Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE le 20 octobre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

122511-63-9909

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Diane Beauregard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean-Marie Jodoin

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Paul Gervais

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

002262640

AUDIENCE TENUE LE :

22 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FRANÇOIS-STÉPHANE GAGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MÉNAGEX LÉGER INC. (FERMÉ)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 13 août 1999, monsieur François-Stéphane Gagnon (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 5 août 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail suite à une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la révision administrative confirme deux décisions rendues les 22 juillet 1998 et 23 septembre 1998 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) et déclare que le travailleur n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août 1998.

[3]               A l’audience le travailleur est présent et représenté.  La Commission est représentée.

 

L'OBJET DU LITIGE

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août 1998 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.

 

LES FAITS

[5]               Le 31 mars 1989, le travailleur s’inflige un accident du travail en chutant de trois étages alors qu’il lavait des vitres.  Il subit un traumatisme crânien et demeure dans le coma quelques jours.  On constate que le travailleur a une perturbation de la personnalité.  On diagnostique initialement une entorse cervico-dorsale et dorso-lombaire puis une hernie discale L4-L5 droite pour laquelle le travailleur subit une discoïdectomie le 10 octobre 1991.  En psychiatrie, on note des troubles de l’adaptation avec perturbation mixte des émotions et des conduites ainsi qu’un trouble de la personnalité à la limite.  Le travailleur réagit dans deux directions différentes soit vers une situation anxio-dépressive, soit vers une perturbation des conduites avec agressivité.  La lésion est consolidée le 8 septembre 1992 et entraîne une atteinte permanente de 33.75% et des limitations fonctionnelles importantes dont notamment le fait de ne pas avoir à travailler dans les hauteurs, d’effectuer des travaux semi-sédentaires avec possibilité de se lever à volonté, de ne pas avoir à soulever des poids au-delà de 25 livres, de ne pas se pencher ni faire des flexions, extensions et rotations de façon répétitive et enfin d’éviter le stress.

[6]               Un processus de réadaptation a été amorcé et l’emploi convenable de livreur de mets préparés a été retenu à titre d’emploi convenable.  Une indemnité de remplacement du revenu réduite de 10.77 $ a été consentie.  Selon le Bureau de révision de la région de Lanaudière et la Commission  d'appel en matière de lésions professionnelles, le travailleur est devenu capable d’exercer cet emploi qu’ils jugent convenable à compter du 20 mai 1993.  Dans les faits, il n’a jamais occupé cet emploi.

[7]               Le 25 août 1994, le travailleur connaît une rechute, une récidive ou une aggravation en raison d’une crise d’épilepsie.  Le diagnostic retenu à ce moment est un syndrome cérébral organique et un syndrome épileptique.  La lésion est consolidée le 20 janvier 1995.  On reconnaît au travailleur une atteinte permanente de 22.95 %.  La Commission juge le travailleur capable d’exercer l’emploi convenable déjà déterminé à compter 11 avril 1995.  Cette décision est contestée au Bureau de révision de la région de Lanaudière et maintenue le 17 septembre 1996. 

[8]               Le 11 avril 1995, on questionne l’intégrité des racines L5-S1 droite lors d’un électromyogramme.

[9]               Le 5 mai 1995, le travailleur connaît à nouveau une rechute, une récidive ou une aggravation pour un problème de lombosciatalgie L4-L5 et L5-S1.  Une résonance magnétique témoigne de l’existence d’une discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1 ainsi qu’une petite hernie L4-L5.  Le 15 mars 1996, on pratique une laminectomie décompressive à L4-L5 avec neurolyse à droite.  Suite à l’intervention chirurgicale, on diagnostique une arachnoïdite, des troubles somatoformes douloureux, une fibrose péridurale, une scoliose antalgique, des douleurs à la queue de cheval et une mésadaptation affective.  Une résonance magnétique pratiquée le 15 octobre 1996 permet de constater  qu’il y a des modifications postopératoires du disque L4-L5 avec fibrose épidurale significative et plus importante que lors de l’examen de juillet 1995 ainsi qu’une discopathie L5-S1 avec rupture de l’anneau fibreux sans hernie.  La lésion sera consolidée le 31 janvier 1997.  On recommande au travailleur d’éviter d’utiliser les escaliers, d’effectuer du voiturage et de vivre des situations stressantes.  Il connaîtra par la suite un problème de paresthésie modérée du membre inférieur droit.

[10]           Le travailleur bénéficie d’un suivi médical régulier tant pour le problème épileptique que le problème lombaire.

