Pierre-Louis et Centre de santé et de services sociaux de la Montagne |
2016 QCTAT 721 |
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL |
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(Division de la santé et de la sécurité du travail) |
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Région : |
Outaouais |
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Dossier : |
493552-71-1301 |
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Dossier CNESST : |
138829379 |
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Gatineau, |
le 17 février 2016 |
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : |
Marie Langlois |
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Yves-France Pierre-Louis |
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Partie demanderesse |
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et |
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Centre de santé et de services sociaux de la Montagne |
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Partie mise en cause |
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DÉCISION RECTIFIÉE
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[1] Le Tribunal administratif du travail a rendu le 5 février 2016, une décision dans le présent dossier.
[2] Cette décision contient erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 48 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[1].
[3] À la dernière page, nous lisons :
Me Jean-François Lapointe
[4] Alors que nous aurions dû lire :
M. Jean-François Lapointe
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Marie Langlois |
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M. Jean-François Lapointe |
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C.S.N |
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Pour la partie demanderesse |
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Me Michel J.Duranleau |
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MUNICONSEIL AVOCATS |
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Pour la partie mise en cause |
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Date de la dernière audience : 8 décembre 2015 |
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Pierre-Louis et Centre de santé et de services sociaux de la Montagne |
2016 QCTAT 721 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 17 avril 2015, le Centre de santé et de services sociaux de la Montagne (l’employeur) dépose une requête par laquelle il demande la révision ou la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 9 mars 2015.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette une requête en révision ou révocation de l’employeur.
[3] Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[2] (la LITAT) est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou devant la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.
[4] L’audience portant sur la requête en révision ou en révocation est tenue le 8 décembre 2015 à Montréal, devant la soussignée, juge administrative à la Commission des lésions professionnelles qui était accompagnée de Monsieur Michel Gauthier, membre issu des associations d’employeurs et de Madame Louise Larivée, membre issue des associations syndicales. L’article 260 de la LITAT prévoit que le mandat des membres autres que les commissaires prend fin le 31 décembre 2015 et que ces membres ne terminent pas les affaires qu’ils avaient commencées. Comme l’affaire n’était pas terminée en date du 31 décembre 2015, l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs n’a pas à être rapporté.
[5] L’article 258 de la LITAT prévoit que le mandat des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission des relations du travail est, pour la durée non écoulée de ce mandat, poursuivi à titre de membre de Tribunal administratif du travail. La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de membre du Tribunal administratif du travail.
[6] Lors de l’audience du 8 décembre 2015, Madame Yves-France Pierre-Louis (la travailleuse) est absente, mais elle est représentée par un avocat. L’employeur y est également représenté par un avocat. La cause est prise en délibéré au terme de l’audience. Il est à noter que l’audience s’est faite conjointement avec l’audience au dossier Assal et CSSS de la Montagne, 537224-71-1403, cependant, tel que convenu avec les parties, deux décisions distinctes sont rendues.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[7] Par sa requête en révision ou en révocation, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision en révision du 9 mars 2015 (CLP2), de réviser la décision rendue le 20 mars 2014 (CLP1) et de déclarer irrecevable la requête de la travailleuse mettant ainsi fin au dossier.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Le Tribunal administratif du travail doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 9 mars 2015 (CLP2).
[9] Rappelons que l’article 51 de la LITAT prévoit qu’une décision rendue par un juge administratif est sans appel et que toute personne visée par cette décision doit s’y conformer sans délai :
51. La décision du Tribunal est sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
(…)
__________
2015, c. 15, a. 51.
[10] De plus, le Tribunal administratif du travail ne peut réviser ou révoquer une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles ou le Tribunal administratif du travail que pour l’un des motifs prévus à l’article 49 de la LITAT, disposition qui remplace l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi). La disposition de la LITAT est la suivante :
49. Le Tribunal peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'il a rendu:
1° lorsque est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie intéressée n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations ou se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à l'invalider.
Dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le membre qui l'a rendu.
__________
2015, c. 15, a. 49.
