DÉCISION
[1] Le 26 avril 2002, monsieur Luc Desmarais (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 16 avril 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme une décision initialement rendue le 17 décembre 2001 et déclare justifiée la suspension des indemnités de remplacement du revenu du travailleur. Cette décision du 17 décembre 2001 les suspend à compter du 6 décembre 2001.
AUDIENCE
[3] Le travailleur et son procureur sont présents à l’audience de même que la procureure de la CSST. L’enquête s’est terminée le 12 mars 2003 sur réception de l’argumentation des parties ainsi que du document médical dont la production a été autorisée après l’audience et confirmation des procureurs qu’ils n’avaient plus de commentaires additionnels à transmettre, le dernier commentaire reçu étant daté le 12 mars 2003. Les membres issus des associations ont donné leur avis les 13 et 14 mai 2003.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure que ses déclarations relatives à ses activités personnelles ne sont pas incompatibles avec les objectifs poursuivis pour la réparation d’une lésion professionnelle à la CSST et que la CSST n’était pas justifiée le 6 décembre 2001 de suspendre ses indemnités de remplacement du revenu en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[5] De façon préliminaire, le travailleur présente une requête en irrecevabilité au motif de chose jugée et demande de déclarer sans effet la décision contestée au motif que deux décisions ont déjà été rendues par la Commission des lésions professionnelles en mars 2001 et août 2002 et ont réglé le litige, de sorte que la CSST n’était pas justifiée de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur. La Commission des lésions professionnelles a rejeté cette requête pour les motifs exprimés à l’audience, lesquels sont repris plus loin dans la présente décision.
LES FAITS
[6] Le travailleur, un droitier né en 1966, est victime d’un accident du travail le 25 juillet 1997 qui est accepté par la CSST comme lui ayant causé une contusion au coude droit. En mars 1998, le Dr Markland, orthopédiste traitant, pratique une désinsertion des épicondyliens droits et une décompression du nerf inter-osseux postérieur droit pour une épicondylite et une compression du nerf inter-osseux postérieur. Le travailleur bénéficie de traitements de physiothérapie et d’infiltration.
[7] Le 22 octobre 1998, le Dr Markland prescrit une orthèse Turnbuckle pour le coude droit et ce, pour trois (3) mois. Le 10 mars 1999, le Dr Markland informe la CSST que le traitement avec l’orthèse est prévu jusqu’à la mi-mars 1999.
[8] Le 17 mars 1999, le Dr Markland complète un rapport final ainsi qu’un rapport d’évaluation médicale dans lequel elle indique que trois mois après la chirurgie, le travailleur présente une perte d’amplitude dans tous les mouvements. Le médecin suggère un programme de changement de dominance et retient les limitations fonctionnelles suivantes, lesquelles n’ont jamais fait l’objet d’une contestation :
. Ne pas faire de mouvement répétitif coude/poignet droits
. Ne pas faire de travail nécessitant les derniers degrés d’extension du coude
. Ne pas faire de travail au-dessus de 90 degrés
. Ne pas soulever plus de 5 livres avec le membre supérieur droit
[9] À la suite d’une contestation du travailleur de l’atteinte permanente, la Commission des lésions professionnelles a conclu, en mars 2001[2], que la lésion professionnelle subie par le travailleur avait entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique de 27,5 %, établie ainsi : atteinte des tissus mous avec séquelles objectivées (déficit anatomo-physiologique de 2 %), perte de 50 degrés d’extension du coude (6 %), perte de 50 degrés de flexion du coude (8 %), perte de 40 degrés de supination du coude (4 %), perte de 15 degrés de pronation du coude (2 %) et 5,5 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie. Aucune atteinte permanente n’a été retenue pour des ankyloses au poignet ou à l’épaule droite.
[10] La Commission des lésions professionnelles n’entend pas relater tous les faits rapportés dans cette décision et y réfère les parties comme si cette décision était citée ici au long. Soulignons que lors de l’audience de février 2001 sur la question de l’atteinte permanente, le travailleur a témoigné ne pas avoir travaillé depuis son accident et éprouver une douleur intense (serrement) au bras dès qu’il le déplie. Il dit avoir donné son automobile à sa conjointe deux ou
trois mois après son accident et prendre l’autobus s’il doit faire de longues distances, conduisant sur de courtes distances seulement, utilisant alors uniquement sa main gauche. Il affirmait alors ne pas utiliser ses deux mains dans ses activités de la vie quotidienne et que sa femme prépare les repas et l’aide pour s’habiller. Dans cette décision, la Commission des lésions professionnelles s’interroge sur la capacité du travailleur à conduire de façon sécuritaire d’une seule main et sur la capacité du travailleur à manipuler les colis et bagages pour les placer dans un coffre d’automobile puisque le travailleur ne peut soulever plus de 5 kg de la main droite et ne peut faire une extension complète du coude droit. Soulignons aussi que le travailleur n’avait pas les permis nécessaires à l’exercice du travail de chauffeur de taxi.
