Bar Lounge Jackalope inc. (Bar Lounge Jackalope) |
2021 QCRACJ 78 |
TRIBUNAL
RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
MONTRÉAL
[1] Le 13 mars 2020, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) convoque la titulaire, Bar Lounge Jackalope inc. (Jackalope), à une audience devant le Tribunal de la Régie (le Tribunal)[1].
[2] La Régie allègue plusieurs manquements de la titulaire en lien avec l’exploitation de son établissement, à savoir :
1. capacité et intégrité I drogue ou autre substance désignée I gens criminalisés et reliés au trafic de stupéfiants;
2. actes de violence I surconsommation I défaut de collaboration;
3. consommation ailleurs que dans l'endroit autorisé.
[3] Le 17 décembre 2020, la Régie transmet à la titulaire un nouvel avis de convocation[2] dans lequel la sécurité publique (santé publique) s’ajoute comme manquement.
CONTEXTE
[4] La titulaire exploite l’établissement Bar Lounge Jackalope (le Jackalope), à Mont-Tremblant, depuis le 18 novembre 2015. Elle détient à, cet effet, un permis de bar avec deux localisations, l’une située au 1er étage avec autorisations de danse et de spectacles sans nudité, d’une capacité de 206 personnes, et l’autre située sur la terrasse avant d’une capacité de 42 personnes.
Stupéfiants et présence de personnes criminalisées
[5] De juin 2018 à juillet 2020, les policiers sont témoins au Jackalope, de plusieurs évènements liés au crime organisé ainsi qu’à la possession, à la vente et au trafic de stupéfiants.
[6] Le 15 août 2018, lors d'une visite à l'établissement, les policiers procèdent à l'arrestation d'un client en possession de méthamphétamine. Ils constatent par la même occasion que plusieurs comprimés de méthamphétamine se trouvent par terre, devant la porte des toilettes des hommes ainsi que sur le sol à l’intérieur de celles-ci[3].
[7] En 2018, les policiers reçoivent des informations selon lesquelles un individu nommé Tommy Gauthier (Gauthier) vendrait des stupéfiants dans la région de Mont-Tremblant[4]. Entre juin et la mi-août 2018, Gauthier ou son véhicule, sont vus à quatorze reprises au Jackalope ou dans le stationnement de celui-ci. Les policiers préparent dès lors une opération d’infiltration[5] le visant[6].
[8] C’est ainsi que les 30 août et 4 octobre 2018, un agent d'infiltration se procure de la cocaïne auprès de Gauthier dans l’établissement[7].
[9] Les 15 novembre[8] et 12 décembre[9] 2018, un autre agent d'infiltration se procure de la cocaïne auprès de Gauthier dans les toilettes de l’établissement.
[10] Selon le service de police, le représentant de la titulaire, M. Jean-Pierre Bilodeau (Bilodeau), et le gérant de l’établissement, M. Michael Provost (Provost), entretiennent des liens avec Gauthier puisqu’ils sont notamment vus ensemble sur des photographies d’une partie de chasse publiées sur Facebook les 27 et 30 septembre 2018[10].
[11] Le 23 mars 2019, plusieurs chefs d'accusation de trafic et de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic sont portés contre Gauthier. Il plaide coupable le 1er avril 2019[11].
[12] Le lendemain, les policiers observent Bilodeau sortir d'un autre établissement, situé à Mont-Tremblant, en compagnie de M. Éric Ménard (Ménard) qu’ils considèrent être le « chef » des stupéfiants dans la région. Ménard possède des antécédents en matière de trafic de stupéfiants[12].
[13] Lors d’une visite à l’établissement, le 11 avril 2019, les policiers y constatent la présence de Ménard en compagnie du gérant, Provost[13].
[14] Le 16 avril 2019, à la suite de l'arrestation d'un client pour une bagarre à l'intérieur du Jackalope, les policiers trouvent en sa possession un sachet de cocaïne[14].
[15] Le 26 avril 2019, lors d'une visite à l'établissement, les policiers remarquent la présence de gens connus du service de police pour être reliés au trafic de stupéfiants. L’un d’entre eux porte un gilet avec l'inscription « Support 184 » en lien avec un groupe qui sympathise avec les Hells Angels, les Red Devils[15]. Aussi, le 3 mai 2019, les policiers y repèrent la présence d'un individu portant un chandail « Support 81 » qui est l’effigie des Hells Angels[16].
