DÉCISION
[1]
Le 13 août
1999, monsieur François-Stéphane Gagnon (le travailleur) dépose une requête à
la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue
le 5 août 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail suite
à une révision administrative.
[2]
Par cette
décision, la révision administrative confirme deux décisions rendues les 22
juillet 1998 et 23 septembre 1998 par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail (la Commission) et déclare que le travailleur n’a pas subi
de rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août 1998.
[3]
A l’audience
le travailleur est présent et représenté.
La Commission est représentée.
L'OBJET DU LITIGE
[4]
Le
travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer
qu’il a subi une rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août
1998 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.
LES FAITS
[5]
Le 31 mars
1989, le travailleur s’inflige un accident du travail en chutant de trois
étages alors qu’il lavait des vitres.
Il subit un traumatisme crânien et demeure dans le coma quelques
jours. On constate que le travailleur a
une perturbation de la personnalité. On
diagnostique initialement une entorse cervico-dorsale et dorso-lombaire puis
une hernie discale L4-L5 droite pour laquelle le travailleur subit une
discoïdectomie le 10 octobre 1991. En
psychiatrie, on note des troubles de l’adaptation avec perturbation mixte des
émotions et des conduites ainsi qu’un trouble de la personnalité à la
limite. Le travailleur réagit dans deux
directions différentes soit vers une situation anxio-dépressive, soit vers une
perturbation des conduites avec agressivité.
La lésion est consolidée le 8 septembre 1992 et entraîne une atteinte
permanente de 33.75% et des limitations fonctionnelles importantes dont
notamment le fait de ne pas avoir à travailler dans les hauteurs, d’effectuer
des travaux semi-sédentaires avec possibilité de se lever à volonté, de ne pas
avoir à soulever des poids au-delà de 25 livres, de ne pas se pencher ni faire
des flexions, extensions et rotations de façon répétitive et enfin d’éviter le
stress.
[6]
Un processus
de réadaptation a été amorcé et l’emploi convenable de livreur de mets préparés
a été retenu à titre d’emploi convenable.
Une indemnité de remplacement du revenu réduite de 10.77 $ a été
consentie. Selon le Bureau de révision
de la région de Lanaudière et la Commission
d'appel en matière de lésions professionnelles, le travailleur est
devenu capable d’exercer cet emploi qu’ils jugent convenable à compter du 20
mai 1993. Dans les faits, il n’a jamais
occupé cet emploi.
[7]
Le 25 août
1994, le travailleur connaît une rechute, une récidive ou une aggravation en
raison d’une crise d’épilepsie. Le
diagnostic retenu à ce moment est un syndrome cérébral organique et un syndrome
épileptique. La lésion est consolidée
le 20 janvier 1995. On reconnaît au
travailleur une atteinte permanente de 22.95 %. La Commission juge le travailleur capable d’exercer l’emploi
convenable déjà déterminé à compter 11 avril 1995. Cette décision est contestée au Bureau de révision de la région
de Lanaudière et maintenue le 17 septembre 1996.
[8]
Le 11 avril
1995, on questionne l’intégrité des racines L5-S1 droite lors d’un
électromyogramme.
[9]
Le 5 mai
1995, le travailleur connaît à nouveau une rechute, une récidive ou une
aggravation pour un problème de lombosciatalgie L4-L5 et L5-S1. Une résonance magnétique témoigne de
l’existence d’une discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1 ainsi qu’une petite
hernie L4-L5. Le 15 mars 1996, on
pratique une laminectomie décompressive à L4-L5 avec neurolyse à droite. Suite à l’intervention chirurgicale, on
diagnostique une arachnoïdite, des troubles somatoformes douloureux, une fibrose
péridurale, une scoliose antalgique, des douleurs à la queue de cheval et une
mésadaptation affective. Une résonance
magnétique pratiquée le 15 octobre 1996 permet de constater qu’il y a des modifications postopératoires
du disque L4-L5 avec fibrose épidurale significative et plus importante que
lors de l’examen de juillet 1995 ainsi qu’une discopathie L5-S1 avec rupture de
l’anneau fibreux sans hernie. La lésion
sera consolidée le 31 janvier 1997. On
recommande au travailleur d’éviter d’utiliser les escaliers, d’effectuer du
voiturage et de vivre des situations stressantes. Il connaîtra par la suite un problème de paresthésie modérée du
membre inférieur droit.
