Rocoto ltée |
2013 QCCLP 6761 |
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[1] Le 10 avril 2013, Rocoto limitée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 mars 2013 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a rendues le 10 janvier 2013. Dans un premier temps, elle déclare que l’employeur n’a pas droit, en vertu de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) à un transfert du coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par monsieur Martial Parent (le travailleur) le 26 mai 2011. En second lieu, la CSST déclare qu’en vertu de l’article 329 de la loi, l’employeur a droit à un partage du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par le travailleur dans une proportion de 10 % à son dossier financier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités.
[3] Une audience devait avoir lieu le 10 septembre 2013 à Saguenay. Cependant, la procureure de l’employeur a renoncé à la tenue de cette audience et a fait parvenir au tribunal une argumentation écrite au soutien de ses prétentions.
[4] La cause fut mise en délibéré le 10 septembre 2013, date où le dossier a été assigné au soussigné.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit à un transfert des coûts imputés à son dossier financier pour la période du 7 septembre au 30 octobre 2011, et ce, au motif que ceux-ci ne sont pas dus en raison d’un accident du travail au sens du premier alinéa de l’article 326 de la loi. Subsidiairement, l’employeur soumet que cette imputation l’obère injustement au sens du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.
[6] Finalement, l’employeur précise qu’il ne remet pas en cause le partage de coûts accordé par la CSST en vertu de l’article 329 de la loi.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit au transfert des coûts qu’il réclame pour la période du 7 septembre au 30 octobre 2011. Ce dernier base sa demande de transfert de coût en vertu de l’article 326 de la loi, lequel prévoit que :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[8] En l’espèce, la preuve révèle que le 26 mai 2011, le travailleur subit un accident du travail lorsqu’en descendant d’une tablette sur laquelle il est grimpé, son genou gauche subit une torsion. Un diagnostic d’entorse du ligament collatéral interne du genou gauche est initialement posé et un arrêt de travail jusqu’au 5 juin 2011 est recommandé.
[9] Le 2 juin 2011, le docteur Louis Gagnon maintient le diagnostic d’entorse au genou gauche, mais soupçonne la présence d’une déchirure méniscale. Un examen par résonance magnétique est alors demandé.
[10] Le 12 juillet 2011, une imagerie par résonance magnétique du genou gauche révèle la présence de gonarthrose ainsi que des signes de méniscopathie dégénérative interne avec déchirure chronique des cornes postérieure, moyenne et antérieure du ménisque interne.
[11] Le 24 août 2011, le docteur Roger Gagnon pose le diagnostic de déchirure méniscale et autorise le travailleur à effectuer un travail adapté. Le même jour, le médecin signe le formulaire habituel d’assignation temporaire de la CSST et remplit un formulaire interne d’assignation utilisé chez l’employeur. Sur ce dernier document, il identifie plusieurs fonctions que le travailleur pourrait accomplir, dont celles de commissionnaire, de prise d’appels téléphoniques ou d’inventaire ainsi que du travail de bureau. Le docteur Gagnon ajoute toutefois que les tâches sont « à définir ».
[12] À compter du 29 août 2011, le travailleur débute une assignation temporaire chez l’employeur et la CSST cesse le versement des indemnités de remplacement du revenu.
[13] Du 7 septembre au 30 octobre 2011, le travailleur est en arrêt de travail complet en raison d’une chirurgie à la main gauche rendue nécessaire par la présence d’une condition personnelle (maladie de Dupuytren). La CSST reprend alors le versement des indemnités de remplacement du revenu au travailleur.
[14] À la suite de son arrêt de travail pour sa condition personnelle, le travailleur reprend, à compter du 31 octobre 2011, son assignation temporaire chez l’employeur et la CSST cesse à nouveau le versement des indemnités.
[15] Le 14 décembre 2011, le travailleur débute une nouvelle période d’arrêt de travail, car il doit subir une méniscectomie au genou gauche en lien avec sa lésion professionnelle. La CSST reprend à nouveau le versement des indemnités de remplacement du revenu.
[16] Le 17 janvier 2012, l’employeur fait parvenir à la CSST une demande de transfert de coût en vertu de l’article 326 de la loi, par laquelle il désire ne pas être imputé du coût des prestations pour la période du 7 septembre au 30 octobre 2011.
[17] Le 23 janvier 2012, le docteur Simon Cantin autorise le travailleur à reprendre un travail adapté. Le 30 janvier 2012, le travailleur reprend le travail à des tâches allégées et la CSST cesse le versement des indemnités de remplacement du revenu.
