Décision

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R. c. Roussy

2017 QCCQ 1318

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre criminelle et pénale »

N° :

500-01-054581-118

500-01-099252-139

500-01-100588-133

 

 

DATE :

3 mars 2017

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

 MADAME LA JUGE

DOMINIQUE B. JOLY, C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

Poursuivante

c.

MAXIME ROUSSY

Accusé

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR LA DÉTERMINATION DE LA PEINE

______________________________________________________________________

 

Ordonnance rendue en vertu de l’article 486.4 du Code criminel interdisant la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement permettant d’établir l’identité de la plaignante, des deux témoins civils ayant témoigné les 23 et 24 mars ainsi que le 12 avril 2016 et les personnes innocentes non impliquées dans la cause et dont les blogues ont été visités par l’une ou l’autre des parties. Plusieurs documents ont été mis sous scellés car présentant des caractéristiques de pornographie juvénile.

 

[1]           L’accusé a, le 6 décembre 2016, été déclaré coupable de plusieurs infractions à caractère sexuel, soit leurre, contacts sexuels, incitation à des contacts sexuels, agressions sexuelles armées, possession et production de pornographie juvénile; le tout commis entre le 4 juillet 2006 et le 5 mars 2011.

[2]           Il a aussi été reconnu coupable de trois bris d’engagement par l’envoi à la plaignante de deux mises en demeure non signées et ne provenant pas d’un bureau d’avocat ainsi que par l’envoi d’un courriel en utilisant l’identité d’une tierce personne fictive, à un moment stratégique au niveau des procédures criminelles.

[3]           Le Tribunal n’entend pas reprendre tous les faits puisque le jugement au fond est suffisamment étoffé.

[4]           Rappelons seulement quelques dates. En août-septembre 2005, alors qu’elle a 11 ans, la victime entre en communication avec l’accusé qui est écrivain surtout connu pour ses livres jeunesse, via son forum de discussion de la série littéraire PAKAL. Elle a également des discussions sur MSN et le rencontre au Salon du livre lors d’une séance d’autographes.

[5]           En juin 2006, elle dit être amoureuse de lui et les conversations se continuent jusqu’en janvier 2007, sans qu’il n’y ait de propos déplacés. En janvier 2007, il lui demande si elle est pubère mais ne va pas plus loin. Les conversations se poursuivent toujours.

[6]           En novembre 2007, la victime se rend une deuxième fois au Salon du livre. Elle lui demande une dédicace pour deux livres qu’il a écrits; un livre jeunesse qu’elle n’a pas lu, et un autre qui s’adresse davantage à un public adulte. Dans ce deuxième livre, il y a, entre autres, description d’une scène de sodomie avec utilisation d’une arme à titre d’objet sodomisant.

[7]           Le 15 décembre 2007, elle écrit dans son journal intime avoir commencé à aller sur des sites de « chat » parce qu’elle est attirée par des hommes plus vieux et, que sur les « chats », on ne se préoccupe pas de l’âge. Il y a plein d’éphébophiles là-dessus et de pervers -éphébophiles. Elle dit en avoir parlé avec l’accusé le 12 novembre 2007 et dès décembre 2007, il y a changement dans les propos de l’accusé.

[8]           S’ensuit la tenue de paroles similaires à celles utilisées auprès de X (preuve de faits similaires), les deux mois précédents (valorisation de son corps, de son intelligence, etc…) et échanges de plus en plus orientés vers le sexe. Il y a échanges de scénarios érotiques entre eux, échanges de sites pornographiques et prévision d’une rencontre éventuelle en vue de relations sexuelles.

[9]           L’accusé démontre toutefois une certaine forme de réticence à des relations sexuelles avant l’âge de 14 ans. La victime les aura à l’été, mais la Loi change le 1er mai 2008 et le consentement n’est maintenant possible qu’à 16 ans. M. Roussy et la victime discutent de ce changement. L’accusé demande plusieurs fois à la victime si elle efface les messages. Il lui parle de ce qu’il pourrait perdre. Elle le rassure chaque fois.

[10]        La victime demande à l’accusé de faire de la webcam. Il refuse. Il y a finalement en octobre 2008, envoi de photos du torse nu de l’accusé à la victime et cette dernière lui envoie de son côté, une photo de ses seins nus (14 ans).

[11]        Le 21 novembre 2008, ont lieu les premiers contacts sexuels et le 22 novembre, la première relation sexuelle. Au total, il y aura 10 rencontres à caractère sexuel; la dernière, alors qu’elle a seize ans. Au fil du temps, il y a utilisation d’objets, dont une poignée de douche et quelques jeux sado-masochistes. La victime parle de BDSM. Ils en parlent et les décrivent dans leurs échanges. Il y a aussi envoi par la victime d’une liste détaillée de séquences de jeux sexuels sado-masochistes. La preuve ne confirme toutefois pas si l’accusé la lui renvoie. Le Tribunal a conclu lors du jugement au fond qu’il y a eu utilisation d’objets mais n’était pas convaincu qu’il y en a eu aussi souvent ou autant que la victime le mentionnait.

[12]        Il y a avant les accusations, deux hospitalisations à Ste-Justine, en pédopsychiatrie soit en mai et octobre 2010 et une autre au moment de la dénonciation, en mars 2011.

[13]        Lors de ces hospitalisations, l’accusé communique avec la victime à l’hôpital. Il est au courant de ses problèmes ainsi que des problèmes avec son père qu’elle décrit comme violent.

[14]        Finalement, à ses seize ans, leur relation ressemble davantage au classique triangle amoureux; une relation entre un homme marié qui fait plein de projets et de promesses et une femme seule qui attend et espère.

[15]        La plainte est faite la veille des auditions par l’accusé, pour des capsules télévisées de sa série Le blogue de Namastée. La victime est alors hospitalisée contre son gré et ne va vraiment pas bien. Elle veut tout de même le voir absolument même s’il sera alors accompagné de sa famille. Il ne trouve aucune façon. Du 4 mars au 10 mars, ils en discutent. Le 10 mars, il lui annonce que ce sera impossible. La plainte est alors déposée. Dans le jugement au fond, le Tribunal conclut qu’elle porte plainte parce que fâchée et non parce qu’elle réalise enfin qu’il peut être dangereux pour d’autres.

[16]        Une fois les accusations portées, l’accusé a été soumis à des conditions de remise en liberté qu’il n’a pas respectées.

[17]        Lors des représentations sur la peine, la victime a déposé une lettre équivalant à la déclaration de victime prévue à l’article 722 du Code criminel. Le Tribunal y reviendra.

[18]        La défense a déposé en preuve, une lettre de Québécor Média signifiant à l’accusé que ses contrats d’édition sont résiliés. Les Éditeurs feront le pilonnage de tous les exemplaires de ses œuvres en la possession de leur distributeur et demandent également à leur distributeur un arrêt de commercialisation desdites œuvres.

[19]        La poursuite réclame une peine de pénitencier de six années et les ordonnances généralement imposées pour ce genre de crime. Elle spécifie cinq ans pour les chefs d’incitations à des contacts sexuels, contacts sexuels et agression sexuelle armée (chefs 4, 5 et 7) et un an consécutif pour les chefs de production de pornographie juvénile (chefs 8 et 9). Pour les chefs de leurre (#1, 2 et 3) et de possession de pornographie juvénile (# 10 et 11), elle demande six mois concurrents.

[20]        Bien que les bris de conditions, dans le contexte, soient graves et pourraient être consécutifs aux autres chefs, par souci du respect d’une peine totale raisonnable, la poursuivante privilégie de condamner l’accusé à six mois concurrents pour chacun des chefs.

[21]        La défense suggère plutôt qu’une peine provinciale soit imposée, soit entre 15 à 18 mois d’emprisonnement, voire même, deux ans moins un jour, avec ordonnance de probation pour une période de trois années et l’exécution de travaux communautaires.

