DÉCISION
DOSSIER 149034-63-0010
[1]
Le
25 octobre 2000, monsieur Yvon Crevier (le travailleur) dépose à la Commission
des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision
de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le
17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative.
[2]
Par
cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le
21 juillet 2000 et déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi
convenable de mécanicien soudeur sans travail dans les hauteurs et qu’il est
capable d’exercer cet emploi à compter du 21 juillet 2000 à un salaire annuel
estimé à 39 626,40 $ (DRA 116976325-4).
DOSSIER
149035-63-0010
[3]
Le
25 octobre 2000, monsieur Yvon Crevier dépose à la Commission des lésions
professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST
rendue le 17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative.
[4]
Par
cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues
les 14 janvier et 19 mai 2000. La
décision datée du 14 janvier 2000 portait sur le refus de reconnaître le
diagnostic de douleurs au genou gauche en relation avec l’événement survenu le
26 juin 1999 (DRA 116976325-2).
[5]
Quant
à la décision datée du 19 mai 2000, elle établissait que le travailleur était
porteur d’une atteinte permanente évaluée à 1 % (DRA 116976325-3).
DOSSIER
149036-63-0010
[6]
Le
25 octobre 2000, monsieur Yvon Crevier dépose à la Commission des lésions
professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST
rendue le 17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative.
[7]
Par
cette décision, la CSST modifie la décision qu’elle a initialement rendue le 12
août 1999, qui établissait que la base salariale à partir de laquelle les
indemnités de remplacement du revenu devaient être calculées était de
24 642,80 $. La révision
administrative décide plutôt que la base salariale devait être établie à
34 171,51 $ (DRA 116976325-1).
DOSSIER
153856-63-0101
[8]
Le
12 janvier 2001, monsieur Yvon Crevier dépose à la Commission des lésions
professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST
rendue le 8 janvier 2001, à la suite d’une révision administrative.
[9]
Par
cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues
les 18 et 19 octobre 2000. La décision
datée du 18 octobre 2000 statuait que le travailleur n’avait pas été victime
d’une rechute, une récidive ou une aggravation le 18 juillet 2000, suite au
port d’une orthèse au genou gauche ayant provoqué une réaction allergique (DRA
116976325-5).
[10]
La
décision datée du 19 octobre 2000 était à l’effet de refuser une réclamation
pour une rechute, une récidive ou une aggravation survenue le 12 octobre 2000
concernant le genou gauche (DRA 116976325-6).
L'OBJET DES
CONTESTATIONS
DOSSIER
149034-63-0010
[11]
Le
travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer
que l’emploi de mécanicien soudeur sans travailler dans les hauteurs ne
constitue pas un emploi convenable au sens de l’article
2
de la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi) et qu’il
n’est pas capable de l’exercer (DRA 116976325-4).
DOSSIER
149035-63-0010
[12]
Le
travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer
que les douleurs et la déchirure du ligament croisé antérieur au genou gauche
sont en relation avec l’événement survenu le 26 juin 1999 (DRA 116976325-2).
[13]
Concernant
la décision du 19 mai 2000 établissant le pourcentage d’atteinte permanente à
1 %, le travailleur demande, s’il y a reconnaissance de la déchirure du
ligament croisé antérieur au genou gauche, d’établir que le pourcentage
d’atteinte permanente consécutif à cette lésion est de 10 % (DRA
116976325-3).
DOSSIER
149036-63-0010
[14]
Le
travailleur demande que la base salariale selon laquelle les indemnités de
remplacement du revenu doivent être calculées, si le tribunal considère qu’il
est un travailleur sur appel en vertu de l’article 68 de la loi, soit établie à
49 704,01 $.
[15]
Subsidiairement,
le travailleur indique que les heures de travail devraient être calculées, en
vertu de l’article 68 de la loi, selon la Loi
sur les normes du travail (L.R.Q., c. N.-1.1) en vigueur en 1999 concernant
la semaine normale de travail. Si la
Commission des lésions professionnelles établissait plutôt que le salaire du
travailleur devait être fixé en vertu du contrat de travail en vertu de
l’article 67 de la loi, de reconnaître le salaire qui devait lui être versé au
cours de l’année 1999 (DRA 116976325-1).
DOSSIER
153856-63-0101
[16]
Le
travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’établir
qu’il a été victime d’une rechute, d’une récidive ou d’une aggravation les 18
juillet et 12 octobre 2000; ces réclamations pour des rechutes, des récidives
ou des aggravations sont consécutives à la reconnaissance du diagnostic de la
déchirure du ligament croisé antérieur au genou gauche.
[17]
Lors
de l’audience qui s’est tenue le 8 mai 2001, le travailleur était présent et
représenté. Quant à l’employeur, JECC
Mécanique de Scierie ltée, celui-ci était également présent. La CSST, partie intervenante au dossier,
était représentée.
[18]
Au
début de l’audience, la représentante de la CSST a indiqué que si la Commission
des lésions professionnelles reconnaît la pathologie du genou gauche comme
étant en relation avec la lésion professionnelle survenue le 26 juin 1999, elle
admet que le travailleur n’était pas capable d’exercer l’emploi convenable
retenu et que les rechutes, les récidives ou les aggravations du 18 juillet et
du 12 octobre 2000 sont admissibles. La
représentante de la CSST indique également que le pourcentage d’atteinte
permanente de 10 %, établi par le docteur Sullivan, serait alors conforme
au Règlement sur le barème des dommages
corporels (1987) G.O.II, 5576.
LES FAITS
[19]
Après
avoir entendu les témoignages à l’audience et examiné le dossier, la Commission
des lésions professionnelles retient les faits suivants.
[20]
Monsieur
Yvon Crevier était à l’emploi de JECC Mécanique de Scierie ltée (l’employeur)
en tant que mécanicien soudeur depuis 1994 lorsque, le 26 juin 1999, il fut victime
d’une lésion professionnelle.