[16] Le 4 juin 2019, les policiers voient Bilodeau dans son établissement en compagnie de deux personnes reliées au trafic de stupéfiants[17].
[17] Le 23 juin 2019, les policiers remarquent que Ménard et le gérant Provost sont assis ensemble au Jackalope[18].
[18] Le 2 août 2019, un individu conduisant un véhicule appartenant à Ménard est arrêté dans le stationnement du Jackalope pour possession de stupéfiants, notamment. Les policiers l’ont vu discuter avec Bilodeau quelques minutes avant son arrestation[19].
[19] Le 9 septembre 2019, à la sortie de l'établissement, les policiers procèdent à l'arrestation d'un individu en possession dix comprimés de méthamphétamine[20].
[20] Le 25 octobre 2019, les policiers sont informés qu'un client du Jackalope aurait été battu par deux individus, dont Ménard. Ce dernier aurait déclaré au client qu’il contrôle les stupéfiants au bar[21].
[21] Le 23 décembre 2019, un client en état d'ébriété est arrêté après avoir lancé un verre au visage d'une serveuse. Lors de sa fouille, les policiers trouvent sur lui deux comprimés de méthamphétamine[22].
[22] Le 10 juillet 2020, les policiers reçoivent une information anonyme selon laquelle Mme Mégan Cadieux (Cadieux), barmaid au Jackalope, vendrait ou participerait à la vente de stupéfiants au profit de Ménard[23].
[23] Le 12 juillet 2020, les policiers reçoivent une autre information anonyme selon laquelle il y aurait beaucoup de ventes de stupéfiants au Jackalope et que Bilodeau en serait informé[24].
[24] Le même jour, les policiers se présentent à l'établissement et constatent que plusieurs individus reliés au trafic de stupéfiants s'y trouvent en compagnie de la barmaid Cadieux, du disque-jockey, James Miller (Miller), et du gérant Provost[25].
[25] Le 15 juillet 2020, les policiers reçoivent, une fois de plus, une information anonyme leur apprenant le nom d'un vendeur de stupéfiants qui serait actif dans l'établissement entre 16 h et 23 h[26].
[26] Le 17 juillet 2020, les policiers procèdent à l'arrestation pour bris de condition de M. Louis Coupal (Coupal) à l’intérieur du Jackalope. Il a en sa possession dix sachets de cocaïne[27]. En 2019, un informateur anonyme avait indiqué au service de police que Coupal contrôlait la vente de stupéfiants au Jackalope[28].
Actes de violence, surconsommation et défaut de collaboration
[28] Pendant la même période et au fil de leurs interventions, les policiers constatent également huit évènements impliquant de la surconsommation ainsi que quatre incidents lors desquels le représentant de la titulaire fait défaut de collaborer avec eux.
[29] En outre, plusieurs de ces évènements se produisent de façon simultanée.
[30] Ainsi, le 11 août 2018, lorsqu’ils se rendent au Jackalope à la suite d’un appel pour une bagarre, les policiers y aperçoivent un individu avec une lacération à l'oreille puisqu’il s’est fait lancer un verre[29].
[31] Le 23 octobre 2018, les policiers visitent l'établissement après avoir reçu un appel, car une femme en état d'ébriété s’y trouve[30].
[32] Le 27 octobre 2018, les policiers interviennent auprès de deux clientes en état d'ébriété qui se sont bagarrées à l'extérieur de l'établissement[31].
[33] Le 21 mars 2019, les policiers interviennent auprès de deux femmes intoxiquées par l'alcool impliquées dans une bagarre au Jackalope[32].
[34] Le 29 mars 2019, les policiers se présentent à l'établissement puisqu’un homme en état d'ébriété s’y trouve[33].
[35] Le 6 avril 2019, les policiers effectuent une intervention à l'établissement en raison d’une bagarre qui y survient. Aucun portier n’est présent[34].
[36] Le 16 avril 2019, les policiers se présentent à l'établissement pour une bagarre[35].
