Nadeau et Rénovation Pro-Expert inc. |
2012 QCCLP 4425 |
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Dossier 456117-31-1111
[1] Le 28 novembre 2011, monsieur Samuel Nadeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 14 juin 2010 au moyen d’un avis de paiement et déclare qu’elle était justifiée de refuser de reconsidérer la base salariale retenue pour calculer les indemnités de remplacement du revenu soit un revenu brut annuel assurable de 23 648,49 $.
Dossier 466555-31-1203
[3] Le 22 mars 2012, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 24 février 2012, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 23 novembre 2011 et déclare que la lésion professionnelle du travailleur a entraîné une atteinte permanente à son intégrité physique de 10,35 % et qu’il a droit en conséquence à une indemnité pour préjudice corporel de 9 513,51 $.
[5] Une audience est tenue à Québec, le 5 juillet 2012, en présence du travailleur, dont la représentante a transmis une argumentation écrite, et de Rénovation Pro-Expert inc. (l’employeur). L’affaire est mise en délibéré le même jour.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
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[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que son indemnité de remplacement du revenu doit être établie sur la base du revenu de l’emploi saisonnier de manœuvre en toiture auquel doivent être ajoutées les prestations d’assurance-emploi auxquelles il aurait été éligible par la suite.
Dossier 466555-31-1203
[7] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de retourner son dossier à la CSST afin qu’elle reprenne la procédure d’évaluation médicale en raison d’une irrégularité.
L’AVIS DES MEMBRES
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[8] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie en partie et que son indemnité de remplacement du revenu doit être établie en fonction de son statut de travailleur saisonnier, dont la preuve établit le revenu brut à 25 200 $. Il considère toutefois que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) ne permet pas d’y ajouter les prestations d’assurance-emploi qui auraient pu être gagnées, celles-ci ne pouvant être considérées que dans le calcul visant à démontrer que le travailleur aurait tiré un revenu brut plus élevé des emplois qu’il a exercé durant les 12 mois précédant son incapacité. Or, le travailleur a admis ne pas avoir reçu de telles prestations et que le calcul effectué par la CSST à ce sujet était exact.
[9] Quant au membre issu des associations d’employeurs, il est d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée puisqu’il considère que le revenu d’un travailleur saisonnier occupant un emploi semblable à celui du travailleur est inférieur au revenu que le travailleur a tiré de tous les emplois qu’il a exercés dans les 12 mois précédant le début de son incapacité.
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[10] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie en partie. En effet, ils considèrent que le rapport complémentaire du médecin qui a charge du travailleur n’a pas le caractère liant que la CSST lui a accordé considérant qu’il n’est pas motivé et que ce médecin n’a pas communiqué avec le travailleur à l’époque pertinente.
[11] Ils sont toutefois d’avis qu’il n’y a pas lieu de reprendre l’ensemble de la procédure d’évaluation médicale et que le dossier devrait être acheminé au Bureau d’évaluation médicale pour l’obtention d’un avis sur l’étendue des séquelles de la lésion professionnelle.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[12] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer d’une part si la base salariale retenue par la CSST aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur est conforme à la loi et d’autre part, si le rapport d’évaluation obtenu par la CSST de la part du docteur Jules Boivin a un caractère liant quant à ses conclusions considérant la teneur du rapport complémentaire émis par le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Petitclerc, et le contexte dans lequel il l’a produit.
[13] Ces deux litiges originent de la lésion professionnelle subie par le travailleur le 11 mai 2010 alors qu’il est âgé de 22 ans et qu’il occupe un emploi de manœuvre en toiture chez l’employeur depuis l’été 2009.
[14] Il s’agit d’un emploi saisonnier, qui est aussi appelé « journalier » et qui consiste à assister les couvreurs. Il comporte un ensemble de tâches manuelles exigeantes consistant notamment à leur fournir l’outillage et les bardeaux, monter et démonter les échafauds ainsi qu’à effectuer diverses tâches connexes dont le nettoyage des lieux.