[11] Dans cette décision de mars 2001, la Commission des lésions professionnelles déclare que le travailleur était incapable d’exercer l’emploi convenable de chauffeur de taxi le 18 août 1999, qu’il avait droit aux indemnités prévues à la loi et elle retourne le dossier à la CSST afin que soit mis en œuvre un plan de réadaptation visant à rendre le travailleur capable d’exercer un emploi convenable. La CSST a donc repris charge du travailleur en réadaptation et il a bénéficié d’indemnités de remplacement du revenu.
[12] Le 2 novembre 2001, la conseillère en réadaptation de la CSST note qu’il y a une très bonne collaboration du travailleur qui souhaite que le processus ne soit pas trop long car il dit avoir hâte de s’en sortir.
[13] Le 21 novembre 2001, lors d’une rencontre avec le travailleur, la conseillère en réadaptation note ainsi l’objectif de la rencontre : retour sur les exercices RIASEC et valeurs ainsi que discussion sur les activités de la vie quotidienne et les limitations fonctionnelles. La conseillère rapporte que le travailleur dit ne pouvoir rien faire pour aider à la maison. Une fois qu’elle lui indique qu’il peut sûrement effectuer des activités avec sa main gauche, le travailleur confirme pouvoir effectuer des activités de la main gauche : passer la balayeuse, effectuer l’époussetage, enlever la vaisselle du lave-vaiselle, mettre le linge dans la sécheuse et qu’il lui arrive de retourner la femme de ménage n’en ayant pas besoin. La conseillère rapporte que le travailleur dit ne pas pouvoir bouger son bras droit. Lorsqu’elle lui demande comment il fait pour enlever son manteau lorsqu’il arrive à la maison, il répond qu’il attend sa femme ou qu’il appelle un parent pour venir l’aider.
[14] Lorsque la conseillère demande au travailleur deux précisions (comment il se fait que son avocat ne lui coûte rien et pourquoi il a contesté l’emploi convenable alors qu’il insistait pour que la CSST lui achète un taxi), elle note, dès ce moment, que le travailleur change de personnalité et passe d’une personne collaboratrice à une personne sur la défensive, estimant que la conseillère agira comme le conseiller en réadaptation précédent et ne l’aidera pas. La conseillère termine la rencontre en demandant au travailleur d’aller à la salle Multi-Services du Centre local d’emploi à Emploi-Québec pour consulter des documents afin qu’il explore des métiers qu’il pourrait faire (auto-orientation). La conseillère demande au travailleur de faire une liste de métiers convenables, selon lui, et une liste des documents qu’il a consultés. Le travailleur répond qu’il ne trouvera rien, qu’il ne peut pas écrire et qu’il ne sait pas utiliser l’ordinateur, ce à quoi la conseillère lui mentionne qu’il y a toujours un agent disponible pour aider les personnes à trouver les informations qu’ils cherchent.
[15] À la suite de cette rencontre, la conseillère note que le travailleur a facilement de l’aide pour faire son ménage, mettre et enlever son manteau, ouvrir ou fermer son chalet, qu’il se dit rarement seul mais qu’il a de grandes difficultés à trouver de l’aide pour aller au centre d’emploi. Elle estime que le travailleur n’est pas motivé à s’approprier son processus de réadaptation et qu’il s’en remet complètement aux autres : à sa conjointe pour s’habiller, à sa belle-famille pour ouvrir et fermer son chalet et à son avocat. La conseillère note de plus un écart important entre ce que dit le travailleur et ce qu’il fait. Elle entend discuter du cas avec son directeur et rencontrer le travailleur pour le suivi des démarches au centre d’emploi.
[16] Le 26 novembre 2001, la conseillère discute avec son directeur des contradictions notées lors de la rencontre avec le travailleur et l’avise qu’une source (dénonciation) a informé la CSST que le travailleur se servirait de bras très facilement. La CSST convient alors de mettre le travailleur sous enquête.
[17] Le 5 décembre 2001, la CSST convoque le travailleur pour une rencontre au lendemain. À la suite de cette rencontre, la CSST rapporte ceci :
Le client se présente le bras droit complètement collé sur son ventre. Il présente sa main gauche en signe de salutation, en tenant une enveloppe brune entre ses dents. Il dit qu’un ami est venu le reconduire étant donné qu’on ne payait pas le taxi, ce dernier est parti magasiner en attendant.