[37] Le 6 mai 2019, les policiers reçoivent un appel au motif que des voies de fait sont commises à l'intérieur de l'établissement. À leur arrivée, ils constatent que la personne qui a logé l’appel est en état d'ébriété[36].
[38] Le 9 mai 2019, les policiers expulsent un client intoxiqué de l’établissement[37].
[39] Le 18 mai 2019, les policiers effectuent une visite au Jackalope et ils y trouvent Bilodeau en état d'ébriété. Ce dernier les insulte en leur criant : « Gang de connards ». Il reçoit un constat d’infraction pour avoir injurié un agent de la paix[38].
[40] Le 10 juin 2019, les policiers reçoivent un appel pour un client qui a fait une chute dans l’établissement en raison de son état d'ébriété[39].
[41] Le 29 juin 2019, les policiers se présentent à l'établissement à la suite d’un appel pour une bagarre[40].
[42] Le 14 juillet 2019, à la suite d’un appel pour une bagarre, les policiers vont à l'établissement. Ils tentent de reconstituer les évènements, mais ils se butent au manque de collaboration des personnes présentes. Ils y apprennent tout de même que la bagarre serait liée à une histoire de « territoire » puisque l’un des individus impliqués est affilié au crime organisé[41].
[43] Le 20 septembre 2019, lors d'une patrouille dans le stationnement de l'établissement, les policiers y remarquent un homme consommant une boisson alcoolique. Lorsqu’ils tentent de l'interpeler, il prend la fuite. Au moment où ils reviennent à l’établissement, plus tard le même jour, ils procèdent à son arrestation pour bris de condition. Celle-ci s’avère difficile puisque les policiers sont encerclés par plusieurs clients qui les insultent et les poussent. Alors que les policiers demandent de l'aide à Bilodeau, celui-ci demeure passif, les bras croisés, et ne leur offre aucune collaboration[42].
[44] Le 25 octobre 2019, les policiers sont informés qu'un client du bar a été battu par deux individus, dont Ménard. Le client a le visage ensanglanté puisqu’il y a reçu plusieurs coups. Il s'est également fait voler son cellulaire. En réponse à la demande des policiers pour les bandes des caméras de surveillance de l’établissement, Bilodeau leur déclare que celles-ci ne fonctionnent pas[43].
[45] Le 5 février 2020, les policiers se présentent à l'établissement à la suite d’un appel pour une bagarre[44].
[46] Le 11 octobre 2020, les policiers sont informés qu'un client se serait fait frapper par un employé de l'établissement[45].
[47] Le 27 novembre 2020, les policiers voient un homme ressemblant à Bilodeau entrer rapidement dans le bar et siffler, ce qui est, selon eux, une tactique pour aviser les clients à l'intérieur de l'arrivée des policiers[46].
[48] Le 4 décembre 2020, les policiers reçoivent un appel pour une personne blessée. À leur arrivée sur les lieux, ils sont non seulement informés que la victime a été frappée, mais ils constatent qu'elle a plusieurs blessures au visage et à la tête. Selon un témoin de l'évènement, l’un des agresseurs serait Ménard[47].
Consommation ailleurs que dans l'endroit autorisé
[49] À sept reprises, soit entre le 10 juin et le 13 novembre 2019, les policiers remarquent que des clients du Jackalope consomment des boissons alcooliques à un endroit autre que ceux indiqués au permis de la titulaire, à savoir :
- en face de l’établissement[48];
- à l'extérieur de la terrasse de l’établissement[49];
- à l'arrière de l'établissement[50];
- sur la voie publique et à l'arrière de l’établissement[51];
- à l'extérieur devant l’établissement[52].
Sécurité publique (santé publique)
[50] D’après la preuve au dossier, les manquements relatifs aux mesures sanitaires sont observés dans l’établissement par les policiers les 9 et 23 novembre 2020.
[51] D’abord, lors d'une visite qu’ils effectuent au Jackalope, une cliente avise les policiers qu’un client est en état d'ébriété et qu’il ne cesse de venir lui parler sans son couvre-visage. Les policiers donnent un avertissement à ce client puisqu'il consomme ne boisson alcoolique debout au comptoir-bar sans porter son couvre-visage[53].