[18] Le 27 février 2012, le docteur Cantin remplit un rapport final sur lequel il indique que la lésion professionnelle est consolidée et qu’elle entraîne des séquelles permanentes ainsi que des limitations fonctionnelles.
[19] Le 17 avril 2012, la CSST statue que malgré la présence de limitations fonctionnelles, le travailleur est capable de refaire son emploi prélésionnel.
[20] Le 26 juillet 2012, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[2] par laquelle elle entérine un accord intervenu entre les parties et déclare que le diagnostic à retenir en relation avec la lésion professionnelle du 26 mai 2011 est celui de « déchirure méniscale interne préexistante aggravée par l’événement du 26 mai 2011 ».
[21] Le 10 janvier 2013, la CSST rend deux décisions. Par la première, elle rejette la demande de transfert de coût formulée par l’employeur en vertu de l’article 326 de la loi. Par la seconde décision, la CSST accorde à l’employeur un partage de coût en vertu de l’article 329 de la loi de l’ordre de 10 % à son dossier financier, et de 90 % à l’ensemble des employeurs. Ces deux décisions de la CSST ont été confirmées, à la suite d'une révision administrative, le 20 mars 2013, d’où le présent litige.
[22] De ces éléments de preuve documentaire et des arguments soumis, le tribunal retient que par sa requête, l’employeur demande de ne pas être imputé du coût des indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur durant la période du 7 septembre au 30 octobre 2011, période durant laquelle le travailleur a dû interrompre son assignation temporaire en raison d’une chirurgie de nature personnelle à la main gauche. La requête de l’employeur, basée sur les premier et deuxième alinéas de l’article 326 de la loi, ne vise donc pas à obtenir un transfert total des coûts imputés par la CSST à son dossier financier, mais uniquement un transfert partiel des coûts, c’est-à-dire ceux correspondant aux indemnités versées pendant la période du 7 septembre au 30 octobre 2011.
[23] Récemment, dans l’affaire Supervac 2000[3], la Commission des lésions professionnelles a fait une analyse de la jurisprudence portant sur les demandes de transfert de coût en vertu de l’article 326 de la loi. Dans cette affaire, le tribunal a déterminé que le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi ne concernait que les demandes de transfert total de coût et que les demandes de transfert partiel de coût devaient plutôt s’analyser en fonction du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi. Voici comment le tribunal s’exprimait à ce sujet :
[97] À la lumière de cette revue jurisprudentielle, dans un souci de cohérence et de respect de l’objet même de la loi et des différentes dispositions qui la composent, la Commission des lésions professionnelles s’interroge sur la voie majoritairement retenue jusqu’à maintenant, dans l’analyse des demandes de transfert partiel d’imputation déposées par les employeurs, notamment en vertu de l’émergence de décisions récentes considérant le régime de financement auquel est assujetti un employeur pour déterminer si un employeur est obéré injustement.
[98] Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal considère qu’une telle façon de faire semble s’éloigner de l’intention du législateur et comporte plusieurs variables peu définies qui influent directement sur l’issue du litige.
[99] Par conséquent, il apparaît nécessaire de s’interroger sur l’intention réelle du législateur lorsqu’il a édicté le principe général d’imputation au premier alinéa de l’article 326 de la loi et les exceptions à ce principe, notamment au deuxième alinéa du même article.
[100] Pour y parvenir, il est essentiel de revenir à l’analyse contextuelle globale de la loi qui fait ressortir que le principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi vise à s’assurer que le coût des prestations versées en raison d’un accident survenu chez un employeur lui soit imputé.
[101] Cependant, lorsqu’une partie de ces coûts est générée par une situation étrangère n’ayant pas de lien direct avec la lésion professionnelle, comme c’est notamment le cas du congédiement ou encore de la condition intercurrente ou personnelle interrompant une assignation temporaire, est-il justifiable que ces sommes demeurent imputées au dossier de l'employeur?
[102] Dans de telles circonstances, ne serait-ce pas le premier alinéa de l’article 326 de la loi qui devrait s’appliquer plutôt que le second?
[103] En vue de se prononcer à cet égard, le tribunal a analysé le libellé même de l’article 326 de la loi et en dégage les principes suivants.
[104] Le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi semble référer à un transfert total du coût des prestations. Pour en venir à cette conclusion, le tribunal se base notamment sur l’expression retenue par le législateur, soit d’imputer « le coût des prestations ».