Je lui présente France Laflèche, directrice santé sécurité. Je lui demande comment il va. Il dit aller bien. Mme Laflèche lui demande s’il porte toujours son bras collé ainsi sur son ventre, il dit « oui, toujours ». Mme Laflèche le questionnera en regard des possibilités d’utilisation de sa main droite. En réponse à ses questions, il affirmera que les conséquences de ne pas pouvoir bouger son bras droit sont : ne peut pas faire l’épicerie, ni les repas, ne jamais conduire un véhicule, ne jamais déglacer un véhicule, ne pas couper sa viande, il affirmera être incapable de s’habiller seul. Ainsi, il confirmera que c’est sa femme qui fait tout : elle fait l’épicerie, les repas, conduit le véhicule et le déglace l’hiver, lui coupe la viande, l’habille avant de partir travailler, le déshabille, l’aide à aller aux toilettes. Il affirmera même se retenir le jour pendant qu’elle travaille, étant capable de patienter à son retour. Il dira qu’elle en a l’habitude puisqu’elle travaille pour des personnes handicapées, dans un organisme à Sorel, comme secrétaire-comptable. De ses journées, il dit prendre des marches, parler au téléphone. À cette question, il réfère Mme Laflèche aux notes évolutives « c’est tout marquer dans le dossier ». Malgré le fait que Mme Laflèche lui répond qu’elle n’a pas lu les notes, il résistera à répondre à cette question, prétextant qu’elle peut le lire si elle veut savoir ce qu’il fait de ses journées.
(…)
Mme Laflèche lui dit qu’elle a un problème en rapport avec ses dires. Il répondra pas moi ». Elle lui dit que nous l’avons mis sous enquête et que nous avons une cassette vidéo à lui présenter. Il acceptera de vouloir la regarder. Mme Laflèche lui demande si il veut en parler avant, « non » répond-il. Dès le début du visionnement, le travailleur se lèvera pour partir en mentionnant qu’il allait voir son avocat. Nous lui avons manifesté notre désir de visionner le vidéo jusqu’à la fin, ce que le travailleur refusera en se préparant à quitter les lieux. Mme Laflèche a tout juste le temps de l’aviser qu’à partir d’aujourd’hui, ses indemnités sont suspendues en vertu de l’article 142. Le travailleur a manifestement compris et a quitté la pièce.
(nos soulignés)
(…)
[18] Le 7 décembre 2001, la CSST acquiesce à la demande du travailleur de lui transmettre une copie de la cassette vidéo ainsi qu’une copie des notes évolutives. Ces notes font état de ceci au 6 décembre 2001 :
En résumé, mentionnons que le vidéo nous fait voir très clairement que le travailleur conduit à plusieurs reprises un véhicule, un camion, allongé, même si sa conjointe l’accompagne. Il conduit ce véhicule pendant une journée de tempête. Avant, il a déglacé son véhicule durant un long moment en donnant plusieurs coups avec son bras droit pour enlever la glace. Nous voyons également le travailleur faire l’épicerie, apportant de très gros gallons d’eau dans ses 2 mains. Jamais on ne le verra avec le bras sur son ventre.
[19] Le 17 décembre 2001, la CSST rend une décision écrite indiquant que les agissements du travailleur sur la cassette vidéo montrée le 6 décembre 2001 justifient une suspension des indemnités à compter du 6 décembre, en vertu de l’article 142 de la loi. La CSST estime que la cassette vidéo réalisée par un enquêteur démontre l’absence de limitations fonctionnelles au niveau du bras droit. La CSST précise au travailleur qu’il pourra retrouver éventuellement le droit aux indemnités s’il présente un nouveau rapport médical où son médecin devra déclarer avoir visionné la cassette vidéo et faire part de ses conclusions. Le travailleur demande la révision de cette décision.
[20] Le 31 janvier 2002, la CSST dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision de la décision rendue en mars 2001, alléguant la découverte d’un fait nouveau, à savoir les agissements du travailleur au cours d’une filature dont le rapport a été reçu le 5 décembre 2001, lesquels auraient amené une conclusion différente du décideur.
[21] Le 16 avril 2002, la CSST confirme, en révision administrative, la décision du 17 décembre. Le travailleur conteste cette décision, indiquant notamment que la CSST doit établir un plan de réadaptation avec le travailleur pour déterminer un emploi convenable en tenant compte des limitations fonctionnelles, tel qu’indiqué dans la décision de la Commission des lésions professionnelles de mars 2001 et que la CSST ne peut se soustraire de ses obligations en investiguant la vie privée du travailleur pour ensuite suspendre les indemnités de remplacement du revenu. Cette contestation du travailleur fait l’objet du présent litige.
[22] Le 21 août 2002, la Commission des lésions professionnelles rend une décision écrite déclarant irrecevable la requête en révision présentée par la CSST concernant la décision de mars 2001 au motif que la requête est déposée en dehors des délais légaux. La CSST demandait de réviser les conclusions de l’atteinte permanente du fait des activités effectuées par le travailleur sur la vidéocassette. Soulignons que la Commission des lésions professionnelles avait, lors de l’audience de juillet 2002, rendu une décision verbale préliminaire, indiquant qu’il ne s’agissait pas d’un fait nouveau puisque les faits constatés en novembre 2001 lors de la filature, soit après l’audience, n’étaient pas démontrés comme étant existants lors de l’audience de février 2001. La Commission des lésions professionnelles notait aussi que la CSST n’était pas présente à l’audience de février 2001 sur la question médicale de l’atteinte permanente et qu’elle avait eu la faculté d’agir aussi sur la question de la capacité puisque le litige comprenait la question de la capacité du travailleur à exercer un emploi convenable. La Commission des lésions professionnelles avait par la suite procédé à une réouverture d’enquête et déclaré irrecevable la requête en révision car hors délai sans motif raisonnable.