[21]
Monsieur
Crevier indique qu’il effectuait des travaux d’oxy-coupage en sous-traitance
chez Forex (aujourd’hui la compagnie Louisiana-Pacific) dans le cadre de la
réfection d’un monte-billes d’une longueur de 70 pieds. Il travaillait alors à l’intérieur du
monte-billes; il était vers le centre de l’appareil et en raison de la pente
abrupte, il devait travailler la jambe droite en extension et la jambe gauche
en flexion, le pied appuyé sur un fer-angle afin de s’y retenir.
[22]
Des
billots de bois, d’une longueur moyenne de huit pieds et de huit pouces de
diamètre, montaient vers un écorceur; un billot est alors entré par
inadvertance dans le retour du monte-billes. Sans que le travailleur s’en
aperçoive, le billot est descendu à toute vitesse et est venu le heurter
violemment à l’intérieur de la cheville gauche. Monsieur Crevé a alors perdu l’équilibre et est tombé à la
renverse sur le côté et l’épaule droite.
Il a glissé dans la chute et a pu se retenir sur un autre fer-angle avec
son pied droit. Lors de l’impact, il a
ressenti une douleur intense à la cheville gauche et des élancements au genou
gauche.
[23]
Suite
à l’événement, monsieur Crevier indique qu’il avait peine à se tenir debout et
à marcher. Il s’est rendu le jour même
au CLSC - Matawinie de St-Michel-des-Saints.
Le docteur Le Goueff pose alors les diagnostics d’entorse et de
contusion à la cheville gauche. Le
docteur Le Goueff a tenté d’obtenir des radiographies de la cheville gauche
mais à cause d’un bris, les radiographies n’ont pu être réalisées que le 28
juin 1999 au Centre hospitalier régional de Lanaudière.
[24]
Monsieur
Crevier précise que c’est à sa demande qu’une radiographie du genou gauche fut
également réalisée. Le radiologiste du
Centre hospitalier régional de Lanaudière a d’ailleurs communiqué avec le
docteur Le Goueff, tel qu’il appert des notes de consultation de ce dernier,
qui a donné son autorisation.
[25]
La
radiographie réalisée le 28 juin 1999 révélait, en ce qui concerne tout d’abord
la cheville gauche, des phénomènes dégénératifs au niveau de la mortaise avec
ostéophytes surtout à la malléole interne.
Il y avait des irrégularités de contours de la surface articulaire de
l’astragale et une formation calcifiée et cortiquée de 9 mm à l’apex de la malléole
externe. Elle démontrait également un
ostéophyte antérieur et postérieur au tibia distal sans évidence cependant de
fracture.
[26]
En
ce qui concerne le genou gauche, il n’y avait pas d’évidence de lésion osseuse
ou articulaire.
[27]
Monsieur
Crevier indique avoir été une semaine en arrêt de travail complet, alors qu’il
se déplaçait à l’aide de béquilles.
L’intensité des douleurs au genou gauche a alors diminué. Il est donc retourné à un travail léger pour
une période de deux jours.
[28]
Le
8 juillet 1999, le travailleur a dû consulter à nouveau en raison de douleurs
très intenses à la cheville gauche. Il
a alors revu le docteur Le Goueff, qui pose le diagnostic de douleur
musculo-squelettique au milieu de la cheville gauche et le réfère en orthopédie
à Joliette.
[29]
Le
14 juillet 1999, monsieur Crevier rencontre le docteur Guy Le Bouthillier,
chirurgien-orthopédiste. Le docteur Le
Bouthillier pose le diagnostic d’entorse de la cheville gauche sur arthrose. Le médecin procède également à
l’installation d’un plâtre, que le travailleur a porté pour une période de
trois semaines.
[30]
Une
nouvelle radiographie de la cheville gauche fut réalisée le 30 juillet 1999 à
la demande du docteur Le Bouthillier.
Cette radiographie démontrait des modifications dégénératives légères en
regard de l’articulation tibio-astragalienne, surtout sur le versant
antéro-externe.
[31]
Interrogé
à cet effet, le travailleur indique avoir effectivement été victime d’une
lésion professionnelle impliquant sa cheville gauche le 21 avril 1986, alors
qu’il était à l’emploi de Forages Poulin et Quirion. Monsieur Crevier indique avoir eu le pied gauche coincé entre des
tuyaux de huit pouces de diamètre, à la hauteur de la cheville gauche. Il avait alors été une semaine en arrêt de
travail et avait éprouvé par la suite quelques difficultés à la marche, mais le
tout était revenu à la normale. Il n’a
éprouvé aucun autre problème.
[32]
Il
indique également avoir été victime, en 1996, d’un événement personnel alors
qu’il est tombé d’un escabeau lors de la construction de sa maison. Il s’était alors tordu le genou gauche et
avait été trois jours sans marcher. Il
avait été une semaine sans travailler et avait repris par la suite son travail
habituel.
[33]
Le
9 août 1999, le travailleur rencontre à nouveau le docteur Le Bouthillier, qui
procède à l’enlèvement du plâtre et le réfère en physiothérapie.
[34]
Monsieur
Crevier a aussi bénéficié d’une botte de marche pour une autre période de trois
semaines; en raison de l’œdème et de l’ankylose qui étaient présents à la
cheville gauche, le docteur Le Bouthillier lui a recommandé le port d’un bas
support.
[35]
Le
travailleur indique avoir mentionné au docteur Le Bouthillier qu’il avait mal
au genou mais le médecin s’était alors concentré sur problème de la cheville
gauche et avait indiqué qu’il traiterait le problème du genou par la suite.
[36]
Comme
il ressentait un bout d’os qui bougeait dans sa cheville gauche, monsieur
Crevier a pris l’initiative de consulter un autre chirurgien-orthopédiste, le
docteur James D. Sullivan, qu’il rencontre pour la première fois le 2 novembre
1999. Le docteur Sullivan pose alors le
diagnostic de contusion à la cheville gauche et cédule une chirurgie afin de
procéder à l’ablation d’un corps étranger.
[37]
Lors
d’une consultation subséquente, le 10 novembre 1999, le docteur Sullivan émet
l’opinion que les douleurs au genou gauche pouvaient être secondaires à la
boiterie occasionnée par la faiblesse de la cheville gauche.