[105] Or, si l’on compare le libellé de cet alinéa à celui de l’article 329 de la loi où il est spécifiquement mentionné que la CSST peut imputer « tout ou partie du coût des prestations », il est possible de faire une distinction importante entre la portée de ces deux dispositions.
[106] D’ailleurs, dans l’affaire Les Systèmes Erin ltée27, la Commission des lésions professionnelles s’est penchée sur la portée du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. Il apparaît pertinent d’en citer certains passages :
[26] Finalement, il importe de souligner que l’article 326 de la loi permet un transfert du coût des prestations dues en raison d’un accident du travail, et ce, aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités afin de prévenir que l’employeur ne soit obéré injustement.
[27] Cela implique, comme dans le cas de l’article 327, qu’il y a transfert de coût et non partage, comme c’est le cas en application des articles 328 et 329. Cette dernière disposition prévoit que la CSST « peut [...] imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités » alors que l’article 326 prévoit que la CSST « peut [...] imputer le coût des prestations [...] aux employeurs [...] ». Ainsi, lorsqu’il y a matière à application de l’article 326 alinéa 2, la totalité du coût des prestations ne doit plus être imputée à l’employeur, un transfert devant être fait : il ne saurait être question de ne l’imputer que d’une partie du coût. C’est, en quelque sorte, tout ou rien.
[28] D’ailleurs, lorsqu’il est question d’un accident du travail attribuable à un tiers, la totalité du coût des prestations est toujours transférée ; il n’est jamais question de partage ou de transfert du coût pour une période donnée.9 Il a d’ailleurs déjà été décidé à plusieurs reprises qu’il devait obligatoirement en être ainsi.
[29] Étonnamment, lorsqu’il est question d’éviter que l’employeur soit obéré injustement, un transfert du coût des prestations pour une période donnée, soit un transfert d’une partie seulement du coût total, a régulièrement été accordé, sans, par contre, qu’il semble y avoir eu discussion sur cette question.10
[30] Avec respect pour cette position, la commissaire soussignée ne peut la partager, pour les motifs exprimés précédemment. Il en va des cas où l’on conclut que l’employeur serait obéré injustement comme de ceux où l’on conclut à un accident attribuable à un tiers : l’employeur ne saurait alors être imputé ne serait-ce que d’une partie du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail.
[31] Il importe cependant de préciser qu’il est possible, en application de l’article 326 (mais alinéa 1), de ne pas imputer à l’employeur une partie du coût des prestations versées au travailleur, pour autant que cette partie du coût ne soit pas due en raison de l’accident du travail. Un bon exemple de cette situation est la survenance d’une maladie personnelle intercurrente (par exemple, le travailleur fait un infarctus, ce qui retarde la consolidation ou la réadaptation liée à la lésion professionnelle) : les prestations sont alors versées par la CSST, mais comme elles ne sont pas directement attribuables à l’accident du travail elles ne doivent, par conséquent, pas être imputées à l’employeur. L’article 326, 1er alinéa prévoit en effet que c’est le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail qui est imputé à l’employeur.
9 Voir notamment : General Motors du Canada ltée et C.S.S.T. [1996] C.A.L.P. 866, révision rejetée, 50690-60-9304, 20 mars 1997, E. Harvey; Centre hospitalier/Centre d’accueil Gouin-Rosemont, C.L.P. 103385-62-9807, 22 juin 1999, Y. Tardif; Ameublement Tanguay inc. et Batesville Canada (I. Hillenbrand), [1999] C.L.P. 509; Aménagements Pluri-Services inc. et Simard-Beaudry Construction inc., C.L.P. 104279-04-9807, 26 novembre 1999, J.-L. Rivard; Provigo (Division Maxi Nouveau concept), [2000] C.L.P. 321, Société immobilière du Québec et Centre jeunesse de Montréal, [2000] C.L.P. 582, Castel Tira [1987] enr. (Le) et Lotfi Tebessi, C.L.P. 123916-71-9909, 18 décembre 2000, D. Gruffy, Stone Electrique MC., [2001] C.L.P. 527.
10 Ville de St-Léonard et C.S.S.T. C.A.L.P. 73961-60-9510, 27 mars 1997, F. Dion- Drapeau; C.S.S.T. et Échafaudage Falardeau inc., [1998] C.L.P. 254; Abitibi Consolidated inc. et Opron inc., C.L.P. 35937-04-9202, 4 mars 1999, B. Roy (décision accueillant la requête en révision).