[23] Bien que le travailleur soit le requérant pour sa contestation de la décision suspendant l’indemnité de remplacement du revenu, la CSST a consenti à présenter sa preuve en premier lieu et elle a fait témoigner le travailleur de même que madame Laflèche, directrice en santé sécurité, messieurs Jean-Pierre Primeau et Patrick Clément, enquêteurs. Le travailleur a témoigné à nouveau par la suite puis sa conjointe, madame Sylvie Demers. De ces témoignages, la Commission des lésions professionnelles retient les faits pertinents suivants.
[24] C’est madame Laflèche qui a décidé de faire enquête compte tenu d’une dénonciation anonyme et du comportement du travailleur. Comme la CSST administre des fonds publics, elle a jugé nécessaire d’avoir l’heure juste sur la situation réelle puisque le processus de réadaptation requiert la collaboration du travailleur et que le plan individualisé doit être réaliste. Madame Laflèche affirme avoir questionné le travailleur sur la condition de sa lésion professionnelle et que ce dernier disait qu’il lui était impossible d’utiliser son bras en quelques occasions que ce soit. Elle a noté qu’il maintenait son bras immobile lors de la rencontre. Le travailleur n’a pas voulu vraiment regarder la vidéocassette et il a quitté. Elle a néanmoins pu l’aviser qu’une suspension des indemnités de remplacement du revenu était effective à compter du jour et que ce type de suspension n’était jamais définitif et qu’il devrait aller voir son médecin pour qu’il donne ses commentaires sur la vidéocassette. Madame Laflèche souligne que lorsque la conseillère a récemment tenté de communiquer avec le travailleur, celui-ci a refusé de lui parler de sorte que la suspension temporaire est toujours en cours, le travailleur n’ayant pas fourni le document médical demandé.
[25] Questionné en début de témoignage sur la condition actuelle de son coude droit et sur sa capacité d’effectuer certaines tâches physiques avec son bras droit malgré la douleur, le travailleur affirme ne pas prendre de médicaments et n’être pas suivi pas un médecin pour sa condition au coude droit. Il qualifie la douleur d’intense, comme s’il avait toujours un nerf coincé, son bras « saute » la nuit lorsqu’il dort. Il affirme être capable de déneiger et déglacer un véhicule, de conduire un véhicule pour effectuer de petites courses mais pas de « grande route » et être capable de soulever un poids de 20 livres.
[26] Requestionné sur cette capacité à soulever un poids de 20 livres, le travailleur précise qu’il en est capable lorsqu’il porte son orthèse mais que sans elle, il est incapable de soulever plus de 5 livres de bras droit. Il affirme porter son orthèse « tout le temps » sinon la plupart du temps le jour et ce, depuis 1998. Il réussit à s’habiller seulement s’il a son orthèse sinon il affirme que c’est son épouse qui lui met son pantalon etc.
[27] Questionné précisément sur les vidéocassettes, le travailleur dit avoir quitté la rencontre le 6 décembre avec la CSST car il ne connaît pas la loi et n’était pas en mesure de défendre ses intérêts. Il a référé la CSST à son avocat. Il explique que les activités vues sur les vidéocassettes doivent être interprétées dans un contexte particulier puisqu’à cette époque, sa conjointe vivait un deuil très difficile d’une personne qu’elle chérissait. Il affirme que c’est uniquement en raison de l’état psychologique dans lequel sa conjointe se trouvait, qu’il a dû faire quelques courses et conduire le véhicule, ce qu’il ne fait pas en d’autres moments sur la « grande route ».
[28] Lors du témoignage de monsieur Primeau, enquêteur qui a effectué une filature du travailleur les 29 et 30 novembre et 4 décembre 2001, le procureur du travailleur s’est objecté à la recevabilité en preuve de la bande vidéo puisque celle-ci constituait un montage des trois journées filmées et il a demandé à ce que les pièces originales soient produites. L’objection a été accueillie puis, en cours d’audience, le procureur du travailleur a retiré son objection et sa demande, se disant satisfait du dépôt des vidéocassettes, telles que « montées ».