[38]
Cependant,
monsieur Crevier indique que les douleurs au genou ont toujours été présentes
depuis l’événement du 26 juin 1999; à compter d’octobre 1999, il a commencé à
expérimenter des phénomènes de dérobade du genou lors de la mise en charge sur
sa jambe gauche, suite à l’enlèvement de la bottine de marche.
[39]
Le
travailleur a été opéré le 25 novembre 1999, alors qu’une arthrotomie et une
exérèse de corps étranger de la cheville gauche ont été pratiquées.
[40]
Le
20 décembre 1999, le travailleur rencontre le docteur Poissant, en raison des
douleurs augmentées au genou; ce dernier indique que le travailleur peut éprouver
des problèmes ligamentaires au genou gauche mais il croit lui aussi que ces
difficultés sont reliées à la mauvaise démarche du travailleur causée par ses
problèmes de stabilité de la cheville gauche.
[41]
Le
20 janvier 2000, le travailleur revoit le docteur Le Goueff; celui-ci note que
le travailleur éprouve des douleurs au genou gauche et qu’il est possible que
ce problème soit relié à l’événement du 26 juin 1999.
[42]
Le
28 janvier 2000, le travailleur revoit le docteur Sullivan. Celui-ci indique alors que le travailleur
présente une insuffisance de laxité au niveau du ligament croisé
antérieur. Il requiert donc une
résonance magnétique afin de confirmer son diagnostic.
[43]
Le
15 février 2000, la résonance magnétique est réalisée. Elle révèle ce qui suit :
« In
the medial joint compartment, there is a horizontal tear of the posterior horn
of the medial meniscus with a 7 mm parameniscal cyst between to the posterior
tibial attachment of the meniscus and the PCL.
The articular cartilage and subchondral bone are normal.
In
the lateral knee joint compartment, the lateral meniscus, articular cartilage
and subchondral bone are normal.
There
is a complete tear of the proximal femoral insertion fo the ACL. The PCL is intact. The MCL and lateral supporting structures are normal.
Aligmment
of the pattellofemoral joint is anatomic.
The patellar and quadriceps tendons are normal. There is a fissure in the patellar articular
cartilage in the medial ridge. The
subchondral bone is normal.
There
is a very small knee joint effusion.
SUMMARY :
1.
Horizontal
tear of the posterior horn of the medial meniscus with small parameniscal cyst.
2.
Complete
tear of the ACL.
3.
Degeneration
of the patellar articular cartilage with a visible fissure. »
[44]
En
mars 2000, le docteur Sullivan complète une expertise médicale concernant la
relation entre la laxité au genou gauche et l’événement accidentel du 26 juin
1999.
[45]
Après
avoir complété l’histoire médicale, le docteur Sullivan se rapporte à son
examen du 28 janvier 2000 où le travailleur se plaignait particulièrement d’une
douleur au genou gauche et que son genou se disloquait souvent à raison de
trois à quatre fois par semaine. À
l’examen du genou, le docteur Sullivan notait la présence d’une instabilité,
d’un signe de Lachman de un sur quatre et d’un signe de pivot de deux sur
quatre. Il n’existait cependant aucune
atrophie au quadriceps gauche. Le genou
gauche démontrait une extension à 0o et une flexion à 130o
tout comme le genou droit et aucun épanchement n’était observé.
[46]
Le
docteur Sullivan indique qu’il avait requis une résonance magnétique, qui a
démontré une déchirure de la corne postérieure du ménisque interne et qu’il n’y
avait aucun changement au cartilage articulaire ou à l’os souschondral. Le ménisque externe était normal et il
existait une déchirure complète du ligament croisé antérieur. Le ligament croisé postérieur était normal
ainsi que le ligament interne. Il
existait également une fissure au cartilage articulaire de la rotule et un
petit épanchement était noté.
[47]
Dans
son opinion, le docteur Sullivan indique que les problèmes du genou gauche
étaient connus du docteur Le Goueff dès juin 1999 puisque le 28 juin 1999, il
autorisait une radiographie du genou gauche, attestant d’une problématique à ce
site. Le 7 octobre 1999, le docteur Le
Bouthillier faisait également allusion à une lésion au genou gauche.
[48]
Concernant
les antécédents rapportés par le travailleur, malgré qu’il se fut blessé à ce
même genou en 1996, ce dernier n’a connu aucun épisode de blocage ou de
dérobade jusqu’à ce que survienne l’événement de juin 1999. Depuis cet événement, le travailleur se
plaint de douleurs, d’impotence, d’enflure et que son genou lâche à raison de
trois à quatre fois semaine, plus particulièrement depuis octobre 1999.
[49]
Lorsque
le docteur Sullivan examine le travailleur le 28 janvier 2000, il y retrouve
une instabilité clinique compatible avec une déchirure du ligament croisé
antérieur, ce qui est confirmé à la résonance magnétique.
[50]
Selon
le docteur Sullivan, il est clair et net que le requérant souffre d’instabilité
au niveau du genou gauche due à une lésion au croisé antérieur démontrée
cliniquement et radiologiquement; l’événement accidentel lui-même est
susceptible d’avoir causé cette lésion alors que le billot qui l’a heurté a
entraîné un déplacement du genou vers l’extérieur. Il croit donc que bien que la lésion au genou gauche n’ait pas
été officiellement diagnostiquée lors des six premiers mois suite à la
survenance de l’événement, il indique que le travailleur s’est toujours plaint
de cette lésion et le fait qu’il a pu exercer ses fonctions de 1996 à 1999 sans
aucune difficulté et le fait que l’examen ne démontre aucune atrophie au
quadriceps gauche servent à établir la présence d’une lésion suite à
l’événement du 26 juin 1999 plutôt qu’une lésion préexistante en 1996 par
exemple. Il indique également qu’au
procès-verbal de la résonance magnétique, le manque de dégénérescence
importante au cartilage articulaire et au ménisque porte à croire que
l’existence de la déchirure du croisé antérieur est plus récente que celle
d’une lésion qui aurait pu survenir en 1996.