[52] Puis, lors d’une visite subséquente, les policiers voient la barmaid Cadieux se précipiter vers la porte avant pour tenter de la barrer. Au même moment, ils voient deux hommes ne portant pas leur couvre-visage se ruer vers la sortie arrière.
[53] Rappelons que le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec décrète, en vertu de l’article 118 de la Loi sur la santé publique[54], l’état d’urgence sanitaire[55] pour tout le Québec. L’état d’urgence sanitaire est, depuis, renouvelé plusieurs fois.
[54] Afin de contenir la propagation du virus de la COVID-19, le gouvernement adopte dès lors plusieurs mesures sanitaires visant notamment les commerces, dont les bars. Parmi toutes les mesures sanitaires adoptées au fil des derniers mois, le Tribunal retient, pour les fins de la présente affaire, celles qui suivent.
[55] Le 25 juin 2020[56], le gouvernement ordonne notamment que dans tout lieu, sous réserve de certaines exceptions, une personne doit maintenir, dans la mesure du possible, une distance de deux mètres avec toute autre personne. Le 10 juillet 2020, pour les bars, le gouvernement ordonne, entre autres, que seules les personnes assises à une table puissent recevoir un service ou consommer des boissons[57].
[56] Le gouvernement rend obligatoire, à compter du 18 juillet 2020, le port du couvre-visage dans les lieux publics fermés, incluant les bars et les restaurants, sauf quand les personnes consomment de la nourriture ou une boisson[58]. Il est ordonné qu'il soit interdit aux exploitants de ces lieux d'y admettre une personne qui ne porte pas un couvre-visage ou de tolérer qu'elle s'y trouve, sauf lorsque les personnes consomment de la nourriture ou une boisson[59].
AUDIENCE
[57] L’audience se tient virtuellement les 19, 20 et 22 avril 2021. M. Jean-Pierre Bilodeau, représentant de la titulaire, y assiste et il est représenté par son avocat, Me Richard Phaneuf. La Direction du contentieux de la Régie (le Contentieux) est représentée par Me Mélanie Charland.
[58] Le 20 avril 2021, après une journée et demie d’audience, les parties informent le Tribunal qu’à l’issue de pourparlers, une entente est intervenue.
[59] Le 22 avril 2021, elles procèdent ainsi au dépôt d’une proposition conjointe[60] et d’un engagement volontaire[61] lequel est accompagné d’une résolution de la titulaire autorisant M. Bilodeau à agir en son nom.
[60] Par la proposition conjointe, les parties suggèrent au Tribunal une suspension de trente (30) jours du permis de bar et de la licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo (licence) de la titulaire.
[61] En outre, la titulaire reconnaît la véracité des faits allégués dans l’avis de convocation. M. Bilodeau affirme comprendre la teneur et les termes de la proposition conjointe et de l’engagement volontaire, et s’engage à les respecter.
[62] À l’issue d’une réouverture d’enquête, tenue le 27 mai 2021[62], à laquelle assistent Me Charland et Me Phaneuf, le Tribunal rend, séance tenante, une ordonnance de non-publication, non-divulgation et non-diffusion à l’égard des trois documents joints à l’engagement volontaire.
ANALYSE
[63] Les manquements reprochés à la titulaire sont admis par cette dernière et contreviennent à plusieurs dispositions législatives.
Stupéfiants, personnes criminalisées, actes de violence, surconsommation et défaut de collaboration
[64] Entre le 15 août 2018 et le 17 juillet 2020, plus d’une vingtaine d’évènements liés au crime organisé ainsi qu’à la possession, à la vente et au trafic de stupéfiants se déroulent au Jackalope, l’établissement de la titulaire.
[65] Pendant la même période, près de vingt évènements impliquant des actes de violence, de surconsommation et de défaut de collaboration s’y produisent, parfois de façon simultanée.
[66] Selon l’article 75 de la Loi sur les permis d’alcool[63] (LPA), un titulaire d'un permis ne doit pas l'exploiter de manière à nuire à la tranquillité publique.
[67] L’article 24.1 de la LPA prévoit que le Tribunal peut notamment tenir compte des éléments suivants dans le cadre de son analyse de ce qui peut mettre en cause la tranquillité publique :
[...]
