Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

L'Heureux-Gagnon et Construction Carbo inc.

2013 QCCLP 3714

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

13 juin 2013

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

379147-03B-0905   387068-03B-0908

 

Dossier CSST :

112199336

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme, juge administratif

 

Membres :

Jean-Guy Guay, associations d’employeurs

 

Claude Allard, associations syndicales

Assesseure :

Johanne Gagnon, médecin

______________________________________________________________________

 

379147

387068

 

 

Monique L'Heureux-Gagnon

Succession Gilles Gagnon

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Construction Carbo inc.

Construction Carbo inc.

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 379147-03B-0905

[1]           Le 22 mai 2009, madame Monique L'Heureux-Gagnon dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 avril 2009 à la suite d'une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 29 janvier 2009 sous la forme d'un avis de paiement et déclare que madame L'Heureux-Gagnon n'a plus droit, après le 24 janvier 2009, à l'indemnité de remplacement du revenu qu'elle versait à monsieur Gagnon avant son décès.

Dossier 387068-03B-0908

[3]           Le 6 août 2009, madame L'Heureux-Gagnon dépose à la Commission des lésions professionnelles, au nom de la succession Gilles Gagnon, une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 28 juillet 2009 à la suite d'une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 20 avril 2009 et déclare que le décès de monsieur Gilles Gagnon (le travailleur) n'est pas relié à la lésion professionnelle qu'il a subie le 3 octobre 1996 et qu'aucune indemnité prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) ne sera versée en raison de son décès.

[5]           L'audience qui était prévue initialement le 23 novembre 2009 a été remise à quatre reprises à la demande de madame L'Heureux-Gagnon au motif qu'elle n'avait pas de représentant ou que la preuve médicale était incomplète. Pour les mêmes motifs, elle a également demandé la remise de l'audience prévue le 22 février 2013, mais sa demande a été refusée.

[6]           La Commission des lésions professionnelles a donc tenu une audience le 22 février 2013 à Lévis en présence de madame L'Heureux-Gagnon qui n'était pas représentée. La représentante de Construction Carbo inc. (l'employeur) a avisé de son absence.

[7]           Lors de l'audience, le tribunal a expliqué à madame L'Heureux-Gagnon que, pour avoir gain de cause, il était nécessaire qu'elle dépose en preuve une opinion médicale établissant l'existence d'une relation entre le décès de monsieur Gilles Gagnon, son conjoint, et la lésion professionnelle que celui-ci a subie le 3 octobre 1996. Un délai lui a été accordé jusqu'au 30 avril 2013.

[8]           Le 27 mars 2013, madame L'Heureux-Gagnon a transmis une lettre à la Commission des lésions professionnelles dans laquelle elle demande de lui indiquer l'heure de l'audience qui sera tenue le 30 avril 2013 en mentionnant qu'elle sera présente et qu'elle fera parvenir des preuves de l'existence de la relation entre le décès de son conjoint et la lésion professionnelle qu'il a subie.

[9]           Le 19 avril 2013, le tribunal lui a fait parvenir une lettre pour lui rappeler que, lors de l'audience du 22 février 2013, un délai lui avait été accordé jusqu'au 30 avril 2013 pour déposer une opinion médicale et qu'il n'a pas été question de tenir une audience à cette dernière date, mais qu'il était toujours possible de le faire dans la mesure où elle faisait part des raisons qui justifiaient, selon elle, la tenue d'une nouvelle audience.

[10]        Le 25 avril 2013, madame L'Heureux-Gagnon a transmis à la Commission des lésions professionnelles une lettre à laquelle elle a joint une pile de différents documents. Elle écrit dans sa lettre qu'il ne fait aucun doute à l'analyse des deux rapports d'autopsie et du volumineux dossier que le décès de son conjoint est relié à sa lésion professionnelle.

[11]        Le 8 mai 2013, le tribunal a écrit à madame L'Heureux-Gagnon qu'il n'y avait pas de raison qui justifiait la tenue d'une audience compte tenu du dépôt de ces documents. Le 15 mai 2013, elle a transmis une dernière lettre au tribunal. Le dossier a été pris en délibéré à cette date.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[12]        Madame L'Heureux-Gagnon demande de déclarer que le décès de monsieur Gilles Gagnon est relié à la lésion professionnelle qu'il a subie le 3 octobre 1996 et qu'il donne droit aux indemnités de décès prévues par la loi.

LES FAITS

[13]        Monsieur Gagnon a toujours travaillé dans le domaine de la construction où il a exercé différentes tâches. Au cours des années 1994, 1995 et 1996, il travaillait comme préposé au sablage au jet d'abrasif de structures métalliques de ponts. Au moment de son arrêt de travail, il était employé par Construction Carbo inc. depuis un peu plus de deux ans et il était âgé de 49 ans.