[11]           Le 16 juin 1998, le travailleur soumet une réclamation à la Commission où il déclare que son état s’est aggravé depuis trois mois puisqu’une douleur s’est installée dans sa jambe gauche.  Il consulte Dr Poirier qui note que le travailleur accuse des douleurs chroniques et demeure incapable de travailler.  Une radiographie de la colonne lombo-sacrée est effectuée et démontre une légère ostéophytose au niveau L4-L5.

Ne pouvant plus vivre des prestations de la Commission, Dr Poirier complétera à la demande du travailleur une demande pour le Ministère de l’emploi et de la solidarité afin qu’il bénéficie de prestations d’assistance sociale.

[12]           Le 19 juin 1998, Dr Boucher voit le travailleur et diagnostique une séquelle de hernie discale, une séquelle de commotion cérébrale, un syndrome cérébral organique fonctionnel.  Il note que le travailleur est inapte a tout travail rémunérateur essentiellement en raison des séquelles psychologiques.

[13]           Le 14 juillet 1998, Dr Poirier note que le tableau clinique du travailleur est stable et qu’il doit bénéficier d’une réhabilitation complète.  Il le reverra le 19 août 1998.

[14]           Le 29 juillet 1998, Dr Boucher note toujours les mêmes diagnostics et indique que la condition du travailleur est stable.

[15]           Le 26 août 1998, Dr Laporte examine le travailleur et indique que ce dernier a une douleur chronique et une perturbation neuro-psychologique.  En raison d’un changement important de la situation, il réfère le travailleur au Groupe Favreau et note qu’il est en incapacité totale et que cette incapacité sera probablement irréversible.

[16]           Le 30 août 1998, le travailleur s’inflige une entorse sévère et une fracture à la cheville en chutant dans les escaliers après avoir ressenti un choc électrique dans le dos.  Il explique que ses deux jambes ont bloqué  et il a chuté.

[17]           Le 23 septembre 1998, Dr Boucher note toujours la présence de séquelles de hernie discale, de commotion cérébrale et de syndrome cérébral organique fonctionnel.  Il indique que la condition clinique est invalidante. Il précise l’existence d’une fracture à la cheville le 30 août 1998 en interrogeant la cause.

[18]           Le 17 décembre 1998, Dr Boucher note l’existence de séquelle du trauma crânien ainsi que les séquelles psychologiques et physiques.  Une évaluation de l’aggravation de la condition du travailleur doit s’effectuer sous peu.  Le 4 février 1999, il note une condition stable mais constate que le travailleur est «de plus en plus complètement invalide».  Le 4 mai 1999, il conclut à l’invalidité.

[19]           Le 8 février 1999, Dr Chartrand indique l’existence d’un syndrome cérébral organique et de séquelles post-discoïdectomie et d’épilepsie post-trauma.

[20]            Le 9 février 1999, Dr Giroux examine le travailleur à la demande de son représentant.  Concernant les rechutes, il est d’avis que :

«Il est tout à fait possible que les patients avec des antécédents de hernie discale et fibrose puissent avoir des spasmes lombaires et selon la violence de tels spasmes ceux-ci pourraient entraîner une chute, à ce moment s’il était démontré qu’effectivement l’événement décrit s’est bel et bien produit, la fracture de la cheville serait en relation avec les séquelles de hernie discale et de fibrose épidurale L4-L5.

En ce qui concerne l’événement du 16 juin 1998, il ne semble pas qu’il y ait eu aggravation de l’état du patient.  En effet, celui-ci mentionne que son état s’est aggravé dans une description datée du 26 août 1998 et lorsque revu par le Dr Poirier en date du 14 juillet 1998 celui-ci mentionnait que le patient présentait un tableau clinique stable et le 29 juillet 1998 le Dr Boucher mentionnait que la condition du patient  était stable.  Il ne semble donc pas qu’il y ait eu aggravation de la pathologie du patient en date du 16 août 1998.»  (sic)

 

[21]           Le 30 juin 2000, madame Chantal Simard, psychologue, évalue le travailleur à la demande de son représentant.  Elle note que :

«Le tableau de monsieur Gagnon abonde dans le sens d’un syndrome cérébral post-traumatique ancien qui se manifeste par des dysfonctions psychologiques et neuropsychologiques qui compromettent son adaptation.   (…)  Au plan psychologique monsieur éprouve des difficultés importantes qui affectent grandement le fonctionnement cognitif.  On observe un trouble de l’adaptation sévère avec humeur anxio-dépressive qui se manifeste par de l’irritabilité qui peut s’exprimer par des explosions en réponse à la moindre frustration, des pertes de contrôle agressives, un sentiment de menace, une diminution de l’engagement social, des troubles de sommeil, de l’autodépréciation, des pensées de mort et un manque d’énergie.  Ayant du mal à s’adapter, monsieur tente de se protéger en étant dominant et en ayant recours à des mécanismes défensif-agressifs.