[15] Du témoignage non-contredit du travailleur de même que de celui de monsieur Ronald Beaulieu, propriétaire et actionnaire unique de l’entreprise exploitée par l’employeur, couvreur depuis 1972, de même que de celui de son fils, monsieur Richard Beaulieu également couvreur de métier, il ressort de la preuve que le recouvrement de couvertures est un travail saisonnier qui doit généralement être interrompu durant l’hiver, mais qui est tout de même effectué à compter habituellement de la fin mars au début décembre quoiqu’il arrive que la saison de travail peut même aller du 15 mars au 15 décembre. En dehors de cette période, ce n’est qu’occasionnellement que les services des manœuvres peuvent être requis pour déneiger des toitures ou effectuer des travaux d’urgence. Ils sont alors appelés selon leur disponibilité.
[16] L’industrie du recouvrement de toitures se répartie en deux secteurs, la construction et le résidentiel. C’est dans ce dernier secteur qu’œuvre l’employeur et le travailleur n’aurait pu être employé dans le secteur de la construction, où la rémunération est de beaucoup supérieure, considérant qu’il ne possède pas les cartes de compétence requises.
[17] La preuve offerte n’est pas très élaborée en ce qui a trait au revenu pouvant être tiré d’un emploi de manœuvre en toitures dans la région de Québec. Comme il s’agit d’une industrie qui n’est pas régie par un décret, le salaire fait l’objet d’une négociation individuelle entre les travailleurs et leur employeur.
[18] Étant donné que l’employeur œuvre depuis longtemps dans le secteur et que, pour demeurer compétitif, il doit nécessairement offrir des salaires comparables à ses compétiteurs, il est raisonnable dans les circonstances de présumer que le salaire payé au travailleur est représentatif de celui payé aux autres personnes occupant un emploi semblable dans la région de Québec, en l’absence de preuve contraire.
[19] À cet égard, la preuve révèle que le travailleur a été embauché à l’été 2009 par l’employeur à un taux horaire variant de 12 $, mais que très rapidement l’employeur a décidé de le rémunérer au taux horaire de 15 $ en raison de son rendement et de son efficacité.
[20] Selon l’avis de l’employeur et demande de remboursement complété par le représentant de l’employeur, la rémunération du travailleur est à taux horaire. Pour les 14 premiers jours d’invalidité, et le salaire brut total du travailleur serait de 1 400 $ pour cette période. Cependant, cette information ne concorde pas avec l’ensemble de la preuve puisque le travailleur dans son témoignage a confirmé, tout comme l’a corroboré monsieur Ronald Beaulieu le représentant de l’employeur, qu’il gagnait 15 $ de l’heure et qu’il travaillait 40 heures par semaine. Cela fait en sorte que le salaire hebdomadaire est de 600 $ et que la rémunération est de 1 200 $ pour chaque période de 14 jours.
[21] Si on reporte ce salaire sur une base saisonnière de neuf mois, le revenu du travailleur est donc, tel que mentionné précédemment, le revenu d’un travailleur saisonnier occupant un emploi semblable dans la région est d’environ 21 600 $, soit neuf mois de rémunération à 2 400 $ pour l’ensemble de la période habituelle de travail.
[22] Or, l’article 68 de la loi prévoit que le revenu brut d’un travailleur saisonnier doit être établi ainsi :
68. Le revenu brut d'un travailleur saisonnier ou d'un travailleur sur appel est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si ce travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.
Le deuxième alinéa de l'article 67 s'applique aux fins d'établir un revenu brut plus élevé.
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1985, c. 6, a. 68.
[23] Il découle de cette disposition que le revenu du travailleur doit être fixé à partir de celui d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la région de Québec.
[24] Toutefois, la preuve démontre que ce revenu est inférieur à celui que le travailleur a effectivement tiré de tous les emplois qu’il a occupés dans les 12 mois précédant sa lésion. En effet, selon le calcul établi par la CSST à partir des informations que lui a fourni le travailleur et dont il ne conteste pas le résultat, il a tiré, au cours des 12 derniers mois, un revenu annuel de 23 648,49 $ et c’est donc en fonction de ce montant que doit être fixée son indemnité de remplacement du revenu.