[51]
Le
3 mai 2000, le docteur Sullivan complète un rapport final dans lequel il
indique que suite à l’arthrotomie et l’exérèse du corps étranger à la cheville
gauche et suite à l’instabilité ligamentaire diagnostiquée au genou gauche, la
lésion est consolidée le jour même avec atteinte permanente à l'intégrité
physique et limitations fonctionnelles.
Le docteur Sullivan prescrit le port d’une orthèse au genou gauche et
complète le rapport d’évaluation médicale.
[52]
Le
docteur Sullivan identifie les limitations fonctionnelles suivantes : le
travailleur doit toujours porter son attelle au genou pour le travail en
chantier, sur plate-forme ou en échelle.
Il doit également éviter de se soutenir sur la jambe gauche seulement
alors qu’il est en charge soit sur une plate-forme, une échelle ou un
échafaudage.
[53]
Au
bilan des séquelles, le docteur Sullivan attribue pour la cheville droite un
déficit anatomo-physiologique de 1 % et concernant la nécessité de port
d’une attelle au genou gauche, un déficit anatomo-physiologique de
10 %.
[54]
Le
déficit anatomo-physiologique de 1 % fut reconnu et compensé par la CSST;
cependant, en ce qui concerne le pourcentage d’atteinte permanente au genou
gauche, celui-ci fait présentement l’objet du litige en raison du refus de
reconnaître la relation entre cette pathologie et l’événement du 26 juin 1999.
[55]
Suite
au port de l’attelle, monsieur Crevier a développé une réaction allergique lui
causant d’importantes lésions cutanées et le travailleur a déposé une
réclamation auprès de la CSST pour une rechute, une récidive ou une aggravation
survenue le 18 juillet 2000.
[56]
Monsieur
Crevier a soumis une autre réclamation pour une rechute, une récidive ou une
aggravation survenue le 12 octobre 2000, en raison de l’aggravation de sa
condition au genou gauche.
[57]
Dans
son témoignage, le travailleur indique qu’avant l’événement de 1999, il était
impossible qu’il ait pu présenter une lésion sérieuse au genou gauche; en
effet, il est souvent appelé à travailler dans des endroits restreints, sur des
convoyeurs, il doit souvent grimper, soulever des poids, travailler dans des
échelles, travailler en pente, soulever des câbles ou des plaques d’acier
lourdes en plus d’effectuer l’entretien de moteurs. Il effectuait ce travail sans problème avant l’événement de
1999. Son travail consiste à installer
et à réparer des machines fixes dans des usines de panneaux OSB. Il s’agit d’un travail où il doit marcher
beaucoup, transporter des métaux, travailler en position accroupie et en
force. Il indique qu’il ne croit pas
pouvoir refaire son travail antérieur en raison des blocages fréquents à sa
cheville et des chocs électriques ressentis au pied. Il indique ne pouvoir rester longtemps en position debout et
prend toujours de la médication.
[58]
Il
indique qu’alors qu’il était au service de l’employeur, il pouvait travailleur
entre 42 et 84 heures de travail par semaine lors de travaux de réfection d’une
usine. Il travaillait alors souvent à
un horaire de douze heures par jour, sept jours sur sept. Il indique qu’il travaillait en moyenne 60
heures par semaine, six jours sur sept à raison de dix heures par jour. Il pouvait également faire de l’entretien
préventif (maintenance) selon un horaire de travail précis ou travailler sur
appel s’il y avait des urgences. Il
pouvait également travailler à la mise en marche de nouvelles machineries dans
les usines. Il indique donc qu’au cours
d’une année normale, il travaillait environ dix mois par année et il y avait
environ deux mois où il pouvait prendre des vacances, être payé pour une
semaine normale de travail ou bénéficier de l’assurance-emploi.
[59]
Lors
de son embauche en 1994, il travaillait environ quatre à six mois par année
puisque les contrats obtenus par son employeur peuvent varier d’une journée à
six mois. Il indique que l’entreprise a
connu une très bonne croissance depuis.
Entre les contrats, il pouvait bénéficier d’une semaine ou deux en arrêt
de travail avant d’être rappelé.
L’employeur avait décroché, au cours des dernières années, des contrats
fixes d’entretien.
[60]
Monsieur
Crevier a fourni un rapport des salaires pour les années 1995, 1996, 1997 et
1998. En 1995, il indique avoir gagné
37 768,16 $, en 1996 il indique avoir gagné 31 055,00 $. En 1997, il indique avoir gagné
27 818,00 $ et en 1998, 34 307,00 $. Il indique donc que le revenu moyen des
quatre années antérieures à 1999 est de 32 737,00 $. Il indique qu’en 1996, ses revenus furent
moindres parce qu’il a demandé un congé sans solde de cinq mois afin de
construire sa maison et qu’en 1998, il avait demandé un congé sans solde de
trois mois en raison du décès de son beau-frère.
[61]
Aux
notes évolutives, il est noté à plusieurs reprises que le travailleur indiquait
être un travailleur sur appel, mais à l’audience, il spécifie qu’il était
surtout sur appel lors de situations d’urgence. Pour le reste, il travaillait lorsque l’employeur avait des
contrats de sous-traitance de courte ou de longue durée de façon indéterminée
ou travailler à l’usine.
[62]
Toujours
selon les notes évolutives, des informations provenant de la Direction des
Ressources Humaines du Canada indiquent que le taux horaire pour un travailleur
de même catégorie, occupant un emploi semblable dans la région de Lanaudière,
est de 19,86 $ pour l’année 1998.
[63]
Cependant,
au moment de l’événement du 26 juin 1999, monsieur Crevier travaillait à un
taux horaire de 19,00 $.
[64]
Le
second témoin à avoir été entendu à l’audience est le docteur Gilles Roger
Tremblay, chirurgien-orthopédiste, pour le compte du travailleur. Le docteur Tremblay indique avoir rencontré
le travailleur le 26 juin 2000 afin de réaliser une expertise médicale en
relation avec un accident du travail survenu le 26 juin 1999.