[22]        Elle soulève qu’à l’époque, la peine d’emprisonnement que le Tribunal infligeait pour une infraction à l’article 163.1 C.cr. n’avait pas à être purgée consécutivement à celle qu’il infligeait pour une infraction sexuelle prévue à un autre article du Code criminel commise contre un enfant. Elle demande donc au Tribunal d’user de sa discrétion et de donner des peines concurrentes puisque les dates de commission des infractions se recoupent.

[23]        Rappelons que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Elle doit être adaptée aux circonstances atténuantes et aggravantes liées tant à la perpétration des infractions qu’à la situation du délinquant.

[24]        L’objectif essentiel de la peine retrouvé à l’article 718 du Code criminel, est de viser l’atteinte de l’un ou plusieurs des objectifs que sont la dénonciation du comportement criminel, la dissuasion individuelle et collective, la nécessité d’isoler au besoin le délinquant du reste de la société, la réinsertion sociale du délinquant, la réparation des torts causés à la victime ou à la société et la prise de conscience, par l’accusé, des torts qu’il a causés et de sa responsabilité à cet égard.

[25]        Le délinquant a le droit de bénéficier de la peine la moins sévère lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il a été déclaré coupable a été modifiée entre le moment de la commission du délit et celui de la sentence.

[26]        Quant à la gravité objective des crimes pour lesquels l’accusé a été condamné, rappelons que l’incitation à des contacts sexuels et les contacts sexuels sont alors passibles d’un maximum de 10 ans d’emprisonnement avec peine minimale de 45 jours. L’agression sexuelle armée est passible de 14 ans d’emprisonnement; les chefs de leurre, d’un maximum de 10 ans; la production de pornographie juvénile, 10 ans avec minimum de un an alors que sa possession est passible d’un maximum de 10 ans avec minimum de 45 jours.

[27]        La responsabilité pénale de l’accusé : En 1998, la Cour d’appel dans R. c. L. (J.J.)[1], sous la plume de Madame la juge Otis, a établi les facteurs de qualification permettant de mesurer la responsabilité pénale d’un délinquant en regard de la détermination de la peine concernant des infractions d’ordre sexuel. Ces facteurs sont appuyés par des références abondantes et ont été repris à maintes reprises par la suite.

La nature et la gravité intrinsèque des infractions se traduisant, notamment, par l’usage de menaces, violence, contrainte psychologique et manipulation, etc.

[28]        Les crimes sont, tel que dit plus haut, objectivement graves. Subjectivement, il y a, dès l’âge de 11 ans, des échanges constants sur MSN qui permettent à l’accusé de se rapprocher de la victime, de développer un lien plus étroit entre eux; ce qui amène d’ailleurs cette dernière à devenir amoureuse de lui. À 13 ans, il lui fait carrément du charme : elle est jolie, intelligente, a un beau corps et finalement échanges de scénarios sexuels écrits par l’accusé et la victime, échanges de sites pornographiques. L’accusé commence également à parler de sado-masochisme, à la blague au début mais ça évolue.

[29]        Les échanges se font de la maison de l’accusé alors que sa conjointe et les enfants sont couchés et du domicile de la victime. Il y a des conversations qui se déroulent à minuit. Quelques mois après ses 14 ans, il y a relation sexuelle complète. Il y a aussi plusieurs échanges relativement à des jeux sexuels sado-masochistes et relations sexuelles avec utilisation d’objets. M. Roussy se dit dominant. La victime se doit donc d’être soumise.

[30]        On ne retrouve pas de jugements qui font référence à ce genre de comportement, à cet âge. Le seul retrouvé est celui de Deschatelets[2], dans lequel le juge Provost, j.c.q., a eu à se prononcer sur un cas de négligence criminelle causant la mort d’une jeune femme. Deux personnes majeures se rencontrent dans un club réservé aux adeptes de la pratique sado-masochiste. Il y a consentement mutuel et la dame est décédée lors d’un de ces jeux. Le juge mentionne que cette pratique constitue un jeu, un jeu sexuel, un jeu violent et un jeu dangereux. On était alors en présence de deux personnes adultes et libres, qui avaient choisi de se livrer à une activité intrinsèquement violente et dangereuse.

[31]        Nous ne sommes pas dans un tel cas mais un parallèle peut être fait. De par son âge, le Tribunal conclut qu’il n’est pas en présence d’une personne en mesure de donner un consentement éclairé. De plus, le sado-masochiste est un jeu sexuel, intrinsèquement violent. Le crime commis est assurément subjectivement grave.

[32]        Sous ce premier facteur, la responsabilité pénale de l’accusé est importante.

La fréquence des infractions et l’espace temporel qui les contient.

[33]        Il ne s’agit pas d’un seul moment d’égarement chez l’accusé. Les échanges qui font l’objet des condamnations commencent en 2006 pour se terminer au moment de la dénonciation en 2011. Il y a de plus, 9 rencontres sexuelles avant ses 16 ans, soit entre le 21 novembre 2008 (14 ans) et le 28 juin 2010 (15 ans). Le chef d’agression sexuelle armée alors que l’accusé se sert d’objets lors des relations, se situe entre le 8 février 2009 et le 4 juillet 2010, soit 17 mois. Il y a  recoupement avec les chefs de contacts et incitations à contacts sexuels.

[34]        Sous ce deuxième facteur, la responsabilité pénale de l’accusé est également importante.

L’abus de confiance et l’abus d’autorité caractérisant les relations du délinquant avec la victime.

[35]        Contrairement aux jugements soumis par la poursuivante, il n’y a aucun lien familial entre l’accusé et la victime. M. Roussy ne remplace pas la figure paternelle. Il y a cependant, de la part de la victime qui se réalise dans l’écriture, une admiration envers l’accusé dû à son statut d’écrivain. Ce dernier a abusé de cette admiration. Il a profité des confidences de l’enfant et de l’adolescente. Il s’est laissé aller dans la facilité. Il ne pouvait pas ignorer que c’est d’abord son statut d’écrivain qui a attiré la victime.

[36]        Dès novembre 2007 (et avant si on ajoute la connaissance de sa situation familiale), de par sa visite au Salon du livre  et de par l’échange  sur ses attirances et les sites qu’elle visite, l’accusé en tant qu’adulte aurait dû réagir immédiatement et fermer la porte. De par son statut d’écrivain jeunesse bien connu de ce public, il se devait même d’aller plus loin,  voire de  dénoncer  les agissement de la victime encore enfant,  auprès de ses  parents, de la DPJ ou encore auprès des policiers. Il ne pouvait pas ne pas savoir qu’il se trouvait devant une enfant/adolescente aux prises avec des problèmes qui méritaient attention. Au lieu de cela, il s’est laissé aller à une déviance pédophilique. Il a abusé de l’admiration que lui portait la victime et du climat de confiance qui s’était installé entre eux.

[37]        Il a aussi en quelque sorte, abusé de la confiance des parents, qui ont permis à leur fille d’aller rencontrer, l’écrivain Maxime Roussy au Salon du Livre de Québec, accompagné d’un ami. L’accusé a alors acheté de la boisson et fait boire l’ami afin d’avoir un moment seul avec la victime qui a alors 14 ans.

[38]        Sous ce troisième facteur, la responsabilité pénale de l’accusé est encore une fois, importante.

Les désordres sous-jacents à la commission des infractions : détresse psychologique du délinquant, pathologies et déviances, intoxication, etc.

[39]        L’accusé souffre d’agoraphobie, un trouble anxieux. Ceci a été mis en preuve au procès. C’est toutefois tout ce que l’on connaît sur sa situation psychologique ou physique.

[40]        Il s’agit d’un facteur neutre.

Les condamnations antérieures du délinquant : proximité temporelle avec l’infraction reprochée et la nature des condamnations antérieures.

[41]        L’accusé n’a aucuns antécédents judiciaires.