[10]
Le
travailleur bénéficie d’un suivi médical régulier tant pour le problème
épileptique que le problème lombaire.
[11]
Le 16 juin
1998, le travailleur soumet une réclamation à la Commission où il déclare que
son état s’est aggravé depuis trois mois puisqu’une douleur s’est installée
dans sa jambe gauche. Il consulte Dr
Poirier qui note que le travailleur accuse des douleurs chroniques et demeure
incapable de travailler. Une
radiographie de la colonne lombo-sacrée est effectuée et démontre une légère
ostéophytose au niveau L4-L5.
Ne pouvant plus vivre des prestations de la Commission, Dr Poirier
complétera à la demande du travailleur une demande pour le Ministère de
l’emploi et de la solidarité afin qu’il bénéficie de prestations d’assistance
sociale.
[12]
Le 19 juin
1998, Dr Boucher voit le travailleur et diagnostique une séquelle de hernie
discale, une séquelle de commotion cérébrale, un syndrome cérébral organique
fonctionnel. Il note que le travailleur
est inapte a tout travail rémunérateur essentiellement en raison des séquelles
psychologiques.
[13]
Le 14
juillet 1998, Dr Poirier note que le tableau clinique du travailleur est stable
et qu’il doit bénéficier d’une réhabilitation complète. Il le reverra le 19 août 1998.
[14]
Le 29
juillet 1998, Dr Boucher note toujours les mêmes diagnostics et indique que la
condition du travailleur est stable.
[15]
Le 26 août 1998,
Dr Laporte examine le travailleur et indique que ce dernier a une douleur
chronique et une perturbation neuro-psychologique. En raison d’un changement important de la situation, il réfère le
travailleur au Groupe Favreau et note qu’il est en incapacité totale et que
cette incapacité sera probablement irréversible.
[16]
Le 30 août
1998, le travailleur s’inflige une entorse sévère et une fracture à la cheville
en chutant dans les escaliers après avoir ressenti un choc électrique dans le
dos. Il explique que ses deux jambes
ont bloqué et il a chuté.
[17]
Le 23
septembre 1998, Dr Boucher note toujours la présence de séquelles de hernie
discale, de commotion cérébrale et de syndrome cérébral organique
fonctionnel. Il indique que la
condition clinique est invalidante. Il précise l’existence d’une fracture à la
cheville le 30 août 1998 en interrogeant la cause.
[18]
Le 17
décembre 1998, Dr Boucher note l’existence de séquelle du trauma crânien ainsi
que les séquelles psychologiques et physiques.
Une évaluation de l’aggravation de la condition du travailleur doit
s’effectuer sous peu. Le 4 février
1999, il note une condition stable mais constate que le travailleur est «de
plus en plus complètement invalide». Le
4 mai 1999, il conclut à l’invalidité.
[19]
Le 8 février
1999, Dr Chartrand indique l’existence d’un syndrome cérébral organique et de
séquelles post-discoïdectomie et d’épilepsie post-trauma.
[20]
Le 9 février 1999, Dr Giroux examine le
travailleur à la demande de son représentant.
Concernant les rechutes, il est d’avis que :
«Il est tout à
fait possible que les patients avec des antécédents de hernie discale et
fibrose puissent avoir des spasmes lombaires et selon la violence de tels
spasmes ceux-ci pourraient entraîner une chute, à ce moment s’il était démontré
qu’effectivement l’événement décrit s’est bel et bien produit, la fracture de
la cheville serait en relation avec les séquelles de hernie discale et de
fibrose épidurale L4-L5.