[14]        Le 18 octobre 1996, il présente à la CSST une réclamation pour faire reconnaître comme maladie professionnelle survenue le 3 octobre 1996 une intoxication chronique au plomb diagnostiquée le 17 octobre 1996 par le docteur Michel Langelier, spécialiste de médecine interne. Ce médecin prescrit un arrêt de travail. La réclamation de monsieur Gagnon est acceptée par la CSST le ou vers le 21 mai 1997.

[15]        Lors de son hospitalisation en octobre 1996, son taux de plombémie était de 2,95 μmol/L, la normale étant de 0,5. Dans le rapport final que produira son médecin, le docteur Clément Nolin indiquera que le taux maximum de plombémie a été de 3,1, que le 3 mars 1997, il était 1,80, le 17 février 1998 de 1,35 et le 6 octobre 1998 de 1,15.

[16]        Le 15 septembre 1997, à la demande du docteur Langelier, monsieur Gagnon est examiné par la docteure Édith Labonté, psychiatre, pour évaluer la possibilité d'un épisode dépressif. Elle rapporte, dans sa description de ses habitudes de vie, qu'il fume un paquet de cigarettes par jour. Au terme de son examen, elle estime qu'il n'y a pas d'évidence de pathologie psychiatrique.

[17]        Le 28 janvier 1998, le docteur Roger Roy du service de médecine du travail transmet au docteur Nolin un rapport d'évaluation de monsieur Gagnon. Ce dernier rapporte les problèmes suivants :

Il se plaint d'une asthénie qu'il décrit comme une diminution de son endurance physique à l'effort. Il dit avoir des lésions cutanées occasionnellement sur le tronc, les membres ou le visage. Il se plaint d'un blanchiment des doigts des deux mains au froid. Il présente aussi une lombalgie basse depuis quelque temps. Enfin, son acuité visuelle et auditive seraient diminuées. [sic]

 

 

[18]        À la suite de son examen, ce médecin estime qu'il est difficile de statuer sur la capacité de travail de monsieur Gagnon sur la foi de symptômes non spécifiques comme une fatigabilité à l'effort. Toutefois, il convient que dans le cas d'une intoxication au plomb, qu'il qualifie de sévère chez monsieur Gagnon, il est fréquent de voir des symptômes non spécifiques persister. Il recommande des évaluations pour une insuffisance rénale, un syndrome de Raynaud professionnel relié à l'utilisation d'outils vibrants et pour les problèmes de déficiences visuelle et auditive.

[19]        Il considère que monsieur Gagnon ne peut pas reprendre son travail d'opérateur de jet d'abrasif, mais qu'il peut accomplir un travail qui respecte des limitations fonctionnelles qu'il identifie.

[20]        Le 19 mai 1998, dans le but d'évaluer la présence de troubles cognitifs résultant de l'intoxication au plomb, monsieur Gagnon est examiné par monsieur Julien Doyon, neuropsychologue. Dans son rapport qu'il rédige le 9 juillet 1998, il mentionne que monsieur Gagnon ne rapporte aucun problème relié à la consommation d'alcool.

[21]        Dans ses conclusions, il mentionne aussi que certains déficits ont été observés, parmi lesquels il relève des déficits d'attention et de mémoire. Il estime que les plaintes de monsieur Gagnon, son comportement et le résultat de son évaluation suggèrent une atteinte cérébrale compatible avec une encéphalopathie chronique de type 2B, mais il conçoit que l'état affectif de monsieur Gagnon est susceptible d'altérer son profil cognitif. Il recommande une évaluation de son état affectif par un thérapeute et une nouvelle évaluation neuropsychologique un an plus tard.

[22]        Dans un rapport d'information médicale complémentaire produit le 7 août 1998, le docteur Nolin réagit à la mention de monsieur Doyon voulant que monsieur Gagnon n'ait pas de problème avec sa consommation d'alcool. Il écrit : « […] Il est bien connu que monsieur consomme de l'alcool en très grande quantité et que les sports de plein air du patient sont également enrobés de cette consommation. Il est peu sociable et aurait peu d'amis ».

[23]        Le 26 septembre 1998, le docteur Nolin produit un rapport final dans lequel il consolide la lésion, soit l'intoxication au plomb, en indiquant qu'il s'agit d'un état chronique. Il conclut à l'existence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique et de limitations fonctionnelles et il indique que c'est le docteur Albert J. Nantel, directeur du Centre de toxicologie du Québec, qui produira le rapport d'évaluation médicale.

[24]        Le 12 février 1999, le docteur Nantel estime qu'il est nécessaire d'obtenir une évaluation en neurologie et en néphrologie avant de préciser les séquelles qui résultent de l'intoxication au plomb.

[25]        Le 27 mai 1999, le docteur Patrice Drouin, neurologue, examine monsieur Gagnon. Il rapporte qu'il se plaint d'une grande sensation de fatigue qui entraîne une diminution de ses activités, d'une baisse d'audition à l'oreille droite depuis son intoxication, d'étourdissements occasionnels et de problèmes de mémoire. Monsieur Gagnon lui mentionne qu'il consomme en général une bière avant le souper et qu'il fume de 10 à 15 cigarettes par jour.