[11] Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la révision ou de la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles ou du Tribunal administratif du travail, une partie doit démontrer, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, l’un des motifs prévus par le législateur à la disposition précitée, sans quoi, sa requête doit être rejetée.
[12] Comme l’énonce la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles[4], reprise par les décisions rendues depuis le 1er janvier 2016 par le Tribunal administratif du travail[5], le pouvoir de révision ou de révocation prévu à l’article 49 de la LITAT doit être considéré comme une procédure d’exception ayant une portée restreinte.
[13] En l’espèce, l’employeur invoque le vice de fond de nature à invalider la décision en application du troisième paragraphe de l’article 49 de la LITAT. Comme le troisième paragraphe de l’article 49 de la LITAT est identique à celui de l’article 429.56 (3) de la loi, la jurisprudence développée sous cette disposition continue de s’appliquer.
[14] Cette jurisprudence rappelle invariablement que le recours en révision ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision. Dans l’arrêt Bourassa[6], la Cour d’appel énonce que sous prétexte de « vice de fond », le recours en révision ne doit pas être un appel sur la base des mêmes faits et ajoute « Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments ».
[15] Comme l’énonce la Cour d’appel dans les arrêts Fontaine et Toulimi[7], une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. La Cour d’appel insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitant et incitant le Tribunal administratif du travail à faire preuve d’une très grande retenue lorsqu’il est saisi d’un recours en révision.
[16] La jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles énonce avec justesse qu’une première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle pourra être révisée[8]. D’ailleurs, dans un arrêt rendu en 2014[9], la Cour d’appel reprend avec encore plus d’emphase ces principes dans les termes suivants :
[65] Nous l’avons vu, un vice de fond n’est pas une divergence d’opinions ni même une erreur de droit. Un vice de fond de nature à invalider une décision est une erreur fatale qui entache l’essence même de la décision, sa validité même.
[66] Les qualificatifs utilisés par la Cour ne manquent pas : « serious and fundamental defect, fatal error, unsustainable finding of facts of law », décision ultra vires ou légalement nulle.
[En italique dans le texte original]
[17] Le recours en révision ou en révocation n’est donc pas une occasion permettant à une partie de bonifier sa preuve ou de peaufiner ses arguments[10]. La requête en révision n’est pas non plus un outil destiné à assurer la cohérence des décisions administratives[11]. D’ailleurs, la Cour d’appel reconnaît que le système de droit administratif admet la théorie du pluralisme interprétatif[12]. Il ne s’agit pas non plus d’une occasion pour faire a posteriori ce qui aurait pu être fait lors de l’audience initiale ou pour s’en plaindre.
[18] Eu égard aux multiples requêtes en révision, la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Industries Cedan inc.[13] s’exprime ainsi :
[20.] La Commission des lésions professionnelles tient à souligner qu'une requête en révision ne constitue pas un processus de contestation en plusieurs tomes ni que l'on peut multiplier les requêtes autant de fois qu'on le juge à propos en invoquant à chaque fois un nouvel argument ou un argument présenté sous une autre forme.
[21.] Il ne faut pas oublier qu'une décision de la Commission d'appel est finale et sans appel et que ce n'est que dans des circonstances bien précises, prévues à la loi, que l'on peut demander la révision ou la révocation d'une décision.
[22.] Lorsqu'une décision fait l'objet d'un recours en révision, il faut être en mesure de démontrer clairement l'erreur que comportait la première décision en révision avant de s'aventurer sur le terrain d'une autre requête.
[23.] Autrement on peut multiplier à l'infini le nombre de requêtes espérant peut-être qu'à l'usure on finira par avoir raison.
[24.] La Commission des lésions professionnelles estime que c'est vicier le processus de finalité des décisions et celui de la révision que de multiplier indûment le nombre de requêtes en révision.
[25.] Survient un moment où on doit réfréner les ardeurs et inviter les parties concernées à s'adresser à une autre instance, si malgré les décisions défavorables, elles estiment toujours que la décision initiale comporte une erreur que personne d'autre n'a pu constater.