Compte tenu du temps écoulé depuis le trauma initial, il faut considérer la possibilité qu’il y ait eu chronicisation médico-administrative.»

 

 

[22]           Quant à la relation entre les deux rechutes de 1998 et l’événement initial, elle est d’avis que les séquelles neuropsychologiques, le trouble de l’adaptation avec des traits de personnalité antérieurs prédisposaient le travailleur à développer ce trouble.  Elle ajoute que les facteurs de stress ont amplifié la situation pour le travailleur dont les capacités d’adaptation étaient compromises par des capacités cognitives limitées, une fragilité des mécanismes d’autorégulation et par les symptômes d’un trouble de l’adaptation.  Les rechutes sont des stresseurs supplémentaires pour le travailleur qui a des difficultés à gérer les situations de tension.

[23]           Le 8 août 2000, Dr Tremblay examine le travailleur à la demande de son représentant.  Il est d’avis que :

«Ce patient présente une pachyméningite prouvée par examen spécifique et qui s’est aggravée après la deuxième chirurgie.

Il  est parfaitement logique que ce patient ressente, de façon épisodique et intermittente, des chocs électriques avec sensation de dérobage au niveau du membre inférieur droit, ceci étant causé par la pachyméningite.  Il démontre, en plus, des signes d’instabilité lombaire significative affectant le segment L4-L5 et aussi L5-S1.

Ceci est très symptomatique et ce patient, s’il n’avait pas de pachyméningite, serait un candidat pour une greffe lombaire à deux niveaux.

Il démontre cependant cette instabilité lombaire qui a provoqué sa chute  et qui a, en fait, entraîné la fracture au niveau du pied gauche.

Nous croyons donc que les rechutes de 1998 sont parfaitement acceptables médicalement comme étant en relation avec l’événement initial à cause de la pachyméningite qui provoque une augmentation subite de douleur et un dérobage de la jambe, produisant ainsi souvent des chutes qui, une fois en 1998, ont produit une blessure à la cheville gauche.»

 

 

[24]           A l’audience, Dr Giroux témoigne à la demande du travailleur.  Dans un premier temps, il explique l’importance du trauma crânien frontal et côté droit, sa nature et les répercussions qui en découlent.  Il précise que le travailleur a subi un syndrome cérébral organique pour lequel il doit être compensé.  Il souligne le fait que le travailleur n’a pu bénéficier au moment opportun d’une réadaptation sur le plan cognitif entraînant des séquelles irréversibles.  La mémoire, la capacité de concentration sont atteintes, le travailleur éprouve des difficultés en société.  Le traumatisme a amplifié les traits de personnalité du travailleur.  Il a donc un comportement perturbé qui se manifeste parfois par de l’apathie ou de l’hyper agressivité.  En référence à l’avis du Dr Boucher du 19 juin 1998, il note que ce médecin a considéré le travailleur inapte à tout travail rémunérateur en raison des troubles psychologiques.  Il est d’avis que le travailleur prend conscience que sa condition diminue, il doit faire un deuil et est dépressif ce qui entraîne une atteinte psychologique, soit un désordre affectif et un trouble de la personnalité, pour lesquels il doit recevoir des traitements afin de redevenir fonctionnel sur le plan personnel.  En référence à l’expertise de la psychologue, madame Simard, il est d’avis qu’il n’y a pas nécessairement d’aggravation sur le plan neuropsychologique et que de toute façon il est trop tard pour traiter le problème.  Toutefois, les problèmes psychologiques sont existants et nécessitent des traitements.   L’ensemble du dossier, incluant le syndrome cérébral organique, le syndrome épileptique et les problèmes psychologiques, lui laisse croire qu’il est incapable de conduire un véhicule, qu’il a de la difficulté à organiser les choses et à calculer.

[25]           Concernant le problème lombaire, il note que la condition du travailleur varie beaucoup notamment au niveau des amplitudes articulaires.  Il explique que le travailleur a été opéré à deux reprises.  La dernière opération a été effectuée notamment pour une neurolyse ce qui traduit une évolution défavorable de la condition lombaire du travailleur.  Il explique que la formation de tissus cicatriciels peut provoquer l’écrasement ou l’étirement du nerf d’où la douleur au dos et à la jambe.  Il précise, qu’en l’espèce, la fibrose diagnostiquée chez le travailleur est symptomatique puisqu’elle provoque des spasmes et des douleurs importantes sous forme de coup de poignard qui fait chuter le travailleur.  C’est ce qui s’est produit le 30 août 1998 où le travailleur a chuté dans les escaliers et s’est infligé suite à cette chute une fracture de la cheville.  Il explique également qu’outre la fibrose, le travailleur a un rachis lombaire instable suite aux interventions chirurgicales subies.  La perte d’un disque et d’une lame peut expliquer l’instabilité observée par Dr Tremblay le 8 août 2000.