[26]        À la suite de son examen, le docteur Drouin considère que le taux de plombémie présent chez monsieur Gagnon n'est pas de nature à l'empêcher d'effectuer un travail dans le domaine de la construction qui ne l'expose pas à des endroits contaminés par des vapeurs de plomb. Il estime que l'évaluation des séquelles devrait être faite après une nouvelle évaluation neuropsychologique et que si cette évaluation est comparable à la première, l'atteinte permanente à l'intégrité physique serait de 15 % pour une encéphalopathie de type 2B.

[27]        Le 31 mai 1999, le docteur Yves Piette, néphrologue, estime, après examen du dossier, qu'il n'y a pas lieu de procéder à une expertise avec examen physique de monsieur Gagnon.

[28]        Le 5 janvier 2000, monsieur Doyon produit un nouveau rapport d'évaluation neuropsychologique dans laquelle il note ce qui suit concernant la consommation d'alcool de monsieur Gagnon :

[…] M. Gagnon et son épouse ont tous les deux nié catégoriquement que M. Gagnon consommait de l'alcool de façon excessive. Il prend régulièrement une ou deux bières avant le souper, tout au plus. Il lui est arrivé de consommer de plus grandes quantités lors d'activités sociales avec des amis mais de façon sporadique. Ainsi, rien au dossier ne permet de croire qu'il y aurait consommation à un niveau pouvant indiquer qu'il aurait développé un trouble d'alcoolisme qui affecterait son fonctionnement cognitif.

 

[...]

[29]        Monsieur Doyon retient que les résultats de cette seconde évaluation sont très semblables à ceux obtenus lors de sa première évaluation. Il conclut que le fonctionnement émotionnel et cognitif de monsieur Gagnon est causé par les changements de son état de santé qu'il a subis lors de son intoxication au plomb et il recommande une atteinte permanente à l'intégrité physique de 15 %.

[30]        Le 25 avril 2000, dans un rapport d'information médicale complémentaire, le docteur Nolin indique qu'il est d'accord avec les évaluations et les conclusions médicales et neuropsychologiques.

[31]        Le 5 mai 2000, la CSST décide que monsieur Gagnon est capable d'exercer son emploi. Le 18 mai 2000, comme son droit de retour au travail est expiré et comme l'employeur n'a pas d'emploi à lui offrir, elle décide qu'il a droit à la poursuite du versement de l'indemnité de remplacement du revenu jusqu'au 5 mai 2001, en application de l'article 48 de la loi.

[32]        La CSST omettra de rendre une décision sur l'atteinte permanente à l'intégrité physique. Ce n'est que le 7 octobre 2002 qu'elle rendra une décision établissant à 18 % l'atteinte permanente à l'intégrité physique résultant de la lésion professionnelle du 3 octobre 1996.

[33]        Le 23 avril 2001, monsieur Gagnon présente à la CSST une réclamation pour faire reconnaître comme récidive, rechute ou aggravation une surdité, une baisse de vision et une dépression.

[34]        Dans un rapport produit le même jour, le docteur Nolin indique qu'il demande des consultations auprès d'un otorhinolaryngologiste et d'un ophtalmologue ainsi qu'une réévaluation en neuropsychologie.

[35]        Le 2 mai 2001, le docteur Gaétan Fradet, otorhinolaryngologiste, produit un rapport de consultation dans lequel il mentionne que monsieur Gagnon présente comme antécédent une surdité profonde à l'oreille gauche. À l'oreille droite, il mentionne qu'il a une surdité neurosensorielle et qu'il a demandé un examen plus spécifique de cette oreille.

[36]        Le 8 décembre 2001, monsieur Georges Routhier, neuropsychologue, produit un rapport d'évaluation neuropsychologique dans lequel il note que monsieur Gagnon fume depuis l'adolescence. Il conclut que les symptômes présentés par monsieur Gagnon correspondent à une dépression majeure et qu'une partie de ses difficultés cognitives est attribuable au problème affectif. Il recommande un traitement par médication.

[37]        Le 16 avril 2002, la CSST refuse la réclamation de monsieur Gagnon. Elle confirmera cette décision le 9 juin 2003 à la suite d'une révision administrative. Monsieur Gagnon en appellera à la Commission des lésions professionnelles.

[38]        Le 24 novembre 2002, aux fins d'une demande de prestations d'invalidité, le docteur Nolin remplit une déclaration dans laquelle il indique que monsieur Gagnon est incapable de travailler en raison de ses problèmes physiques, psychiques et cognitifs.

[39]        Le 8 avril 2003, à la suite d'une démarche de madame L'Heureux-Gagnon, le docteur Nolin rédige une lettre à l'intention de la CSST dans laquelle il écrit qu'il « semble que l'information complémentaire en date du 7 août 1998 fasse obstacle à un règlement équitable du dossier ». Il écrit qu'il fait une « lecture différente quant à la consommation d'alcool et à la sociabilité » de monsieur Gagnon et il ajoute que « ces éléments sont hors contexte et le patient aurait continué sa vie, tel usuel, s'il n'avait pas été exposé au plomb à des taux aussi élevés ».