En ce qui concerne
l’événement du 16 juin 1998, il ne semble pas qu’il y ait eu aggravation de
l’état du patient. En effet, celui-ci
mentionne que son état s’est aggravé dans une description datée du 26 août 1998
et lorsque revu par le Dr Poirier en date du 14 juillet 1998 celui-ci
mentionnait que le patient présentait un tableau clinique stable et le 29
juillet 1998 le Dr Boucher mentionnait que la condition du patient était stable. Il ne semble donc pas qu’il y ait eu aggravation de la pathologie
du patient en date du 16 août 1998.»
(sic)
[21]
Le 30 juin
2000, madame Chantal Simard, psychologue, évalue le travailleur à la demande de
son représentant. Elle note que :
«Le tableau de
monsieur Gagnon abonde dans le sens d’un syndrome cérébral post-traumatique
ancien qui se manifeste par des dysfonctions psychologiques et
neuropsychologiques qui compromettent son adaptation. (…) Au plan
psychologique monsieur éprouve des difficultés importantes qui affectent
grandement le fonctionnement cognitif.
On observe un trouble de l’adaptation sévère avec humeur
anxio-dépressive qui se manifeste par de l’irritabilité qui peut s’exprimer par
des explosions en réponse à la moindre frustration, des pertes de contrôle
agressives, un sentiment de menace, une diminution de l’engagement social, des
troubles de sommeil, de l’autodépréciation, des pensées de mort et un manque
d’énergie. Ayant du mal à s’adapter,
monsieur tente de se protéger en étant dominant et en ayant recours à des
mécanismes défensif-agressifs.
Compte tenu du
temps écoulé depuis le trauma initial, il faut considérer la possibilité qu’il
y ait eu chronicisation médico-administrative.»
[22]
Quant à la
relation entre les deux rechutes de 1998 et l’événement initial, elle est
d’avis que les séquelles neuropsychologiques, le trouble de l’adaptation avec
des traits de personnalité antérieurs prédisposaient le travailleur à
développer ce trouble. Elle ajoute que
les facteurs de stress ont amplifié la situation pour le travailleur dont les
capacités d’adaptation étaient compromises par des capacités cognitives limitées,
une fragilité des mécanismes d’autorégulation et par les symptômes d’un trouble
de l’adaptation. Les rechutes sont des
stresseurs supplémentaires pour le travailleur qui a des difficultés à gérer
les situations de tension.
[23]
Le 8 août
2000, Dr Tremblay examine le travailleur à la demande de son représentant. Il est d’avis que :
«Ce patient
présente une pachyméningite prouvée par examen spécifique et qui s’est aggravée
après la deuxième chirurgie.
Il est parfaitement logique que ce patient
ressente, de façon épisodique et intermittente, des chocs électriques avec
sensation de dérobage au niveau du membre inférieur droit, ceci étant causé par
la pachyméningite. Il démontre, en
plus, des signes d’instabilité lombaire significative affectant le segment L4-L5
et aussi L5-S1.
Ceci est très
symptomatique et ce patient, s’il n’avait pas de pachyméningite, serait un
candidat pour une greffe lombaire à deux niveaux.
Il démontre
cependant cette instabilité lombaire qui a provoqué sa chute et qui a, en fait, entraîné la fracture au
niveau du pied gauche.
Nous croyons donc
que les rechutes de 1998 sont parfaitement acceptables médicalement comme étant
en relation avec l’événement initial à cause de la pachyméningite qui provoque
une augmentation subite de douleur et un dérobage de la jambe, produisant ainsi
souvent des chutes qui, une fois en 1998, ont produit une blessure à la
cheville gauche.»
