Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 13 juin 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

149034-63-0010

149035-63-0010

149036-63-0010

153856-63-0101

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Manon Gauthier

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Madame Lorraine Patenaude,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Madame Lyne Gingras,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Dr Michel Lesage

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

116976325-4

116976325-2-3

116976325-1

116976325-5-6

AUDIENCE TENUE LE :

8 mai 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

yvon crevier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

jecc mécanique de scierie ltée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail - lanaudière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

DOSSIER 149034-63-0010

 

[1]                Le 25 octobre 2000, monsieur Yvon Crevier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 21 juillet 2000 et déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable de mécanicien soudeur sans travail dans les hauteurs et qu’il est capable d’exercer cet emploi à compter du 21 juillet 2000 à un salaire annuel estimé à 39 626,40 $ (DRA 116976325-4).

DOSSIER 149035-63-0010

[3]                Le 25 octobre 2000, monsieur Yvon Crevier dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues les 14 janvier et 19 mai 2000.  La décision datée du 14 janvier 2000 portait sur le refus de reconnaître le diagnostic de douleurs au genou gauche en relation avec l’événement survenu le 26 juin 1999 (DRA 116976325-2). 

[5]                Quant à la décision datée du 19 mai 2000, elle établissait que le travailleur était porteur d’une atteinte permanente évaluée à 1 % (DRA 116976325-3).

DOSSIER 149036-63-0010

[6]                Le 25 octobre 2000, monsieur Yvon Crevier dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative.

 

 

[7]                Par cette décision, la CSST modifie la décision qu’elle a initialement rendue le 12 août 1999, qui établissait que la base salariale à partir de laquelle les indemnités de remplacement du revenu devaient être calculées était de 24 642,80 $.  La révision administrative décide plutôt que la base salariale devait être établie à 34 171,51 $ (DRA 116976325-1).

DOSSIER 153856-63-0101

[8]                Le 12 janvier 2001, monsieur Yvon Crevier dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 8 janvier 2001, à la suite d’une révision administrative.

[9]                Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues les 18 et 19 octobre 2000.  La décision datée du 18 octobre 2000 statuait que le travailleur n’avait pas été victime d’une rechute, une récidive ou une aggravation le 18 juillet 2000, suite au port d’une orthèse au genou gauche ayant provoqué une réaction allergique (DRA 116976325-5).

[10]            La décision datée du 19 octobre 2000 était à l’effet de refuser une réclamation pour une rechute, une récidive ou une aggravation survenue le 12 octobre 2000 concernant le genou gauche (DRA 116976325-6).

 

L'OBJET DES CONTESTATIONS

DOSSIER 149034-63-0010

[11]            Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi de mécanicien soudeur sans travailler dans les hauteurs ne constitue pas un emploi convenable au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi) et qu’il n’est pas capable de l’exercer (DRA 116976325-4).

DOSSIER 149035-63-0010

[12]            Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les douleurs et la déchirure du ligament croisé antérieur au genou gauche sont en relation avec l’événement survenu le 26 juin 1999 (DRA 116976325-2).

 

[13]            Concernant la décision du 19 mai 2000 établissant le pourcentage d’atteinte permanente à 1 %, le travailleur demande, s’il y a reconnaissance de la déchirure du ligament croisé antérieur au genou gauche, d’établir que le pourcentage d’atteinte permanente consécutif à cette lésion est de 10 % (DRA 116976325-3).

DOSSIER 149036-63-0010

[14]            Le travailleur demande que la base salariale selon laquelle les indemnités de remplacement du revenu doivent être calculées, si le tribunal considère qu’il est un travailleur sur appel en vertu de l’article 68 de la loi, soit établie à 49 704,01 $.

[15]            Subsidiairement, le travailleur indique que les heures de travail devraient être calculées, en vertu de l’article 68 de la loi, selon la Loi sur les normes du travail (L.R.Q., c. N.-1.1) en vigueur en 1999 concernant la semaine normale de travail.  Si la Commission des lésions professionnelles établissait plutôt que le salaire du travailleur devait être fixé en vertu du contrat de travail en vertu de l’article 67 de la loi, de reconnaître le salaire qui devait lui être versé au cours de l’année 1999 (DRA 116976325-1).

DOSSIER 153856-63-0101

[16]            Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’établir qu’il a été victime d’une rechute, d’une récidive ou d’une aggravation les 18 juillet et 12 octobre 2000; ces réclamations pour des rechutes, des récidives ou des aggravations sont consécutives à la reconnaissance du diagnostic de la déchirure du ligament croisé antérieur au genou gauche.

[17]            Lors de l’audience qui s’est tenue le 8 mai 2001, le travailleur était présent et représenté.  Quant à l’employeur, JECC Mécanique de Scierie ltée, celui-ci était également présent.  La CSST, partie intervenante au dossier, était représentée.

[18]            Au début de l’audience, la représentante de la CSST a indiqué que si la Commission des lésions professionnelles reconnaît la pathologie du genou gauche comme étant en relation avec la lésion professionnelle survenue le 26 juin 1999, elle admet que le travailleur n’était pas capable d’exercer l’emploi convenable retenu et que les rechutes, les récidives ou les aggravations du 18 juillet et du 12 octobre 2000 sont admissibles.  La représentante de la CSST indique également que le pourcentage d’atteinte permanente de 10 %, établi par le docteur Sullivan, serait alors conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels (1987) G.O.II, 5576.

 

 

LES FAITS

[19]            Après avoir entendu les témoignages à l’audience et examiné le dossier, la Commission des lésions professionnelles retient les faits suivants.

[20]            Monsieur Yvon Crevier était à l’emploi de JECC Mécanique de Scierie ltée (l’employeur) en tant que mécanicien soudeur depuis 1994 lorsque, le 26 juin 1999, il fut victime d’une lésion professionnelle. 