[25] La preuve révèle par ailleurs que l’accident du travail subi par le travailleur a entraîné des séquelles significatives en raison de la gravité de cet événement dont les circonstances sont ainsi décrites à la réclamation du travailleur : « Sur la toiture de 4 étage nous débarquions le stock du boomtruck les fourches se sont accrocher et la palette m’a cogner, m’a fait reculer de dix pieds jusqu’au bord du toit d’où j’ai fait une chute de 48 pieds jusqu’à la rue où je suis tomber sur le coccyx ». [sic]
[26] De l’historique des événements qui apparaît dans le dossier, on constate que le travailleur a perdu conscience et qu’il a été amené par ambulance à l’hôpital de l’Enfant-Jésus où l’investigation a confirmé une fracture par affaissement du mur antérieur de D12, une petite encoche du niveau du plateau supérieur de L1, une fracture avec affaissement du mur antérieur de L2 ainsi qu’une légère fracture du mur antérieur de L3 sans affaissement significatif.
[27] Des radiographies simples de la colonne lombaire effectuées le 28 mai 2010 démontrent un affaissement de 25 % au niveau de D12, un affaissement de 15 % au niveau de L1 et une perte de hauteur de 20 % aux dépens de L2 et de 10 % au niveau de L3.
[28] Le travailleur a été pris en charge par l’orthopédiste Luc Petitclerc. Dans un rapport final qu’il complète le 13 avril 2011, quoiqu’il soit mentionné la visite ait eu lieu le 13 mai, le docteur Petitclerc consolide la lésion.
[29] Il ressort du témoignage du travailleur que le docteur Petitclerc ne l’a pas alors examiné et qu’il n’a pas demandé non plus d’examen complémentaire. Il lui a aussi indiqué qu’il ne pouvait pas se charger de compléter un rapport d’évaluation et il a référé le travailleur à la CSST. Dans ce rapport, il est fait état d’une fracture à D12, L1, L2 et L3 et il est mentionné que la lésion a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ainsi que des limitations fonctionnelles.
[30] Le docteur Petitclerc y inscrit les limitations fonctionnelles suivantes :
Éviter travaux en flexion
Ne pas soulever plus de 10 kilos
Éviter des travaux répétitifs impliquant la flexion et l’extension
[31] C’est dans ce contexte que la CSST a demandé au travailleur qu’il soit évalué par le docteur Jules Boivin, orthopédiste, le 6 septembre 2011. Après avoir révisé le dossier et l’avoir examiné, le docteur Boivin retient les conclusions suivantes :
1. Existence d’atteinte permanente à l’intégrité physique.
• Considérant le diagnostic de fractures de D12, de L1, de L2 et de L3 tel que retenu par la CSST;
• Considérant que la lésion a été consolidée par l’orthopédiste traitant le 13 mai 2011;
• Considérant l’absence d’antécédent pertinent à la présente symptomatologie au niveau dorso-lombaire;
• Considérant les plaintes subjectives alléguées par M. Nadeau;
• Considérant les paramètres objectifs notés à l’examen de ce jour;
Il y a lieu de reconnaître l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique en lien avec la lésion professionnelle.
2. Pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique.
Séquelles actuelles
DAP
204 022 : Fracture de moins de 25% de D12. 2%
204 022 : Fracture de moins de 25% de LI. 2%
204 022 : Fracture de moins de 25% de L2. 2%
204 022 : Fracture de moins de 25% de L3. 2%
207 644 : Perte de 10 degrés de l’extension du rachis dorso-lombaire 1%
3. Existence de limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle.
Pour les mêmes raisons que celles évoquées à la question 1, il y a lieu de reconnaître l’existence de limitations fonctionnelles permanentes en lien avec la lésion professionnelle.
4. Évaluation des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle.
Par conséquent, M. Nadeau devrait éviter d’effectuer de façon soutenue et répétée les activités qui impliquent de :
1. Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 20 kilogrammes.
2. Effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion du rachis lombo-sacré.
3. Ramper, grimper.
4. Subir des vibrations de basses fréquences ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[32] Le 18 octobre 2011, le docteur Luc Petitclerc transmet à la CSST un rapport complémentaire dans lequel la CSST l’avait avisé que le professionnel de la santé qu’elle avait désigné avait infirmé son avis sur la nature, nécessité et suffisance des soins et sur l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles.