2o. les mesures prises par le requérant ou le titulaire du permis et l’efficacité de celles-ci afin d’empêcher dans l’établissement :
a) la possession, la consommation, la vente, l’échange ou le don, de quelque manière, d’une drogue, d’un stupéfiant ou de toute autre substance qui peut être assimilée à une drogue ou à un stupéfiant;
[...]
d) les actes de violence, y compris le vol ou le méfait, de nature à troubler la paix des clients ou des citoyens du voisinage ;
[...]
f) toute contravention à la présente loi ou à ses règlements ou à la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (chapitre I‐8.1);
[...]
[68] En vertu du paragraphe 8o du premier alinéa de l’article 86 de la LPA, le Tribunal peut révoquer ou suspendre un permis si le titulaire contrevient à l’article 75 de la LPA.
[69] La preuve au dossier démontre de façon prépondérante que l’établissement de la titulaire est le théâtre, pendant quelques années, de plusieurs évènements reliés au trafic de stupéfiants.
[70] Des personnes criminalisées reliées au trafic de stupéfiants comptent non seulement parmi la clientèle de l’établissement, mais des trafiquants de stupéfiants y opèrent leur commerce illicite avec l’aval de certains employés.
[71] Aussi, des actes de violence impliquant des clients en état d’ébriété - parfois avancé - y sont commis, ce qui entraîne nombre d’interventions de la part du service de police au cours desquelles se manifeste, à quelques reprises, le manque de collaboration du représentant de la titulaire.
[72] À la fois nombreux et répétitifs, ces évènements se déroulent sur une longue période de temps allant d’août 2018 jusqu’à juillet voire même décembre 2020.
[73] En raison de leur gravité et de leur récurrence, ces contraventions constituent des atteintes manifestes à la tranquillité publique.
[74] Rappelons qu’elles se produisent dans un secteur fragile qui est exposé à la criminalité en général, et à l’infiltration du crime organisé en particulier, c’est-à-dire celui des bars. En raison de la clientèle qu’il attire et de ses heures d’exploitation, ce secteur suscite un attrait pour le crime organisé et les activités illicites qui en découlent, dont le trafic de stupéfiants.
[75] Le Tribunal constate, compte tenu de ce qui précède, que la titulaire n’a pas pris les mesures nécessaires, ou que celles mises en place n’ont pas été suffisantes, afin d’éviter que son permis ne soit exploité de manière à nuire à la tranquillité publique.
[76] De l’avis du Tribunal, ces manquements doivent être sanctionnés en proportion de leur gravité, leur fréquence et leur durée.
Consommation ailleurs que dans l'endroit autorisé
[77] Aux contraventions précédemment décrites s’ajoutent des évènements lors desquels des clients sont vus, à quelques reprises, en train de consommer leur boisson alcoolique à un endroit autre que ceux indiqués au permis de la titulaire.
[78] Cela contrevient à l’article 82 de la LPA qui prévoit qu’un titulaire de permis ne peut, même à l’intérieur de son établissement, exploiter son permis dans d’autres endroits que ceux indiqués à son permis, à moins d’une autorisation de la Régie.
[79] En vertu du paragraphe 8o du premier alinéa de l’article 86, de la LPA, le Tribunal peut révoquer ou suspendre un permis si le titulaire contrevient à l’article 82 de la LPA.
[80] Encore une fois, ces contraventions aux dispositions de la loi se doivent d’être sanctionnées.
Sécurité publique (santé publique)
[81] Le Tribunal est d’avis qu’en ne respectant pas les mesures sanitaires imposées par le gouvernement, la titulaire a nui à la sécurité publique enfreignant ainsi les dispositions de la LPA.
[82] À cet égard, le Tribunal rappelle que toutes les mesures sanitaires adoptées et imposées par le gouvernement au fil des derniers mois afin de contenir la propagation du virus de la COVID-19 constituent une question de sécurité des gens et, par conséquent, de sécurité publique.
[83] Le paragraphe 2° du quatrième alinéa de l’article 86 de la LPA précise que le Tribunal doit suspendre ou révoquer un permis lorsque son exploitation porte atteinte à la sécurité publique.
[84] En l’espèce, à eux seuls, ces manquements aux mesures sanitaires commandent une suspension.