[21]            Monsieur Crevier indique qu’il effectuait des travaux d’oxy-coupage en sous-traitance chez Forex (aujourd’hui la compagnie Louisiana-Pacific) dans le cadre de la réfection d’un monte-billes d’une longueur de 70 pieds.  Il travaillait alors à l’intérieur du monte-billes; il était vers le centre de l’appareil et en raison de la pente abrupte, il devait travailler la jambe droite en extension et la jambe gauche en flexion, le pied appuyé sur un fer-angle afin de s’y retenir.

[22]            Des billots de bois, d’une longueur moyenne de huit pieds et de huit pouces de diamètre, montaient vers un écorceur; un billot est alors entré par inadvertance dans le retour du monte-billes. Sans que le travailleur s’en aperçoive, le billot est descendu à toute vitesse et est venu le heurter violemment à l’intérieur de la cheville gauche.  Monsieur Crevé a alors perdu l’équilibre et est tombé à la renverse sur le côté et l’épaule droite.  Il a glissé dans la chute et a pu se retenir sur un autre fer-angle avec son pied droit.  Lors de l’impact, il a ressenti une douleur intense à la cheville gauche et des élancements au genou gauche.

[23]            Suite à l’événement, monsieur Crevier indique qu’il avait peine à se tenir debout et à marcher.  Il s’est rendu le jour même au CLSC - Matawinie de St-Michel-des-Saints.  Le docteur Le Goueff pose alors les diagnostics d’entorse et de contusion à la cheville gauche.  Le docteur Le Goueff a tenté d’obtenir des radiographies de la cheville gauche mais à cause d’un bris, les radiographies n’ont pu être réalisées que le 28 juin 1999 au Centre hospitalier régional de Lanaudière. 

[24]            Monsieur Crevier précise que c’est à sa demande qu’une radiographie du genou gauche fut également réalisée.  Le radiologiste du Centre hospitalier régional de Lanaudière a d’ailleurs communiqué avec le docteur Le Goueff, tel qu’il appert des notes de consultation de ce dernier, qui a donné son autorisation.

[25]            La radiographie réalisée le 28 juin 1999 révélait, en ce qui concerne tout d’abord la cheville gauche, des phénomènes dégénératifs au niveau de la mortaise avec ostéophytes surtout à la malléole interne.  Il y avait des irrégularités de contours de la surface articulaire de l’astragale et une formation calcifiée et cortiquée de 9 mm à l’apex de la malléole externe.  Elle démontrait également un ostéophyte antérieur et postérieur au tibia distal sans évidence cependant de fracture. 

[26]            En ce qui concerne le genou gauche, il n’y avait pas d’évidence de lésion osseuse ou articulaire.

[27]            Monsieur Crevier indique avoir été une semaine en arrêt de travail complet, alors qu’il se déplaçait à l’aide de béquilles.  L’intensité des douleurs au genou gauche a alors diminué.  Il est donc retourné à un travail léger pour une période de deux jours. 

[28]            Le 8 juillet 1999, le travailleur a dû consulter à nouveau en raison de douleurs très intenses à la cheville gauche.  Il a alors revu le docteur Le Goueff, qui pose le diagnostic de douleur musculo-squelettique au milieu de la cheville gauche et le réfère en orthopédie à Joliette.

[29]            Le 14 juillet 1999, monsieur Crevier rencontre le docteur Guy Le Bouthillier, chirurgien-orthopédiste.  Le docteur Le Bouthillier pose le diagnostic d’entorse de la cheville gauche sur arthrose.  Le médecin procède également à l’installation d’un plâtre, que le travailleur a porté pour une période de trois semaines.

[30]            Une nouvelle radiographie de la cheville gauche fut réalisée le 30 juillet 1999 à la demande du docteur Le Bouthillier.  Cette radiographie démontrait des modifications dégénératives légères en regard de l’articulation tibio-astragalienne, surtout sur le versant antéro-externe.

[31]            Interrogé à cet effet, le travailleur indique avoir effectivement été victime d’une lésion professionnelle impliquant sa cheville gauche le 21 avril 1986, alors qu’il était à l’emploi de Forages Poulin et Quirion.  Monsieur Crevier indique avoir eu le pied gauche coincé entre des tuyaux de huit pouces de diamètre, à la hauteur de la cheville gauche.  Il avait alors été une semaine en arrêt de travail et avait éprouvé par la suite quelques difficultés à la marche, mais le tout était revenu à la normale.  Il n’a éprouvé aucun autre problème.

[32]            Il indique également avoir été victime, en 1996, d’un événement personnel alors qu’il est tombé d’un escabeau lors de la construction de sa maison.  Il s’était alors tordu le genou gauche et avait été trois jours sans marcher.  Il avait été une semaine sans travailler et avait repris par la suite son travail habituel.

[33]            Le 9 août 1999, le travailleur rencontre à nouveau le docteur Le Bouthillier, qui procède à l’enlèvement du plâtre et le réfère en physiothérapie.

[34]            Monsieur Crevier a aussi bénéficié d’une botte de marche pour une autre période de trois semaines; en raison de l’œdème et de l’ankylose qui étaient présents à la cheville gauche, le docteur Le Bouthillier lui a recommandé le port d’un bas support.

[35]            Le travailleur indique avoir mentionné au docteur Le Bouthillier qu’il avait mal au genou mais le médecin s’était alors concentré sur problème de la cheville gauche et avait indiqué qu’il traiterait le problème du genou par la suite.

[36]            Comme il ressentait un bout d’os qui bougeait dans sa cheville gauche, monsieur Crevier a pris l’initiative de consulter un autre chirurgien-orthopédiste, le docteur James D. Sullivan, qu’il rencontre pour la première fois le 2 novembre 1999.  Le docteur Sullivan pose alors le diagnostic de contusion à la cheville gauche et cédule une chirurgie afin de procéder à l’ablation d’un corps étranger. 