[19] Dans l’affaire Perreault[14], la Commission des lésions professionnelles saisie d’une troisième requête en révision énonce à bon droit ce qui suit :
[16] Il s’agit ici de la troisième requête en révision ou en révocation présentée par le travailleur. La jurisprudence nous enseigne qu’une deuxième requête en révision ou en révocation est possible dans la mesure où il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec la décision rendue en révision.
[20] Elle cite avec approbation les propos de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Leclair[15] :
[13] Selon la jurisprudence, l’exercice du recours en révision ne peut être répété pour invoquer un nouvel argument ou présenter les mêmes arguments mais sous une autre forme. Pour avoir gain de cause, le travailleur doit démontrer une nouvelle cause de révision en rapport avec la décision rendue en révision.4.
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4 Industries Cedan inc. et CSST, C.L.P. 75963-62-9512, 26 mai 1999, N. Lacroix, (99LP-137); Zoom réseau affichage intérieur et CSST, [2000] C.L.P. 774; Rivard et C.L.S.C. des Trois vallées, C.L.P. 137750-64-0005, 31 juillet 2001, S. Di Pasquale; Canadien Pacifique et Scalia, C.L.P. 147844-72-0010, 2 juin 2005, L. Nadeau
[21] Ainsi, en l’espèce, pour réussir dans sa démarche, à savoir la révision d’une décision en révision, l’employeur doit démontrer que la décision en révision du 9 mars 2015 comporte une erreur manifeste et déterminante constituant un vice de fond de nature à l’invalider. Le présent Tribunal ne peut écarter la conclusion à laquelle en arrive la seconde juge administrative en y substituant sa propre analyse. Les mêmes principes que ceux applicables pour la révision de la première décision doivent s’appliquer.
[22] En somme le présent Tribunal (CLP3) ne peut se mettre à la place de la seconde juge administrative (CLP2) pour décider si la première décision (CLP1) doit être révisée. Il doit plutôt vérifier si la seconde décision comporte un vice de fond au sens du troisième paragraphe de l’article 49 de la LITAT. Si tel n’est pas le cas, le Tribunal ne peut intervenir.
[23] En l’espèce, l’employeur plaide que la décision du 9 mars 2015 (CLP2) comporte un vice de fond de nature à l’invalider puisque cette décision rejette la requête en révision de l’employeur à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 20 mars 2014 (CLP1) alors qu’elle aurait dû l’accueillir. Il soutient que la requête en révision de l’employeur à l’encontre de la décision CLP1 se devait d’être accueillie par CLP2.
[24] Il plaide que la deuxième juge administrative a commis une erreur de droit lorsque commentant une décision déposée par l’employeur, l’affaire Dansereau[16], elle qualifie le délai de l’article 359 de la loi comme n’étant pas un délai de rigueur. Il ajoute qu’une seconde erreur manifeste et déterminante a été commise en ce que la deuxième juge administrative aurait dû constater que la décision de la première juge administrative était entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider puisque la première juge administrative a décidé sans preuve que la travailleuse avait fait preuve de diligence dans la conduite de son dossier.
[25] En regard de la première erreur invoquée, à savoir que la deuxième juge administrative aurait commis une erreur de droit en énonçant que le délai de l’article 359 de la loi n’est pas un délai de rigueur ou de déchéance, le Tribunal ne peut faire droit à l’argument de l’employeur.
[26] En effet, la deuxième juge administrative rend une décision claire et intelligible sur cette question. Commentant la décision Dansereau[17] qui date de 1993, déposée par l’employeur, elle énonce que deux courants jurisprudentiels existent sur la question de savoir si les délais de la loi sont ou non des « délais de rigueur ». Elle explique de façon tout à fait logique les raisons pour lesquelles elle choisit l’un de ceux-ci. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à relire ses propos aux paragraphes [42] à [52] pour constater que son raisonnement est soutenable en droit et qu’il est appuyé sur la jurisprudence. À l’appui de son raisonnement, elle cite et commente des décisions de la Commission des lésions professionnelles et des tribunaux supérieurs dont la Cour d’appel du Québec. Le raisonnement suivi est intelligible et se situe dans le cadre des interprétations de la loi qui ont cours.