[33] La CSST lui demande donc des « conclusions détaillées » soit expliquer « les raisons pour lesquelles vous maintenez ou modifiez votre opinion » en ces termes : « Dr Petitclerc, êtes-vous en accord avec les conclusions du Dr Jules Boivin concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles? », ce à quoi le docteur Petitclerc répond simplement : « Oui ».
[34] C’est à la suite de cet avis que la CSST rend la décision initiale contestée par le travailleur qui est confirmée par la révision administrative.
[35] Le tribunal retient de la preuve que le travailleur n’a pas choisi de consulter le docteur Boivin pour son évaluation et que le nom de ce médecin ne lui a pas été suggéré par le docteur Petitclerc ou la CSST, mais il a plutôt été convoqué à un examen par ce médecin dans le cadre de l’application de l’article 204 de la loi qui est ainsi rédigé :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
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1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
[36] Ce sont les articles 205.1 et 206 qui disposent des suites qui peuvent être données au rapport d’un professionnel de la santé désigné par la CSST :
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
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1997, c. 27, a. 3.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
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1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.
[37] En l’espèce, le tribunal ne peut conclure, de l’ensemble de la preuve au dossier, que la CSST était liée, aux fins de rendre sa décision, par l’opinion du docteur Boivin puisque ce dernier n’est pas le médecin qui a charge du travailleur et que l’article 224 est inapplicable :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[38] Si le docteur Petitclerc n’avait pas formulé d’avis quant à l’étendue de l’atteinte permanente à l’intégrité physique, il s’était tout de même prononcé dans son rapport final sur des limitations fonctionnelles et il appert que celles retenues par le docteur Boivin sont différentes.
[39] De toute évidence, il appert que le docteur Petitclerc a tout de même changé d’idée quant à l’étendue des limitations fonctionnelles et qu’il avait alors l’obligation de motiver adéquatement son opinion afin de la rendre compréhensible pour le travailleur. De plus, le docteur Petitclerc devait aviser le travailleur du contenu de son rapport. Or, ce dernier n’en a pris connaissance que plusieurs mois plus tard dans le cadre des procédures de contestation. Bien que la loi prévoit que le médecin qui a charge du travailleur doit l’informer sans délai du contenu de son rapport.
[40] Dans un contexte semblable, la jurisprudence de notre tribunal[2] est à l’effet que le rapport complémentaire du médecin qui a charge n’a pas le caractère liant nécessaire pour éviter le recours à la procédure d’évaluation médicale :
[36] Dans l’affaire Lapointe et Sécuribus inc.5, la Cour d’appel, par l’opinion du juge Dalphond, mentionne ceci quant à l’obligation du médecin qui a charge d’informer le travailleur :
[32] La deuxième possibilité était de considérer que le médecin qui avait charge de l’appelante en juin 1998 était désormais le Dr Roy. Il demeure que l’appelante a allégué dès la décision de la CSST connue, qu’elle ignorait le contenu de ce rapport. En somme, elle a allégué violation de l’obligation faite à l’art. 203 in fine au médecin qui avait charge de l’informer. La CSST devait alors vérifier la véracité de l’allégation et, si bien fondée, conclure que le rapport final reçu du Dr Roy ne pouvait lier l’appelante en vertu de la Loi, car violant l’art. 203 de la Loi et la finalité sous-jacente, soit celle du droit du travailleur de choisir le médecin de son choix (art. 192) et d’être informé du contenu du rapport final de ce dernier.
[37] Dans l'affaire Bergeron et Fondations André Lemaire6, la Commission des lésions professionnelles mentionne ceci quant à l’obligation d’information du médecin qui a charge dans le cadre de l’article 212.1 de la loi7 :
[51] Le second motif qui amène le tribunal à ne pas accorder un caractère liant à l’information médicale complémentaire écrite du docteur Dextradeur réside dans le fait que la procédure de l’article 212.1 de la LATMP n’a pas été respectée notamment en ce qui concerne l’obligation du médecin qui a charge d’informer sans délai le travailleur du contenu de son rapport. Cette exigence n’est pas une simple formalité, mais bien une exigence de fond compte tenu des conséquences qu’a l’opinion du médecin qui a charge sur les droits du travailleur. Cette étape est le seul moment où le travailleur a l’occasion de faire valoir son point de vue et d’exercer le droit qui lui est dévolu à l’article 192 de la LATMP d’avoir recours au médecin de son choix si jamais il est en désaccord avec le contenu de ce rapport.