[37]            Lors d’une consultation subséquente, le 10 novembre 1999, le docteur Sullivan émet l’opinion que les douleurs au genou gauche pouvaient être secondaires à la boiterie occasionnée par la faiblesse de la cheville gauche.

[38]            Cependant, monsieur Crevier indique que les douleurs au genou ont toujours été présentes depuis l’événement du 26 juin 1999; à compter d’octobre 1999, il a commencé à expérimenter des phénomènes de dérobade du genou lors de la mise en charge sur sa jambe gauche, suite à l’enlèvement de la bottine de marche.

[39]            Le travailleur a été opéré le 25 novembre 1999, alors qu’une arthrotomie et une exérèse de corps étranger de la cheville gauche ont été pratiquées.

[40]            Le 20 décembre 1999, le travailleur rencontre le docteur Poissant, en raison des douleurs augmentées au genou; ce dernier indique que le travailleur peut éprouver des problèmes ligamentaires au genou gauche mais il croit lui aussi que ces difficultés sont reliées à la mauvaise démarche du travailleur causée par ses problèmes de stabilité de la cheville gauche.

[41]            Le 20 janvier 2000, le travailleur revoit le docteur Le Goueff; celui-ci note que le travailleur éprouve des douleurs au genou gauche et qu’il est possible que ce problème soit relié à l’événement du 26 juin 1999.

[42]            Le 28 janvier 2000, le travailleur revoit le docteur Sullivan.  Celui-ci indique alors que le travailleur présente une insuffisance de laxité au niveau du ligament croisé antérieur.  Il requiert donc une résonance magnétique afin de confirmer son diagnostic.

[43]            Le 15 février 2000, la résonance magnétique est réalisée.  Elle révèle ce qui suit :

« In the medial joint compartment, there is a horizontal tear of the posterior horn of the medial meniscus with a 7 mm parameniscal cyst between to the posterior tibial attachment of the meniscus and the PCL.  The articular cartilage and subchondral bone are normal.

 

In the lateral knee joint compartment, the lateral meniscus, articular cartilage and subchondral bone are normal.

 

There is a complete tear of the proximal femoral insertion fo the ACL.  The PCL is intact.  The MCL and lateral supporting structures are normal.

 

Aligmment of the pattellofemoral joint is anatomic.  The patellar and quadriceps tendons are normal.  There is a fissure in the patellar articular cartilage in the medial ridge.  The subchondral bone is normal.

 

There is a very small knee joint effusion.

 

SUMMARY :

 

1.       Horizontal tear of the posterior horn of the medial meniscus with small parameniscal cyst.

2.       Complete tear of the ACL.

3.       Degeneration of the patellar articular cartilage with a visible fissure. »

 

 

[44]            En mars 2000, le docteur Sullivan complète une expertise médicale concernant la relation entre la laxité au genou gauche et l’événement accidentel du 26 juin 1999.

[45]            Après avoir complété l’histoire médicale, le docteur Sullivan se rapporte à son examen du 28 janvier 2000 où le travailleur se plaignait particulièrement d’une douleur au genou gauche et que son genou se disloquait souvent à raison de trois à quatre fois par semaine.  À l’examen du genou, le docteur Sullivan notait la présence d’une instabilité, d’un signe de Lachman de un sur quatre et d’un signe de pivot de deux sur quatre.  Il n’existait cependant aucune atrophie au quadriceps gauche.  Le genou gauche démontrait une extension à 0o et une flexion à 130o tout comme le genou droit et aucun épanchement n’était observé.

[46]            Le docteur Sullivan indique qu’il avait requis une résonance magnétique, qui a démontré une déchirure de la corne postérieure du ménisque interne et qu’il n’y avait aucun changement au cartilage articulaire ou à l’os souschondral.  Le ménisque externe était normal et il existait une déchirure complète du ligament croisé antérieur.  Le ligament croisé postérieur était normal ainsi que le ligament interne.  Il existait également une fissure au cartilage articulaire de la rotule et un petit épanchement était noté.

[47]            Dans son opinion, le docteur Sullivan indique que les problèmes du genou gauche étaient connus du docteur Le Goueff dès juin 1999 puisque le 28 juin 1999, il autorisait une radiographie du genou gauche, attestant d’une problématique à ce site.  Le 7 octobre 1999, le docteur Le Bouthillier faisait également allusion à une lésion au genou gauche.

[48]            Concernant les antécédents rapportés par le travailleur, malgré qu’il se fut blessé à ce même genou en 1996, ce dernier n’a connu aucun épisode de blocage ou de dérobade jusqu’à ce que survienne l’événement de juin 1999.  Depuis cet événement, le travailleur se plaint de douleurs, d’impotence, d’enflure et que son genou lâche à raison de trois à quatre fois semaine, plus particulièrement depuis octobre 1999.

[49]            Lorsque le docteur Sullivan examine le travailleur le 28 janvier 2000, il y retrouve une instabilité clinique compatible avec une déchirure du ligament croisé antérieur, ce qui est confirmé à la résonance magnétique.