[65]
Après
avoir réalisé l’historique du cas, le docteur Tremblay indique que lorsqu’il a
rencontré le travailleur, il présentait des lésions cutanées importantes avec
ulcérations purulentes et rougeurs recouvrant l’ensemble du membre inférieur
gauche, délimitant très bien l’endroit de l’orthèse. Lors de son examen, le genou gauche démontrait une amplitude
complète mais avec un signe du tiroir antérieur positif à trois sur quatre, un
test de Lachman positif à trois sur quatre et un signe du pivot positif à deux
sur quatre. Le docteur Tremblay indique
que ces signes démontraient une lésion évidente au ligament croisé
antérieur.
[66]
Le
docteur Tremblay indique que le mécanisme de production d’une telle lésion
survient suite à une torsion du genou avec le pied fixe. Le fémur recule alors vers l’arrière par
rapport au tibia, pouvant provoquer une lésion au ligament croisé antérieur
ainsi qu’une lésion méniscale.
Lorsqu’un tel mécanisme survient, le patient peut alors éprouver une
douleur vive et s’il n’y a pas de mise en charge sur le membre inférieur par la
suite, les douleurs disparaissent. On
n’observe alors aucun épanchement. Le
docteur Tremblay indique qu’il est tout à fait normal que le travailleur n’ait
pas présenté une telle condition lors de la rupture du ligament et qu’il s’agit
même d’une situation habituelle, ce ligament étant situé profondément à
l’intérieur du genou. Lorsqu’il y a eu
arrachement à l’une des extrémités suite à un impact à haute vitesse, la
capsule est alors ouverte et il y a une large place pour que l’épanchement soit
absorbé à l’intérieur du genou; il n’y a donc pas d’épanchement à la surface du
genou. S’il y avait eu une déchirure
partielle du ligament croisé antérieur, un épanchement massif aurait pu être
observé ainsi que de la rougeur.
[67]
Dès
que la mise en charge est débutée, il peut y avoir une dérobade du genou sans
qu’il y ait de douleurs vives. Le
docteur Tremblay croit que le mécanisme de production de la lésion du 26 juin
1999 est tout à fait celui qui a provoqué l’arrachement et la rupture complète
du ligament croisé antérieur lorsque le membre inférieur gauche a tourné, avec
torsion du genou et un pied fixe, si bien que dès le début le travailleur s’est
plaint de douleurs au niveau du genou gauche.
[68]
Le
travailleur a confirmé que les douleurs s’étaient amendées lorsqu’il ne se
portait pas sur son membre inférieur; dès qu’il a recommencé à marcher, les
douleurs au niveau du genou gauche sont apparues avec des épisodes de dérobade
ou de subluxation.
[69]
Le
docteur Tremblay indique que le travailleur ne présentait pas de lésion
préexistante puisqu’il aurait été impossible que monsieur Crevier puisse
travailler dans les conditions de travail qu’il décrit. En effet, le travailleur n’aurait pu
s’accroupir ou grimper aisément sans expérimenter des épisodes de dérobade au
genou gauche. Il indique que si le
travailleur avait effectué un travail de bureau, il aurait pu travailler et
connaître des épisodes non douloureux.
[70]
Le
docteur Tremblay analyse également la résonance magnétique réalisée le 15
février 2000. Cette résonance magnétique
démontrait alors une déchirure horizontale du ménisque interne; cette déchirure
n’est pas d’origine traumatique mais peut être due aux dérobades successives
qu’a connu le travailleur depuis l’événement du 26 juin 1999. Il ajoute que les fissures au niveau du
cartilage articulaire peuvent être causées par ces dérobades et qu’il est
impossible que le ligament croisé antérieur puisse se rupturer complètement à
cause d’une boiterie antalgique.
L'AVIS DES
MEMBRES
[71]
Conformément
à la loi, la commissaire soussignée a recueilli l’avis des membres issus des
associations syndicales et d’employeurs sur l’objet des litiges.
[72]
Le
membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations
syndicales sont d’avis qu’il ne fait aucun doute qu’il y a relation entre la
déchirure complète du ligament croisé antérieur et l’événement survenu le 26
juin 1999. Ils retiennent des
explications du travailleur et du témoignage du docteur Gilles Roger Tremblay,
chirurgien-orthopédiste, que l’arrachement complet du ligament croisé antérieur
s’est produit lors de l’événement du 26 juin 1999 et le travailleur a toujours
présenté, par la suite, des douleurs au genou qui se sont amendées alors qu’il
y avait absence de mise en charge mais qui se sont à nouveau manifestées avec
des phénomènes de dérobade lors de l’enlèvement du plâtre au bout de quelques
huit semaines d’immobilisation. Ils
retiennent des explications du docteur Gilles Roger Tremblay que le mécanisme
de production était tout à fait compatible avec l’apparition d’une telle
douleur. Par conséquent, ils indiquent
qu’il y a lieu d’accepter le pourcentage de déficit anatomo-physiologique de
10 % attribué en raison de cette lésion et de reconnaître les rechutes,
les récidives ou les aggravations du 18 juillet 2000 et du 12 octobre 2000 qui
furent causées par une réaction allergique à l’orthèse de soutien prescrite par
le docteur Sullivan. Comme la décision
concernant l’emploi convenable et la capacité de l’exercer fut rendue après que
le travailleur ait produit sa réclamation pour une rechute, une récidive ou une
aggravation le 18 juillet 2000, cette décision est sans objet.
[73]
En
ce qui concerne l’établissement de la base salariale suite à la lésion
professionnelle du 26 juin 1999, le membre issu des associations d’employeurs
est d’avis que le statut du travailleur, alors qu’il était à l’emploi de JECC
Mécanique de Scierie ltée, était celui d’un travailleur sur appel en vertu de
l’article 68 de la loi et qu’il ne s’agissait pas d’un travail à plein temps. Le membre est d’avis qu’il ne faut pas non
plus annualiser le salaire.
[74]
Le
membre issu des associations syndicales est en désaccord avec son
collègue. Celui-ci indique que le
statut du travailleur n’était pas celui d’un travailleur sur appel mais qu’il
était sur appel que lors de situations d’urgence. Sa situation doit être examinée en vertu de l’article 67 de la
loi.