[40]        Le 25 avril 2003, monsieur Denis Lépinay, gérant de projet, écrit une lettre dans laquelle il mentionne que monsieur Gagnon a travaillé sous sa direction sur plusieurs chantiers à la Baie de James et à différents endroits au Québec depuis le début des années 1980 et que celui-ci ne connaissait pas de problème d'alcool.

[41]        Le même jour, monsieur Denis Cyr, président de Construction Carbo inc., écrit une lettre au même effet. Il mentionne dans sa lettre que les employés qu'il a consultés lui ont dit que monsieur Gagnon n'avait pas de problème d'alcool.

[42]        Le 31 mai 2005, le docteur Lionel Béliveau, psychiatre, produit une expertise à la demande de monsieur Gagnon dans laquelle il relate que monsieur Gagnon n'a jamais présenté de problème de dépendance ou d'abus de consommation de drogue ou d'alcool. Il ajoute :

[...] La conjointe de M. Gagnon confirme que son mari prenait à [sic] une à deux bières avant le souper et qu'il pouvait prendre jusqu'à six ou sept bières lorsqu'il jouait aux cartes avec de la visite ou lors de rencontres familiales […].

 

 

[43]        Il retient les conclusions suivantes :

En me basant sur mon examen ainsi que sur les informations au dossier et particulièrement sur les informations aux rapports d'évaluations neuropsychologiques, il m'apparaît évident que M. Gagnon présente une symptomatologie résiduelle encore importante de dépression majeure s'accompagnant d'anxiété en relation avec la perte d'estime de soi et l'inquiétude consécutives, depuis l'intoxication au plomb, à la persistance de la fatigue, de la fatigabilité ou du manque de résistance à l'effort, de ses troubles cognitifs importants ainsi que de son irritabilité qui l'empêchent de reprendre le travail et qui le limitent constamment dans son fonctionnement social.

Étant donné que cette fatigue, ces troubles cognitifs et cette irritabilité sont autant de séquelles de l'encéphalopathie toxique secondaire à l'intoxication au plomb que M. Gagnon a subie; étant donné que nous avons suffisamment d'informations pour affirmer que M. Gagnon ne présentait pas cette symptomatologie avant 1996, qu'il avait réussi ses examens, qu'il ne présentait pas de problème d'alcoolisme et qu'il était considéré comme un homme très sociable, il m'apparaît évident qu'il existe une relation entre le diagnostic de dépression majeure (RRA du 23 avril 2001) et l'événement initial (l’intoxication au plomb) du 3 octobre 1996.

 

Dans le cas où M. Gagnon aurait, avant 1996, pris de l'alcool, n'aurait pas été une personne très sociable et aurait vécu de l'anxiété - ce qui est nié par l'épouse de M. Gagnon ainsi que par diverses attestations rapportées plus haut -, cela ne pourrait expliquer que M. Gagnon, qui fonctionnait très bien avant 1996 sans présenter de problème de fatigue, de troubles cognitifs ou d'irritabilité, ait développé à la suite de son intoxication au plomb cette symptomatologie caractéristique de l'encéphalopathie toxique secondaire au plomb et qu'il ait développé, en relation avec la persistance de cette symptomatologie, une symptomatologie de dépression majeure, une pathologie psychiatrique qu'on ne retrouve pas dans ses antécédents : cela ne vient donc pas interférer dans la relation du diagnostic de dépression majeure et l'événement initial du 3 octobre 1996. [sic]

 

 

[44]        Dans un rapport complémentaire produit le 20 septembre 2005, le docteur Béliveau indique que la lésion psychique subie par monsieur Gagnon est consolidée à la date de son examen du 25 mai 2005, qu'elle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité psychique de 15 % (groupe 2 des névroses) en plus de l'atteinte permanente à l'intégrité physique de 15 % accordée par le docteur Drouin pour une encéphalopathie de type 2B. Enfin, il estime que monsieur Gagnon conservera comme limitation fonctionnelle une incapacité à occuper un emploi rémunérateur de façon régulière.

[45]        Le 26 octobre 2005, la Commission des lésions professionnelles entérine un accord, infirme la décision de la CSST rendue le 9 juin 2003 à la suite d'une révision administrative et déclare que monsieur Gagnon a subi, le 23 avril 2001, une récidive, rechute ou aggravation, soit une dépression majeure, de sa lésion professionnelle du 3 octobre 1996. Elle déclare de plus que les diagnostics de surdité neurosensorielle et de baisse de vison ne sont pas reliés à cet événement.

[46]        À la suite de cette décision, la CSST reconnaît à monsieur Gagnon une atteinte permanente à l'intégrité psychique de 19,50 % ainsi que le droit de recevoir l'indemnité de remplacement du revenu jusqu'à l'âge de 68 ans.