Sanction
[85] Par leur proposition conjointe, les parties suggèrent une suspension de trente (30) jours du permis de bar et de la licence de la titulaire.
[86] Quant à l’engagement volontaire, il fait état, de façon satisfaisante, de l’ensemble des mesures que la titulaire a mises en place afin d’empêcher, à l’avenir, des manquements similaires à ceux pour lesquels elle a été convoquée devant le Tribunal.
[87] Faits significatifs, l’engagement volontaire énumère d’abord le nom des personnes criminalisées et liées au trafic de stupéfiants dont la présence est désormais interdite dans l’établissement. Puis, il confirme le congédiement des employés de l’établissement soupçonnés par le service de police d’en avoir facilité le trafic.
[88] Le Tribunal espère que ces mesures démontrent la prise de conscience de M. Bilodeau à l’égard des manquements qui lui sont reprochés et sa volonté de s’amender afin que ceux-ci ne se reproduisent plus.
[89] Le Tribunal rappelle non seulement à la titulaire l’importance des obligations rattachées à l’exploitation de son permis, mais aussi la nécessité qu’elle les intègre dans l’exercice de ses fonctions.
[90] Considérant la teneur, la gravité et la fréquence des manquements admis par la titulaire, la suspension, d’une durée de trente (30) jours du permis de bar et de la licence proposée par les parties, constitue, de l’avis des soussignées, une sanction qui ne déconsidère pas l’administration de la justice et ne va pas à l’encontre de l’intérêt public.
[91] Le Tribunal entérine donc la proposition conjointe.
[92] Enfin, le Tribunal accepte l’engagement volontaire souscrit par M. Bilodeau, au nom de la titulaire, l’enjoint de s’y conformer et lui rappelle que tout manquement à celui-ci pourrait entrainer une sanction plus sévère.
[93] Comme demandé par les parties à la clause 4 de la proposition conjointe, le Tribunal fait débuter le caractère exécutoire[64] de la suspension à compter du moment où les activités du permis d’alcool de la titulaire ne seront plus complètement suspendues par décret gouvernemental ou arrêté ministériel dans la région où se situe son établissement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL DE LA RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX :
RECONDUIT l’ordonnance de non-publication, non-divulgation et non-diffusion rendue le 27 mai 2021 à l’égard des trois (3) documents joints à l’engagement volontaire souscrit par la titulaire le 22 avril 2021;
ENTÉRINE la proposition conjointe, laquelle est annexée à la présente décision afin d’en faire partie intégrante;
SUSPEND pour une période de trente (30) jours le permis de bar no 100089540 et la licence d’exploitation de site d’appareils de loterie vidéo no 54882 dont Bar Lounge Jackalope inc. est titulaire, SUSPENSION QUI SERA EXÉCUTOIRE à compter du moment où les activités du permis d’alcool de la titulaire ne seront plus complètement suspendues par décret gouvernemental ou arrêté ministériel dans la région où se situe son établissement.
ORDONNE, pendant la période de suspension, la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux, par un inspecteur de la Régie ou par le corps policier dûment mandaté à cette fin;
ORDONNE, pendant la période de suspension, qu’aucun permis ne soit délivré dans l’établissement, conformément aux dispositions de l’article 86.2 de la Loi sur les permis d’alcool;
ACCEPTE l’engagement volontaire souscrit par la titulaire, signé le 22 avril 2021, par son représentant Jean-Pierre Bilodeau, lequel document est annexé à la présente décision pour en faire partie intégrante et l’enjoint de s’y conformer.
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Juge administrative |
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Juge administrative |
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Dates
de l’audience virtuelle : les 19, 20 et 22 avril
2021
Suspension du délibéré : le 18 mai 2021
Réouverture d’enquête et reprise du délibéré : le 27 mai 2021
Me Richard Phaneuf
Malouin & Phaneuf
Avocat de la titulaire
Me Mélanie Charland
Bernatchez et Associés
Avocate de la Direction du contentieux
[1] Avis de convocation à une audience.
[2] Avis de convocation amendé.
[4] Témoignage de l’agent Jean-François Giroux de la Sûreté municipale de Mont-Tremblant à l’audience du 19 avril 2021.