[50]            Selon le docteur Sullivan, il est clair et net que le requérant souffre d’instabilité au niveau du genou gauche due à une lésion au croisé antérieur démontrée cliniquement et radiologiquement; l’événement accidentel lui-même est susceptible d’avoir causé cette lésion alors que le billot qui l’a heurté a entraîné un déplacement du genou vers l’extérieur.  Il croit donc que bien que la lésion au genou gauche n’ait pas été officiellement diagnostiquée lors des six premiers mois suite à la survenance de l’événement, il indique que le travailleur s’est toujours plaint de cette lésion et le fait qu’il a pu exercer ses fonctions de 1996 à 1999 sans aucune difficulté et le fait que l’examen ne démontre aucune atrophie au quadriceps gauche servent à établir la présence d’une lésion suite à l’événement du 26 juin 1999 plutôt qu’une lésion préexistante en 1996 par exemple.  Il indique également qu’au procès-verbal de la résonance magnétique, le manque de dégénérescence importante au cartilage articulaire et au ménisque porte à croire que l’existence de la déchirure du croisé antérieur est plus récente que celle d’une lésion qui aurait pu survenir en 1996.

[51]            Le 3 mai 2000, le docteur Sullivan complète un rapport final dans lequel il indique que suite à l’arthrotomie et l’exérèse du corps étranger à la cheville gauche et suite à l’instabilité ligamentaire diagnostiquée au genou gauche, la lésion est consolidée le jour même avec atteinte permanente à l'intégrité physique et limitations fonctionnelles.  Le docteur Sullivan prescrit le port d’une orthèse au genou gauche et complète le rapport d’évaluation médicale.

[52]            Le docteur Sullivan identifie les limitations fonctionnelles suivantes : le travailleur doit toujours porter son attelle au genou pour le travail en chantier, sur plate-forme ou en échelle.  Il doit également éviter de se soutenir sur la jambe gauche seulement alors qu’il est en charge soit sur une plate-forme, une échelle ou un échafaudage. 

[53]            Au bilan des séquelles, le docteur Sullivan attribue pour la cheville droite un déficit anatomo-physiologique de 1 % et concernant la nécessité de port d’une attelle au genou gauche, un déficit anatomo-physiologique de 10 %. 

[54]            Le déficit anatomo-physiologique de 1 % fut reconnu et compensé par la CSST; cependant, en ce qui concerne le pourcentage d’atteinte permanente au genou gauche, celui-ci fait présentement l’objet du litige en raison du refus de reconnaître la relation entre cette pathologie et l’événement du 26 juin 1999.

[55]            Suite au port de l’attelle, monsieur Crevier a développé une réaction allergique lui causant d’importantes lésions cutanées et le travailleur a déposé une réclamation auprès de la CSST pour une rechute, une récidive ou une aggravation survenue le 18 juillet 2000.

[56]            Monsieur Crevier a soumis une autre réclamation pour une rechute, une récidive ou une aggravation survenue le 12 octobre 2000, en raison de l’aggravation de sa condition au genou gauche.

[57]            Dans son témoignage, le travailleur indique qu’avant l’événement de 1999, il était impossible qu’il ait pu présenter une lésion sérieuse au genou gauche; en effet, il est souvent appelé à travailler dans des endroits restreints, sur des convoyeurs, il doit souvent grimper, soulever des poids, travailler dans des échelles, travailler en pente, soulever des câbles ou des plaques d’acier lourdes en plus d’effectuer l’entretien de moteurs.  Il effectuait ce travail sans problème avant l’événement de 1999.  Son travail consiste à installer et à réparer des machines fixes dans des usines de panneaux OSB.  Il s’agit d’un travail où il doit marcher beaucoup, transporter des métaux, travailler en position accroupie et en force.  Il indique qu’il ne croit pas pouvoir refaire son travail antérieur en raison des blocages fréquents à sa cheville et des chocs électriques ressentis au pied.  Il indique ne pouvoir rester longtemps en position debout et prend toujours de la médication. 

[58]            Il indique qu’alors qu’il était au service de l’employeur, il pouvait travailleur entre 42 et 84 heures de travail par semaine lors de travaux de réfection d’une usine.  Il travaillait alors souvent à un horaire de douze heures par jour, sept jours sur sept.  Il indique qu’il travaillait en moyenne 60 heures par semaine, six jours sur sept à raison de dix heures par jour.  Il pouvait également faire de l’entretien préventif (maintenance) selon un horaire de travail précis ou travailler sur appel s’il y avait des urgences.  Il pouvait également travailler à la mise en marche de nouvelles machineries dans les usines.  Il indique donc qu’au cours d’une année normale, il travaillait environ dix mois par année et il y avait environ deux mois où il pouvait prendre des vacances, être payé pour une semaine normale de travail ou bénéficier de l’assurance-emploi. 

[59]            Lors de son embauche en 1994, il travaillait environ quatre à six mois par année puisque les contrats obtenus par son employeur peuvent varier d’une journée à six mois.  Il indique que l’entreprise a connu une très bonne croissance depuis.  Entre les contrats, il pouvait bénéficier d’une semaine ou deux en arrêt de travail avant d’être rappelé.  L’employeur avait décroché, au cours des dernières années, des contrats fixes d’entretien.

[60]            Monsieur Crevier a fourni un rapport des salaires pour les années 1995, 1996, 1997 et 1998.  En 1995, il indique avoir gagné 37 768,16 $, en 1996 il indique avoir gagné 31 055,00 $.  En 1997, il indique avoir gagné 27 818,00 $ et en 1998, 34 307,00 $.  Il indique donc que le revenu moyen des quatre années antérieures à 1999 est de 32 737,00 $.  Il indique qu’en 1996, ses revenus furent moindres parce qu’il a demandé un congé sans solde de cinq mois afin de construire sa maison et qu’en 1998, il avait demandé un congé sans solde de trois mois en raison du décès de son beau-frère.

[61]            Aux notes évolutives, il est noté à plusieurs reprises que le travailleur indiquait être un travailleur sur appel, mais à l’audience, il spécifie qu’il était surtout sur appel lors de situations d’urgence.  Pour le reste, il travaillait lorsque l’employeur avait des contrats de sous-traitance de courte ou de longue durée de façon indéterminée ou travailler à l’usine.