 

[26]           Le travailleur explique qu’un problème nouveau dans sa condition physique est apparu quelques mois après l’intervention chirurgicale de mars 1996.  Il souligne que sa jambe gauche engourdit, qu’il ressent des douleurs importantes aux talons irradiant jusqu’aux orteils.  Il ressent une décharge électrique lorsqu’il effectue des mouvements.  Cette décharge est inattendue mais devient de plus en plus importante avec le temps.  C’est ce qui s’est produit le 30 août 1998 au moment où il descendait les marches chez sa sœur.  Sur le plan psychologique, le travailleur précise qu’il n’a plus d’endurance, il connaît des changements dans son humeur, il est triste.  Il est parfois méchant et impoli avec les gens qui l’entourent, avec sa mère.  Il ne joue plus avec sa fille.  Il devient agressif.  Il tremble intérieurement et casse des choses.  Il ne se reconnaît plus et se dit incapable de faire les choses normalement.  Il réalise qu’il n’est plus capable de rien faire. Il a mal.  Il se qualifie de loque humaine.  Il ne peut plus rien planifier parce que chaque projet tombe à l’eau.  Les foules le fatiguent, il a l’impression d’être examiné par les gens qu’il croise.  Il soutient qu’en 1998, il était dépressif.  Il avait une mauvaise gestion financière parce qu’il oublie ses dettes, s’endette davantage et oublie de payer.  Il a consulté un psychiatre parce qu’il avait des idées suicidaires.  Seule sa fille fait qu’il s’accroche à la vie.  Son agressivité perdure et augmente en raison de la détérioration de sa condition.

[27]           Madame Suzanne Galarneau, conjointe du travailleur, témoigne.  Elle explique qu’en juin 1998, le travailleur avait beaucoup de douleurs ce qui agissaient sur son humeur.  Il la traitait de tous les noms.  Elle soutient que la condition de son mari empire avec le temps.  Il n’a aucune tolérance physique, ne fait rien dans la maison.  Il devient frustré et l’ignore totalement.  Elle n’est plus capable d’échanger avec lui parce que cela n’aboutit à rien.  En août 1998, elle a vu tomber son mari.  Elle n’a pas été surprise parce qu’elle savait qu’il avait mal dans le dos et aux talons et qu’il ressentait des chocs.  Il le frictionne fréquemment.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[28]           Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que le travailleur n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998.  Bien que les Dr Boucher et Poirier voient le travailleur à cette époque, ils n’objectivent pas en quoi il y a une reprise ou une recrudescence des signes et des symptômes.  La condition du travailleur est la même depuis 1995.  L’instabilité était présente à ce moment. Il n’y a donc pas de preuve prépondérante de rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998.  Cependant, il est d’avis que le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation le 30 août 1998 pour les motifs décrits ci-après. 

[29]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août 1998 pour les motifs décrits ci-après.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[30]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août 1998 et s’il a droit aux prestations prévues à la loi.

[31]           La loi ne définit pas ces termes.  Il faut donc retenir leur sens courant, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.  Une preuve médicale prépondérante est donc nécessaire pour établir une relation de cause à effet.

[32]            Dans le dossier sous étude, concernant la rechute alléguée du 16 juin 1998, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve médicale prépondérante est à l’effet que le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation.

[33]           De fait, rappelons que le travailleur a subi en 1989 un accident important occasionnant un syndrome cérébral organique et une hernie discale.  L’un comme l’autre a connu une évolution défavorable.  Le travailleur a développé, suite à la discoïdectomie, une pachyméningite, une arachnoïdite et une fibrose péridurale qui ont nécessité une deuxième intervention chirurgicale.  La formation du tissu cicatriciel laisse encore des traces et le travailleur ressent des spasmes et des douleurs sous forme de choc qui n’ont pas cessé depuis la dernière intervention chirurgicale.  Il doit apprendre à vivre avec cette condition.  Au niveau du traumatisme crânien, le travailleur a développé un syndrome organique cérébral avec perte cognitive importante irréversible au niveau de la mémoire et de la concentration.  A ceci s’ajoute un syndrome épileptique et un trouble de la personnalité sous-jacent amplifié par les conséquences de la lésion.  Les deux lésions ont laissé des séquelles permanentes de l’ordre de 56.70 %.  La Commission des lésions professionnelles estime que ces séquelles importantes peuvent engendrer une rechute, récidive ou aggravation d’autant plus que l’évolution de la condition du travailleur, selon les médecins consultés, continue de progresser défavorablement. 