[24]
A
l’audience, Dr Giroux témoigne à la demande du travailleur. Dans un premier temps, il explique
l’importance du trauma crânien frontal et côté droit, sa nature et les
répercussions qui en découlent. Il
précise que le travailleur a subi un syndrome cérébral organique pour lequel il
doit être compensé. Il souligne le fait
que le travailleur n’a pu bénéficier au moment opportun d’une réadaptation sur
le plan cognitif entraînant des séquelles irréversibles. La mémoire, la capacité de concentration
sont atteintes, le travailleur éprouve des difficultés en société. Le traumatisme a amplifié les traits de
personnalité du travailleur. Il a donc
un comportement perturbé qui se manifeste parfois par de l’apathie ou de
l’hyper agressivité. En référence à
l’avis du Dr Boucher du 19 juin 1998, il note que ce médecin a considéré le
travailleur inapte à tout travail rémunérateur en raison des troubles
psychologiques. Il est d’avis que le
travailleur prend conscience que sa condition diminue, il doit faire un deuil
et est dépressif ce qui entraîne une atteinte psychologique, soit un désordre
affectif et un trouble de la personnalité, pour lesquels il doit recevoir des traitements
afin de redevenir fonctionnel sur le plan personnel. En référence à l’expertise de la psychologue, madame Simard, il
est d’avis qu’il n’y a pas nécessairement d’aggravation sur le plan
neuropsychologique et que de toute façon il est trop tard pour traiter le
problème. Toutefois, les problèmes
psychologiques sont existants et nécessitent des traitements. L’ensemble du dossier, incluant le syndrome
cérébral organique, le syndrome épileptique et les problèmes psychologiques,
lui laisse croire qu’il est incapable de conduire un véhicule, qu’il a de la
difficulté à organiser les choses et à calculer.
[25]
Concernant
le problème lombaire, il note que la condition du travailleur varie beaucoup
notamment au niveau des amplitudes articulaires. Il explique que le travailleur a été opéré à deux reprises. La dernière opération a été effectuée
notamment pour une neurolyse ce qui traduit une évolution défavorable de la
condition lombaire du travailleur. Il
explique que la formation de tissus cicatriciels peut provoquer l’écrasement ou
l’étirement du nerf d’où la douleur au dos et à la jambe. Il précise, qu’en l’espèce, la fibrose
diagnostiquée chez le travailleur est symptomatique puisqu’elle provoque des
spasmes et des douleurs importantes sous forme de coup de poignard qui fait
chuter le travailleur. C’est ce qui
s’est produit le 30 août 1998 où le travailleur a chuté dans les escaliers et
s’est infligé suite à cette chute une fracture de la cheville. Il explique également qu’outre la fibrose,
le travailleur a un rachis lombaire instable suite aux interventions
chirurgicales subies. La perte d’un
disque et d’une lame peut expliquer l’instabilité observée par Dr Tremblay le 8
août 2000.
[26]
Le
travailleur explique qu’un problème nouveau dans sa condition physique est
apparu quelques mois après l’intervention chirurgicale de mars 1996. Il souligne que sa jambe gauche engourdit,
qu’il ressent des douleurs importantes aux talons irradiant jusqu’aux orteils. Il ressent une décharge électrique lorsqu’il
effectue des mouvements. Cette décharge
est inattendue mais devient de plus en plus importante avec le temps. C’est ce qui s’est produit le 30 août 1998
au moment où il descendait les marches chez sa sœur. Sur le plan psychologique, le travailleur précise qu’il n’a plus
d’endurance, il connaît des changements dans son humeur, il est triste. Il est parfois méchant et impoli avec les
gens qui l’entourent, avec sa mère. Il
ne joue plus avec sa fille. Il devient
agressif. Il tremble intérieurement et
casse des choses. Il ne se reconnaît
plus et se dit incapable de faire les choses normalement. Il réalise qu’il n’est plus capable de rien
faire. Il a mal. Il se qualifie de
loque humaine. Il ne peut plus rien
planifier parce que chaque projet tombe à l’eau. Les foules le fatiguent, il a l’impression d’être examiné par les
gens qu’il croise. Il soutient qu’en
1998, il était dépressif. Il avait une
mauvaise gestion financière parce qu’il oublie ses dettes, s’endette davantage
et oublie de payer. Il a consulté un psychiatre
parce qu’il avait des idées suicidaires.