[38] Le tribunal considère que le Rapport complémentaire du docteur Makinen n’est pas suffisamment motivé et n’a pas le caractère liant nécessaire pour éviter une procédure d’évaluation médicale. De plus, le tribunal retient que le docteur Makinen avait l’obligation d’aviser sans délai le travailleur du contenu de son rapport et il n’a pas respecté ce qui est prévu par la loi quant à cet aspect.
[39] Le tribunal considère également que l’expertise du docteur Renaud est incomplète quant à l’évaluation de l’atteinte permanente. Le travailleur a été opéré à trois reprises et il appert de son expertise que des cicatrices sont apparentes. Or, il n’indique pas s’il y a présence d’un préjudice esthétique ou non. De plus, son examen démontre une perte de l’extension du coude droit de 20 o alors que le docteur Renaud ne retient pas un déficit anatomophysiologique pour le coude.
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5 C.A. Montréal : 500-09-013413-034, 2004-03-19, jj. Forget, Dalphond, Rayle.
6 C.L.P. 334647-71-0712, 9 avril 2009, J.-C. Danis.
7 Cette disposition de la loi est similaire à ce que prévoit l’article 205.1 de la loi mais dans le cas d’un rapport provenant du médecin désigné par l’employeur.
[41] Par ailleurs, la preuve a aussi démontré que l’avis du docteur Boivin est erroné en ce qui a trait au déficit anatomo-physiologique accordé pour la fracture de D12 puisqu’il rapporte lui-même un affaissement de 25 % démontré par un examen de radiographie simple effectué le 28 mai 2010, mais qu’il réfère dans les séquelles au code 2040222 qui vise une fracture de moins de 25 %.
[42] Or, comme la fracture est de 25 %, il aurait dû utiliser le code 204031 qui prévoit un déficit anatomo-physiologique de 4 %.
[43] D’ailleurs, à l’audience, le travailleur a produit un compte rendu d’un examen par résonance magnétique effectué le 31 mai 2012 qui démontre une perte de 27 % au niveau de D12. Il s’agit-là de données qui devront être prises en compte lors de la prochaine étape de l’évaluation médicale à être effectuée.
[44] En effet, le tribunal est d’avis qu’en l’instance, le remède approprié ne constitue pas à reprendre la totalité de la procédure d’évaluation médicale, mais bien les étapes prévues par la loi après le rapport du docteur Boivin qui a été obtenu par la CSST conformément à la loi. C’est en effet la suite de ce rapport qui pose problème.
[45] Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que le rapport complémentaire du docteur Petitclerc ne peut être assimilé à un accord du médecin qui a charge avec l’opinion du docteur Boivin. Le dossier doit donc être soumis au Bureau d’évaluation médicale pour l’obtention d’un avis sur le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur et l’évaluation de ses limitations fonctionnelles. Il s’agit-là de la solution prévue par la loi lorsque le médecin qui a charge refuse ou néglige de transmettre un rapport complémentaire ou qu’il affirme être en désaccord avec le rapport du médecin désigné par la CSST.
[46] Si le travailleur se considère lésé par la décision à être rendue par la CSST à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, il disposera alors des moyens de contestation prévus à la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 456117-31-1111
REJETTE la requête de monsieur Samuel Nadeau, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur doit être établie sur la base d’un revenu brut annuel de 23 648,49 $;
Dossier 466555-31-1203
ACCUEILLE la requête du travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 24 février 2012, à la suite d’une révision administrative;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle le soumette au Bureau d’évaluation médicale pour obtenir son avis quant au pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et l’évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
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Martin Racine |
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Madame Micheline Pelletier |
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A.T.A. |
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Représentante de la partie requérante |
AVIS :
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