[42]        Il s’agit d’un facteur atténuant; un facteur qui n’accroit pas sa responsabilité pénale.

Le comportement du délinquant après la commission des infractions : aveux, collaboration à l’enquête, implication immédiate dans un programme de traitement, potentiel de réadaptation, assistance financière s’il y a lieu, compassion et empathie à l’endroit des victimes (remords, regrets, etc.)

[43]        Tel qu’est son droit, l’accusé a porté la cause en appel et n’a pas témoigné lors des représentations sur la peine. Le Tribunal a donc peu d’éléments pour conclure a de la compassion ou de l’empathie. Il s’agit d’un facteur neutre.

[44]        L’accusé a aussi été condamné pour trois bris de conditions. Le moment où ces manquements ont eu lieu ne peuvent qu’avoir augmenté l’état de souffrance dans laquelle se trouvait la victime. Elle écrit d’ailleurs dans sa déclaration : « Les bris de conditions de Maxime ont également eu sur moi des effets dévastateurs pendant plusieurs mois- entre autres, une grande diminution de mon sentiment de sécurité, l’impression d’être traquée, et de la difficulté à rester seule à mon domicile. Il faut rappeler que, dans les mois qui ont précédé l’enquête préliminaire, j’ai reçu quelque chose à chaque trois semaines environ (lettres anonymes dans la boîte aux lettres, lettres sans signature par huissier, courriels d’une soi-disant journaliste…); je me sentais véritablement harcelée. Ainsi, je ne dormais pas plus de trois heures par nuit; j’avais une perte d’appétit; mon niveau d’anxiété était extrême. J’étudiais souvent dans le salon, face à la fenêtre, pour surveiller la rue devant chez moi, car j’avais peur que quelqu’un vienne à nouveau me porter quelque chose; je me demandais ce que Maxime allait faire de plus pour me dissuader de témoigner contre lui. J’étais dans un état d’hypervigilance, et à chaque fois que j’entendais que quelque chose était déposé dans la boîte aux lettres de ma maison, j’allais immédiatement voir de quoi il s’agissait. Mon anxiété était hors contrôle, j’ai dû recommencer à prendre du Cipralex (alors que je ne prenais plus aucun médicament agissant sur le cerveau), et j’ai aussi dû consulter une psychologue (alors que je n’en consultais plus depuis environ deux ans). »

[45]        Finalement, l’accusé a fait entendre un témoin expert pour sa défense qui devait donner son opinion relativement à 8 « chats » provenant, en principe, de l’ordinateur de M. Roussy. L’emploi en preuve de ces documents était important puisqu’ils se voulaient une preuve que la victime avait tout fabriqué dans l’intention de l’accuser faussement. L’accusé ne faisait alors qu’exercer son droit. Aucun reproche n’aurait pu lui être fait que le Tribunal ait retenu ou non la version de son expert pour soulever un doute raisonnable.

[46]        Dans le présent cas, par contre, cet expert admet  finalement qu’il est incontestable que les dates ont été falsifiées et que l’emploi du terme « falsifié » était approprié. Il semble aussi évident que la conversation a été créée après l’arrestation de M. Roussy car le logiciel utilisé n’existait pas à cette époque. Le Tribunal ne fait pas reproche à l’accusé d’avoir présenté une défense mais bien d’avoir remis à son expert, un document qu’il avait falsifié et construit, après son arrestation.

[47]        Sous ce sixième facteur, la responsabilité pénale de l’accusé continue à être importante.

Le délai entre la commission des infractions et la déclaration de culpabilité comme facteur d’atténuation selon le comportement du délinquant (âge du délinquant, intégration sociale et professionnelle, commission d’autres infractions, etc.)

[48]        Les faits reprochés se situent entre 2006 et 2011 (pour les échanges) et entre 2008 et 2010 pour les rencontres. La dénonciation a lieu le 11 mars, l’accusation, le 26 avril 2011 et la déclaration de culpabilité, le 6 décembre 2016.

[49]        Les accusations pour les bris de conditions ont lieu le 3 décembre 2013 et le 4 mars 2014. La condamnation a lieu le 6 décembre 2016.

[50]        L’accusé a 30 ans au moment des échanges de 2006, la victime a alors 12 ans. Il a 32 ans au moment de la première relation sexuelle avec la victime qui a alors 14 ans. Il a 35 ans au moment de la dénonciation et a, aujourd’hui 41 ans.

[51]        Le Tribunal ne peut conclure qu’il s’agit d’un facteur important à prendre en considération. À part ces quelques dates et/ou chiffres, très peu de choses sont connues de l’accusé.

[52]        Ce facteur n’est pas important à titre de facteur de responsabilité de l’accusé.

La victime : gravité des atteintes à l’intégrité physique et psychologique se traduisant, notamment, par l’âge, la nature et l’ampleur de l’agression, la fréquence et la durée, le caractère de la victime, sa vulnérabilité (déficience mentale ou physique), l’abus de confiance ou d’autorité , les séquelles traumatiques, etc.

[53]        Dans la déclaration de la victime, cette dernière mentionne avoir vécu de l’anxiété handicapante, du désespoir, des idées suicidaires envahissantes, des hospitalisations, de l’insomnie, des cauchemars et une perte de confiance envers les hommes. Elle mentionne aussi avoir connu des difficultés à se concentrer sur ses études ce qui a ralenti son cheminement académique. Elle a fait son CEGEP en trois ans plutôt que deux. L’accusé a tordu la vision qu’elle avait des relations amoureuses. Il l’aurait initié à un modèle de sexualité déviant dont elle n’est pas encore parvenue à se défaire. Une partie de sa vie a été un enfer. Il a gâché son adolescence et le début de sa vie adulte. Elle graduera bientôt du baccalauréat en droit. Il y a eu avant d’en arriver là, un combat acharné qui a failli lui coûter la vie.

[54]        Il est certain que les gestes de l’accusé ont causé des séquelles à la victime. Les tribunaux le reconnaissent d’ailleurs depuis longtemps en démontrant une sévérité accrue pour les crimes sexuels chez les enfants parce qu’il s’agit d’actes profondément inhumains et antisociaux et à cause de son impact et ses répercussions sur les victimes. Les actes sexuels posés sur des enfants les privent d’un développement normal de leur propre sexualité[3].

[55]        ‘’La fragmentation de la personnalité d’un enfant à l’époque où son organisation ne laisse voir qu’une structure très fragile , engendrera- à long terme- la souffrance, la détresse et la perte d’estime de soi.’’[4]

[56]        Toutefois, dans le présent dossier, le Tribunal ne peut pas conclure que toutes les séquelles de la victime ont un lien direct avec le comportement de l’accusé.

[57]        Il est en preuve qu’en mars 2011, elle explique dans ses conversations avec l’accusé, avoir été hospitalisée contre son gré car elle a fait du cybersexe avec des hommes durant deux semaines juste avant. Si elle n’avait pas été hospitalisée, elle aurait rencontré ces hommes avec qui elle a échangé sur des chats de BDSM; de vieux cochons qui voulaient la dominer. Sa psychiatre a demandé à ses parents d’installer sur son ordinateur un contrôle parental. Elle précise qu’il s’agirait de tocs sexuels, d’ordre compulsif. Ce n’est pas volontaire. C’est quelque chose qu’elle faisait avant de rencontrer l’accusé et elle n’avait pas fait ça depuis 3 ans.

[58]        Il est aussi en preuve qu’en novembre 2007, elle raconte à l’accusé ses visites sur des sites de « chats » où il y a selon ses dires, des pervers -éphébophiles. Elle discute également avec lui de ce qui se retrouve dans son livre « Du sang sur la chair du pomme ».