[29] Monsieur Primeau explique avoir reçu comme mandat de surveiller les comportements du bras droit du travailleur. Il a travaillé 27 années à la Sûreté du Québec et a effectué des filatures partout au Québec. Il travaille maintenant au privé. Il reconnaît le manteau que porte le travailleur à l’audience, lequel est le même que sur la vidéocassette. Il n’a pas pris connaissance des décisions rendues dans ce dossier et affirme ne pas être informé de l’état physique du travailleur. Il a surveillé le travailleur durant environ 25 heures et a jugé opportun de filmer certaines activités, sur un total de deux jours et demi. Il a constaté, lors de sa filature, que le travailleur débarrait des portes, les ouvrait et les fermait de la main droite, qu’il déneigeait et déglaçait le véhicule du bras droit, qu’il portait des sacs d’épicerie, se servait d’outils et soulevait des cruches d’eau de 45 à 50 livres du bras droit, activités qui apparaissent sur la vidéocassette.
[30] Monsieur Clément, enquêteur, témoigne avoir surveillé le travailleur et avoir filmé certaines activités qui se trouvent sur une vidéocassette. Ayant déjà travaillé pour un service de livraison d’eau, il affirme être en mesure d’affirmer que le poids d’une pleine cruche d’eau, telle que soulevée par le travailleur, est de 45 ou 50 livres. Il souligne que le travailleur soulevait une telle cruche dans chaque main.
[31] Dans son témoignage subséquent, le travailleur montre au tribunal le type d’orthèse qu’il porte et il en explique le fonctionnement avec une vis. Il précise ne pas avoir de problème avec sa main droite ou son épaule droite. Il affirme qu’il avait sa prothèse lorsqu’il déneigeait et déglaçait le véhicule le jour où il a été filmé, à son insu, à l’automne 2001. Avec l’orthèse, la douleur est moins intense et cela lui évite d’effectuer des mouvements répétitifs. Pour ce qui est du transport des cruches, il en ignore le poids et doute que ce soit 50 livres. Il précise qu’il avait pris appui sur lui. Il affirme que s’il force avec son coude droit, il en a pour deux ou trois jours à être incapable de le bouger. Quant à la conduite sur la grande route en situation de tempête et de verglas, il indique avoir utilisé son bras gauche. Le travailleur réitère que c’est son épouse qui effectue les courses et que la situation de la bande vidéo est exceptionnelle en raison de l’état psychologique de son épouse. Quant au vissage de vis, il rappelle qu’il est capable de travailler du bras gauche. S’il utilise son bras droit, il a des douleurs le lendemain.
[32] Le travailleur affirme avoir remis au Dr Markland les copies des vidéocassettes lors de la dernière visite et avoir requis la lettre demandée par la CSST mais ne pas l’avoir reçue. Il croyait que la décision qui serait rendue en révision par la Commission des lésions professionnelles en août 2002 réglerait toute la question. Il ignorait qu’il suffisait du rapport de son médecin pour la reprise des indemnités.
[33] En fin de témoignage, le travailleur confirme avoir indiqué à la CSST en novembre/décembre 2001, qu’il n’effectuait pas l’épicerie, ni ne conduisait, ni ne déglaçait, ni ne pouvait s’habiller seul et que c’est sa femme qui s’occupait de tout, celle-ci étant toujours à la maison. Il affirme que jamais la CSST ne l’a questionné sur son orthèse et sur ce qu’il était capable d’effectuer avec l’aide de celle-ci. Le travailleur affirme ensuite qu’avec son orthèse, il peut « presque tout faire » du bras droit.
[34] Questionné si le Dr Markland lui avait dit de porter l’orthèse pour travailler, le travailleur répond « pas du tout ». Elle lui a suggéré de la porter durant trois mois et pour diminuer sa douleur. Le travailleur explique qu’il peut ajuster son orthèse de manière à avoir le bras « bien droit ».
[35] Madame Demers n’a pas assisté au témoignage du travailleur, qui est son conjoint depuis 17 ans. Elle affirme que c’est elle qui fait l’épicerie, une gardienne la remplaçant durant cette période, son mari ne pouvant travailler en raison de sa douleur. Appelée à préciser ce que fait le travailleur de ses journées, elle dit qu’il reste assis, regarde la télé et effectue de petites choses. Elle garde quatre handicapés intellectuels et elle affirme que le travailleur ne s’occupe pas de ceux-ci. Elle a une femme qui vient faire le ménage et elle le fait lorsque celle-ci ne peut venir.
[36] Questionnée si le travailleur fait le ménage, elle répond que non. Requestionnée spécifiquement s’il passait la balayeuse, elle répond peut-être de l’autre bras mais c’est très très rare. De la main gauche, il lui arrive de mettre un verre dans le lave-vaisselle mais, ce sont généralement les handicapés qui s’occupent du lave-vaisselle. Quant au bras droit, madame Demers mentionne que le travailleur porte son orthèse la plupart du temps le jour parce qu’il a une douleur intense. Il la porte aussi pour conduire. Il la portait lors des activités vues au vidéo.
[37] Questionnée si le port de l’orthèse change les choses qu’il peut ou ne peut pas faire, madame Demers répond « probablement pas » car la douleur est présente. Elle affirme qu’avec son orthèse, il peut effectuer un petit peu plus de choses et forcer un peu plus mais sans plus. Actuellement, elle ne lui met plus son manteau, il le fait lui-même.
