Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Agropur Iberville (DFPF)

2013 QCCLP 6886

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

29 novembre 2013

 

Région :

Saint-Jean-sur-Richelieu

 

Dossier :

447309-62A-1108

 

Dossier CSST :

136195062

 

Commissaire :

Monique Lamarre, juge administratif

______________________________________________________________________

 

 

 

Agropur Iberville (DFPF)

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 25 avril 2012, Agropur Iberville (DFPF) (l’employeur), dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 20 mars 2012.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la contestation de l’employeur et déclare qu’il n’a pas droit à un transfert d’imputation des coûts afférents à la réclamation de madame Diane St-Jean (la travailleuse) pour une lésion professionnelle survenue le 5 juin 2010.

[3]           L’audience sur la requête en révision se tient devant la Commission des lésions professionnelles à Québec, le 10 septembre 2013, en présence de l’avocate de l’employeur qui est en visioconférence de Montréal. La cause est prise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           L’employeur demande de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 20 mars 2012, et de déclarer qu’il a droit à un transfert d’imputation des coûts relativement à la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 5 juin 2010, en vertu de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           Le tribunal siégeant en révision doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 20 mars 2012.

[6]           L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

____________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[7]           Le recours en révision ou en révocation est prévu à l’article 429.56 de la loi :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue :

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           Le recours en révision ou en révocation s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 de la loi est établi.

[9]           Aux fins de l’analyse de la présente requête, il y a lieu de préciser quant à l’expression « vice de fond ... de nature à invalider la décision » qu’elle a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[2] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de fait, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.

[10]        Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi.

[11]        Dans l’affaire C.S.S.T. et Fontaine[3], la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la notion de « vice de fond ». Elle réitère que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore d’interpréter différemment le droit. Elle établit également que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. Dans l’affaire Fontaine, comme elle l’avait déjà fait dans la cause TAQ c. Godin[4], la Cour d’appel invite et incite la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision.

[12]        Ainsi, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve et le droit de la même manière que celui-ci.

[13]        Il y a d’abord lieu de rapporter les faits suivants afin de situer le litige dont était saisi le premier juge administratif.

[14]        La travailleuse occupe l’emploi d’expert-ramasseur pour l’employeur. Ce travail consiste à faire la collecte du lait chez les fermiers producteurs au moyen d’un camion-citerne selon un trajet déterminé par l’employeur.

[15]        Le 5 juin 2010, elle subit un accident du travail alors qu’elle est au volant de son camion-citerne. Au moment de cet événement, elle roule sur la route 133 en direction de l’Ontario alors qu’une automobile venant en sens inverse dévie de sa voie pour se retrouver face à elle. Afin d’éviter l’impact, la travailleuse freine et change doucement de voie vers la gauche. Cependant, le véhicule venant en sens inverse frappe son camion du côté passager.

[16]        Le même jour, la policière appelée sur les lieux de l’accident remplit un rapport d’événement. Elle décrit comme suit l’accident :

Partie 1 a dévié dans la voie inverse, est passé devant partie 2 qui a évité la partie 1 en déviant à gauche. Partie 1 a heurté partie 2, côte à côte, côté passager. [sic]

 

 

[17]        Le 7 juin 2010, la travailleuse remplit une déclaration de l’événement sur un formulaire interne de l’employeur. Elle décrit qu’une auto venant en sens inverse a changé de voie pour arriver face à elle et qu’elle a alors freiné et déplacé son camion pour l’éviter, mais que l’auto a frappé le côté droit de son camion. Elle précise que le conducteur de l’auto a dit qu’il s’était endormi. Elle décrit essentiellement l’événement de la même façon dans le cadre de la réclamation qu’elle dépose à la CSST.