[27] Certes, l’employeur est en désaccord avec l’interprétation retenue, mais tel que mentionné plus tôt, le tribunal en révision ne peut, à moins d’une erreur fatale, réapprécier le choix retenu par la deuxième juge administrative. La décision CLP2 ne comporte aucune erreur de droit et encore moins une erreur manifeste et déterminante constituant un vice de fond de nature à invalider la décision sur cette question. L’argument de l’employeur est rejeté.
[28] Quant à la seconde erreur invoquée, il y a lieu de noter que cette erreur avait déjà été alléguée par l’employeur devant la deuxième juge administrative, sans succès. Il a plaidé que l’absence de preuve de diligence de la part de la travailleuse ne permettait pas de relever la travailleuse de son défaut de délai. Il reprend cet argument devant la soussignée. Il plaide que la seconde juge administrative aurait dû conclure à la négligence de la part de la travailleuse. Il considère cette erreur comme étant déterminante sur l’issue du litige, puisque cela justifie la conclusion de recevabilité de la requête produite par la travailleuse le 24 janvier 2013. Il s’agit d’un élément crucial sur lequel la première juge administrative se fonde pour déterminer que la travailleuse avait un motif raisonnable pour justifier son défaut de délai.
[29] La deuxième juge administrative rapporte l’argument de l’employeur aux paragraphes [38] et [39] de sa décision qui se lisent comme suit :
[38] Lors de l’audience, le procureur de l’employeur allègue plus particulièrement que la première juge administrative aurait commis une erreur justifiant la révision de sa décision en assimilant la surcharge de travail alléguée par la représentante de la travailleuse à un motif raisonnable et, surtout, en n’exigeant pas de la travailleuse la preuve de sa diligence dans le suivi de son dossier, ce qui était indispensable pour conclure à la démonstration d’un motif raisonnable.
[39] Le procureur de l’employeur est ainsi d’avis qu’il y avait absence totale de preuve de diligence de la part de la travailleuse, et même un flou quant à savoir si elle avait même donné mandat à son syndicat de contester la décision en litige, la conclusion de la première juge administrative quant à la démonstration d’un motif raisonnable constituant dès lors une erreur grave, manifeste et déterminante justifiant sa révision.
[30] La deuxième juge administrative fait état de la jurisprudence déposée par l’employeur sur cette question et discute notamment de la question du « délai de rigueur », tel que vu précédemment. Puis, elle énonce que « l’ultime question » qu’avait à trancher la première juge administrative était celle de la négligence ou de la diligence de la travailleuse dans le suivi de son dossier. Elle rapporte les propos de la première juge administrative à ce sujet :
[63] (…) La première juge administrative y répond comme suit au paragraphe 46 de sa décision :
[46] Dans les circonstances, il était raisonnable de ne pas exiger de la travailleuse qu’elle suive son dossier en appelant pour s’assurer que la contestation avait bien été faite alors qu’un tel mandat avait été donné de contester. Il serait déraisonnable dans les circonstances d’un si court délai d’exiger de la travailleuse une telle démarche.
[31] La deuxième juge administrative constate que :
[64] Cette réponse de la première juge administrative est fondée sur la preuve, elle est motivée, intelligible, logique, rationnelle et ne comporte pas d’erreur grave, manifeste et déterminante.
[32] Elle reprend les éléments d’analyse comme suit :
[65] Le délai entre la réception de la décision et le dépôt de la requête est de deux mois et demi, incluant la période des Fêtes : le fait pour la première juge administrative de considérer que l’on ne peut taxer la travailleuse de négligence ou lui reprocher de ne pas avoir été diligente du seul fait qu’elle ne se serait pas assurée, à l’intérieur de ce court délai, que son syndicat avait bel et bien déposé la requête, relève de son appréciation de la preuve et ne comporte pas de vice de fond justifiant la révision de sa décision.