[38] Sur ce qui a pu se passer les 29 et 30 novembre 2001, elle rapporte un deuil difficile à vivre, qui a fait en sorte qu’elle n’était plus fonctionnelle. Le travailleur a dû l’aider et elle a engagé quelqu’un pour faire son travail puisqu’elle n’en était plus capable. Elle a suivi une thérapie durant dix (10) semaines afin d’accepter le deuil d’une personne qui lui était chère.
L'AVIS DES MEMBRES
[39] Le membre issu des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête en irrecevabilité puisqu’il n’y a pas chose jugée, les décisions rendues auparavant ne concernent pas le même objet que le présent litige.
[40] Quant au mérite, le membre issu des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d’avis que la preuve permet de conclure que le travailleur a fourni à la CSST des renseignements inexacts en ne divulguant pas toute la vérité sur la condition de sa lésion professionnelle, cachant des éléments déterminants, notamment l’impact du port de son orthèse au coude droit sur sa capacité fonctionnelle. Le travailleur affirmant qu’avec celle-ci, il peut presque tout faire, les membres sont d’avis qu’il est inadmissible qu’il n’en ait pas parlé à quiconque avant le jour de l’audience.
[41] Les membres notent que les activités démontrées aux vidéocassettes démontrent des amplitudes complètes du coude droit et que le travailleur lève une cruche d’eau de 45-50 livres sans signe apparent de douleur, d’inconfort ou de signe de protection du bras droit. Il cogne aussi avec sa main droite pour casser de la glace sur la vitre, ce qui devrait avoir un impact sur les douleurs au coude. Les membres sont d’avis que l’omission du travailleur de divulguer l’information exacte de sa condition avec l’orthèse constitue un renseignement inexact qui a une influence déterminante dans le processus d’établissement d’un emploi convenable, de sorte que le travailleur aurait dû, de lui-même, déclarer ce fait à la CSST puisque le port de l’orthèse modifie considérablement sa capacité et a un impact direct sur son droit aux prestations.
LES MOTIFS SUR LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
[42] Sur la requête préliminaire en irrecevabilité pour chose jugée, la Commission des lésions professionnelles considère que celle-ci doit être rejetée.
[43] D’une part, pour qu’il y ait chose jugée, il doit y avoir, outre l’identité des parties, identité d’objet et identité de cause. Or, la chose demandée n’est pas la même dans le présent litige puisqu’elle vise la suspension des indemnités de remplacement du revenu en vertu de l’article 142 de la loi alors que le litige dans le dossier entendu en février 2001 concerne l’atteinte permanente, l’indemnité pour dommages corporels et la question d’un emploi convenable. La requête en révision concernait la détermination ou non d’un fait nouveau qui aurait pour effet de modifier l’atteinte permanente. Même si la Commission des lésions professionnelles avait conclu qu’il ne s’agissait pas d’un fait nouveau justifiant la révocation de la décision concernant l’atteinte permanente, cette preuve pouvait néanmoins permettre à la CSST d’utiliser son pouvoir en vertu de l’article 142 de la loi, si elle démontrait l’un des manquements énoncés à cet article. La Commission des lésions professionnelles considère donc que le recours en litige est totalement différent de ceux intentés précédemment.
[44] D’autre part, il faut distinguer entre l’objet d’une contestation et la preuve que l’on entend soumettre pour faire établir le bien fondé d’une contestation. Considérant que la dénonciation est survenue après la décision de mars 2001 et que la CSST n’a jamais été entendue sur la question à débattre, la Commission des lésions professionnelles se considère compétente pour entendre le litige et rejette les arguments soumis par le procureur du travailleur quant à la tardivité du moyen pris par la CSST.
[45] Concernant les objections soulevées dans la contestation du travailleur sur la preuve obtenue illégalement par bande vidéo et l’objection des cassettes originales sans montage, la Commission des lésions professionnelles prend note que le travailleur a retiré son objection quant à l’obtention des bandes originales et rejette les autres objections quant à la question de l’illégalité. Il y a lieu de rappeler les principes directeurs en matière de recevabilité de preuve eu égard à l’obtention illégale de bande vidéo ou contraire aux droits fondamentaux.
[46] Le droit à la vie privée est prévu à l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[3] (la Charte) ainsi qu’aux articles 3 et 35 du Code civil du Québec[4] (le Code civil). L’article 2858 du Code civil impose au tribunal de rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Sont des atteintes à la vie privée selon l’article 36 du Code civil, le fait de capter ou d’utiliser l’image ou la voix lorsqu’elle se trouve dans des lieux privés et le fait de surveiller la vie privée par quelque moyen que ce soit.