[59]        On sait qu’elle a des problèmes familiaux, surtout avec son père qui apparaît violent. Ses différents passages en milieu hospitalisé sont, à tout le moins, en partie, liés au comportement de ce dernier. Le Tribunal ne sait toutefois pas s’ils sont aussi en partie reliés aux tocs sexuels décrits en 2011 mais existants bien avant et s’ils sont aussi, ou surtout reliés à sa relation avec Maxime Roussy.

[60]        C’est certain que tout ce qui est relaté précédemment ne peut que causer des séquelles; mais dans quelle proportion ?

[61]        Le Tribunal est bien au fait de l’article 276 du C.cr. Cette situation n’est pas spécifiée pour faire de telles déductions mais pour tenter de départager les séquelles causées par les gestes de l’accusé.

[62]        L’article 724 (3) du Code criminel indique que tout fait aggravant doit être prouvé hors de tout doute raisonnable.

[63]        L’article 722 (3) et (9) du C.cr., permet à la poursuivante de présenter tout élément de preuve qui concerne la victime pour déterminer la peine à infliger au délinquant. Bien qu’ayant d’abord annoncé son intention de faire entendre la psychiatre de la victime, la poursuivante y a finalement renoncé.

[64]        Sans expertise psychiatrique ou témoignage de sa psychiatre, il devient difficile de départager clairement les séquelles psychologiques causées par le passage à l’acte avec l’accusé et les problèmes existant antérieurement à sa rencontre avec l’accusé, soit une problématique de santé mentale et/ou comportementale antérieure de l’adolescente.

[65]        Lors de ses hospitalisations, la victime a parlé dans ses conversations avec l’accusé, de différents diagnostics mais n’a jamais élaboré ou n’a fait le lien entre ce qu’elle vivait avec son père ou sa famille et ce qu’elle vivait avec l’accusé.

[66]        Le Tribunal n’a aucune idée de ce qui a pu se passer avec son père avant la rencontre avec l’accusé. Est-ce ce dernier qui l’a indirectement amené à s’intéresser aux hommes plus âgés sur la webcam? Est-ce lui qui a causé les tocs sexuels dont elle parle en 2011? Est-ce quelque chose de totalement indépendant aux relations avec son père? Y a-t-il un lien à faire avec l’accusé?

[67]        Si l’accusé avait agi comme il se doit dans les circonstances, il est certain qu’il n’y aurait pas eu aggravation des séquelles. Les propos tenus, l’envoi de scénarios sexuels et les relations sexuelles n’ont pu qu’accentuer et déformer davantage la vision de la victime par rapport aux hommes.

[68]        Le Tribunal reprend les propos tenus récemment par la Cour d’appel[5] dans un dossier où une jeune victime était particulièrement pauvre et invitait l’accusé à avoir une relation sexuelle avec elle : « Il a actualisé le passage à l’acte et ce en dépit de circonstances manifestes sur le plan des interdits qu’à l’égard des risques d’y être sanctionné ».

[69]        Le Tribunal ne peut conclure que toutes les séquelles ne sont dues qu’au comportement de l’accusé. Il reste toutefois que le passage à l’acte est un facteur qui ne peut qu’aggraver la situation.

[70]        Relativement aux bris de conditions, le Tribunal conclut qu’ils sont les seuls responsables de la reprise de médication par la victime et le besoin de revoir une psychologue.

[71]        Finalement, relativement aux résultats scolaires de la victime, tout au long des échanges avec l’accusé, la victime a mentionné avoir d’excellents résultats scolaires. Il semble que ce soit après l’accusation, qu’il y a eu ralentissement de son cheminement, soit trois ans de C.E.G.E.P. au lieu de deux. Son témoignage à la Cour, le suivi du dossier tout au long des procédures, ainsi que les bris de conditions, semblent être les facteurs en cause pour le ralentissement de son cheminement. Le Tribunal constate toutefois qu’il s’agit d’une jeune femme qui au niveau scolaire, s’en sortira fort bien.

[72]        Sous ce huitième facteur, la responsabilité pénale de l’accusé est importante bien que les séquelles subies ne puissent pas toutes lui être attribuables.

[73]        À la lumière de tous ces facteurs, on peut conclure que la responsabilité pénale de l’accusé reste importante.

[74]        Les circonstances aggravantes :

-       Le caractère des échanges et des relations;

-       Les gestes posés constituent un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans; art.718.2 (ii.1) C.cr.;

-       L’abus de la confiance de la victime; art. 718.2 (iii);

-       La durée et la répétition des échanges et des rencontres ainsi que la gradation des propos et des gestes posés;

-       Le jeune âge de la victime au début des conversations, du leurre, de la possession et distribution de pornographie juvénile et l’âge de 14 ans au moment de la première relation sexuelle;

-       La vulnérabilité de la victime qui est en partie, connue par l’accusé;

-       Le comportement de l’accusé après la dénonciation;

-       Existence de certaines séquelles chez la victime.

[75]        Les circonstances atténuantes liées à la situation de l’accusé :

-       L’absence d’antécédents judiciaires.

[76]        Le fait qu’il est, depuis sa condamnation, sans emploi et sans revenus ainsi que la perte de sa réputation ne sont pas des facteurs atténuants mais peuvent être pris en compte par le Tribunal, lors de l’imposition de la peine. Il lui accordera toutefois une valeur plutôt mitigée[6].

[77]        La défense plaide que le Tribunal peut tenir compte de l’hypermédiatisation du dossier à titre de facteur atténuant. Bien que le dossier ait fait l’objet d’une certaine médiatisation, le Tribunal ne peut conclure à de l’hypermédiatisation comme dans le cas du jugement Thibault[7] ou à une médiatisation hors du commun.

[78]        Par ailleurs, la médiatisation ne peut être considérée comme un facteur atténuant, sauf dans certains cas particuliers[8]. La médiatisation en soi, est le résultat du caractère public du système judiciaire pénal et la stigmatisation qui peut s’ensuivre sera plus ou moins importante selon le cas et selon le statut du délinquant[9].

[79]        Le Tribunal retient qu’il ne s’agit pas d’une circonstance atténuante mais plutôt d’une circonstance non aggravante[10].

[80]        Le Tribunal a conclu dans son jugement au fond, que la dénonciation résultait du fait que la victime est à ce moment fâchée contre lui. Le Tribunal doit-il en tenir compte au moment de l’évaluation de la peine à infliger à l’accusé?

[81]        Lors de l’évaluation de la crédibilité des parties, il est pertinent de tenir compte du mobile premier de la dénonciation. Ceci pourrait amener à un verdict d’acquittement selon l’ensemble de la preuve soumise.

[82]        Toutefois, au moment de la détermination de la peine, alors que le Tribunal s’est déjà prononcé sur la crédibilité des témoignages et leur fiabilité, le poids à accorder au motif de la dénonciation est de moindre importance et variera d’un cas à l’autre.

[83]        Dans le présent dossier, il est question d’actes criminels hautement répréhensibles qui sont vivement dénoncés par toutes les cours de justice et qui ne peuvent qu’avoir des conséquences malheureuses chez la victime.

[84]        Le Tribunal conclut que dans le contexte, peu de poids voire aucun, ne doit être accordé à ce mobile dans l’évaluation d’une peine juste et raisonnable.

[85]        Les deux parties ont fourni de la jurisprudence pour appuyer leur prétention.

[86]        Dans chacun des cas soumis, on retrouve une constance. En matière de crimes sexuels commis à l’encontre d’enfants, ou de personnes âgées de moins de 18 ans, les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent être priorisés.