[18]        Le 20 juin 2010, elle remplit une déclaration écrite donnant davantage de détails sur l’événement. Elle précise, notamment, que l’accident est survenu vers 13 h sur une route qu’elle connaît bien puisqu’elle l’emprunte régulièrement. Sa citerne n’était pas remplie à capacité. Il tombait une pluie fine et il faisait sombre en raison du mauvais temps. Puis, elle réitère la même version de l’événement et ajoute avoir demandé des nouvelles de l’autre conducteur à la policière appelée sur les lieux de l’accident. Elle ajoute que la policière lui a précisé qu’il s’agissait d’une conductrice, qu’elle allait bien et qu’elle s’était endormie au volant.

[19]        À la suite de cet événement, la lésion diagnostiquée est une entorse dorsolombaire qui est acceptée par la CSST.

[20]        Le 28 décembre 2010, l’employeur dépose une demande de transfert d’imputation des coûts en vertu de l’article 326 de la loi invoquant que l’accident du travail est attribuable à un tiers et qu’il est injuste de lui imputer les coûts da la lésion professionnelle.

[21]        Le 30 juin 2011, la CSST rend la décision à l’origine du présent litige. Elle conclut que l’accident du travail est attribuable à un tiers, mais qu’il n’est pas injuste de faire supporter les coûts de cet accident à l’employeur puisqu’il fait partie des risques inhérents à la nature et à l’ensemble des activités de son entreprise.

[22]        En outre, dans le cadre de son analyse apparaissant aux notes évolutives, l’agente de la CSST indique qu’à l’appui de sa demande, l’employeur dépose deux décisions antérieures de la Commission des lésions professionnelles datées des 1er juin 2009 et 3 août 2010 acceptant des transferts d’imputation des coûts dans des cas de tiers et de somnolence au volant. Elle ajoute que, dans le présent cas, la travailleuse reprend les propos de la policière qui lui indique que la conductrice se serait endormie au volant, mais qu’aucun autre détail n’est donné à propos de cette information. Elle précise que le rapport de police n’en fait pas mention.

[23]        Dans une décision faisant suite à une révision administrative, la CSST confirme sa décision initiale.

[24]        C’est de ce litige dont est saisi le premier juge administratif. Il conclut que l’employeur n’a pas droit au transfert d’imputation des coûts de la lésion en raison du fait que l’accident est attribuable à un tiers.

[25]        Ce litige concerne l’application de l’article 326 de la loi qui se lit comme suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[26]        Après avoir rapporté l’essentiel des faits et exposé la règle de droit pertinente, le premier juge administratif retient d’abord qu’il ne fait aucun doute que l’accident est attribuable à un tiers.

[27]        Puis, il analyse s’il est injuste pour l’employeur de supporter les coûts de la lésion professionnelle. Il fait d’abord référence aux principes suivants retenus dans une décision rendue par un banc de trois juges administratifs dans l’affaire Ministère des Transports[5] :

[19]      Il en ressort que plusieurs facteurs peuvent être considérés en vue de déterminer si l’imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers, soit :

 

 

-              les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient;

 

-              les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, réglementaire ou de l’art;

 

-              les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi.

 

 

[28]        À ce propos, le premier juge administratif retient que l’employeur offrant des services de camionnage, les accidents occasionnels de la route impliquant des blessures à ses conducteurs font partie des risques inhérents à ses activités.

[29]        Il retient également que les circonstances de l’accident du travail survenu dans le présent cas, ne constituent pas un événement à caractère extraordinaire, inusité, rare ou exceptionnel puisque les probabilités qu’un semblable accident survienne sont prévisibles dans le domaine qu’exerce l’employeur. À ce propos, il retient ce qui suit :

[23]      La Commission des lésions professionnelles ne croit pas que les circonstances de l’accident survenu le 5 juin 2010 constituent un événement à caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel. Les probabilités qu’un semblable accident survienne sont prévisibles dans le domaine qu’exerce l’employeur.

 

[24]      La situation est différente des décisions produites par l’employeur3 dans lesquelles la preuve du sommeil du conducteur fautif a été établie à la suite de l’enquête d’un coroner.

 

[25]      Dans notre dossier, aucune preuve ne corrobore la déclaration de la travailleuse voulant que la conductrice de l’autre véhicule se soit endormie. Le rapport de police n’en fait pas état et la version de l’autre conductrice n’a pas été demandée.