[62]            Toujours selon les notes évolutives, des informations provenant de la Direction des Ressources Humaines du Canada indiquent que le taux horaire pour un travailleur de même catégorie, occupant un emploi semblable dans la région de Lanaudière, est de 19,86 $ pour l’année 1998. 

[63]            Cependant, au moment de l’événement du 26 juin 1999, monsieur Crevier travaillait à un taux horaire de 19,00 $.

[64]            Le second témoin à avoir été entendu à l’audience est le docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien-orthopédiste, pour le compte du travailleur.  Le docteur Tremblay indique avoir rencontré le travailleur le 26 juin 2000 afin de réaliser une expertise médicale en relation avec un accident du travail survenu le 26 juin 1999.

[65]            Après avoir réalisé l’historique du cas, le docteur Tremblay indique que lorsqu’il a rencontré le travailleur, il présentait des lésions cutanées importantes avec ulcérations purulentes et rougeurs recouvrant l’ensemble du membre inférieur gauche, délimitant très bien l’endroit de l’orthèse.  Lors de son examen, le genou gauche démontrait une amplitude complète mais avec un signe du tiroir antérieur positif à trois sur quatre, un test de Lachman positif à trois sur quatre et un signe du pivot positif à deux sur quatre.  Le docteur Tremblay indique que ces signes démontraient une lésion évidente au ligament croisé antérieur. 

[66]            Le docteur Tremblay indique que le mécanisme de production d’une telle lésion survient suite à une torsion du genou avec le pied fixe.  Le fémur recule alors vers l’arrière par rapport au tibia, pouvant provoquer une lésion au ligament croisé antérieur ainsi qu’une lésion méniscale.  Lorsqu’un tel mécanisme survient, le patient peut alors éprouver une douleur vive et s’il n’y a pas de mise en charge sur le membre inférieur par la suite, les douleurs disparaissent.  On n’observe alors aucun épanchement.  Le docteur Tremblay indique qu’il est tout à fait normal que le travailleur n’ait pas présenté une telle condition lors de la rupture du ligament et qu’il s’agit même d’une situation habituelle, ce ligament étant situé profondément à l’intérieur du genou.  Lorsqu’il y a eu arrachement à l’une des extrémités suite à un impact à haute vitesse, la capsule est alors ouverte et il y a une large place pour que l’épanchement soit absorbé à l’intérieur du genou; il n’y a donc pas d’épanchement à la surface du genou.  S’il y avait eu une déchirure partielle du ligament croisé antérieur, un épanchement massif aurait pu être observé ainsi que de la rougeur.

[67]            Dès que la mise en charge est débutée, il peut y avoir une dérobade du genou sans qu’il y ait de douleurs vives.  Le docteur Tremblay croit que le mécanisme de production de la lésion du 26 juin 1999 est tout à fait celui qui a provoqué l’arrachement et la rupture complète du ligament croisé antérieur lorsque le membre inférieur gauche a tourné, avec torsion du genou et un pied fixe, si bien que dès le début le travailleur s’est plaint de douleurs au niveau du genou gauche. 

[68]            Le travailleur a confirmé que les douleurs s’étaient amendées lorsqu’il ne se portait pas sur son membre inférieur; dès qu’il a recommencé à marcher, les douleurs au niveau du genou gauche sont apparues avec des épisodes de dérobade ou de subluxation. 

[69]            Le docteur Tremblay indique que le travailleur ne présentait pas de lésion préexistante puisqu’il aurait été impossible que monsieur Crevier puisse travailler dans les conditions de travail qu’il décrit.  En effet, le travailleur n’aurait pu s’accroupir ou grimper aisément sans expérimenter des épisodes de dérobade au genou gauche.  Il indique que si le travailleur avait effectué un travail de bureau, il aurait pu travailler et connaître des épisodes non douloureux.

[70]            Le docteur Tremblay analyse également la résonance magnétique réalisée le 15 février 2000.  Cette résonance magnétique démontrait alors une déchirure horizontale du ménisque interne; cette déchirure n’est pas d’origine traumatique mais peut être due aux dérobades successives qu’a connu le travailleur depuis l’événement du 26 juin 1999.  Il ajoute que les fissures au niveau du cartilage articulaire peuvent être causées par ces dérobades et qu’il est impossible que le ligament croisé antérieur puisse se rupturer complètement à cause d’une boiterie antalgique.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[71]            Conformément à la loi, la commissaire soussignée a recueilli l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs sur l’objet des litiges.

[72]            Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis qu’il ne fait aucun doute qu’il y a relation entre la déchirure complète du ligament croisé antérieur et l’événement survenu le 26 juin 1999.  Ils retiennent des explications du travailleur et du témoignage du docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien-orthopédiste, que l’arrachement complet du ligament croisé antérieur s’est produit lors de l’événement du 26 juin 1999 et le travailleur a toujours présenté, par la suite, des douleurs au genou qui se sont amendées alors qu’il y avait absence de mise en charge mais qui se sont à nouveau manifestées avec des phénomènes de dérobade lors de l’enlèvement du plâtre au bout de quelques huit semaines d’immobilisation.  Ils retiennent des explications du docteur Gilles Roger Tremblay que le mécanisme de production était tout à fait compatible avec l’apparition d’une telle douleur.  Par conséquent, ils indiquent qu’il y a lieu d’accepter le pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 10 % attribué en raison de cette lésion et de reconnaître les rechutes, les récidives ou les aggravations du 18 juillet 2000 et du 12 octobre 2000 qui furent causées par une réaction allergique à l’orthèse de soutien prescrite par le docteur Sullivan.  Comme la décision concernant l’emploi convenable et la capacité de l’exercer fut rendue après que le travailleur ait produit sa réclamation pour une rechute, une récidive ou une aggravation le 18 juillet 2000, cette décision est sans objet.