LES MOTIFS
DE LA DÉCISION
[75]
La
Commission des lésions professionnelles doit disposer de plusieurs questions en
litige. Elle doit se prononcer sur la relation
entre les problèmes au genou gauche et l’événement du 26 juin 1999 et de
l’admissibilité de deux réclamations pour rechutes, récidives ou aggravations
survenues les 18 juillet et 12 octobre 2000; elle doit aussi se prononcer sur
l’atteinte permanente résultant de la lésion.
Le tribunal doit également se prononcer sur la question de l’emploi
convenable et de la capacité du travailleur à l’exercer et finalement, elle
doit déterminer la base salariale en vertu de laquelle les indemnités de
remplacement du revenu doivent être calculées.
[76]
La
Commission des lésions professionnelles a étudié avec intérêt l’ensemble du
dossier et analysé les différents témoignages qui furent rendus devant
elle. Elle rend donc en conséquence la
décision suivante.
[77]
Le
tribunal va tout d’abord se prononcer sur la question de la relation entre les
problèmes au genou gauche et l’événement du 26 juin 1999. Tout ce qui concerne la problématique à la
cheville gauche n’est pas contestée.
[78]
Il
ressort du dossier que lors de la survenance de l’événement du 26 juin 1999,
monsieur Crevier a subi un traumatisme d’importance, lorsqu’un tronc d’arbre
est venu le heurter violemment au niveau de la cheville gauche alors qu’il
effectuait des travaux de soudure dans une position contraignante. Lors de l’impact, le travailleur a indiqué
que son pied gauche était appuyé sur un fer-angle afin qu’il puisse conserver
une certaine stabilité. Le tribunal
retient du témoignage très crédible du travailleur que la jambe de ce dernier
fut déportée vers l’extérieur avec un mouvement de torsion et qu’il a chuté à
la renverse sur le côté droit.
[79]
Dès
ce jour, le travailleur s’est plaint d’une douleur au genou, pour laquelle une
première radiographie fut réalisée le 28 juin 1999, avec l’autorisation du
docteur Le Goueff. Cette radiographie
ne démontrait alors aucune anomalie particulière.
[80]
Par
la suite, les douleurs ont diminué quelque peu d’intensité parce que le
travailleur s’est tantôt déplacé à l’aide de béquilles, donc sans mettre de
charge sur son membre inférieur gauche, tantôt à cause du port d’un plâtre à la
cheville gauche ou d’une botte de marche, ce qui a encore eu comme effet que le
travailleur ne sollicitait pas son genou de façon importante. Dès que cette
thérapeutique s’est terminée, le travailleur a vu ses douleurs revenir avec
plus d’intensité en plus d’expérimenter des épisodes de dérobade du genou de
façon répétitive.
[81]
À
cause de ses plaintes continuelles, le docteur Sullivan, qui avait pratiqué une
intervention chirurgicale à la cheville gauche, a réalisé un examen plus
particulier du genou gauche et lors de cet examen, il a pu identifier la
présence de signes cliniques objectifs lui permettant d’identifier un problème
de déchirure du ligament croisé antérieur.
Il a toutefois complété cet examen par une résonance magnétique qui a
confirmé une déchirure complète du ligament croisé antérieur, une déchirure du
ménisque et une atteinte du cartilage.
[82]
Le
docteur Sullivan, en mars 2000, a complété une opinion médicale où il est
d’avis que cette déchirure complète du ligament croisé antérieur fut causée
lors de l’accident dont le travailleur fut victime en juin 1999.
[83]
La
Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage du docteur
Gilles Roger Tremblay, qui va dans le même sens que les observations formulées
par le docteur Sullivan. Plus
particulièrement, le tribunal retient que lors de l’événement du 26 juin 1999,
le travailleur a été victime d’une torsion du genou avec le pied fixe, et que
la déchirure complète du ligament croisé antérieur est survenue dès ce
moment. Comme l’a exprimé le docteur
Tremblay, le travailleur a alors ressenti une douleur intense au genou qui
s’est atténuée par la suite; ce tableau clinique est tout à fait compatible
avec une telle lésion, et comme il y a eu arrachement complet du ligament, il
n’y a pas d’épanchement de noté puisque le genou l’absorbe complètement.
[84]
Le
tribunal ne croit pas que cette déchirure était ancienne; il se fonde sur
l’examen clinique réalisé par le docteur Sullivan, lequel n’a mis en évidence
aucune atrophie du quadriceps gauche; la résonance magnétique du 15 février
2000, ne démontrait aucun signe de dégénérescence. Quant aux autres manifestations observées à la résonance
magnétique, le tribunal retient les explications du docteur Tremblay, qui est à
l’effet que tant la déchirure méniscale que les fissures du cartilage ont pu
être causé par les dérobades répétées du genou qu’a expérimenté le
travailleur. Ces lésions n’ont pu être
provoquées par une boiterie antalgique en raison des problèmes éprouvés à la
cheville gauche.
[85]
Au
surplus, bien que le travailleur ait été victime d’un événement personnel en
1996 qui a entraîné un arrêt de travail pour environ une semaine, il a pu
occuper son travail, qui est très exigeant physiquement, sans aucune difficulté
par la suite. Si une telle lésion avait
été présente auparavant, le travailleur n’aurait pu occuper ses fonctions.
[86]
Compte
tenu de ces motifs, la requête de monsieur Crevier est accueillie.
[87]
Comme
la condition du genou gauche est acceptée, le tribunal tient compte des
admissions de la représentante de la CSST, à savoir que les rechutes, récidives
ou aggravations des 18 juillet et 12 octobre 2000 sont acceptables, tout comme
le pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 10 % pour la condition
du genou est acceptable et que la décision portant sur l’emploi convenable de
mécanicien soudeur sans travail dans les hauteurs devient sans objet puisque
cette décision fut rendue suite au dépôt par le travailleur de sa réclamation
pour une rechute, une récidive ou une aggravation du 18 juillet 2000 qui est
maintenant reconnue.