[47]        Le 15 janvier 2007, un dernier test sanguin révèle un taux de plombémie de 0,54 μmo/L.

[48]        Monsieur Gagnon décède le 26 octobre 2008 d'une bronchopneumonie bilatérale vraisemblablement secondaire à un cancer de l'œsophage. Il est alors âgé de 61 ans.

[49]        Les examens qui ont révélé la présence de ce cancer ont été effectués en décembre 2006 et en janvier 2007, initialement à la demande du docteur Nolin. Une biopsie réalisée le 11 janvier 2007 a amené le docteur Christian Couture, anatomo-pathologiste, à conclure à la suite d'un examen histologique à la présence d'un carcinome épidermoïde infiltrant.

[50]        Le 16 février 2007, monsieur Gagnon est examiné par le docteur Marc Bergeron, hémato-oncologue. Il mentionne ce qui suit dans son rapport de consultation :

Au niveau des antécédents de monsieur Gagnon, on note une intoxication au plomb sévère avec toxicité neurologique et séquelles permanentes. Monsieur Gagnon souffre aussi de dépression depuis plusieurs années.

 

Au niveau chirurgical, il a déjà subi une appendicectomie ainsi qu'une fracture de cheville sans particularité. Il ne prend aucun médicament actuellement et ne présente aucune allergie médicamenteuse. Il fume toujours quelques cigarettes par jour et ne consomme pas d'alcool de façon régulière.

 

À l'histoire, nous ne notons que très peu de symptômes avant le diagnostic de néoplasie de l'œsophage porté en janvier dernier. Sa conjointe a seulement noté une perte de poids d'environ 5 à 10 lbs et très peu de symptômes digestifs mis à part une diminution légère de son alimentation et une lenteur à manger. Un transit de l'œsophage a été fait en décembre et on aurait noté une néoplasie de l'œsophage. Une gastroscopie a été effectuée en janvier dernier et a démontré une lésion très suspecte de néoplasie qui a été confirmée par la biopsie. Il s'agit en effet d'un carcinome épidermoïde infiltrant au niveau du tiers médian de l'œsophage. Le patient n'a pas présenté de température ni de frisson dans les derniers mois. Il a par contre présenté des sudations nocturnes occasionnelles.

 

[...]

 

 

[51]        Le docteur Bergeron retient comme diagnostic celui de carcinome infiltrant de stade IV au niveau du tiers moyen de l'œsophage. Compte tenu du stade avancé de la néoplasie et du pronostic, il est décidé de ne pas entreprendre de traitements de radiothérapie ou de chimiothérapie.

[52]        Le 28 octobre 2008, à la suite du décès de monsieur Gagnon, une autopsie est effectuée par le docteur Pierre Bergeron, anatomo-pathologiste. Ce médecin a produit un rapport préliminaire, fondé sur des données macroscopiques, qui se lit comme suit :

Bronchopneumonie bilatérale aux lobes inférieurs et moyen

Carcinome probablement thyroïdien mais aussi peut-être œsophagien (voir histologie à venir

Métastases ganglionnaires massives médiastinales et péri-hépatiques

Métastases hépatiques multiples

Métastase osseuse à la clavicule droite

Emphysème pulmonaire avec fibrose parenchymateuse bilatérale

Épanchements pleuraux (100 cc chacun) et péricardique

Intoxication au plomb connue. [sic]

 

 

[53]        Le 24 novembre 2008, madame L'Heureux-Gagnon présente à la CSST, au nom de la succession, une réclamation pour faire reconnaître que le décès de monsieur Gagnon est relié à la lésion professionnelle qu'il a subie le 3 octobre 1996, soit son intoxication au plomb.

[54]        Le 29 janvier 2009, la CSST décide que madame L'Heureux-Gagnon n'a plus droit, après le 24 janvier 2009, à l'indemnité de remplacement du revenu qu'elle versait à monsieur Gagnon. Elle confirme cette décision le 15 avril 2009 à la suite d'une révision administrative, d'où l'objet de l'appel de madame L'Heureux-Gagnon.

[55]        Le 20 avril 2009, la CSST décide qu'aucune indemnité ne peut être versée en raison du décès de monsieur Gagnon parce que son décès n'est pas relié à sa lésion professionnelle du 3 octobre 1996. Cette décision est fondée sur l'opinion suivante émise le 16 avril 2009 par le médecin-conseil de la CSST, la docteure Maryse Jutras :

Selon éléments au dossier, l'intoxication au plomb a laissé des séquelles de nature psychologique. Le T recevait des traitements palliatifs pour un cancer de l'œsophage diagnostiqué au début de 2007. Le rapport préliminaire d'autopsie indique une atteinte pulmonaire étendue, des épanchements pleuraux et péricardique et une atteinte métastatique importante qui ne sont pas en relation avec l'intoxication au plomb mais plutôt avec la progression de la néoplasie. [sic]

 

 

[56]        Le 13 juillet 2009, le docteur Pierre Bergeron rédige son compte rendu final d'autopsie dans lequel il mentionne ce qui suit :

RÉSUMÉ CLINIQUE

Cet homme souffrait d'une intoxication au plomb diagnostiquée en 1996 alors qu'il avait 49 ans et était au travail. Il a eu un arrêt de travail à vie compensé par la CSST. On notait une intoxication sévère et de la dégénérescence physique et psychique avec une encéphalopathie à vie. À 59 ans, on diagnostique une néoplasie de l'œsophage non traitable. Le patient décède à la maison le 26 octobre 2008 à 14 heures 06.