 

[26]      La Commission des lésions professionnelles considère que la preuve ne révèle pas de façon probante que la conductrice de l’autre véhicule a eu un comportement qui a fait augmenter son risque d’avoir un accident comme c’était le cas dans une des deux décisions déposées par l’employeur alors que le conducteur n’avait pas dormis depuis de nombreuses heures.

 

[27]      Pour la Commission des lésions professionnelles, il s’agit d’un accident du travail déplorable, comme ils le sont tous, mais qui ne dépasse pas les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur pour qui une partie de celles-ci consiste à faire du transport sur les routes. Cette situation entraîne nécessairement des risques.

 

[28]      En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’il n’est pas injuste de faire supporter à l’employeur la totalité des coûts afférents à la réclamation de la travailleuse pour une lésion professionnelle survenue le 5 juin 2010.

______________

3     Transport Delson ltée, C.L.P. 350557-62C-0806, 1er juin 2009, C. Burdett; Sintra inc. (Travaux de Génie), C.L.P. 399081-03B-1001, 3 août 2010, G. Marquis.

 

 

[30]        La présente requête en révision ne concerne que l’aspect de la décision qui traite du caractère exceptionnel de l’événement. L’employeur invoque que le premier juge administratif commet une erreur manifeste dans l’interprétation de la preuve qui a un effet déterminant sur l’issue du litige.

[31]        Il lui reproche d’abord d’avoir omis de tenir compte d’une preuve non contredite au dossier selon laquelle la conductrice du véhicule se serait endormie au volant. Il reconnaît que cette preuve peut être qualifiée de ouï-dire puisqu’elle provient d’une déclaration de la travailleuse qui rapporte ce que la policière lui a dit. Cependant, il soutient que ce type de preuve est admissible en droit administratif et que le premier juge administratif ne pouvait l’écarter d’autant plus que cette version de la travailleuse a toujours été maintenue et qu’elle est confirmée, selon lui, par les circonstances entourant la survenance de l’événement.

[32]        Il soutient également que le premier juge administratif a commis une erreur dans l’appréciation du fardeau de preuve. Plus précisément, il invoque que les distinctions qu’il fait entre le présent cas et la jurisprudence qu’il dépose ne sont pas justifiées au regard de l’évaluation de la force probante de la preuve. Il affirme qu’on ne peut comprendre les nuances qu’il fait pour les distinguer et que la preuve par ouï-dire de la somnolence du tiers-conducteur a autant de force probante que lorsque cette hypothèse est soulevée dans le cadre d’un rapport de coroner comme c’est le cas dans ces décisions. Il soumet que le premier juge administratif commet une erreur manifeste quant au fardeau de preuve en exigeant de l’employeur une autre preuve que celle déjà au dossier alors qu’elle est admissible et établit de façon probante l’état de somnolence du tiers conducteur.

[33]        D’abord, en ce qui a trait à l’argument concernant l’admissibilité d’une preuve par ouï-dire, tel que le soutient l’employeur et qu’il est généralement reconnu par la jurisprudence[6], les règles de preuve en droit administratif sont plus souples qu’en droit judiciaire et elles permettent l’admission d’une telle preuve. Cependant, cette jurisprudence établit également que pour être valable, la preuve par ouï-dire doit avoir une valeur probante suffisante et qu’il revient au tribunal de l’apprécier, ce qu’a fait le premier juge administratif dans le présent cas.

[34]        L’employeur soutient que son interprétation des faits comporte une erreur manifeste en ce qu’il fait des distinctions non justifiées avec la jurisprudence qu’il dépose.

[35]        Avec respect, le tribunal siégeant en révision estime que l’employeur n’a pas démontré d’erreur manifeste. Cet argument vise directement l’appréciation de la preuve faite par le premier juge administratif. Par cet allégué, l’employeur impose, en quelque sorte, un carcan d’analyse en soumettant que la seule interprétation possible est celle qu’il soumet. Or, le premier juge administratif n’écarte pas de la preuve sans motivation. Il analyse les faits et la jurisprudence déposée par l’employeur et retient qu’elle se distingue du présent cas. On peut ne pas être d’accord avec son interprétation, mais il s’agit d’une issue possible.