[87]        Le Tribunal ajoute que les adolescents sont des personnes vulnérables qui constituent des victimes idéales et ils doivent être protégés au même titre que les enfants plus jeunes[11]. Parlant de l’article 718.2(a) ii.1 C.cr., la juge Bitch dans Bergeron[12]  dit : « Ces propos sont largement transposables aux adolescents qui, pour n’être plus des bambins, n’en sont pas moins, eux aussi, des personnes vulnérables, à une étape cruciale de leur développement personnel. Leur vulnérabilité réside souvent dans le fait qu’ils paraissent consentir, désirer, s’abandonner même aux abus perpétrés sur leur personne, ce qui en fait des victimes idéales, qui ne résistent pas à l’emprise qu’on exerce sur eux. »

[88]        La fourchette des peines : En 2008, la Cour d’Appel dans St-Pierre[13] écrit : « À cet égard, une revue de la jurisprudence canadienne montre que : - pour un crime de contact sexuel sur une personne âgée de moins de 14 ans (article 151 C.cr.), les peines varient entre neuf mois et trois ans; ( …) - pour les crimes de distribution et possession de pornographie infantile (article 163.1(3) C.cr.), les peines imposées varient entre six mois et deux ans. (…) - pour le crime de production de matériel pornographique (article 163.1 (2) C.cr.), les peines imposées varient de 10 mois à deux ans. (…) - pour le leurre (article 172.1 C.cr.), les peines imposées pour ce crime vont de six mois à un an d’emprisonnement. » Fourchette reprise en 2011 dans Gagné[14]

[89]        En 2015, dans Perron[15], la Cour d’appel indique que la fourchette applicable en jurisprudence est très large et que les peines se situent entre trois et 48 mois pour des contacts sexuels et l’incitation à des contacts sexuels. Dans le cas de leurre, les peines imposées pour des actes commis entre le 22 juin 2007 et le 9 août 2012 se situent entre trois et 24 mois.

[90]        En 2016, la Cour d’appel, dans Bergeron[16], a cité avec appui, au chapitre de la considération de l’harmonisation des peines, l’ouvrage de Parent et Desrosiers, pour leur étude comportant une fourchette en matière d’abus et d’agression sexuels.

« i) Les sentences de 12 mois à 23 mois de détention ferme :

Ces sentences sanctionnent des gestes sexuels de peu de gravité et/ou survenus en de rares occasions et/ou sur une courte période de temps commis sur une seule victime. Les arrêts récents de la Cour d’appel du Québec indiquent clairement que des gestes de la nature d’attouchements, même lorsqu’ils sont perpétrés au cours d’un incident unique et isolé, peuvent mener, voire mènent généralement à l’emprisonnement ferme. Les sentences imposées ou confirmées en appel pour ce genre de délit peuvent aller jusqu’à 23 mois d’incarcération. (…)

ii) Les sentences de deux ans moins un jour à six ans, avec une concentration importante des trois à quatre ans :

Selon le juge Sansfaçon, la ligne médiane des peines pour crimes sexuels se situerait autour de trois ans et demi. Ce commentaire, certes judicieux, émane de la lecture des jugements soumis par les procureurs afin d’asseoir leur suggestion de peine respective. Les trames factuelles des affaires soumises tendaient donc naturellement à s’approcher des faits de l’affaire Cloutier : pas de casier judiciaire, abus de confiance, de pouvoir et d’autorité, mais absence de violence directe (autre que celle inhérente à la nature de l’infraction). Dans ce contexte, les jugements de la Cour d’appel confirment ce seuil.

iii) Les sentences de sept à 13 ans :

Le juge Sansfaçon note que « les sentences de sept à 13 ans ont été imposées en raison de circonstances particulières de violence, au-delà des gestes sexuels et/ou de la présence d’antécédents judiciaires et évidemment en relation avec des infractions comportant une gravité objective (élevée) ». La revue jurisprudentielle postérieure à l’affaire Cloutier indique que ces peines sanctionnent des situations d’abus prolongé, qui débutent généralement lorsque la victime ou les victimes sont de jeunes enfants, et qui comportent des relations sexuelles complètes, soit dans un contexte d’intimidation et de violence, soit en incitant des enfants à avoir des relations sexuelles entre eux. »

[91]        Ces auteurs n’ont pas répertorié les peines de moins de 12 mois. Le juge Sansfaçon toujours dans Cloutier, (rendu en 2005)  précisait pour les peines entre 12 à 20 mois : « Des rares dossiers autres, nous notons que l’âge avancé de l’accusé, 75 ans et plus, l’état de santé et/ou le long délai entre la fin des événements et le jour de la sentence ont joué un rôle déterminant. »

[92]        Selon la défense, le cas de M. Roussy se situe au niveau inférieur de la fourchette de la première catégorie et la poursuivante le situe au niveau supérieur de la deuxième.

[93]        La défense allègue que les jugements soumis par la poursuivante présentent des accusés qui ont un lien familial avec la ou les victimes (père, beau-père, oncle, conjoint de la mère ou de la grand-mère ou encore ami proche de la famille). L’abus de confiance ou d’autorité démontre alors une responsabilité pénale plus importante que dans le cas de l’accusé.

[94]        Elle affirme également que trouver une trame factuelle similaire au cas en cause est fort difficile. Elle soumet toutefois, un jugement récent de la Cour d’appel qui, quant aux faits, pourrait se comparer au présent dossier.

[95]        Dans Bergeron[17], la victime alors âgée de 10 ans avait réussi à s’inscrire à un réseau téléphonique de rencontre répondant au nom évocateur de « Échanges de nuit » où il ne devait s’y retrouver que des personnes majeures.

[96]        La victime déclare à l’accusé être âgée de 16 ans et fréquenter l’école secondaire. Il y a rencontre, et relation sexuelle complète. La victime avoue ensuite à l’accusé son très jeune âge qui ne pouvait de toute façon, être ignoré.

[97]        Les deux parties ont par la suite plusieurs conversations téléphoniques. Lors de l’une d’elles, la victime lui dévoile des problèmes de pauvreté, soulignant qu’elle manquait de nourriture. Une deuxième rencontre est fixée et l’accusé est pris en flagrant délit, arrêté séance tenante et mis en accusation par la suite.

[98]        L’accusé a plaidé coupable plutôt tard dans le processus. Un rapport présentenciel est demandé ainsi qu’une évaluation spécialisée en délinquance sexuelle. Bien que les procédures judiciaires semblent avoir eu un effet dissuasif notable chez l’accusé, il demeure fragile en ce qui concerne la gestion émotive. L’accusé présente plusieurs facteurs de risques et indicateurs liés à la délinquance sexuelle. Le rapport parle de risque de récidive faible et l’accusé est ouvert à suivre une thérapie psychosexuelle. Il y a existence de remords et reconnaissance de ses torts.

[99]        Les événements surviennent entre le 10 et 17 juillet 2009; donc très court laps de temps. L’accusé est âgé de 43 ans. Il n’y a pas de lien de confiance entre les deux parties. La victime a initié les rencontres, a suggéré de se rendre au motel.

[100]     Le juge de première instance a imposé une peine de sept mois assortie d’une ordonnance de probation de trois ans. La Cour d’appel considère qu’il s’agit d’une peine nettement inappropriée.

[101]     Elle rappelle que les crimes commis par l’intimée constituent un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans. Dans un tel cas, le Code criminel oblige le décideur à analyser les faits incriminants en priorisant les objectifs de dénonciation et de dissuasion.

[102]     Elle considère à titre de facteur aggravant le degré de préméditation élevé. Avant son premier déplacement, l’accusé savait qu’il allait rencontrer une personne âgée de moins de 18 ans et sur place, avant la commission du crime, il ne pouvait pas ne pas savoir que la victime avait à l’évidence, moins de 16 ans. La relation sexuelle complète sans protection a aussi été considérée comme un facteur aggravant ainsi que les conséquences intrinsèquement graves de la commission de pareils crimes sur une fillette de 10 ans.

[103]     La Cour d’appel, après avoir considéré la fourchette des peines, conclut que les gestes militaient en faveur d’une peine de pénitencier. Toutefois, la poursuivante qui réclamait trois ans d’emprisonnement a changé d’avis et demandé une peine de deux ans moins un jour au motif qu’elle permettrait le suivi d’une thérapie souhaitable dans les circonstances. La Cour d’appel a entériné cette suggestion.