 

 

[57]        Par la suite, il fait état de ses observations en regard des différents systèmes. Il rapporte ce qui suit pour les systèmes respiratoire et digestif :

SYSTÈME RESPIRATOIRE

Le poumon droit pèse 970 grammes et le gauche 930. Les deux poumons sont congestifs. Il y a également une bronchopneumonie récente au lobe inférieur et moyen droits ainsi qu'au lobe inférieur gauche. De plus, il y a un emphysème parenchymateux bilatéral modéré et des foyers de fibrose interstitielle parenchymateuse surtout périvasculaire et péribronchique du pigment brunâtre dans les histiocytes. La trachée est entourée de tissu tumoral et il y a des métastases dans les ganglions péribronchiques et péritrachéaux.

SYSTÈME DIGESTIF

L'œsophage est entouré d'une tumeur qui pénètre également dans sa lumière. Cette lésion tumorale comble les ganglions médiastinaux et entoure également la trachée. La tumeur infiltre apparemment complètement la thyroïde. De multiples examens d'immunoperoxydase ont été effectués. La vimentime est négative alors que EMA et CEA sont très positifs. Le K7 est négatif mais le K20 est légèrement positif. Le TTF1 et la thyroglobuline sont négatifs. La lésion est un adénocarcinome peu différencié œsophagien.

 

L'estomac contient un peu de matériet surtout liquide. L'intestin grêle et le côlon sont sans particularité.

Status post-appendicectomie.

Le foie de 1640 grammes contient une multitude de métastases mesurant de 3 à 8 cm. Le pancréas de 45 grammes est sans particularité mais il y a quelques métastases ganglionnaires au hile hépatique et au pourtour du pancréas. La vésicule et les voies biliaires sont sans particularités. [sic]

 

 

[58]        Le docteur Bergeron conclut son rapport dans les termes suivants :

EN CONCLUSION

Cet homme avec une intoxication au plomb souffrait d'un adénocarcinome œsophagien avec des métastases ganglionnaires et hépatiques. Il est décédé avec une bronchopneumonie bilatérale.

 

DIAGNOSTIC

1.            Adénocarcinome œsophagien.

2.            Métastases ganglionnaires médiastinales massives et péri-hépatiques.

3.            Métastases hépatiques multiples.

4.            Métastase osseuse à la clavicule droite.

5.            Bronchopneumonie bilatérale.

6.            Emphysème parenchymateux pulmonaire avec fibrose parenchymateuse bilatérale.

7.            Épanchements  / pleuraux.

8.            Intoxication au plomb connue.

9.            Examen post-mortem du cerveau effectué par le docteur Gould.

 

 

[59]        Le 28 juillet 2009, la CSST confirme sa décision du 20 avril 2009 à la suite d'une révision administrative, d'où l'objet de l'appel de la succession Gilles Gagnon.

L’AVIS DES MEMBRES

[60]        Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que les requêtes doivent être rejetées.

[61]        En ce qui concerne le dossier 379147-03B-0905, ils estiment que la décision de la CSST est rendue en application de la loi et que madame L'Heureux-Gagnon n'avait plus droit, après le 24 janvier 2009, à l'indemnité de remplacement du revenu que recevait monsieur Gagnon avant son décès.

[62]        En ce qui concerne le dossier 387068-03B-0908, ils estiment que la preuve prépondérante au dossier ne démontre pas que le décès de monsieur Gagnon est relié à la lésion professionnelle qu'il a subie le 3 octobre 1996. Ils concluent qu'aucune indemnité de décès prévue par la loi ne peut être versée en raison du décès de monsieur Gagnon.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[63]        Par sa décision du 29 janvier 2009, confirmée le 15 avril 2009, la CSST a décidé que madame L'Heureux-Gagnon n'avait plus droit, après le 24 janvier 2009, à l'indemnité de remplacement du revenu qu'elle versait à monsieur Gagnon, et ce, en application de l'article 58 de la loi, lequel se lit comme suit :

58.  Malgré le paragraphe 2° de l'article 57, lorsqu'un travailleur qui reçoit une indemnité de remplacement du revenu décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle, cette indemnité continue d'être versée à son conjoint pendant les trois mois qui suivent le décès.

__________

1985, c. 6, a. 58.