[36]        Par ailleurs, il ressort des arguments de l’employeur que si le premier juge administratif avait admis la preuve par ouï-dire sur la question de la somnolence de la tierce conductrice, il n’aurait eu d’autre choix que de conclure à une situation rare inusitée et exceptionnelle donnant droit à un transfert d’imputation des coûts. Encore ici, l’employeur veut imposer sa propre interprétation de ce qui constitue une situation exceptionnelle.

[37]        Lorsqu’on lit la décision dans son ensemble, on comprend qu’après avoir analysé l’ensemble des circonstances entourant l’événement, le premier juge administratif retient plutôt une autre issue possible soit celle de conclure qu’elles ne constituent pas une situation exceptionnelle. Il retient plutôt qu’il s’agit d’un accident de travail déplorable, comme ils le sont tous, mais qui ne dépasse pas les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur qui consistent essentiellement à faire du transport routier.

[38]        Les reproches formulés par l’employeur concernent l’appréciation de la preuve au regard du caractère exceptionnel et inusité de l’accident du travail qui est un concept développé par la jurisprudence au fil des ans pour décider du caractère injuste de l’imputation, lorsque l’accident est attribuable à un tiers. Ce concept a notamment été repris par la Commission des lésions professionnelles dans la décision Ministère des Transports c. CSST[7], qui a été rendue par une formation de trois juges administratifs après une longue analyse de cette jurisprudence.

[39]        Les critères repris dans cette décision sont généralement suivis par le tribunal. Cependant, il y a lieu de rappeler que l’article de loi que le premier juge administratif est appelé à interpréter est l’article 326 et cette disposition ne fournit aucune grille d’analyse pour son application et ne fait pas référence au caractère rare, inusité et exceptionnel d’un événement pour décider de l’injustice ou non d’une imputation[8]. Il y a place à plusieurs interprétations et issues possibles, d’autant plus que le caractère exceptionnel d’un événement est un concept large développé par la jurisprudence qui laisse beaucoup de place à l’interprétation.

[40]        L’employeur n’est manifestement pas d’accord avec l’interprétation des faits retenus par le premier juge administratif. Il aurait souhaité qu’il retienne plutôt ses prétentions relativement au caractère exceptionnel de la situation. Cependant, la décision rendue par le premier juge administratif est une issue possible. Quoique la motivation soit succincte, la décision est intelligible et on en comprend bien les fondements.

[41]        Le tribunal siégeant en révision estime que la requête de l’employeur correspond à une demande de réappréciation de la preuve et du droit, ce qui n’est pas un motif donnant ouverture à la révision. N’ayant pas démontré que la décision comporte un vice de fond de nature à l’invalider, sa requête doit être rejetée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de Agropur Iberville (DFPF), l’employeur.

 

 

 

 

 

Monique Lamarre

 

 

 

Me Catherine Pronovost

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Voir notamment Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[3]          [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[4]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

[5]           C.L.P. 288809-03B-0605, 28 mars 2008, J.-F. Clément, D. Lajoie, J.-F. Martel.

[6]           Commonwealth Plywood ltée et Kellow, [2006] C.L.P. 209, requête en révision judiciaire rejetée, [2007] C.L.P. 323 (C.S.); Succession Fernand Brisson et Félix Huard inc., [2007] C.L.P. 1399, révision rejetée, 257429-01A-0503, 17 septembre 2008, C.-A. Ducharme; Ouellet et Michael Rossy ltée, 329021-61-0710, 11 juillet 2008, L. Nadeau.

[7]           Précitée note 5.

[8]           CUSM-Pavillon Hôpital Général de Montréal, C.L.P. 360345-71-0810, 21 octobre 2009, C. Racine; Bell Canada, C.L.P. 427071-71-1012, 13 janvier 2012, L. Nadeau.

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