[104]     M. Roussy n’a pas initié la première communication. Au départ, il n’y a pas de lien d’autorité ni de confiance. La victime est consentante. Elle veut avoir une relation sexuelle alors que ce dernier bien que volontaire pour participer aux échanges de scénarios etc., s’est montré plus récalcitrant à avoir une relation sexuelle avant l’âge de consentement, soit 14 ans jusqu’au 1er mai 2008.  La première relation sexuelle a d’ailleurs eu lieu à 14 ans 4 mois et non à 10 ans comme dans Bergeron.

[105]     La notion d’âge est importante (10 ans vs 14 ans) mais il y a plus. Pour M. Roussy, les échanges dont les échanges de scénarios, de sites pornographiques et discussions sur les pratiques sado-masochistes ont lieu entre 2006 et 2011 et  les contacts sexuels de 2008 à 2010. On ne parle pas de quelques jours ni de deux rencontres.

[106]     Il n’y a ni plaidoyer de culpabilité, ni amorce de remise en question de la part de M. Roussy. Il n’est pas fait mention d’une envie de suivi thérapeutique. Tout comme dans Bergeron, l’accusé ne pouvait ignorer la vulnérabilité de la victime. Finalement, il y a eu bris de conditions à des moments importants dans le processus judiciaire.

[107]     De ce fait, il devient difficile de penser à une peine totale moindre que celle de l’accusé Bergeron.

[108]     La défense a soumis d’autres jugements. Un arrêt de 2015 de la Cour d’appel, soit Boudreault[18]. Les contacts sexuels ont débuté à l’âge de 13 ans. Les rapports sexuels se sont poursuivis sur une période de sept ans. Il n’y a pas consentement puisque le jeune garçon avait peur de l’accusé et se sentait obligé de se soumettre. Les gestes posés ont eu lieu à au moins 200 reprises et l’accusé est le voisin de la victime.

[109]     Une peine de 48 mois a été imposée par le juge de première instance. La Cour d’appel a pris en compte la relation de confiance entre l’accusé et la victime; le fait également que l’accusé n’a pas nié les gestes. Il mentionnait toutefois que la relation avait commencé à 14 ans plutôt qu’à 13; ce qui n’a pas été retenu.

[110]     La Cour d’appel conclut qu’il n’y a pas lieu d’accorder la permission d’en appeler quant au chef d’agression sexuelle dont la durée est de sept ans. La peine de 48 mois est maintenue. Elle a toutefois accueilli l’appel sur les chefs de contacts et d’incitation à des contacts sexuels de manière à tenir compte de la période visée par ces chefs qui ne représente qu’une fraction de la période visée par le chef d’agression sexuelle. La période en cause était de 16 mois. Une peine de deux ans a été imposée.

[111]     Pour M. Roussy, les contacts sexuels et l’agression sexuelle armée sont d’une durée de moins de 20 mois et 9 rencontres ont lieu alors que la victime a entre 14 et 16 ans; ce qui peut s’apparenter au cas Boudreault.

[112]     S’ajoute à ça, utilisation d’objets lors des relations, certains jeux à teneur sado-masochiste, ainsi que des chefs de leurre, de possession et production de pornographie juvénile. Une peine totale de moins de deux ans ne peut être envisageable.

[113]     Finalement, un autre arrêt récent[19], de la Cour d’appel de Saskatchewan, cette fois, est cité. L’accusé, un jeune homme de 18 ans au moment des événements, a plaidé coupable à 11 chefs de leurre, infractions de pornographie juvénile et  contacts sexuels. L’accusé a convaincu quatre jeunes filles de 12 à 14 ans, de lui envoyer des photos sexuelles explicites d’elles-mêmes.

[114]     Le juge du procès a imposé une peine de deux ans mois un jour. La poursuivante en appelle de cette décision; la peine globale étant inappropriée. Des peines consécutives auraient dû être imposées.

[115]     La Cour d’appel conclut que si toutes les peines étaient consécutives, on en arriverait à une peine de six ans; ce qui serait inadéquat. Par contre, une peine consécutive du chef de contact sexuel amènerait une peine de trois années; ce qui est approprié. La Cour d’appel tient compte du jeune âge de l’accusé ainsi que de son potentiel de réhabilitation. Les gestes ont été posés sur une période de moins d’une année.  Les victimes n’ont produit aucune déclaration au sens de l’article 722 C.cr. Une d’elle a par contre, via la poursuivante, fait certains commentaires.

[116]     Une seule des victimes a rencontré l’accusé. Il y a eu, une première fois, échanges de baisers et lors d’une rencontre dans le véhicule de l’accusé, échanges de baisers et toucher aux seins de la victime sous son soutien-gorge. L’accusé a également convaincu une des victimes d’insérer un objet dans son vagin et de lui envoyer une photo de ce geste.

[117]     Il y a eu des milliers de  conversations via messages textes. Lorsque les jeunes filles ont commencé à refuser d’envoyer d’autres photos, l’accusé s’est montré menaçant.

[118]     Bien qu’il y ait plus de victimes, les gestes posés par M. Roussy sont de beaucoup supérieurs aux gestes décrits dans le jugement McLean. De plus, la durée, l’âge, la situation de confiance sont des facteurs plus aggravants dans le cas de M. Roussy.

[119]     De ces jugements, il apparaît difficile de conclure qu’une peine totale inférieure à trente-six mois, puisse être une peine juste et appropriée.

[120]     Les jugements cités par la poursuivante : Ils ne seront pas tous repris bien que considérés par le Tribunal. Il faut rappeler qu’aucun cas ne peut s’apparenter à une copie conforme du cas en cause, d’où le principe de l’individualisation de la peine.

[121]     Dans G…D…[20], la Cour d’appel n’est pas intervenue lors de l’appel d’une peine de six années imposée par le juge d’instance pour différents gestes posés le même soir dont une relation sexuelle complète, sur l’enfant de sa conjointe. La Cour d’appel reconnaît toutefois qu’il s’agit d’une peine sévère. Il y a eu contacts sexuels dans la chambre de la victime. L’accusé  s’est excusé mais est revenu  pour obtenir une relation sexuelle.

[122]     Autrefois, le terme « viol » aurait utilisé pour qualifier le geste posé par ce représentant de l’autorité parentale. Nous ne sommes pas dans un tel cas.

[123]     Il en est de même du jugement A.C.[21] dans lequel la Cour d’appel entérine une peine d’emprisonnement de trois années (moins la détention provisoire) alors qu’il n’y a pas relation sexuelle complète. Les faits sont toutefois hors du commun. Un père permet à un voisin d’abuser de son enfant. Nous ne sommes également pas dans un tel cas.

[124]     Quant au jugement R. c. J.R.[22], la Cour d’appel confirme une peine de 65 mois en ces termes : « La peine se situe à la limite supérieure de la fourchette applicable, mais le juge a plus qu’adéquatement justifié sa démarche. Son jugement explique bien en quoi la peine de deux ans que suggère la défense ne reflète pas les facteurs de dissuasion et de dénonciation qui doivent en l’occurrence prévaloir, compte tenu que les contacts et les invitations sexuels, impliquant des jouets sexuels, se sont déroulés régulièrement sur une période de deux ans, alors que la victime avait entre douze et quatorze ans et qu’elle se trouvait dans un état d’extrême vulnérabilité. »

[125]      Dans le cas de M. Roussy, la victime est aussi dans un état de grande vulnérabilité (problèmes familiaux et possiblement tocs sexuels reconnus quelques années plus tard). Elle n’a toutefois pas 12 ans au moment des premières relations sexuelles mais plutôt 14 ans. Il n’y a pas non plus ce lien d’autorité (beau-père de la victime) ou de lien familial. 