 

 

[64]        Cette décision est donc bien fondée puisque madame L'Heureux-Gagnon ne pouvait pas recevoir au-delà de cette période de trois mois l'indemnité de remplacement du revenu que la CSST versait à monsieur Gagnon avant son décès.

[65]        La Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion sur le premier litige que madame L'Heureux-Gagnon n'avait plus droit, après le 24 janvier 2009, à l'indemnité de remplacement du revenu que monsieur Gilles Gagnon recevait avant son décès.

[66]        Par ailleurs, les indemnités de décès que réclame madame L'Heureux-Gagnon sont celles qui sont prévues aux articles suivants de la loi :

98.  Le conjoint du travailleur décédé a droit à une indemnité forfaitaire dont le montant est égal au produit obtenu en multipliant le revenu brut annuel d'emploi du travailleur, déterminé conformément aux articles 63 à 82 et revalorisé le cas échéant, par le facteur prévu par l'annexe III en fonction de l'âge du conjoint à la date du décès du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 98.

 

 

99.  Si le conjoint est invalide à la date du décès du travailleur, il a droit à l'indemnité forfaitaire la plus élevée des deux suivantes :

 

1° celle qui est déterminée conformément à l'article 98 ; et

 

2° celle qui est égale au double du montant prévu par l'annexe II en fonction de son âge à la date du décès du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 99.

 

 

100.  Le montant de l'indemnité forfaitaire payable au conjoint ne peut être inférieur à 94 569 $.

__________

1985, c. 6, a. 100; 2009, c. 19, a. 2.

 

 

101.  Le conjoint du travailleur décédé a droit, outre l'indemnité forfaitaire prévue par les articles 98 à 100, à une indemnité équivalant à 55 % de l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle avait droit le travailleur à la date de son décès, le cas échéant, ou à laquelle il aurait eu droit à cette date s'il avait alors été incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle.

 

Cette indemnité est payable sous forme de rente mensuelle, à compter de la date du décès du travailleur, pendant la durée prévue par l'annexe IV, selon l'âge du conjoint à cette date.

__________

1985, c. 6, a. 101.

 

 

109.  Le conjoint a droit, au décès du travailleur, à une indemnité de 1 000 $.

 

À défaut de conjoint, la Commission verse cette indemnité aux autres personnes à charge, à parts égales.

__________

1985, c. 6, a. 109.

 

 

111.  La Commission rembourse à la personne qui les acquitte, sur production de pièces justificatives :

 

1° les frais funéraires jusqu'à concurrence de 4 599 $;

 

2° les frais de transport du corps du travailleur du lieu du décès au funérarium le plus près de la résidence habituelle du défunt, s'il résidait au Québec, ou à un autre endroit approuvé par la Commission.

__________

1985, c. 6, a. 111; 2009, c. 19, a. 5.

 

 

[67]        Pour que madame Gagnon ait droit à ces indemnités, la preuve doit établir d'une manière prépondérante que le décès de monsieur Gagnon est relié à sa lésion professionnelle du 3 octobre 1996 et plus précisément, à l'intoxication au plomb qu'il a subie.

[68]        Au soutien des contestations, madame L'Heureux-Gagnon a transmis au tribunal une pile de documents totalisant plus de 200 pages et dans la lettre qu'elle a fait parvenir avec ces documents, elle soumet que l'analyse des deux rapports d'autopsie et du volumineux dossier établit que le décès de son conjoint est relié à sa lésion professionnelle.

[69]        La plupart des documents qu'elle a transmis se trouvent déjà au dossier. Il s'agit entre autres du rapport préliminaire d'autopsie et du compte rendu d'autopsie rédigés par le docteur Bergeron, d'extraits de rapports de consultation ou d'expertises, de rapports d'analyses sanguines et d'examens d'imagerie, du formulaire de réclamation présentée en 2008, de notes évolutives du dossier, de décisions de la CSST, de lettres du docteur Nolin, notamment une lettre écrite le 3 mai 2004 à l'intention de la Commission de la construction du Québec dans laquelle il mentionne ce qui suit :

Il ne fait aucun doute à la lecture du dossier de neuropsychologie et de toxicologie que l'état de santé du patient est exclusivement attribuable à l'intoxication au plomb.

 

 

[70]        Sur plusieurs documents, madame L'Heureux-Gagnon a souligné des passages et a écrit différents commentaires pour rappeler notamment que monsieur Gagnon a subi une intoxication sévère au plomb. En voici quelques exemples :

Depuis 1996 qu'il y avait dégénérescence continuelle.

La CSST savait déjà l'étendue de la dégénérescence.

 

Le décès de M. Gagnon est relié au plomb partout au dossier.

Cause de la mort : Bronchopneumonie et non un de ses cancers (celui de l'œsophage)

[…]

Le patient est décédé avec une créatine de 436 (pour 275) et encore du plomb dans le corps 0,54 (Santé Canada). [sic]

 

 

[71]        Sur le compte rendu d'autopsie rédigé par le docteur Bergeron, à côté de chaque anomalie rapportée par ce médecin aux différents systèmes qu'il a examinés, madame L'Heureux-Gagnon a écrit le mot « plomb ».