[nos soulignements]
[107] La soussignée souscrit au raisonnement et aux motifs retenus dans cette décision de même qu’à l’interprétation qui en est faite du second alinéa de l’article 326 de la loi.
[108] De plus, un autre élément permet au tribunal de conclure que le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi vise un transfert total des coûts et non un transfert partiel. Il s’agit du délai prévu pour effectuer une telle demande.
[109] En effet, le législateur a spécifiquement prévu que l'employeur doit présenter sa demande dans l’année suivant la date de l’accident. Ceci s’explique, de l’avis du tribunal, par le fait que les demandes de transfert total de coûts visent généralement des motifs liés à l’admissibilité même de la lésion professionnelle. C’est clairement le cas à l’égard des accidents attribuables à un tiers et le libellé même de cet alinéa ne permet pas de croire qu’il en va autrement à l’égard de la notion d’obérer injustement. D’autant plus que l’application de ce deuxième alinéa à des demandes de transfert partiel a donné lieu à des interprétations variées de cette notion « d’obérer injustement » et mené à une certaine « incohérence » relativement à l’interprétation à donner à cette notion et à la portée réelle de l’intention du législateur.
[110] La soussignée est d’opinion que le législateur visait clairement, par les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, les situations de transfert total du coût lié à des éléments relatifs à l’admissibilité même de la lésion professionnelle, ce qui justifie d’ailleurs le délai d’un an prévu au troisième alinéa de cet article. S’il avait voulu couvrir les cas de transfert partiel de coûts, le législateur aurait vraisemblablement prévu un délai plus long, comme il l’a fait à l’égard de la demande de partage de coûts prévue à l’article 329 de la loi qui ne vise pas des situations directement reliées à l’admissibilité mais plutôt celles survenant plus tard, en cours d’incapacité.
[111] Ceci semble d’autant plus vrai que la plupart des demandes de transfert total de coûts, liées principalement à l’interruption de l’assignation temporaire ou à la prolongation de la période de consolidation en raison d’une situation étrangère à l’accident du travail, surviennent fréquemment à l’extérieur de cette période d’un an puisqu’elles s’inscrivent au cours de la période d’incapacité liée à la lésion professionnelle. Il s’agit donc là d’un autre élément militant en faveur d’une interprétation selon laquelle les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi visent un transfert total et non un transfert partiel.
[112] Dans le cas à l’étude, puisqu’il ne s’agit pas d’une demande de transfert total, le tribunal en vient à la conclusion qu’il faut l’analyser en vertu du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[…]
[131] En résumé, le tribunal retient de son analyse que l’exception au principe général d’imputation prévue au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, en regard de la notion d’obérer injustement, ne s’applique qu’à l’égard des demandes de transfert total de coûts qui visent généralement des situations liées à l’admissibilité même de l’accident du travail. Dans de tels cas, la notion « d’obérer injustement » ne fera pas l’objet d’interprétations contradictoires puisque la proportion significative des coûts devant être démontrée dans le cadre de telles demandes sera facilement établie puisqu’il s’agira de la totalité de ceux-ci.
[132] Par ailleurs, les demandes de transfert partiel de coûts doivent plutôt être analysées en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi afin de déterminer si les prestations ont été ou non imputées en raison de l’accident du travail. Il n'y a pas de délai pour produire une telle demande et l'employeur doit alors démontrer que les prestations qu'il souhaite faire retirer de son dossier financier ne sont pas en lien direct avec l'accident du travail.
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27 Précitée, note 26.
[sic]
[Nos soulignements]
[24] À l’instar de certaines autres décisions[4] rendues subséquemment, le soussigné adhère entièrement à l’analyse et aux conclusions retenues dans l’affaire Supervac 2000[5] et estime que c’est en fonction du premier alinéa de l’article 326 de la loi, qu’il faut déterminer si les indemnités versées au travailleur durant la période du 7 septembre au 30 octobre 2011 sont des « prestations dues en raison d’un accident du travail ».
[25] Avant d’aborder cette question, il est pertinent de souligner que la jurisprudence[6] du tribunal a déjà reconnu que le délai d’un an prévu au troisième alinéa de l’article 326 de la loi, ne s’appliquait pas à une demande faite en vertu du premier alinéa de cet article. Un tel délai s’applique uniquement aux demandes où l’on invoque l’application des notions « d’obérer injustement » ou « d’accident attribuable à un tiers », notions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.