[73]            En ce qui concerne l’établissement de la base salariale suite à la lésion professionnelle du 26 juin 1999, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le statut du travailleur, alors qu’il était à l’emploi de JECC Mécanique de Scierie ltée, était celui d’un travailleur sur appel en vertu de l’article 68 de la loi et qu’il ne s’agissait pas d’un travail à plein temps.  Le membre est d’avis qu’il ne faut pas non plus annualiser le salaire.

[74]            Le membre issu des associations syndicales est en désaccord avec son collègue.  Celui-ci indique que le statut du travailleur n’était pas celui d’un travailleur sur appel mais qu’il était sur appel que lors de situations d’urgence.  Sa situation doit être examinée en vertu de l’article 67 de la loi.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[75]            La Commission des lésions professionnelles doit disposer de plusieurs questions en litige.  Elle doit se prononcer sur la relation entre les problèmes au genou gauche et l’événement du 26 juin 1999 et de l’admissibilité de deux réclamations pour rechutes, récidives ou aggravations survenues les 18 juillet et 12 octobre 2000; elle doit aussi se prononcer sur l’atteinte permanente résultant de la lésion.  Le tribunal doit également se prononcer sur la question de l’emploi convenable et de la capacité du travailleur à l’exercer et finalement, elle doit déterminer la base salariale en vertu de laquelle les indemnités de remplacement du revenu doivent être calculées.

[76]            La Commission des lésions professionnelles a étudié avec intérêt l’ensemble du dossier et analysé les différents témoignages qui furent rendus devant elle.  Elle rend donc en conséquence la décision suivante.

[77]            Le tribunal va tout d’abord se prononcer sur la question de la relation entre les problèmes au genou gauche et l’événement du 26 juin 1999.  Tout ce qui concerne la problématique à la cheville gauche n’est pas contestée.

[78]            Il ressort du dossier que lors de la survenance de l’événement du 26 juin 1999, monsieur Crevier a subi un traumatisme d’importance, lorsqu’un tronc d’arbre est venu le heurter violemment au niveau de la cheville gauche alors qu’il effectuait des travaux de soudure dans une position contraignante.  Lors de l’impact, le travailleur a indiqué que son pied gauche était appuyé sur un fer-angle afin qu’il puisse conserver une certaine stabilité.  Le tribunal retient du témoignage très crédible du travailleur que la jambe de ce dernier fut déportée vers l’extérieur avec un mouvement de torsion et qu’il a chuté à la renverse sur le côté droit.

[79]            Dès ce jour, le travailleur s’est plaint d’une douleur au genou, pour laquelle une première radiographie fut réalisée le 28 juin 1999, avec l’autorisation du docteur Le Goueff.  Cette radiographie ne démontrait alors aucune anomalie particulière.

[80]            Par la suite, les douleurs ont diminué quelque peu d’intensité parce que le travailleur s’est tantôt déplacé à l’aide de béquilles, donc sans mettre de charge sur son membre inférieur gauche, tantôt à cause du port d’un plâtre à la cheville gauche ou d’une botte de marche, ce qui a encore eu comme effet que le travailleur ne sollicitait pas son genou de façon importante. Dès que cette thérapeutique s’est terminée, le travailleur a vu ses douleurs revenir avec plus d’intensité en plus d’expérimenter des épisodes de dérobade du genou de façon répétitive.

[81]            À cause de ses plaintes continuelles, le docteur Sullivan, qui avait pratiqué une intervention chirurgicale à la cheville gauche, a réalisé un examen plus particulier du genou gauche et lors de cet examen, il a pu identifier la présence de signes cliniques objectifs lui permettant d’identifier un problème de déchirure du ligament croisé antérieur.  Il a toutefois complété cet examen par une résonance magnétique qui a confirmé une déchirure complète du ligament croisé antérieur, une déchirure du ménisque et une atteinte du cartilage.

[82]            Le docteur Sullivan, en mars 2000, a complété une opinion médicale où il est d’avis que cette déchirure complète du ligament croisé antérieur fut causée lors de l’accident dont le travailleur fut victime en juin 1999.

[83]            La Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage du docteur Gilles Roger Tremblay, qui va dans le même sens que les observations formulées par le docteur Sullivan.  Plus particulièrement, le tribunal retient que lors de l’événement du 26 juin 1999, le travailleur a été victime d’une torsion du genou avec le pied fixe, et que la déchirure complète du ligament croisé antérieur est survenue dès ce moment.  Comme l’a exprimé le docteur Tremblay, le travailleur a alors ressenti une douleur intense au genou qui s’est atténuée par la suite; ce tableau clinique est tout à fait compatible avec une telle lésion, et comme il y a eu arrachement complet du ligament, il n’y a pas d’épanchement de noté puisque le genou l’absorbe complètement.

[84]            Le tribunal ne croit pas que cette déchirure était ancienne; il se fonde sur l’examen clinique réalisé par le docteur Sullivan, lequel n’a mis en évidence aucune atrophie du quadriceps gauche; la résonance magnétique du 15 février 2000, ne démontrait aucun signe de dégénérescence.  Quant aux autres manifestations observées à la résonance magnétique, le tribunal retient les explications du docteur Tremblay, qui est à l’effet que tant la déchirure méniscale que les fissures du cartilage ont pu être causé par les dérobades répétées du genou qu’a expérimenté le travailleur.  Ces lésions n’ont pu être provoquées par une boiterie antalgique en raison des problèmes éprouvés à la cheville gauche.

[85]            Au surplus, bien que le travailleur ait été victime d’un événement personnel en 1996 qui a entraîné un arrêt de travail pour environ une semaine, il a pu occuper son travail, qui est très exigeant physiquement, sans aucune difficulté par la suite.  Si une telle lésion avait été présente auparavant, le travailleur n’aurait pu occuper ses fonctions.