[47] Ainsi, la surveillance et la filature d’une personne peuvent constituer une atteinte à sa vie privée selon les circonstances. La jurisprudence retient qu’au préalable la surveillance doit être justifiée par des motifs rationnels, qui existent avant d’entreprendre la procédure de surveillance. Il faut aussi que la conduite de cette surveillance soit faite par des moyens raisonnables[5] et que les moyens utilisés ne soient pas abusifs ni ne portent atteinte à la dignité de la personne.
[48] Une analyse de la preuve au dossier et des témoignages entendus, notamment celui de madame Laflèche, démontre que pour entreprendre les démarches de surveillance, la CSST avait des motifs raisonnables et sérieux de douter de la véracité des déclarations du travailleur concernant sa condition physique puisque lors de la rencontre du 21 novembre 2001, ce dernier indiquait d’abord ne pouvoir rien faire puis admettait faire des activités avec son bras gauche et déclarait finalement ne pas être capable de bouger son bras droit aucunement, étant incapable d’enlever seul son manteau, ce qui laissait la conseillère perplexe, sans compter l’élément, non négligeable, d’une dénonciation. Considérant le témoignage des enquêteurs qui ont procédé à la surveillance et filature dans des endroits publics, la Commission des lésions professionnelles considère que les vidéocassettes sont recevables en preuve.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[49] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée, en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles, de suspendre les indemnités de remplacement du revenu à compter du 6 décembre 2001.
[50] Dans sa décision du 17 décembre 2001, la CSST rappelle qu’elle est à mettre en place une mesure de réadaptation, à savoir la détermination d’un emploi convenable en fonction des limitations fonctionnelles. Elle indique que les agissements du travailleur sur les vidéocassettes montrées le 6 décembre 2001 justifient une suspension des indemnités à compter de cette date, en vertu de l’article 142 de la loi. La CSST estime que les vidéocassettes démontrent l’absence de limitations fonctionnelles au niveau du bras droit et elle précise au travailleur qu’il pourra retrouver éventuellement le droit aux indemnités s’il présente un nouveau rapport médical où son médecin devra déclarer avoir visionné la cassette vidéo et faire part de ses conclusions.
[51] Les articles 142 et 278 de la loi se lisent comme suit :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1 si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2 si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
278. Un bénéficiaire doit informer sans délai la Commission de tout changement dans sa situation qui peut influer sur un droit que la présente loi lui confère ou sur le montant d'une indemnité.
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1985, c. 6, a. 278.
[52] Le terme renseignement est défini dans les dictionnaires comme étant « une information, une indication, un éclaircissement » ou, « ce qu’on porte à l’attention ou fait connaître à quelqu’un sur quelques chose ». Toute information ou indication sur la condition ou la capacité physique, les activités sociales de même que la non divulgation du numéro de téléphone ont été retenues par la jurisprudence pour les fins d’application de l’article 142 91), a). Sont retenues aussi comme inexactes, toutes les déclarations d’un travailleur qui sont nettement incompatibles avec les gestes démontrés par une vidéocassette ou les déclarations d’autres témoins.
[53] La Commission des lésions professionnelles considère par ailleurs que les vidéocassettes ne démontre pas l’absence totale de limitations fonctionnelles mais constitue une preuve probante que le travailleur effectue des mouvements qui vont à l’encontre des limitations fonctionnelles émises par son médecin, le Dr Markland, puisqu’on y aperçoit des amplitudes complètes au niveau du coude droit et que le travailleur soulève un poids supérieur à 5 livres. Dans sa lettre du 8 juillet 2002 (soit avant la présente audience), le Dr Markland indique avoir visionné les vidéocassettes, noté une grande amélioration au niveau du fonctionnement du membre supérieur droit et qu’il y aurait lieu de réviser les limitations. Le médecin ne dit pas qu’il n’y a plus de limitations fonctionnelles. De plus, comme les activités sont faites alors que le travailleur porte son orthèse et que le Dr Markland n’émet aucun commentaire ou opinion sur cet élément, la Commission des lésions professionnelles ne peut induire de l’avis du médecin, qu’il est d’avis que le travailleur n’a plus de limitations fonctionnelles.
[54] Dans ses représentations, la CSST soumet que le travailleur a fourni des renseignements inexacts. De son côté, le procureur du travailleur souligne que le travailleur a effectué les mouvements qu’on lui reproche sur les vidéocassettes parce qu’il était en situation d’urgence, vu l’état de sa conjointe et qu’il a dû exécuter des mouvements inhabituels et très souffrants. Il soumet que l’on ne peut revenir sur les décisions antérieures de la Commission des lésions professionnelles. Il soumet de plus que personne n’a, jusqu’à la présente audience, questionné le travailleur sur sa condition et capacité avec le port de l’orthèse.