[26] De plus, toujours dans l’affaire Supervac 2000[7] précitée, le tribunal interprétait les termes « prestations dues en raison d’un accident du travail » prévus au premier alinéa de l’article 326 de la loi de la façon suivante :
[122] À la lumière des définitions énoncées plus haut et des décisions auxquelles il est fait référence, le tribunal est d’avis que l’utilisation du terme « due en raison d’un accident du travail » que l’on retrouve au premier alinéa de l’article 326 de la loi présuppose qu’il doit exister un lien direct entre l’imputation des prestations versées et l’accident du travail.
[123] Ainsi, toute prestation imputée qui n’est pas due en raison d’un accident du travail devrait être retirée du dossier financier de l’employeur.
[sic]
[27] En l’espèce, la preuve révèle clairement que dès le 24 août 2011, le docteur Gagnon a explicitement autorisé, tant sur un formulaire habituel d’assignation temporaire de la CSST que sur celui utilisé à cet effet chez l’employeur, le travailleur à effectuer une assignation temporaire. Bien que le médecin ait indiqué que les tâches restaient à définir, il n’en demeure pas moins qu’il a identifié plusieurs fonctions que le travailleur pouvait accomplir. D’ailleurs, la preuve non contredite est à l’effet que celui-ci a bel et bien débuté une assignation temporaire chez l’employeur à compter du lundi 29 août 2011 et que l’employeur lui a versé son salaire habituel, tel que le prévoit l’article 180 de la loi.
[28] Or, la preuve est à l’effet qu’à compter du 7 septembre 2011, le travailleur interrompt son assignation temporaire en raison d’une chirurgie qu’il doit subir à la main gauche, chirurgie rendue nécessaire par la présence d’une condition personnelle de Dupuytren. Comme en font foi les notes évolutives prises par l’agente d'indemnisation de la CSST, cet organisme a donc repris le versement des indemnités de remplacement du revenu au travailleur, et ce, jusqu’à son retour en assignation temporaire le 31 octobre 2011.
[29] De ces éléments, force est donc de conclure que les indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur durant la période du 7 septembre au 30 octobre 2011 ne sont pas en lien direct avec l’accident du travail subi le 26 mai 2011, mais plutôt consécutives à l’interruption d’une période d’assignation temporaire causée par une condition personnelle ayant nécessité une chirurgie.
[30] Par conséquent, le tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’imputer le coût des indemnités de remplacement du revenu versées durant la période du 7 septembre au 30 octobre 2011 au dossier financier de l’employeur, puisqu’il ne s’agit pas de prestations dues en raison d’un accident du travail au sens du premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[31] En terminant, le tribunal tient à spécifier que par cette conclusion, il ne remet pas en cause le droit du travailleur à recevoir des indemnités de remplacement du revenu, lequel droit continue d’exister tant que son incapacité à exercer son emploi perdure. C’est plutôt l’imputation de ces indemnités au dossier financier de l’employeur pour la période du 7 septembre au 30 octobre 2011 qui doit être retirée, compte tenu que ces indemnités découlent d’une situation étrangère, ou sans lien direct avec la lésion professionnelle.
[32] La requête de l’employeur est donc accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de Rocoto limitée, l’employeur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 20 mars 2013 à la suite d'une révision administrative;
CONFIRME que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie le 26 mai 2011 par monsieur Martial Parent, le travailleur, doit être imputé dans une proportion de 10 % au dossier financier de l’employeur et de 90 % aux employeurs de toutes les unités.
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur durant la période du 7 septembre au 30 octobre 2011.
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Jean Grégoire |
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Me Isabelle Montpetit |
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BÉCHARD, MORIN, AVOCATS |
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Représentante de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c.A-3.001.
[2] Rocoto limitée et Parent, C.L.P. 460613-02-1201, 26 juillet 2012, R. Bernard.
[3] 2013 QCCLP 6341.
[4] Centre d’éveil Devenir Grand, 2013 QCCLP 6610; Provigo Distribution (Division Maxi), 2013 QCCLP 6462; Arneg Canada inc., 2013 QCCLP 6474.
[5] Précitée, note 3.
[6] Service d’entretien Empro inc., C.L.P. 360660-31-0810, 23 avril 2009, J.-L. Rivard; Hôpital Laval, C.L.P. 356825-31-0808, 15 janvier 2009, M. Beaudoin; Commission scolaire des Samares, 2013 QCCLP 4572.
[7] Précitée, note 3.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.