[126]     Dans un autre dossier[23], le juge Chevalier, j.c.q., impose une peine de 54 mois pour des gestes posés à répétitions, qui ont commencé par de simples attouchements pour se développer en fellation, cunnilingus et culminer en relations sexuelles complètes. La victime est la fille de sa conjointe, et elle considérait l’accusé comme son père. La relation sexuelle complète a lieu alors qu’elle a 11 ans. L’accusé consommait abusivement d’alcool à cette époque.

[127]     Encore une fois, il y a des distinctions à faire.

[128]     Finalement, dans l’affaire R. c. C.L.[24] de 2005, le juge Lortie j.c.q. impose une peine de 48 mois à l’accusé qui est l’oncle de la victime pour agression sexuelle survenue entre 1996 et 1999, alors que la victime est âgée de 12 à 15 ans; peine confirmée par la Cour d’appel[25].

[129]     Comme dans le présent dossier, la poursuivante réclamait cinq ans d’emprisonnement et la défense deux ans moins un jour. Le lien de confiance datait de fort longtemps. Les familles de la plaignante et de l’accusé étaient très proches. C’est au moment où elle est confiée à la garde de ce dernier pour s’occuper de ses enfants  pour l’été que les premières relations sexuelles ont lieu. Elle a alors 12 ans. De plus, l’accusé l’initie à la marijuana.

[130]     Vu ces gestes, la victime est « débousselée », connaît des difficultés à l’école et vit un important conflit avec ses parents. C’est alors que ses parents, croyant bien faire, demande à l’oncle abuseur d’intervenir et de conseiller la jeune fille. L’accusé part alors avec la jeune fille, officiellement pour dialoguer mais s’ensuit de nouvelles relations sexuelles complètes.

[131]     Nous ne sommes pas, encore une fois, dans un tel cas. M. Roussy est par contre, accusé d’autres chefs.

[132]     Dans un jugement récent non cité par les parties, soit Perron c. R.[26], la Cour d’appel se penche sur des crimes commis après le changement à la loi du 1er mai 2008 (l’âge du consentement) et celui du 22 juin 2007 quant au chef de leurre (augmentation de la peine maximale).

[133]     Il y est dit :

« 15. Le juge était bien au fait de l’historique législatif des articles 151, 152 et 172.1 C.cr. et de l’importance de ne pas importer automatiquement la jurisprudence antérieure lorsque des peines minimales et maximales différentes sont prévues à diverses époques.

(…)

Les contacts sexuels et l’incitation à des contacts sexuels (2008 et 2009)

18. Pour ces deux crimes, la fourchette applicable en jurisprudence est très large : les peines se situent entre 3 et 48 mois.

19. En 2008, pour des infractions majoritairement commises avant que le législateur n’impose une peine minimale, notre cour déclarait que les peines imposées en matière de contacts sexuels variaient entre 9 et 36 mois. »

[134]     Toujours dans Perron, pour ce qui est du leurre (2008-2009), on cite Bergeron qui réfère à St-Pierre et on parle d’une fourchette de six mois à un an pour une première infraction. On ajoute que dans Woodward[27], la Cour d’appel de l’Ontario, à propos d’une infraction de leurre commise après 2007, écrit : « (…) I believe that much stiffer sentences, in the range of three to five years, might well be warranted to deter, denounce and separate from society adult predators who would commit this insidious crime. »

[135]     Dans St-Pierre, la fourchette a été établie pour des infractions commises avant le 22 juin 2007, soit alors que la peine maximale pour le chef de leurre était de cinq ans. Depuis, elle est de 10 ans. Les chefs de leurre, dans le cas de l’accusé Roussy, chevauchent ces dates.

[136]     On retrouve aussi toujours dans Perron : «  L’importance d’établir la date de la survenance de celui-ci tient au fait que le Code criminel a été modifié le 1er mai 2008 pour faire passer l’âge de consentement de 14 à 16 ans (art 150.1 C.cr.). Or, le consentement de la plaignante Z était au cœur de la défense de l’appelant puisqu’elle était âgée de 14 ans au moment de la commission de cette infraction. Si l’évènement avait eu lieu avant le 1er mai 2008, l’appelant aurait pu invoquer le consentement de la plaignante pour ne pas être déclaré coupable sur ce chef. »

[137]     Dans le cas de l’accusé Roussy, avant le 1er mai 2008, il y avait des discussions quant au moment de la première relation sexuelle à venir. Ils ont d’ailleurs, ensemble, discuté du changement de la Loi qui est survenu deux mois avant l’anniversaire de la victime. Il y a passage à l’acte quatre mois après cet anniversaire. L’accusé était donc bien au fait du choix qu’il faisait et des conséquences possibles.

[138]     Dans Perron, une peine totale de 54 mois (moins un crédit de 14 mois) a été imposée à l’accusé pour des chefs de leurre sur une personne de moins de 16 ans et de moins de 18 ans, des chefs de contacts et incitations à des contacts sexuels sur un enfant de moins de 16 ans, ainsi que deux manquements à une ordonnance de ne pas communiquer avec son ex-conjointe. Bien que jugée sévère, la peine totale n’est pas manifestement non indiquée. Les peines ont été imposées de façon consécutive pour chacune des victimes.

[139]     L’accusé Perron entrait en communication, sur des sites de rencontres, avec des jeunes filles âgées de moins de 16 ans. Il leur mentionnait ce qu’il souhaitait et prenait un arrangement sur un montant d’argent qu’il leur donnerait. Une jeune fille résidait en foyer d’accueil et était donc particulièrement vulnérable.

[140]     Il y a trois victimes. Quant à la victime Z, pour les contacts ainsi que l’incitation à contacts sexuels survenus entre le 1er mai 2008 et le 21 novembre 2009, une peine de 24 mois de détention a été imposée et pour les mêmes dates, une peine de quatre mois quant au chef de leurre; concurrents entre eux mais consécutifs aux crimes commis à l’encontre des autres victimes. Pour la victime X, 18 mois ont été imposés pour contacts, incitation à contacts (16-17 novembre 2012) et leurre, (du 16 novembre 2012 et 6 mars 2013). Pour Y et A, des peines de 12 mois ont été imposées pour des crimes de leurre commis respectivement le 19 novembre 2012 et entre le 1er septembre et 30 septembre 2012.

[141]     Le Tribunal considère que pour M. Roussy, les éléments à la base de chacun des crimes commis peuvent être considérés comme des éléments distincts. Une peine distincte consécutive pour chacun des chefs reflètera davantage la responsabilité pénale de l’accusé.

[142]     Le leurre : C’est ce crime qui a permis à M. Roussy de devenir le confident de la victime et amené en partie, cette dernière à être davantage proactive en novembre 2007. La victime a 11 ans au début de ces conversations. Une peine de huit mois consécutive à toute autre peine apparaît juste et appropriée.

[143]     La production de pornographie juvénile  a également contribué en partie, au passage à l’acte, soit aux contacts physiques. La peine minimale d’une année est imposée. Puisqu’à l’époque de la commission de l’infraction, il n’y avait pas obligation d’imposer une peine consécutive, la défense demande qu’elle soit purgée concurremment alors que  la poursuivante réclame une peine consécutive.

[144]     Le leurre commence en 2006 alors que la production de pornographie se situe entre décembre 2007 et mars 2011. Il s’agit d’un événement distinct ainsi qu’un élément aggravant bien qu’il y ait un certain recoupement de dates. Le Tribunal conclut que les peines pour les deux chefs de production seront purgées consécutivement à toute autre peine bien que de façon concurrente entre elles.

[145]     La possession de pornographie juvénile : Le Tribunal agrée à la suggestion de la poursuivante : 6 mois concurrents.

[146]      Contacts sexuels, incitations à contacts sexuels et agression sexuelle armée : Des peines de 42 mois concurrentes entre elles mais consécutives aux autres peines reflètent le degré de responsabilité morale et pénale de l’accusé.