[66] En ce qui concerne le mandat donné au syndicat, l’employeur n’allègue tout au plus qu’un certain flou dans la preuve, sans plus, ce qui, comme mentionné précédemment, ne démontre pas que la première juge administrative ait commis une erreur grave, manifeste et déterminante.
[67] En outre, un mandat de représentation, incluant pour un recours devant la Commission des lésions professionnelles, a bel et bien été signé par la travailleuse le 11 septembre 2012, lequel devait bien référer à quelque chose puisque la travailleuse a elle-même rempli et signé sa demande de révision de la décision initiale en litige et qu’il ne restait plus ensuite qu’une potentielle requête à la Commission des lésions professionnelles à produire, advenant le maintien par la CSST de sa décision initiale.
[68] La présidente du syndicat n’émet finalement, lors de son témoignage, aucun doute quant au fait que la décision reçue le 9 novembre 2012 par le syndicat aurait dû immédiatement être contestée par ce dernier et que la travailleuse n’avait pas à s’assurer que cela soit fait et soit fait à l’intérieur du délai imparti par la loi.
[33] Elle retient que :
[69] La première juge a ainsi examiné l’ensemble de la preuve et conclu que celle-ci était prépondérante quant à l’existence d’un mandat et quant au fait que la travailleuse n’avait pas fait preuve d’un manque de diligence dans le suivi de son dossier. Il n’est pas impossible qu’un autre juge administratif aurait conclu autrement. Mais, encore une fois, là n’est pas la question.
[34] Elle rappelle les principes applicables à la révision :
[71] Le tribunal rappelle que la décision de la première juge administrative est finale et sans appel et que le présent recours en est un d’exception dans le cadre duquel le tribunal doit faire preuve de beaucoup de réserve. Il ne saurait en aucune façon être question de réapprécier la preuve, ce à quoi la demande de l’employeur s’assimile indubitablement.
[35] Les principes sont valablement énoncés. La soussignée tient à souligner que ces principes s’appliquent avec encore plus d’acuité lorsque la décision à réviser est une décision en révision.
[36] La seconde juge administrative conclut de la façon suivante :
[74] Il s’agit de l’appréciation de la preuve de la première juge administrative, elle est logique, rationnelle, motivée et fondée sur la loi et de la jurisprudence et le tribunal n’y retrouve pas d’erreur grave, manifeste et déterminante qui pourrait justifier son intervention.
[75] D’aucuns, comme l’employeur, peuvent être en désaccord avec cette appréciation de la preuve et peuvent souhaiter que la notion de « motif raisonnable » soit appréciée de manière plus stricte ou sévère, mais un désaccord ne constitue pas un motif de révision ni, par ailleurs, le fait que dans certaines décisions une interprétation plus stricte ait été retenue.
[76] Il est en effet bien établi que le recours en révision ne constitue pas un moyen d’atteindre une parfaite cohérence au sein du tribunal et que même la présence d’un conflit jurisprudentiel ne saurait constituer un motif acceptable de révision ou de révocation.30
30 Voir notamment : CSST c. Fontaine, précitée, note 11, parag. 63 ; Moreau et Régie de l’Assurance maladie du Québec, précitée, note 12, parag. 71; Desjardins et Réno-dépôt, [1999] C.L.P. 898; Robin et Hôpital Marie Enfant, C.L.P. 87973-63-9704, 13 octobre 1999, J.-L. Rivard; Buggiero et Vêtements Eversharp ltée, 93633-71-9801, 10 novembre 1999, C.-A. Ducharme, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-054889-991, 30 mars 2001, J. Baker; Gaumond et Centre d'hébergement St-Rédempteur inc., [2000] C.L.P. 346; Couture et Les immeubles Jenas, [2004] C.L.P. 366; Vêtements Golden Brand Canada ltée et Cardenas, C.L.P. 187742-72-0207, 1er mars 2006, M. Zigby.
[37] La soussignée estime que le raisonnement de la seconde juge administrative est clair, logique, tout à fait intelligible et sa conclusion s’inscrit dans les conclusions possibles pour ce type de dossier. En effet, la conclusion à laquelle elle arrive est motivée et appuyée par un raisonnement sans faille, fondé sur la loi et la jurisprudence.