[86]            Compte tenu de ces motifs, la requête de monsieur Crevier est accueillie.

[87]            Comme la condition du genou gauche est acceptée, le tribunal tient compte des admissions de la représentante de la CSST, à savoir que les rechutes, récidives ou aggravations des 18 juillet et 12 octobre 2000 sont acceptables, tout comme le pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 10 % pour la condition du genou est acceptable et que la décision portant sur l’emploi convenable de mécanicien soudeur sans travail dans les hauteurs devient sans objet puisque cette décision fut rendue suite au dépôt par le travailleur de sa réclamation pour une rechute, une récidive ou une aggravation du 18 juillet 2000 qui est maintenant reconnue.

[88]            La Commission des lésions professionnelles doit maintenant se prononcer sur la base salariale qui doit être retenue pour les fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, suite à la lésion professionnelle survenue le 26 juin 1999.

[89]            L’objet de la loi est défini à l’article 1, qui se lit comme suit :

1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

________

1985, c. 6, a. 1.

 

 

[90]            Les articles 44 et 45 définissent la notion d’indemnité de remplacement du revenu :

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

      Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

45. L'indemnité de remplacement du revenu est égale à 90 % du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.

________

1985, c. 6, a. 45.

 

 

[91]            L’incapacité d’exercer un emploi s’analyse en fonction de la nature de la lésion, de son stade d’évolution, de la nature et des exigences de l’emploi exercé.

[92]            Il fut établi, par la jurisprudence, que l’indemnité de remplacement du revenu vise à compenser la perte de capacité de gagner un revenu[1], à compter de la date où le travailleur devient incapable d’exercer son emploi.

[93]            La notion de « revenu net retenu est expliquée à l’article 63 de la loi :

63. Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de :

      1° l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) et de la Loi de l’impôt sur le revenu (Statuts révisés du Canada (1985), chapitre 1, 5e supplément);

      2° la cotisation ouvrière payable en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage (Lois révisées du Canada (1985), chapitre U-1); et

      3° la contribution payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9).

 

      La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des indemnités de remplacement du revenu, qui prend effet le 1er janvier de l'année pour laquelle elle est faite.

 

      Cette table indique des revenus bruts par tranches de 100 $, des situations familiales et les indemnités de remplacement du revenu correspondantes.

 

 

      Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en fonction de la tranche supérieure.

________

1985, c. 6, a. 63; 1993, c. 15, a. 88.

 

 

[94]            Le principe de la détermination du revenu brut servant à calculer le versement de l’indemnité de remplacement du revenu est établi suivant les règles édictées aux articles 65 à 76 de la loi, mais plus particulièrement à l’article 67 de la loi :

67. Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

      Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations d'assurance-chômage.

________

1985, c. 6, a. 67.

 

 

[95]            La règle générale est donc de déterminer le revenu brut sur la base du contrat de travail au moment où se manifeste la lésion.

[96]            Cependant, il convient de déterminer le statut du travailleur afin de savoir s’il est visé par une situation particulière.

[97]            La situation dans le présent dossier soulève la question si le travailleur peut être considéré comme étant un travailleur saisonnier ou sur appel selon l’article 68 de la loi :

68. Le revenu brut d'un travailleur saisonnier ou d'un travailleur sur appel est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si ce travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

      Le deuxième alinéa de l'article 67 s'applique aux fins d'établir un revenu brut plus élevé.

________

1985, c. 6, a. 68.

 

 

[98]            La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le statut du travailleur n’est pas celui d’un travailleur saisonnier, dont la caractéristique découle de sa nature répétitive, régulière et d’une durée limitée à certaines périodes précises en raison des contraintes climatiques, d’ordre social ou administratif ou encore de la disponibilité de la matière première[2].

[99]            La définition du travailleur sur appel fut établie dans l’affaire Bouchard et Maçonnerie Godbout inc.[3], où le commissaire Groleau indique qu’un travailleur sur appel est lié à un employeur par un contrat de travail dont la particularité essentielle est que le travailleur assure l’employeur de sa disponibilité, selon des modalités préétablies, pour accomplir une prestation de travail qui comporte une alternance de périodes de travail et des périodes sans travail, irrégulières et imprévisibles.

[100]         Dans l’affaire Ministère des Forêts et Maffiolin[4], le commissaire Jolicoeur, après avoir cité avec approbation la décision Maçonnerie Godbout inc., ajoute ceci :

« En soi, le fait qu’un travailleur ait un contrat de travail d’une durée déterminée, qui peut être prolongé, et qu’il est susceptible d’être rappelé au travail, n’en fait pas un travailleur sur appel selon les critères dégagés dans cette décision (…) »

 

 

[101]         Dans la cause Denis et Compagnie de Pavage d’Asphalte Beaver[5], le commissaire Ouellet, après avoir lui aussi cité avec approbation la décision Maçonnerie Godbout inc., indique ceci :

« De plus, même un travailleur employé sporadiquement ne peut être considéré, en raison de ce seul fait comme un travailleur sur appel. »

 

 

[102]         Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le statut de monsieur Crevier n’est pas celui d’un travailleur sur appel, au sens où l’entend la jurisprudence et pouvant justifier l’application de l’article 68 de la loi, tel que précité.  En effet, le travailleur était à l’emploi de la compagnie JECC Mécanique de Scierie ltée depuis 1994 et en vertu du contrat de travail, il n’y a aucune modalité préétablie qui gouverne l’accomplissement des prestations de travail, qui sont variables.  Aucune preuve de telles modalités n’a été fournie lors de l’audience à cet effet.  Monsieur Crevier travaille exclusivement pour cet employeur et connaît habituellement à l’avance ses horaires de travail, sauf dans les cas d’urgence.  De la compréhension du tribunal, monsieur Crevier était considéré comme un employé régulier par son employeur et le seul fait de travailler lorsque les contrats sont disponibles ne change pas son statut.  Monsieur Crevier n’offrait pas une prestation de travail ponctuelle ou prévue, suite à laquelle il était dégagé de tout lien avec son employeur.