[34]           Par ailleurs, le travailleur a connu un suivi médical constant depuis la dernière intervention chirurgicale.  Force est de constater que les médecins, tant Dr Poirier que Dr Boucher, n’avaient rien à offrir au travailleur sur le plan physique, de façon contemporaine au 16 juin 1998, pour contrer les symptômes, déclarant la condition du travailleur stable.  Toutefois, il appert que Dr Boucher note le 19 juin 1998, que le travailleur est inapte à tout travail rémunérateur en raison de problèmes psychologiques.  Le Dr Laporte notera, le 26 août 1998, un changement important de la situation en raison de la douleur chronique et de la perturbation neuro-psychologique.  Il référera le travailleur au Groupe Favreau pour évaluer cette incapacité qu’il juge totale et irréversible.

 

C’est en ce sens que Dr Giroux explique à l’audience que le traumatisme crânien du travailleur qui n’a pas été traité au moment opportun sur le plan cognitif a entraîné avec le temps une accentuation des troubles de la personnalité du travailleur se traduisant maintenant par de l’apathie ou encore de l’agressivité.  Le travailleur réalise qu’il ne peut plus faire ce qu’il faisait et ce, de façon permanente.  Il doit faire le deuil de son incapacité ce qui engendre un état dépressif qui augmente le problème psychologique.  La Commission des lésions professionnelles fait sienne l’opinion du Dr Giroux à l’effet que cette situation augmente les problèmes psychologiques du travailleur  et nécessite des traitements qui viseront à diminuer l’agressivité et l’apathie du travailleur et tendront à le rendre fonctionnel sur le plan personnel.

[35]           La Commission des lésions professionnelles constate aussi que, selon l’avis des docteurs Boucher, Laporte, Tremblay, le travailleur est également devenu incapable de faire un travail rémunérateur.  La psychologue Simard et Dr Giroux émettent également des réserves sur la capacité du travailleur.

[36]           La Commission des lésions professionnelles convient qu’il n’est pas toujours facile d’objectiver une rechute, récidive ou aggravation sur le plan psychologique pas plus que d’établir la date à laquelle elle survient.  Cependant, il apparaît évident du dossier que le travailleur doit bénéficier de traitements psychologiques pour atténuer les conséquences de l’accident du travail subi en 1989.  Malgré le fait que les problèmes psychologiques ont pu s’accentuer avec le temps, Dr Boucher a noté le 19 juin 1998 une modification dans la capacité du travailleur d’accomplir un travailleur rémunérateur et ce, en raison des séquelles psychologiques ce qui permet au tribunal de conclure que la condition de ce dernier a connu une détérioration s’apparentant à une rechute, récidive ou aggravation.

[37]           Quant à la rechute du 30 août 1998, le tribunal conclut que la preuve médicale est concluante à cet effet.  Le représentant de la Commission en convient.

[38]           Selon la preuve médicale prépondérante, rappelons que la chute dans les escaliers qui a engendré l’entorse et la fracture de la cheville gauche a été provoquée par l’existence de fibrose péridurale consécutive à la discoïdectomie.  Cette fibrose compresse ou étire le nerf et provoque des spasmes et des douleurs importantes sous forme de chocs ou de coups de poignard ayant fait plier les genoux du travailleur le 30 août 1998.  La preuve médicale permet également de constater qu’en l’absence de deux structures anatomiques du rachis lombaire, soit un disque et une lame, le travailleur connaît une instabilité lombaire qui provoque un débalancement et de la douleur pouvant aussi faire plier les genoux de ce dernier. 

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur François Stéphane Gagnon du 13 août 1999 ;

INFIRME la décision de la révision administrative du 5 août 1999 ; 

DÉCLARE que monsieur François Stéphane Gagnon a subi une rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi ; et

DÉCLARE que monsieur François Stéphane Gagnon a subi une rechute, récidive ou aggravation le 30 août 1998 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.

 

 

 

 

 

Diane Beauregard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Laporte & Larouche

(Me André Laporte)

896, Boul. Manseau

Joliette (Québec)

J6E 7N2

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Éric Thibaudeau)

432, rue De Lanaudière

Joliette (Québec)

J6E 7N2

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 

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