[147]     Bris de conditions : Ces chefs sont particulièrement odieux vu le moment choisi pour l’envoi des fausses mises en demeure et de la fausse représentation sur internet ainsi que par les répercussions engendrées. Ces bris ‘’victimisent’’ une deuxième fois F. C.

[148]     Une peine de six mois est donc imposée pour chacun des trois chefs de bris. Lorsque les infractions visent la protection d’intérêts sociaux différents, comme le manquement à des ordres de la cour, ou lorsqu’il existe un élément aggravant qui le justifie, comme c’est le cas lorsque l’infraction subséquente est commise alors que l’accusé est sous le coup d’une ordonnance de la cour, les peines devraient être consécutives[28]. Toutefois, puisque le Tribunal a déjà considéré ces bris lors de l’évaluation de sa responsabilité pénale et à titre de facteur aggravant (comportement postérieur de l’accusé) ces peines seront purgées de façon concurrente à toute autre peine.

[149]     L’accusé ayant déjà purgé une partie de cette peine en détention provisoire lors de son arrestation pour les deux premiers bris, soit 10 jours, le Tribunal déduit 15 jours du délai de six mois pour le premier dossier de bris de conditions.

[150]     L’accusé étant détenu provisoirement depuis sa condamnation le 6 décembre 2016, donc depuis 87 jours (x par 1.5); le Tribunal lui accorde une réduction de 130 jours qu’il appliquera comme suit : 45 jours sur les chefs 1, 2 et 3; ainsi que 85 jours sur les chefs 4, 5 et 7.

[151]     Une peine totale de 60 mois (moins les  détentions provisoires), constitue une peine totale représentative de tous les crimes commis et de la responsabilité du délinquant.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE l’accusé à une peine totale de 55 mois 20 jours[29], répartie comme suit :

500-01- 054581-118 :

Chefs 1, 2 et 3 : 4 ½ mois (6 mois moins 45 jours) sur chacun des chefs à être purgés concurremment entre eux mais consécutivement à toute autre peine;

Chefs 4, 5 et 7 : 39 mois 5 jours (42 mois moins 85 jours) sur chacun des chefs à être purgés concurremment entre eux mais consécutivement à toute autre peine;

Chefs 8 et 9 : 1 an sur chacun des chefs à être purgé concurremment entre eux mais consécutivement à toute autre peine;

Chefs 10 et 11 : 6 mois à être purgés concurremment à toute autre peine.

500-01- 099252-139

Chefs 1 et 2 : 5 ½ mois (6 mois moins 15 jours) sur chacun des chefs à être purgés concurremment entre eux et à toute autre peine;

500-01- 100588-133

Chef 1 : 6 mois à être purgés concurremment à toute autre peine.

ORDONNE à l’accusé de fournir un prélèvement d’échantillons de substances corporelles aux fins d’analyse génétique, conformément à l’article 487.051 du Code criminel, sans délai;

ENJOINT à l’accusé de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, conformément aux articles 490.-12 (1) et 490.013 (2.10 C.cr, et ce à perpétuité.

ORDONNE la confiscation de tout matériel encore sous saisie afin qu’il en soit disposé selon la loi, conformément à l’article 164.2 (1) C.cr.

PRONONCE une ordonnance d’interdiction de possession d’armes à feu tels que décrits à l’article 109 (2) a) du Code criminel pour une période de 10 ans et des armes à feu prohibées tels que décrit au paragraphe 109 (2) b) C.cr., à perpétuité.

INTERDIT à l’accusé aux termes de l’article 161 du Code criminel, et ce, pour une période de 10 ans  sauf en ce qui a trait à ses enfants :

a)    De se trouver dans un parc public ou zone publique où l’on peut se baigner s’il y a des personnes âgées de moins de 16 ans ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y ait, une garderie, un terrain d’école, un terrain de jeu ou un centre communautaire;

a.1) De se trouver à moins de deux kilomètres de toute maison d’habitation où résident habituellement les victimes identifiées dans l’ordonnance ou tout autre lieu mentionné dans l’ordonnance;

b)    De chercher, d’accepter ou de garder un emploi- rémunéré ou non- ou un travail bénévole qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de seize ans;

c)    D’avoir des contacts- notamment communiquer par quelque moyen que ce soit-avec une personne âgée de moins de seize ans, à moins de le faire sous la supervision d’une personne que le tribunal estime convenir en l’occurrence;

d)    D’utiliser internet ou tout autre réseau numérique sauf :

-       dans l’exécution d’un travail légitime et rémunéré et à la condition que l’employeur soit informé de la présente ordonnance;

-       pour les fins d’études dans un programme au sein d’une institution scolaire dûment accrédité par le Ministère de l’éducation;

-       et dans tous les cas à la condition que l’accusé permette en tout temps, à une personne autorisée désignée par la Sûreté du Québec, de procéder à l’examen du contenu de tous les ordinateurs ou autre appareil permettant l’accès à internet qu’il possède ou utilise.

ORDONNE au délinquant de s’abstenir, pendant sa période de détention, de communiquer directement ou indirectement avec la victime ou tout autre témoin identifié au procès, le tout en conformité de l’article 743.21 (1) du Code criminel.

 

 

 

 

 

 

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DOMINIQUE B. JOLY, J.C.Q

 

Me Caroline Dulong

Procureure pour le DPCP

 

Me Valentina Corsetti et Me Lara Kwitko

Procureures de l’accusé

 

Date de l’audition sur les représentations sur la peine :

 

 

 

 

1er février 2017

 

 

 



[1]     1998 CanLII 12722 (QCCA).

[2]     R. c. Deschatelets, 2013 QCCQ 5269.

[3]     R. c. Hamelin de la Cour d’Appel, cité dans 2005 R.J.Q. 287.

[4]     R. c. L (J.J.), CanLII 12722(QCCA).

[5]     R. c. Bergeron, 2016 QCCA 339.

[6]     Hugues PARENT et Julie DESROSIERS, « La peine », Traité de droit criminel, t. 3, Éditions Thémis, 2012, p. 153-154 (les conséquences négatives pour l’accusé).

[7]     Thibault c. R., 2016 QCCA 335.

[8]     Précité, note 6.

[9]     R. c. Chav J.E. 2012-510, 2012 QCCA 354 (CanLII) cité dans Savard c. R., 2016 QCCA 381 (25 février 2016).

[10]    Marchessault c. R. cité dans Thibault c. R., 24 février 2016, 2016 QCCA 335.

[11]    Perron c. R., 2015 QCCA 601 paragr. 24.

[12]    2013 QCCA 7 repris dans Perron c. R., 2015 QCCA 601) paragr. 36.

[13]    R. c. St-Pierre c. R., 2008 QCCA 894 (CanLII).

[14]    Gagné c. R., 2011 QCCA 2157 (CanLII).

[15]    R. c. Perron, 2015 QCCA 601.

[16]    R. c. Bergeron, 2016 QCCA 339.

[17]    R. c. Bergeron, 2016 QCCA 339.

[18]    R. c. Boudreault, 2015 QCCA 460.

[19]    R. v. McLean, 2016 SKCA 93.

[20]    G.D. c. La Reine, 2013 QCCA 726.

[21]    2005 QCCA 1114.

[22]    J.R. c. La Reine, 2014 QCCA 869; R. c. J.R., 2011 QCCQ 13685.

[23]    R. c. J.B., 2012, QCCQ 8076.

[24]    R. c. C.L., 2005 CanLII 56780 (Qc CQ).

[25]    C.L. c. R., 2006 QCCA 695.

[26]    Perron c. R., 2015 QCCA 601.

[27]    R. v. Woodward, 2111 ONCA 610.

[28]    R. c. Colangelo, 2017 QCCA 195 paragr. 55 citant R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334 paragr. 59.

[29]    Pour fins de calcul, le Tribunal a calculé 30 jours par mois.

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