[88]
La
Commission des lésions professionnelles doit maintenant se prononcer sur la
base salariale qui doit être retenue pour les fins du calcul de l’indemnité de
remplacement du revenu, suite à la lésion professionnelle survenue le 26 juin
1999.
[89]
L’objet
de la loi est défini à l’article 1, qui se lit comme suit :
1. La présente loi a pour
objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles
entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la
fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la
réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une
lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour
dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre
VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 1.
[90]
Les
articles 44 et 45 définissent la notion d’indemnité de remplacement du
revenu :
44. Le travailleur victime
d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu
s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa
lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable
d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
________
1985, c. 6, a. 44.
45. L'indemnité de
remplacement du revenu est égale à 90 % du revenu net retenu que le
travailleur tire annuellement de son emploi.
________
1985, c. 6, a. 45.
[91]
L’incapacité
d’exercer un emploi s’analyse en fonction de la nature de la lésion, de son
stade d’évolution, de la nature et des exigences de l’emploi exercé.
[92]
Il
fut établi, par la jurisprudence, que l’indemnité de remplacement du revenu
vise à compenser la perte de capacité de gagner un revenu[1],
à compter de la date où le travailleur devient incapable d’exercer son emploi.
[93]
La
notion de « revenu net retenu est expliquée à l’article 63 de la
loi :
63. Le revenu net retenu
que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut
annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de
revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du
travailleur pour tenir compte de :
1° l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les
impôts (chapitre I-3) et de la Loi de l’impôt sur le revenu (Statuts
révisés du Canada (1985), chapitre 1, 5e supplément);
2° la cotisation ouvrière payable en vertu de la Loi sur
l'assurance-chômage (Lois révisées du Canada (1985), chapitre U-1); et
3° la contribution payable par le travailleur en vertu de la
Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9).
La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des indemnités de
remplacement du revenu, qui prend effet le 1er janvier de
l'année pour laquelle elle est faite.
Cette table indique des revenus bruts par tranches de
100 $, des situations familiales et les indemnités de remplacement du
revenu correspondantes.
Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux
tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en
fonction de la tranche supérieure.
________
1985, c. 6, a. 63; 1993, c. 15, a. 88.
[94]
Le
principe de la détermination du revenu brut servant à calculer le versement de
l’indemnité de remplacement du revenu est établi suivant les règles édictées
aux articles 65 à 76 de la loi, mais plus particulièrement à l’article 67 de la
loi :
67. Le revenu brut d'un
travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de
travail, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu
brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait
lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi
pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de
son incapacité.
Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut
inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations
pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas
incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en
espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un
logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison
de sa lésion professionnelle et les prestations d'assurance-chômage.
________
1985, c. 6, a. 67.
[95]
La
règle générale est donc de déterminer le revenu brut sur la base du contrat de
travail au moment où se manifeste la lésion.
[96]
Cependant,
il convient de déterminer le statut du travailleur afin de savoir s’il est visé
par une situation particulière.
[97]
La
situation dans le présent dossier soulève la question si le travailleur peut
être considéré comme étant un travailleur saisonnier ou sur appel selon
l’article 68 de la loi :
68. Le revenu brut d'un
travailleur saisonnier ou d'un travailleur sur appel est celui d'un travailleur
de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si ce
travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de
tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son
incapacité.
Le deuxième alinéa de l'article 67 s'applique aux fins
d'établir un revenu brut plus élevé.
________
1985, c. 6, a. 68.
[98]
La
Commission des lésions professionnelles est d’avis que le statut du travailleur
n’est pas celui d’un travailleur saisonnier, dont la caractéristique découle de
sa nature répétitive, régulière et d’une durée limitée à certaines périodes
précises en raison des contraintes climatiques, d’ordre social ou administratif
ou encore de la disponibilité de la matière première[2].
[99]
La
définition du travailleur sur appel fut établie dans l’affaire Bouchard et Maçonnerie Godbout inc.[3],
où le commissaire Groleau indique qu’un travailleur sur appel est lié à un
employeur par un contrat de travail dont la particularité essentielle est que
le travailleur assure l’employeur de sa disponibilité, selon des modalités
préétablies, pour accomplir une prestation de travail qui comporte une
alternance de périodes de travail et des périodes sans travail, irrégulières et
imprévisibles.
[100]
Dans
l’affaire Ministère des Forêts et
Maffiolin[4], le commissaire Jolicoeur, après avoir
cité avec approbation la décision Maçonnerie
Godbout inc., ajoute ceci :
« En
soi, le fait qu’un travailleur ait un contrat de travail d’une durée
déterminée, qui peut être prolongé, et qu’il est susceptible d’être rappelé au
travail, n’en fait pas un travailleur sur appel selon les critères dégagés dans
cette décision (…) »
[101]
Dans
la cause Denis et Compagnie de Pavage
d’Asphalte Beaver[5],
le commissaire Ouellet, après avoir lui aussi cité avec approbation la décision
Maçonnerie Godbout inc., indique
ceci :
« De
plus, même un travailleur employé sporadiquement ne peut être considéré, en
raison de ce seul fait comme un travailleur sur appel. »
[102]
Dans
le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que
le statut de monsieur Crevier n’est pas celui d’un travailleur sur appel, au
sens où l’entend la jurisprudence et pouvant justifier l’application de
l’article 68 de la loi, tel que précité.
En effet, le travailleur était à l’emploi de la compagnie JECC Mécanique
de Scierie ltée depuis 1994 et en vertu du contrat de travail, il n’y a aucune
modalité préétablie qui gouverne l’accomplissement des prestations de travail,
qui sont variables. Aucune preuve de
telles modalités n’a été fournie lors de l’audience à cet effet. Monsieur Crevier travaille exclusivement
pour cet employeur et connaît habituellement à l’avance ses horaires de
travail, sauf dans les cas d’urgence.
De la compréhension du tribunal, monsieur Crevier était considéré comme
un employé régulier par son employeur et le seul fait de travailler lorsque les
contrats sont disponibles ne change pas son statut. Monsieur Crevier n’offrait pas une prestation de travail
ponctuelle ou prévue, suite à laquelle il était dégagé de tout lien avec son
employeur.