[55] La Commission des lésions professionnelles note qu’alors que le travailleur dit à la CSST ne pas être capable d’utiliser son bras droit, incluant pour s’habiller, il affirme d’emblée en début d’audience être capable de faire toutes les activités apparaissant sur les vidéocassettes. Puis, requestionné, il affirme être capable d’effectuer de telles activités parce qu’il a une orthèse qui lui permet d’allonger son bras droit au complet. En fin de témoignage, il affirme être capable de presque tout faire avec son orthèse, notamment soulever 20 livres. La preuve démontre, de façon prépondérante, par le témoignage de monsieur Clément, que le poids des cruches d’eau pleines qu’il soulève sur la vidéocassette est de 45 ou 50 livres. Au surplus, le travailleur soulève une cruche d’eau dans chaque main puis revient avec une troisième cruche qu’il transporte avec l’aide de ses mains et non uniquement avec la gauche, ce que l’on se serait attendu de quelqu’un qui a les limitations du travailleur au niveau de son coude droit.
[56] La Commission des lésions professionnelles ne souscrit pas aux représentations du procureur du travailleur qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle en raison de la condition difficile vécue par la conjointe du travailleur, qui a obligé ce dernier à effectuer des mouvements contre-indiqués.
[57] La Commission des lésions professionnelles considère que la preuve démontre, de façon prépondérante, que le travailleur a fourni des renseignements inexacts à la CSST et que celle-ci était, de ce fait, justifiée de suspendre temporairement les indemnités de remplacement du revenu. Que le travailleur ait tardé à fournir le rapport médical demandé et qu’il ait confondu les différents recours ne doit pas être pris en considération puisque la preuve démontre qu’il n’a pas divulgué toute la vérité sur la condition de sa lésion professionnelle, cachant à la CSST des éléments essentiels susceptibles d’avoir un impact sur le processus de détermination d’un emploi convenable et sa capacité à exercer un emploi. En effet, bien que l’article 142 (1) a) emploie le terme « fournit » des renseignements inexacts, la Commission des lésions professionnelles considère que l’omission de divulguer des renseignements déterminants sur la question de la capacité équivaut à une « inexactitude » au sens de cet article.
[58] Comme le travailleur admet que sa capacité est fort différente lorsqu’il porte son orthèse et que selon ses propres paroles, il peut alors « presque tout faire » et soulever un poids d’environ 20 livres, la Commission des lésions professionnelles considère que cette omission d’un élément si important équivaut à fournir à la CSST un renseignement inexact sur la condition de sa lésion professionnelle puisque selon la preuve médicale au dossier, cette orthèse ne lui avait été prescrite que pour une durée de trois (3) mois et que le Dr Markland indiquait qu’il la porterait jusqu’à la mi-mars 1999, soit jusqu’à la période où elle a complété un rapport final ainsi qu’un rapport d’évaluation médicale, où, faut-il le préciser, rien n’est indiqué par rapport au fait que la condition du travailleur soit améliorée au niveau des amplitudes et des poids lorsqu’il porte son orthèse. Rappelons qu’au jour de la rencontre du 6 décembre 2001, le travailleur s’est présenté à la CSST en donnant la main gauche et en tenant une enveloppe brune entre ses dents, condition qui est fort différente de celle déclarée avec le port d’une orthèse depuis 1998-99.
[59] La Commission des lésions professionnelles reste perplexe sur la capacité du travailleur de soulever un poids de 20 livres ou encore d’effectuer une extension complète, uniquement en raison du port de l’orthèse, d’autant plus que le témoignage du travailleur quant à cette condition grandement améliorée en raison du port de son orthèse n’est pas corroborée par une preuve médicale sur la question. Soulignons que le témoignage de la conjointe du travailleur est que l’orthèse ne change « probablement pas » autant la capacité du travailleur, vu sa douleur.
[60] La Commission des lésions professionnelles rappelle que le travailleur n’a pas que des droits, il a aussi des obligations, notamment celle de collaborer avec la CSST et de lui fournir des renseignements véridiques sur l’état de sa condition et sa capacité physique réelle, d’autant plus, comme en l’espèce, que le travailleur affirme pouvoir presque tout faire avec son bras droit s’il porte son orthèse au coude droit et que ce fait n’est découvert qu’au jour de la présente audience alors que le travailleur affirme porter son orthèse depuis 1998.
[61] Bref, la Commission des lésions professionnelles considère que la preuve est prépondérante pour conclure que le travailleur a omis non seulement de donner l’heure juste à la CSST sur sa condition réelle mais il l’a induite en erreur en omettant de lui déclarer un fait important qui était susceptible d’avoir des implications directes sur la détermination de l’emploi convenable que la CSST tente de lui trouver ainsi que sa capacité réelle avec l’orthèse, de sorte que la CSST était justifiée de suspendre ses indemnités en décembre 2001.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Luc Desmarais;
CONFIRME la décision rendue le 16 avril 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée le 17 décembre 2001 de rendre une décision suspendant les indemnités de remplacement du revenu du travailleur à compter du 6 décembre 2001.
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Marie-Danielle Lampron |
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Commissaire |
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LUC POUPART, AVOCAT |
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Représentant de la partie requérante |
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PANNETON, LESSARD |
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(Karine Savard, avocate) |
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Représentante de la partie intervenante |
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