Seule sa fille fait qu’il s’accroche à la vie. Son agressivité perdure et augmente en raison de la détérioration
de sa condition.
[27]
Madame
Suzanne Galarneau, conjointe du travailleur, témoigne. Elle explique qu’en juin 1998, le
travailleur avait beaucoup de douleurs ce qui agissaient sur son humeur. Il la traitait de tous les noms. Elle soutient que la condition de son mari
empire avec le temps. Il n’a aucune
tolérance physique, ne fait rien dans la maison. Il devient frustré et l’ignore totalement. Elle n’est plus capable d’échanger avec lui
parce que cela n’aboutit à rien. En
août 1998, elle a vu tomber son mari.
Elle n’a pas été surprise parce qu’elle savait qu’il avait mal dans le
dos et aux talons et qu’il ressentait des chocs. Il le frictionne fréquemment.
L'AVIS DES MEMBRES
[28]
Le membre
issu des associations d'employeurs est d’avis que le travailleur n’a pas subi
de rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998. Bien que les Dr Boucher et Poirier voient le travailleur à cette
époque, ils n’objectivent pas en quoi il y a une reprise ou une recrudescence
des signes et des symptômes. La
condition du travailleur est la même depuis 1995. L’instabilité était présente à ce moment. Il n’y a donc pas de
preuve prépondérante de rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998. Cependant, il est d’avis que le travailleur
a subi une rechute, récidive ou aggravation le 30 août 1998 pour les motifs
décrits ci-après.
[29]
Le membre
issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a subi une
rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août 1998 pour les
motifs décrits ci-après.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[30]
La
Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi
une rechute, récidive ou aggravation le 16 juin 1998 et le 30 août 1998 et s’il
a droit aux prestations prévues à la loi.
[31]
La loi ne
définit pas ces termes. Il faut donc
retenir leur sens courant, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une
recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes. Une preuve médicale prépondérante est donc nécessaire pour
établir une relation de cause à effet.
[32]
Dans le dossier sous étude, concernant la
rechute alléguée du 16 juin 1998, la Commission des lésions professionnelles
est d’avis que la preuve médicale prépondérante est à l’effet que le
travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation.
[33]
De fait,
rappelons que le travailleur a subi en 1989 un accident important occasionnant
un syndrome cérébral organique et une hernie discale. L’un comme l’autre a connu une évolution défavorable. Le travailleur a développé, suite à la
discoïdectomie, une pachyméningite, une arachnoïdite et une fibrose péridurale
qui ont nécessité une deuxième intervention chirurgicale. La formation du tissu cicatriciel laisse
encore des traces et le travailleur ressent des spasmes et des douleurs sous
forme de choc qui n’ont pas cessé depuis la dernière intervention
chirurgicale. Il doit apprendre à vivre
avec cette condition. Au niveau du
traumatisme crânien, le travailleur a développé un syndrome organique cérébral
avec perte cognitive importante irréversible au niveau de la mémoire et de la
concentration. A ceci s’ajoute un
syndrome épileptique et un trouble de la personnalité sous-jacent amplifié par
les conséquences de la lésion. Les deux
lésions ont laissé des séquelles permanentes de l’ordre de 56.70 %. La Commission des lésions professionnelles
estime que ces séquelles importantes peuvent engendrer une rechute, récidive ou
aggravation d’autant plus que l’évolution de la condition du travailleur, selon
les médecins consultés, continue de progresser défavorablement.
[34]
Par
ailleurs, le travailleur a connu un suivi médical constant depuis la dernière
intervention chirurgicale. Force est de
constater que les médecins, tant Dr Poirier que Dr Boucher, n’avaient rien à
offrir au travailleur sur le plan physique, de façon contemporaine au 16 juin
1998, pour contrer les symptômes, déclarant la condition du travailleur stable. Toutefois, il appert que Dr Boucher note le
19 juin 1998, que le travailleur est inapte à tout travail rémunérateur en
raison de problèmes psychologiques. Le
Dr Laporte notera, le 26 août 1998, un changement important de la situation en
raison de la douleur chronique et de la perturbation neuro-psychologique. Il référera le travailleur au Groupe Favreau
pour évaluer cette incapacité qu’il juge totale et irréversible.
