erreur manifeste et déterminante sur l’issue du litige.

[58]           Cette erreur est déterminante puisque la première commissaire prend en considération des éléments autres que ceux attribuables aux seules limitations fonctionnelles dans la détermination de la capacité de la travailleuse à occuper son emploi convenable.

[59]           Il en aurait été tout autrement si de façon claire et non équivoque, le docteur Lépine avait modifié les limitations fonctionnelles déjà reconnues à la travailleuse pour en énoncer des nouvelles qui rendaient la travailleuse inapte à occuper l’emploi convenable prédéterminé.

[60]           Or, comme on l’a vu, la prépondérance de preuve démontre que les limitations fonctionnelles reconnues suite à la rechute, récidive ou aggravation sont les mêmes que celles qui avaient déjà été reconnues à la travailleuse dans le cadre de la détermination de son emploi convenable. Même en tenant compte d’une définition large et libérale de la notion de limitations fonctionnelles incluant des limitations implicites au texte de l’expertise médicale du docteur Lépine, du 19 mars 2001, nous ne pourrions conclure comme l’a fait la première commissaire, que la preuve sous-tendait une détérioration du phénomène douloureux.

[61]           Quant à la lettre de ce médecin, du 5 mai 2002, elle n’ajoute rien aux limitations fonctionnelles déjà reconnues à la travailleuse et ne peut permettre de les amender. D’ailleurs, sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles ajoute que l’opinion du docteur Jean-Marc Lépine sur la capacité de sa cliente à occuper un emploi convenable ne constitue pas une mention de nature médicale et tient compte d’éléments tels la médication et le mécanisme de la gestion de la douleur que la travailleuse utilise.

[62]           Quant à la médication, la Commission des lésions professionnelles n’a rien à ajouter à ce qu’elle a dit sur les variations de celle-ci.

[63]           En conséquence, en révision de la décision rendue par la première commissaire, le 30 octobre 2002, la Commission des lésions professionnelles ne peut que conclure que conformément aux seuls critères de la capacité à exercer son emploi convenable prédéterminé, la prépondérance de preuve offerte ne permettait pas d’établir que la travailleuse était incapable de reprendre son emploi de préposée aux renseignements.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révision présentée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 6 décembre 2002;

RÉVISE la décision rendue par cette instance, le 30 octobre 2002;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 27 mai 2002;

DÉCLARE que suite à la rechute, récidive ou aggravation survenue le 25 juin 2000, madame Micheline Belisle est capable, à compter du 19 octobre 2001, d’exercer l’emploi convenable déjà retenu, soit celui de préposée aux renseignements;

DÉCLARE qu’à partir de cette date, elle a le droit à l’indemnité réduite de remplacement du revenu.

 

 

__________________________________

 

 

PIERRE SIMARD

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Guy Grantham

DAIGNAULT & ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Line Régnier

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

 

[2]          Produits Forestiers Donohue et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .

[3]          Commnunauté urbaine de Montréal et Les propriétés GuenterKaussen et Ville de Westmount [1987] R.J.Q. 2641 à 2648.

[4]          Vicenzo Fierimonte et C.L.P. et Béliveau, C.S. 500-05-000451-948, juge Pierre R. Journet; Poitras et Christina Canada Inc., C.L.P. 100370-62-9803, 07-03-2000, Mireille Zigby, commissaire.

[5]          Leblond et CSST, C.A.L.P. 70019-03B-9506, 8 janvier 1998, B. Roy (décision accueillant la requête en révision); Construction Del Nor inc. et Malboeuf, [1996] C.A.L.P. 1606 , C.A.L.P. 1006; Fex et Cartonniers Vallée et Fils ltée, C.A.L.P. 53541-64-9306, 22 août 1995, L. Thibault.

[6]          Laurin et CC.S.S.T., C.A.L.P. 142200-64-0006, 20 novembre 2001, L. Landriault.

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