[72]        Elle reproche à la CSST d'avoir décidé de manière prématurée que le décès de monsieur Gagnon n'était pas relié à son intoxication au plomb parce qu'elle s'est fondée sur le rapport préliminaire d'autopsie et qu'elle n'a pas attendu le compte rendu final.

[73]        Parmi les documents qu'elle a transmis, on retrouve aussi des articles de littérature médicale portant sur l'exposition au plomb et une expertise en hygiène industrielle portant sur l'opération de sablage d'un pont qui sont déjà au dossier ainsi que deux autres études intitulées « Intoxication au plomb »[2] et « Intoxication professionnelle par le plomb »[3]. Madame L'Heureux-Gagnon a également joint des articles de journaux portant sur des cas de saturnisme en Chine et sur des morts d'enfants au Nigeria causées par des émanations de plomb ainsi que des documents qu'elle a rédigés.

[74]        À la lecture des rapports d'autopsie, il semble que la cause directe du décès de monsieur Gagnon soit la bronchopneumonie bilatérale laquelle résulte, selon toute vraisemblance, de l'affaiblissement du système immunitaire causé par le cancer de l'œsophage.

[75]        Il semble par ailleurs y avoir une certaine controverse entre les deux médecins anatomo-pathologistes sur le type de cancer de l'œsophage présent chez monsieur Gagnon. Pour le docteur Couture, il s'agirait d'un carcinome épidermoïde infiltrant alors que pour le docteur Bergeron, il s'agirait plutôt d'un adénocarcinome.

[76]        Quoi qu'il en soit, il n'existe au dossier aucune preuve de relation entre le cancer de l'œsophage et l'intoxication au plomb ou encore, entre la bronchopneumonie bilatérale et l'intoxication au plomb.

[77]        Il n'y a rien dans les éléments factuels de la preuve au dossier qui permet de conclure à la présence d'une telle relation.

[78]        Les documents transmis par madame L'Heureux-Gagnon ne traitent aucunement de cette question. La lettre du 3 mai 2004 dans laquelle le docteur Nolin écrit qu'il « ne fait aucun doute à la lecture du dossier de neuropsychologie et de toxicologie que l'état de santé du patient est exclusivement attribuable à l'intoxication au plomb » a été écrite avant que le diagnostic de cancer n'ait été posé et ne concerne pas cette maladie.

[79]        Enfin, malgré qu'il en soit question depuis l'année 2009 et que l'audience ait été remise à différentes reprises pour cette raison, madame L'Heureux-Gagnon n'a pas été en mesure de déposer en preuve une opinion médicale qui établit l'existence d'une relation entre le décès de monsieur Gagnon survenu en 2008 et l'intoxication au plomb qu'il a subie en 1996.

[80]        La relation entre l'intoxication au plomb et le cancer de l'œsophage ne demeure donc qu'une hypothèse, et ce, au même titre que celle pouvant exister entre cette maladie et d'autres facteurs potentiels de risque qui étaient présents chez monsieur Gagnon, comme son tabagisme et sa consommation régulière d'alcool, même si celle-ci n'était pas excessive.

[81]        Après considération de la preuve au dossier, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que le décès de monsieur Gagnon survenu le 26 octobre 2008 n'est pas relié à la lésion professionnelle qu'il a subie le 3 octobre 1996 et qu'aucune indemnité de décès prévue par la loi ne peut être versée en raison du décès de monsieur Gagnon.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 379147-03B-0905

REJETTE la requête de madame Monique L'Heureux-Gagnon;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 avril 2009 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que madame L'Heureux-Gagnon n'avait plus droit, après le 24 janvier 2009, à l'indemnité de remplacement du revenu que recevait monsieur Gilles Gagnon avant son décès.

Dossier 387068-03B-0908

REJETTE la requête de la succession Gilles Gagnon;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 juillet 2009 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que le décès de monsieur Gilles Gagnon survenu le 26 octobre 2008 n'est pas relié à la lésion professionnelle qu'il a subie le 3 octobre 1996 et qu'aucune indemnité de décès prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne peut être versée en raison du décès de monsieur Gagnon.

 

 

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Claude-André Ducharme

 

 

 

 

Valérie Houde

Groupe Conseil B & G inc.

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           PASSEPORTSANTÉ.NET, Intoxication au plomb, mise à jour décembre 2008, [En ligne],

<http://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=intoxication_plomb_pm>

(Page consultée le 21 mai 2010).

[3]          INSTITUT UNIVERSITAIRE DE MÉDECINE DU TRAVAIL DE RENNES, Intoxication professionnelle par le plomb, mis à jour le 30 décembre 1997, [En ligne],

<http://web.archive.org/web/20010702204729/http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/med_travail/index4.htm> (Page consultée le 27 mai 2013).

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