[103]
Dans
l’affaire Boudreault et Arbo Service inc.[6], on indique ce qui suit :
« (…)
le caractère occasionnel et temporaire d’un emploi, de même que le chômage
intermittent, ne signifient pas nécessairement qu’un salarié doit être
considéré comme étant un travailleur sur appel au sens de l’article
68
de la
LATMP.(…)
[104]
Chaque
cas est un cas d’espèce et doit être analysé selon ses circonstances
particulières.
[105]
La
Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que se sont les
dispositions de l’article 67 de la loi qui doivent trouver application dans le
présent dossier et que le calcul du revenu brut pour monsieur Crevier doit
s’effectuer selon son contrat de travail.
[106]
Quel
était donc, selon la preuve présentée, ce contrat de travail? La Commission des lésions professionnelles
retient que monsieur Crevier travaillait, au moment de l’événement survenu le
26 juin 1999, à un taux horaire de 19,00 $ et qu’il effectuait entre 42 et
84 heures de travail par semaine, selon les assignations de travail. Le tribunal retient que dans la
détermination du revenu brut du travailleur, il faut adopter une interprétation
qui ne donne pas un résultat qui est manifestement déraisonnable, lorsque
plusieurs interprétations sont possibles.
C’est pourquoi, de l’avis du tribunal, il est raisonnable de retenir que
le travailleur effectuait normalement 42 heures de travail par semaine,
puisqu’il est impossible qu’il ait pu effectuer de façon continue un travail
lui demandant d’être en poste pendant 84 heures chaque semaine et que cette
situation constituait la norme et la réalité.
[107]
En
ce qui concerne maintenant l’annualisation du revenu brut, la jurisprudence
majoritaire de la Commission d’appel et de la Commission des lésions
professionnelles a établi à maintes reprises que ce revenu devait être
annualisé. C’est dans l’affaire Maçonnerie Godbout inc., précitée, que
le commissaire Groleau est venu en établir les balises :
« La
Commission d’appel considère cependant qu’aux fins de l’établissement du revenu
brut du travailleur, on doit nécessairement annualiser le revenu brut prévu par
son contrat de travail, vu les articles
45
et
63
de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles(…) »
[108]
Le
calcul du revenu brut, fait de cette manière, ne conduit pas à une conclusion
manifestement déraisonnable, comme ce fut le cas dans l’affaire Groupe Forage Major Drilling Group
International inc. et CALP[7],
où le revenu brut ne fut pas annualisé.
Dans le cas qui nous concerne, le calcul du revenu brut fait
conformément à l’article 67 de la loi précitée, ramené sur une base annuelle
peut se rapprocher, de façon réaliste, de la perte qu’a subie le travailleur.
[109]
Le
calcul du revenu brut doit donc s’effectuer de la façon suivante :
19,00 $ X 42 heures par semaine X 52 semaines, pour un total de :
41 496,00 $.
PAR CES MOTIFS, LA
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier
149034-63-0010 :
ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon
Crevier, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail rendue le17 octobre 2000, à la suite
d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi de mécanicien
soudeur sans travail dans les hauteurs ne constitue pas un emploi convenable au
sens de l’article 2 de la loi et que le travailleur n’est par conséquent pas
capable de l’exercer;
Dossier
149035-63-0010 :
ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon
Crevier, le travailleur;
INFIRME la décision de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 octobre 2000,
à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de
douleurs au genou gauche et de déchirure du ligament croisé antérieur gauche
est en relation avec l’événement survenu le 26 juin 1999;
DÉCLARE que le pourcentage
d’atteinte permanente en relation avec cette lésion du genou gauche est de
10 %;
DÉCLARE que monsieur Yvon Crevier,
le travailleur, a droit aux indemnités de remplacement de revenu et aux
bénéfices prévus par la loi;
Dossier 149036-63-0010 :
ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon
Crevier, le travailleur;
INFIRME la décision de la
Commission de la santé de la sécurité du travail rendue le 17 octobre 2000, à
la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la base salariale en
vertu de laquelle les indemnités de remplacement du revenu doivent être versées
est de 41 496,00 $;
Dossier
153856-63-0101 :
ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon
Crevier, le travailleur;
INFIRME la décision de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 8 janvier 2001, à
la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Yvon Crevier,
le travailleur, a subi des rechutes, des récidives ou des aggravations les 18
juillet et 12 octobre 2000, en relation avec la lésion professionnelle survenue
au genou gauche;
DÉCLARE que monsieur Yvon Crevier,
le travailleur, a droit aux bénéfices prévus par la loi.
|
|
|
Manon
Gauthier |
|
Commissaire |
|
|
Laporte
& Lavallée (Me
André Laporte) |
|
|
|
Représentant
de la partie requérante |
|
|
|
|
|
JECC
Mécanique de scierie ltée (M.
Jacques Éthier) |
|
|
|
Représentant
de la partie intéressée |
|
|
|
|
|
Panneton Lessard (Me Josée Picard) |
|
|
|
Représentante
de la partie intervenante |
|
|
[1] Bergeron et Sintra inc.
[1988] CALP 1
, requête en évocation rejetée,
C.S. Montréal, 500-05-002876-884, 88-06-09, j. Trudeau; Croteau et Commission
scolaire de Chambly
[1995] CALP 1331
; Vachon et CALP
[1996] CALP 531
(C.S)
[2] Bélanger et Pêches Nordiques inc., [1986] CALP, 278; McCormack et
Énerchen Transport inc., 08844-60-8808, S.Lemire, commissaire; Naud et Misener
Shipping ltée,
[1991] CALP 715
.
[3]
[1988] CALP 636
, requête en évocation rejetée,
[1989] CALP 242
(C.S),
appel rejeté,
[1999] CLP 720
.
[4]
[1994] CALP 1666
, révision rejetée, 40405-01-9206, 27-06-95, Pierre
Brazeau, commissaire.
[5]
[1997] CALP 98
.
[6]
[1997] CALP 1218
.
[7]
[1998] CLP 174
(C.S.), en appel, C.A. Montréal, 500-09-006750-988.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.