C’est en ce sens que Dr Giroux explique à l’audience que le traumatisme
crânien du travailleur qui n’a pas été traité au moment opportun sur le plan
cognitif a entraîné avec le temps une accentuation des troubles de la
personnalité du travailleur se traduisant maintenant par de l’apathie ou encore
de l’agressivité. Le travailleur
réalise qu’il ne peut plus faire ce qu’il faisait et ce, de façon
permanente. Il doit faire le deuil de
son incapacité ce qui engendre un état dépressif qui augmente le problème
psychologique. La Commission des
lésions professionnelles fait sienne l’opinion du Dr Giroux à l’effet que cette
situation augmente les problèmes psychologiques du travailleur et nécessite des traitements qui viseront à
diminuer l’agressivité et l’apathie du travailleur et tendront à le rendre
fonctionnel sur le plan personnel.
[35]
La
Commission des lésions professionnelles constate aussi que, selon l’avis des
docteurs Boucher, Laporte, Tremblay, le travailleur est également devenu
incapable de faire un travail rémunérateur.
La psychologue Simard et Dr Giroux émettent également des réserves sur
la capacité du travailleur.
[36]
La
Commission des lésions professionnelles convient qu’il n’est pas toujours
facile d’objectiver une rechute, récidive ou aggravation sur le plan
psychologique pas plus que d’établir la date à laquelle elle survient. Cependant, il apparaît évident du dossier
que le travailleur doit bénéficier de traitements psychologiques pour atténuer
les conséquences de l’accident du travail subi en 1989. Malgré le fait que les problèmes
psychologiques ont pu s’accentuer avec le temps, Dr Boucher a noté le 19 juin
1998 une modification dans la capacité du travailleur d’accomplir un
travailleur rémunérateur et ce, en raison des séquelles psychologiques ce qui
permet au tribunal de conclure que la condition de ce dernier a connu une
détérioration s’apparentant à une rechute, récidive ou aggravation.
[37]
Quant à la
rechute du 30 août 1998, le tribunal conclut que la preuve médicale est
concluante à cet effet. Le représentant
de la Commission en convient.
[38]
Selon la
preuve médicale prépondérante, rappelons que la chute dans les escaliers qui a
engendré l’entorse et la fracture de la cheville gauche a été provoquée par
l’existence de fibrose péridurale consécutive à la discoïdectomie. Cette fibrose compresse ou étire le nerf et
provoque des spasmes et des douleurs importantes sous forme de chocs ou de
coups de poignard ayant fait plier les genoux du travailleur le 30 août
1998. La preuve médicale permet
également de constater qu’en l’absence de deux structures anatomiques du rachis
lombaire, soit un disque et une lame, le travailleur connaît une instabilité
lombaire qui provoque un débalancement et de la douleur pouvant aussi faire
plier les genoux de ce dernier.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS
PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur François Stéphane Gagnon du
13 août 1999 ;
INFIRME la décision de la révision administrative du 5 août 1999 ;
DÉCLARE que monsieur François Stéphane Gagnon a subi une rechute, récidive ou
aggravation le 16 juin 1998 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi ;
et
DÉCLARE que monsieur François Stéphane Gagnon a subi une rechute, récidive ou
aggravation le 30 août 1998 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.
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Diane
Beauregard |
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Commissaire |
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Laporte & Larouche |
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(Me
André Laporte) 896, Boul.
Manseau Joliette
(Québec) J6E 7N2 |
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Représentant
de la partie requérante |
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PANNETON
LESSARD (Me
Éric Thibaudeau) 432, rue De
Lanaudière Joliette
(Québec) J6E 7N2 |
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Représentant
de la partie intervenante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.