 

[103]         Dans l’affaire Boudreault et Arbo Service inc.[6], on indique ce qui suit :

« (…) le caractère occasionnel et temporaire d’un emploi, de même que le chômage intermittent, ne signifient pas nécessairement qu’un salarié doit être considéré comme étant un travailleur sur appel au sens de l’article 68 de la LATMP.(…)

 

 

[104]         Chaque cas est un cas d’espèce et doit être analysé selon ses circonstances particulières.

[105]         La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que se sont les dispositions de l’article 67 de la loi qui doivent trouver application dans le présent dossier et que le calcul du revenu brut pour monsieur Crevier doit s’effectuer selon son contrat de travail.

[106]         Quel était donc, selon la preuve présentée, ce contrat de travail?  La Commission des lésions professionnelles retient que monsieur Crevier travaillait, au moment de l’événement survenu le 26 juin 1999, à un taux horaire de 19,00 $ et qu’il effectuait entre 42 et 84 heures de travail par semaine, selon les assignations de travail.  Le tribunal retient que dans la détermination du revenu brut du travailleur, il faut adopter une interprétation qui ne donne pas un résultat qui est manifestement déraisonnable, lorsque plusieurs interprétations sont possibles.  C’est pourquoi, de l’avis du tribunal, il est raisonnable de retenir que le travailleur effectuait normalement 42 heures de travail par semaine, puisqu’il est impossible qu’il ait pu effectuer de façon continue un travail lui demandant d’être en poste pendant 84 heures chaque semaine et que cette situation constituait la norme et la réalité.

[107]         En ce qui concerne maintenant l’annualisation du revenu brut, la jurisprudence majoritaire de la Commission d’appel et de la Commission des lésions professionnelles a établi à maintes reprises que ce revenu devait être annualisé.  C’est dans l’affaire Maçonnerie Godbout inc., précitée, que le commissaire Groleau est venu en établir les balises :

« La Commission d’appel considère cependant qu’aux fins de l’établissement du revenu brut du travailleur, on doit nécessairement annualiser le revenu brut prévu par son contrat de travail, vu les articles 45 et 63 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles(…) »

 

 

[108]         Le calcul du revenu brut, fait de cette manière, ne conduit pas à une conclusion manifestement déraisonnable, comme ce fut le cas dans l’affaire Groupe Forage Major Drilling Group International inc. et CALP[7], où le revenu brut ne fut pas annualisé.  Dans le cas qui nous concerne, le calcul du revenu brut fait conformément à l’article 67 de la loi précitée, ramené sur une base annuelle peut se rapprocher, de façon réaliste, de la perte qu’a subie le travailleur.

[109]         Le calcul du revenu brut doit donc s’effectuer de la façon suivante : 19,00 $ X 42 heures par semaine X 52 semaines, pour un total de : 41 496,00 $.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 149034-63-0010 :

ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon Crevier, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi de mécanicien soudeur sans travail dans les hauteurs ne constitue pas un emploi convenable au sens de l’article 2 de la loi et que le travailleur n’est par conséquent pas capable de l’exercer;

Dossier 149035-63-0010 :

ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon Crevier, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic de douleurs au genou gauche et de déchirure du ligament croisé antérieur gauche est en relation avec l’événement survenu le 26 juin 1999;

DÉCLARE que le pourcentage d’atteinte permanente en relation avec cette lésion du genou gauche est de 10 %;

DÉCLARE que monsieur Yvon Crevier, le travailleur, a droit aux indemnités de remplacement de revenu et aux bénéfices prévus par la loi;

Dossier 149036-63-0010 :

ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon Crevier, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé de la sécurité du travail rendue le 17 octobre 2000, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la base salariale en vertu de laquelle les indemnités de remplacement du revenu doivent être versées est de 41 496,00 $;

Dossier 153856-63-0101 :

ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon Crevier, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 8 janvier 2001, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Yvon Crevier, le travailleur, a subi des rechutes, des récidives ou des aggravations les 18 juillet et 12 octobre 2000, en relation avec la lésion professionnelle survenue au genou gauche;

DÉCLARE que monsieur Yvon Crevier, le travailleur, a droit aux bénéfices prévus par la loi.

 

 

 

 

Manon Gauthier

 

Commissaire

 

Laporte & Lavallée

(Me André Laporte)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

JECC Mécanique de scierie ltée

(M. Jacques Éthier)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

Panneton Lessard

(Me Josée Picard)

 

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1]           Bergeron et Sintra inc. [1988] CALP 1 , requête en évocation rejetée, C.S. Montréal, 500-05-002876-884, 88-06-09, j. Trudeau; Croteau et Commission scolaire de Chambly [1995] CALP 1331 ; Vachon et CALP [1996] CALP 531 (C.S)

[2]           Bélanger et Pêches Nordiques inc., [1986] CALP, 278; McCormack et Énerchen Transport inc., 08844-60-8808, S.Lemire, commissaire; Naud et Misener Shipping ltée, [1991] CALP 715 .

[3]           [1988] CALP 636 , requête en évocation rejetée, [1989] CALP 242 (C.S), appel rejeté, [1999] CLP 720 .

[4]           [1994] CALP 1666 , révision rejetée, 40405-01-9206, 27-06-95, Pierre Brazeau, commissaire.

[5]           [1997] CALP 98 .

[6]           [1997] CALP 1218 .

[7]           [1998] CLP 174 (C.S.), en appel, C.A. Montréal, 500-09-006750-988.

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