[5] Document 3 : rapport MTT-180331-005, par. 20 et 21.
[6] Id.
[7] Document 3 : MTT-180331-005, par. 22, 23, 27 et 30 documents 4 et 6 : notes d'infiltration.
[8] Document 3 : MTT-180331-005, par. 35 et document 7 : notes d'infiltration.
[9] Document 3 : MTT-180331-005, par. 41 et document 8 : notes d'infiltration.
[10] Document 1 et pièce déposée sous R-1 en liasse : capture d’écran de photos et profil Facebook.
[11] Document 10 : plumitif.
[12] Document 1 : demande de convocation, p. 7, document 12, : dossier MR02190326173733, et document 13 : antécédents de Ménard.
[13] Document 14 : dossier MR02190415231315.
[14] Document 15 : rapport MTT-190416-004.
[15] Document 16 : dossier 907190426008.
[16] Document 17 : carte d'appel.
[17] Document 18.
[18] Document 19 : rapport MTT-190523-004.
[19] Document 20 : rapport MTT-190802-008.
[20] Document 20.1 : rapport MTT-190909-002.
[21] Document 20.2 : MTI-191025-011.
[22] Document 20.5 : rapport MTT-191223-012.
[23] Document 21.1 : fiche de renseignements D1169.
[24] Document 21.2 : fiche de renseignements D1172.
[25] Document 21.3 : fiche de renseignements D1173.
[26] Document 21.4 : fiche de renseignements D1176.
[27] Document 21.5 : rapport MTT-200717-003.
[28] Document 9.
[29] Document 22 : rapport MTT-180811-001.
[30] Document 23 : carte d'appel.
[31] Document 24 : rapport MTT-181027-001.
[32] Document 25 : rapports MTT-190321-001 et 001A.
[33] Document 26 : carte d'appel.
[34] Document 27 : carte d'appel.
[35] Document 15 : rapport MTT-190416-004.
[36] Document 28 : carte d'appel.
[37] Document 1 : demande de convocation, p. 17.
[38] Document 29 : constat d'infraction n° 0696301.
[39] Document 30 : carte d'appel.
[40] Document 31 : rapport MTT-190523-004.
[41] Document 32 : rapport MTT-190714-002.
[42] Document 33 : rapport MTT-190920-007.
[43] Document 20.2 : MTT-191025-011.
[44] Document 33.1 : rapport MTT-200207-004.
[45] Document 33.3 : rapport MTT-201015-006.
[46] Document 33.4 : fiche de renseignements.
[47] Document 33.5 : rapport MTT-201203-007.
[48] Le 10 juin 2019, document 34 : rapport MTT-190826-009.
[49] Le 5 juillet 2019, document 35 : rapport MTT-190523-004 et le 6 juillet 2019, document 36 : rapport MTT-190523-004;
[50] Le 26 juillet 2019, document 38 : rapport MTT-190826-006.
[51] Le 20 septembre 2019, document 39 : rapport MTT-190920-007.
[52] Le 13 novembre 2019, document 39.1 : rapport MTT-191113-008.
[53] Le 9 novembre 2020, document 30.6 : rapport MTT-201109-003.
[54] RLRQ, chapitre S-2.2.
[55] Décret 177-2020.
[56] Décret 689-2020.
[57] Document 39.4.
[58] Décret 810-2020.
[59] Document 39.5 : décret du 15 juillet 2020.
[60] Pièce R-3.
[61] Pièce T-1.
[62] Article 28 des Règles de procédure de la Régie des alcools, des courses et des jeux, RLRQ, R-6.1, r. 2.
[63] RLRQ, chapitre P-9.1.
[64] Article 39 de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, RLRQ, chapitre R-6.1 :
39. Une copie de la décision de la Régie doit être transmise aux personnes visées.
La décision est exécutoire dès que les personnes visées en ont reçu copie ou à compter du moment prévu dans la décision pourvu que les personnes visées en aient préalablement reçu copie ou autrement été avisées. [...]. Voir également : 9372-8806 Québec inc. (Le Buck St-Sau), décision nº 40-0009005, le 3 février 2021; 9118-9746 Québec inc. (Parc nautique Beach Club) 2020 QCRACJ 65.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.