[38] L’employeur n’a pas démontré une nouvelle cause de révision en rapport avec la décision rendue en révision le 9 mars 2015.
[39] Certes, l’employeur est en désaccord avec la décision, mais il n’y a pas d’erreur fatale qui entache l’essence même de la décision, sa validité même, pour reprendre les mots de la Cour d’appel dans l’arrêt Moreau[18]. Il n’appartient pas au tribunal en seconde révision de substituer sa propre analyse. L’analyse est faite par la deuxième juge administrative qui est la décideuse spécifiquement chargée de cette tâche. En l’espèce, la seconde juge administrative s’en est acquittée sans commettre d’erreur manifeste et déterminante. L’argument soulevé par l’employeur est rejeté.
[40] Par conséquent, le Tribunal administratif du travail conclut que la décision rendue en révision le 9 mars 2015 n’est pas entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider au sens du troisième alinéa de l’article 49 de la LITAT de sorte que la requête de l’employeur est rejetée.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
REJETTE la requête en révision ou en révocation de l’employeur, le Centre de santé et de services sociaux de la Montagne.
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Marie Langlois |
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Me Jean-François Lapointe |
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C.S.N |
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Pour la partie demanderesse |
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Me Michel J.Duranleau |
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MUNICONSEIL AVOCATS |
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Pour la partie mise en cause |
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Date de la dernière audience : 8 décembre 2015 |
[1] RLRQ, c. T-15.1.
[2] RLRQ, c. T-15.1.
[3] RLRQ, c. A-3.001.
[4] Voir entre autres Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.
[5] Voir entre autres Tibilla et Agence du revenu du Canada, T.A.T. 535468-71-1402, 6 janvier 2016, S. Sénéchal; Les Aliments Ludo inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, T.A.T. 552639-01A-1409, 7 janvier 2016, S. Di Pasquale.
[6] Bourassa c. C.L.P., [2003] C.L.P. 601 (C.A.).
[7] CSST c. Fontaine, [2005] C.L.P. 626 (C.A.); CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A).
[8] Voir notamment Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau, (05LP-220).
[9] Moreau c. Régie de l’assurance maladie du Québec, 2014 QCCA 1067, par. 65 et 66.
[10] Bossé et Mirinox, C.L.P. 352202-31-0806, 6 novembre 2009, C. Racine, (09LP-158).
[11] Moreau c. Régie de l’assurance maladie du Québec, précité, note 8, par. 71.
[12] Idem, par. 71.
[13] Industries Cedan inc. et CSST, C.L.P. 75963-62-9512, 26 mai 1999, N. Lacroix.
[14] Perreault et Atlas Construction inc., 2013 QCCLP 4957, requête en révision judiciaire rejetée CS Québec 200-17-018932-137, 21 janvier 2014, j. C. Samson, requête pour permission d’appeler à la Cour d’appel rejetée , 2014 QCCA 539, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada rejetée, CSC 35900, 25 septembre 2014, jj. LeBel, Karakatsanis et Gascon.
[15] Leclair et Montacier inc., C.L.P. 224928-62A-0401, 28 octobre 2008, S. Di Pasquale. Voir aussi : Laurin et Fréchette Station-service, C.L.P. 112547-63-9903, 2 juillet 2002, F. Mercure; Philippe et Bowater Pâtes et Papiers, C.L.P. 217109-07-0309, 18 octobre 2006, L. Boucher; Tardif et Les Services ménagers Roy ltée, C.L.P. 319827-62C-0706, 13 mai 2011, C.-A. Ducharme; K.H. et Compagnie A, 2013 QCCLP 2447; Aspamill inc. et Yee-Ping, 2013 QCCLP 4458.
[16] Dansereau et Hôpital Maisonneuve-Rosemont, [1993] C.A.L.P. 737.
[17] Idem
[18] Moreau c. Régie de l’assurance maladie du Québec, précité, note 8.